Sublime

Burke En 1790, il publiera sesRéflexions sur la révolution de France, dans lesquelles il dit l’horreur que lui inspirent certaines scènes, particulièrement le 6 octobre 1 989, jour où la famille royale, otage de la « populace dût quitter Versailles pour se rendre, prisonnière, au Louvre. Dans le texte de 1757, Burke considérait pourtant dans rhorreur l’un les ressorts du sublime ; il ne lui vient pourtant pas à l’esprit de juger sublime la révolution française.

En tant qu’animal social, il se trouve trop intéressé par cet événement pour le considérer avec la distance du ésintéressement esthétique. Les valeurs esthétiques ne valent que dans le monde de la fiction, et perdent leur sens dans la réalité. C’est ainsi spectateur qui la con du rivage. « Le sublime, écrit Lo 9 p g e que pour le é, depuis les falaises une grande âme, megalophrosunês apêkhêma, c’est-a-dire retentissement, écho » Le beau comme le sublime sont des événements qui s’imposent à la pensée et nullement des concepts qu’elle serait en mesure de construire a priori.

La formation du goût dépend donc de la violence des impressions, et tout particulièrement de celle es premières impressions, que Ihabitude n’a pas eu le temps d’émousser : l’esthétique du sublime nous transporte en revanche dans des paysages sauvages, loin de la société des hommes, nourrit un génie à la fois mélancolique et misanthrope qui se complaît dans le spectacle de l’inhumain et de la terreur.

Ceci nous permet de comprendre pourquoi la partie la plus novatrice du texte de Burke se trouve bien évidemment dans sa théorie du sublime, qui invente, ou du moins donne pour la première fois une forme précise au goût nouveau, que Longin dans l’antiquité avait su évoquer Il n’en va pas de même du sublime, dont la caractéristique est plutôt de se porter vers l’absence d’objet, ou du moins vers l’absence d’objet déterminable, vers l’indistinct plutôt que le distinct, vers le difforme plutôt que vers la forme, vers l’infini ou du moins l’indéfini plutôt que vers le défini et le limité.

Bref, vers le chaos plutôt que vers l’ordre. A Popposé de l’esthétique du beau, qui est une esthétique objective de définition et de détermination, l’esthétique du sublime est irréductiblement subjective, et reste dans l’indétermination de son objet : en définissant son objet, en le ettant en lumière, elle lui ôterait immédiatement son caractère sublime (« Une idée claire ne signifie donc rien dautre qu’une petite idée » Si le beau est une valeur qui excite l’imagination des voyants, le sublime est un infini qui résonne dans l’imagination des aveugles. sublime burkien est une esthétique du cauchemar, et il n’est pas interdit de penser ici au célèbre tableau de Füssli, Le Cauchemar (1781, Détroit), où l’on voit une jeune fille endormie sur le point de glisser et de tomber de son lit, tandis qu’un incube, accroupi sur son ventre, pèse de tout son poids et qu’un cheval ‘enfer, aux yeux de feu, survient pour emporter sa victime dans l’au-delà. ‘esthétique du sublime est en revanche une esthétique de la démesure et de fextrême : elle se porte au limite de la représentation, aux confins du visible, dans une infinité sans objet qui nous fait pressentir, au-delà de la vie, le néant lg confins du visible, dans une infinité sans objet qui nous fait pressentir, au-delà de la vie, le néant de la mort . L’art du sublime se porte à la frontière, sur la ligne de front où le discours touche à finnommable, le dicible à l’indicible.

A ‘esthétique de la juste mesure ou du juste milieu, qui se réclame des notions d’harmonie et d’équilibre des proportions, Longin oppose une esthétique de la démesure Un axe de pertinence3 A l’origine, c’est-à-dire au milieu des années 1990, la volonté de théoriser la notion d’intermédialité naît d’un désir de considérer les relations entre les médias comme un objet d’étude à part entièrel . ?ric Méchoulan explique Le préfixe inter vise à mettre en évidence un rapport inaperçu ou occulté, ou, plus encore, à soutenir l’idée que la relation est par rincipe première : là où la pensée classique voit généralement des objets isolés qu’elle met ensuite en relation, la pensée contemporaine insiste sur le fait que les objets sont avant tout des nœuds de relations, des mouvements de relation assez ralentis pour paraître immobiles2.

Cintérêt des chercheurs s’inscrivant dans cette perspective est alors moins porté sur le contenu d’une forme de création strictement circonscrites, que sur ce qui se joue entre les éléments qui la composent ou entre les différentes types de production avec lesquels elle s’articule. L’intermédialité n’est onc pas pensée comme une propriété relative à un objet, mais comme correspondant à un changement de perspective de la part du chercheur/de celui qui observe le monde4. Au départ, il y a donc un enjeu épistémologique.

En effet, la création de ce concept constitue, une réponse stratégique5 à l’hyperspécialisatian des la création de ce concept constitue, une réponse stratégiques ? l’hyperspécialisation des disciplines dans le domaine des humanités. À la fin du vingtième siècle, la « spécialité » d’un chercheur se définit généralement par le choix d’un médium, ‘une période, d’un style et d’une aire géographique. L’appellation donnée aux départements universitaires, l’intitulé des chaires de recherches et jusqu’à la définition des sujets de thèses, sont symptomatiques d’une telle tendance à une segmentation.

Jürgen E. Muller explique : dans rhistoire de la culture occidentale, il est convenu depuis des siècles de regarder les œuvres d’art et les textes médiatiques comme des phénomènes isolés, qui doivent être analysés séparément6. L’approche intermédiale postule que ces manières de faire — si elles sont parfois nécessaires — conduisent bien souvent ? anquer une grande partie de la complexité de l’environnement culturel et social dans lequel nous évoluons7.

Il ne s’agit pas de tout compliquer, mais de faire un pas de côté. Celui-ci nécessite d’être capable d’analyser plusieurs types de médias (les spécificités propres à chacun d’entre eux devant être prises en compte) et de mener une démarche pluridisciplinaire (en effet, pour étudier ces relations plusieurs points de vue sont à adopter). La notion d’intermédialité constitue aussi une réponse stratégique à la très grande centralité occupée par l’analyse du contenu des textes écrits.

Au départ, il s’agissait, entre autres choses, de renouveler les méthodologies mises en place dans les départements d’étude littéraire et de littérature comparée. L’intermédialité visait ainsi à reformuler les enjeux des approches intertextuelles. Si le vocable « texte » ent 4 OF lg Cintermédialité visait ainsi à reformuler les enjeux des approches intertextuelles. Si le vocable « texte » entendu dans un sens élargi peut renvoyer à un film, à un son, à une représentation théâtrale ou à une image, son usage est considéré comme symptomatique d’une forme de biais dans l’analyse.

L’usage du terme média est alors préféré, car il permet d’insister sur la nécessite de porter une attention plus grande aux caractéristiques techniques* et à la matérialité* de productions culturelles étudiées. Il s’agit ainsi d’accorder une égale importance au contenu de l’artefact analysée – production de sens -et à la manière dont celui-ci est mise en forme sur un support donné* – production de présence8. L’intermédialité s’inscrit ainsi dans un déplacement historiographique courant sur l’ensemble du vingtième siècle.

Celui-ci a vu l’étude des relations entre les textes intertextualité9*), puis entre les discours (interdiscursivité10*), remplacer une approche centrée sur le texte, avant que n’arrive donc Fère intermédiale. Cette tendance voit progressivement une attention portée sur le support médiatique, se substituer à un regard principalement centré sur les relations entre les textes. L’intermatérialité*, dont l’étude est en germe au début du vingt-et-unlème siècle, notamment à Berne, constitue un nouveau déplacement du texte à la matérialitél 1.

Cette dernière notion est complémentaire de celle d’intermédialité, Thomas StrassIe12 expliquant . ? [qu’il] ne veut plus interroger uniquement la matérialité spécifique des médias artistiques, mais aussi leur intermatérialité – autrement dit les modes possibles d’interaction, de transfert et d’interférence de différents matériaux possibles d’interaction, de transfert et d’interférence de différents matériaux dans les médias artistiques13.

Pour revenir sur la définition de la notion intermédialité, il s’agit de constater que si l’usage du terme média a certainement favorisé la circulation du concept14, il en a également rendu la définition intrinsèquement plurielle. En effet, il n’y a pas e consensus chez les chercheurs qui font usage du terme intermédialité, sur une acception du terme média*. Afin de simplifier les choses, il est possible d’identifier trois référents distincts 1/ Un média est une production culturelle singulière (celle-ci peut alors être considéré ou non comme étant une œuvre d’art). / Un média équivaut à une série culturelle qui a acquis un certain degré d’autonomie. André Gaudreault explique, que pour exister un média suppose régulation, régularisation et consolidation des rapports entre les intervenants (stabilité), élection de pratiques qui ppartiendraient en propre au média en question, le différenciant des autres médias (spécificité), et instauration de discours et de mécanismes sanctionnant lesdits rapports et pratiques (légitimité)15. / un média correspond au moyen nécessaire à une mise en relation inscrite dans un milieu. Éric Méchoulan écrit : e médium est donc ce qui permet les échanges dans une certaine communauté à la fois comme dispositif sensible (pierre, parchemin, papier, écran cathodique sont des supports médiatiques) et comme milieu dans lequel les échanges ont lieu16.

Ces trois définitions – évidemment complémentaires – du terme édia renvoient au moins à quatre acceptions différentes du champ d’application de l’intermédialité 1/ Si un média est une producti 6 OF lg différentes du champ d’application de l’intermédialité : 1/ Si un média est une production culturelle, l’intermédialité peut se donner comme objet d’étudier ce qui se joue entre les différents médias qui constituent cette forme singulière.

Le point de vue est alors synchronique. La notion clef à travailler est ici celle de coprésence17. 1’/ Si un média est une production culturelle, Pintermédialité peut également tenter de saisir la manière dont une forme singulière st liée à d’autres formes qui lui sont contemporaines ou antérieures. Le point de vue est alors diachronique. La notion clef à travailler est ici celle de transfert 18. / Si un média équivaut à une série culturelle qui a acquis un certain degré d’autonome, l’intermédialité peut se donner comme objet de comprendre ces dynamiques de distinctions entre médias. La notion clef est alors celle d’émergence. 3/ Si un média correspond à une mise en relation inscrite dans un milieu, les choses se compliquent (encore un peu) puisque ce sont des relations entre des productions culturelles qui créé elles êmes du lien qu’il s’agit d’analyser comme constitutives du vivre ensemble.

La suite de ce texte se consacre à l’étude problématisée des quatre notions identifiées ici : coprésence, transfert, émergence et milieu. Cela conduira à identifier soixante termes clefs associés à celui d’intermédialité (cf. index). Au risque de faire émerger des paradoxes, le choix consistant à proposer dans les pages suivantes des champs d’investigation qui se recoupent et des définitions qui s’entrecroisent, vise à rendre compte de l’impossibilité d’une définition totalisante de cette approche.

Il s’agit de faire avec l’incomplétude et la polysémie, définition totalisante de cette approche. Il s’agit de faire avec l’incomplétude et la polysémie, car elles sont constitutives de la manière dont la notion a circulé depuis une quinzaine d’années (1999-201419 Cela entre en écho avec une dimension à la base de la notion, soit le refus visiblement largement partagé par les chercheurs l’ayant (re)fondée, de la faire correspondre à un système explicatif global des relations entre les médias.

Cela est particulièrement manifeste dans le choix du sous-titre du premier rticle du premier numéro de la revue Intermédialité : les illusions perdues (Éric Méchoulan, 2003). Müller indique lui qu’il s’agit de considérer « Pintermédialité comme un axe de pertinence historique »20. Si les usages faits de la notion ne sont pas exempts de tendance à l’abstraction, il y a un souhait commun à la plupart des chercheurs de l’utiliser pour mener des études de cas ayant pour objet des corpus strictement définis.

Dans la mesure du possible, nous suivrons ici c ette manière de faire en essayant de toujours appuyer nos observations générales portant ur la notion, sur des exemples concrets. La coprésence À la différence des notions de transfert, d’émergence et de milieu, le terme de coprésence mène à appréhender le concept d’intermédialité comme permettant d’analyser une forme singulière de manière synchronique.

En effet, considérée dans un sens restrictif, l’intermédialité consiste à étudier la présence au sein d’un artefact21 donné de formes relevant, au départ, de médias différents. Le niveau minimum d’intégration d’un média à un autre est la référence* ou la citation. Par exemple, le titre d’un film ou un xtrait de dialogue peut être mentionné (e BOF lg Par exemple, le titre d’un film ou un extrait de dialogue peut être mentionné (explicitement ou non) dans un roman.

Il est alors possible de considérer que cette forme devient intermédiale. Pour autant, c’est surtout le regard porté par le chercheur qui la constitue en tant que telle. En identifiant des effets de sens spécifiquement produits par cette intégration, le chercheur propose une interprétation intermédiale. Par exemple, dans le documentaire Cheminots (2009), de Luc Ioulé et Sébastien Jousse des employés des chemins de fer sont ilmés regardant en groupe le film de fiction de Ken Loach The Navigators (2001 )22.

Militant, ce dernier porte sur les difficiles conditions de la privatisation du rail en Angleterre. Il est possible de se concentrer sur le message politique que le réalisateur cherche ici a transmettre en proposant ce face à face entre syndicalistes français (dans le documentaire) et anglais (dans la fiction23). Il est aussi possible faire porter l’analyse sur le caractère médiatique de ce face à face24 une approche intermédiale s’interrogera plutôt sur les implications du dispositif filmique proposé25.

Elle visera à saisir l’effet provoqué par l’intégration d’un écran de projection dans le film (The Navigators est diffusé à raide d’un vidéoprojecteur). Elle tentera, par ailleurs, de discerner ce qui relève du temps du tournage (place de l’opérateur, choix de cadrage, point de vue, etc. ) et de celui du montage (ici, choix d’un montage en champ/ contrechamp). Il est notamment possible de remarquer que si le film diffusé aux cheminots est sous-titré en français, le son qui est entendu par le spectateur du documentaire est lui en français (et non anglais). II y a donc eu