La narratologie Par Lucie Guillemette et Cynthia Lévesque Université du Québec à Trois-Rivières lucie_guillemette@uqtr. ca 1. RÉSUMÉ GENETTE Gérard Genette pour bien cerner l’apport de la narratologie, il importe de saisir la distinction entre trois entités fondamentales : l’histoire, le récit et la narration. Globalement, l’histoire correspond à une suite d’événements et d’actions, racontée par quelqu’un, c’est-à-dire le narrateur, et dont la représentation finale engendre un récit.
De fait, la narratologie e internes d’un récit, lu L’étude du discours d de composition des t or20 Sni* to View e les mecanlsmes histoire narrée. s principes communs ent à l’universalité. On tente ainsi de voir les relations possibles entre les éléments de la triade récit/histoire/narration. Ces relations prennent forme, notamment, au sein de quatre catégories analytiques : le mode, l’instance narrative, le niveau et le temps. 2. THEORIE top 2. ORIGINE ET FONCTION Les travaux de Gérard Genette (1972 et 1983) s’inscrivent dans la continuité des recherches allemandes et anglo-saxonnes, et se veulent à la fois un aboutissement et un renouvellement de ces critiques narratologiques. Rappelons que l’analyse nterne, à l’instar de toute analyse sémiotique, présente deux caractéristiques. CYune part, elle s’intéresse aux récits en tant qu’objets linguistiques indépendants, détachés de leur contexte typologie rigoureuse, Genette établit une poétique narratologique, susceptible de recouvrir l’ensemble des procédés narratifs utilisés.
Selon lui, tout texte laisse transparaître des traces de la narratlon, dont l’examen permettra d’établir de façon précise l’organisation du récit. L’approche préconisée se situe, évidemment, en deçà du seuil de l’interprétation et s’avère plutôt ne assise solide, complémentaire des autres recherches en sciences humaines, telles que la sociologie, l’histoire littéraire, l’ethnologie et la psychanalyse.
REMARQUE : LA NARRATOLOGIE : ENTRE LE TEXTUALISME ET LA PRAGMATIQUE Prenant la forme d’une typologie du récit, la narratologie élaborée par Gérard Genette se pose aux yeux de maints spécialistes de la question comme un appareil de lecture marquant une étape importante dans le développement de la théorie littéraire et de l’analyse du discours. En faisant de la voix narrative une notion autour de laquelle s’articulent toutes les autres catégories, ‘auteur fait du contexte de production d’un récit une donnée fondamentale. 2. LE MODE NARRATIF L’écriture d’un texte implique des choix techniques qui engendreront un résultat particulier quant à la représentation verbale de l’histoire. C’est ainsi que le récit met en œuvre, entre autres, des effets de distance afin de créer un mode narratif précis, qui gère la « régulation de l’information narrative » fournie au lecteur (1972 : 184). Selon le théoricien, tout récit est obligatoirement diégésis (raconter), dans la mesure où il ne peut atteindre qu’une illusion de mimésis (imiter) en rendant l’histoire éelle et vivante.
De sorte, tout récit suppose un narrateur. Pour Genette, donc, un récit ne eut véritab PAGF OF vivante. De sorte, tout récit suppose un narrateur. Pour Genette, donc, un récit ne peut véritablement imiter la réalité ; il se veut toujours un acte fictif de langage, aussi réaliste soit-il, provenant d’une instance narrative. « Le récit ne représente » pas une histoire (réelle ou fictive), il la raconte, c’est-à-dire qu’il la signifie par le moyen du langage Il ny a pas de place pour Himitation dans le récit [ … . » (1983 : 29) Ainsi, entre les deux grands modes narratifs traditionnels que sont a diégésis et la mimésis, le narratologue préconise différents degrés de diégésis, faisant en sorte que le narrateur est plus ou moins impliqué dans son récit, et que ce dernier laisse peu ou beaucoup de place à pacte narratif. Mais, insiste-t-il, en aucun cas ce narrateur est totalement absent. 2. 2. 1 LA DISTANCE L’étude du mode narratif implique l’observation de la distance entre le narrateur et l’histoire.
La distance permet de connaître le degré de précision du récit et l’exactitude des informations véhiculées. Que le texte soit récit d’événements (on raconte ce ue fait le personnage) ou récit de paroles (on raconte ce que dit ou pense le personnage), il y a quatre types de discours qui révèlent progressivement la distance du narrateur vis-à-vis le texte (1972 : 191) : 1 . Le discours narrativisé : Les paroles ou les actions du personnage sont intégrées à la narration et sont traitées comme tout autre événement (- distant).
Exemple : Il s’est confié à son ami ; il lui a appris le décès de sa mère. 2. e discours transposé, style indirect : Les paroles ou les actions du personnage sont rapportées ar le narrateur, qui les présente selon son interprétation PAGF apportées par le narrateur, qui les présente selon son interprétation + distant). Exemple : Il s’est confié à son ami ; il lui a dit que sa mère était décédée. 3.
Le discours transposé, style indirect libre : Les paroles ou les actions du personnage sont rapportées par le narrateur, mais sans l’utilisation d’une conjonction de subordination (+ – distant). Exemple : Il s’est confié à son ami : sa mère est décédée. 4. Le discours rapporté : Les paroles du personnage sont citées littéralement par le narrateur (4 distant). Exemple : Il s’est confié à son ami. Il lui a dit : « Ma mère est décédée. » 2. 2. FONCTIONS DU NARRATEUR À partir de la notion de distance narrative, Genette expose les fonctlons du narrateur en tant que telles (1972 : 261).
En effet, il répertorie cinq fonctions qui exposent également le degré d’intervention du narrateur au sein de son récit, selon l’impersonnalité ou l’implication voulue. 1. La fonction narrative : La fonction narrative est une fonction de base. Dès qu’il y a un récit, le narrateur, présent ou non dans le texte, assume ce rôle (impersonnalité). 2. La fonction de régie : Le narrateur exerce une fonction de régie lorsqu’il commente l’organisation et l’articulation de son texte, en ntervenant au sein de rhistoire (implication). . La fonction de communication : Le narrateur s’adresse directement au narrataire, u lecteur potentiel vis-a-vis les événements, ses sources d’informations, etc. Cette fonction apparait également lorsque le narrateur exprime ses émotions par rapport à l’histoire, la relation affective qu’il entretient avec elle (implication). 5. La fonction idéologique : Le narrateur interrompt son histoire pour apporter un propos didactique, un savoir général qui concerne son récit (implication).
Le mode narratif de la diégésis s’exprime donc à différents egrés, selon l’effacement ou la représentation perceptible du narrateur au sein de son récit. Ces effets de distance entre la narration et l’histoire, notamment, permettent au narrataire d’évaluer l’information narrative apportée, « comme la vision que j’ai d’un tableau dépend, en précision, de la distance qui m’en sépare » (1972 : 184) 2. 3 L’INSTANCE NARRATIVE L’instance narrative se veut l’articulation entre (1) la voix narrative (qui parle ? , (2) le temps de la narration (quand raconte-t-on, par rapport à fhistoire ? ) et (3) la perspective narrative (par qul perçoit-on ? ). Comme pour le mode narratif, ‘étude de l’instance narrative permet de mieux comprendre les relations entre le narrateur et l’histoire à Vintérieur d’un récit donné. 2. 3. 1 LA VOIX NARRATIVE Si le narrateur laisse paraitre des traces relatives de sa présence dans le récit qu’il raconte, il peut également acquérir un statut particulier, selon la façon privilégiée pour rendre compte de l’histoire. ? On distinguera donc ici deux types de récits : l’un à narrateur absent de l’histoire qu’il raconte l’autre ? narrateur présent comme personnage dans l’histoire qu’il raconte Je nomme le premier ty e our des raisons évidentes, étérodiéeétique, et le se PAGF s OF Je nomme le premier type, pour des raisons évidentes, hétérodiégétique, et le second homodlégétlque. » (1972 : 252) En outre, si ce narrateur homodiégétique agit comme le héros de l’histoire, il sera appelé autodiégétique. 2. 3. LE TEMPS DE LA NARRATION Le narrateur est toujours dans une position temporelle particulière par rapport à l’histoire qu’il raconte. Genette présente quatre types de narration : 1. La narratlon ultérieure : Il s’agit de la position temporelle la plus fréquente. Le narrateur raconte ce qui est arrivé dans un passé lus ou moins éloigné. 2. La narration antérieure : Le narrateur raconte ce qui va arriver dans un futur plus ou moins éloigné. Ces narrations prennent souvent la forme de rêves ou de prophéties. 3.
La narration simultanée : Le narrateur raconte son histoire au moment même où elle se prodult. 4. La narration intercalée : Ce type complexe de narration allie la narration ultérieure et la narration simultanée. Par exemple, un narrateur raconte, après-coup, ce qu’il a vécu dans la journée, et en même temps, insère ses impressions du moment sur ces mêmes évenements. 2. 3. 3 LA PERSPECTIVE NARRATIVE Une distinction s’impose entre la voix et la perspective narratives, cette dernière étant le point de vue adopté par le narrateur, ce que Genette appelle la focalisation. ? Par focalisation, j’entends donc bien une restriction de » champ « , c’est-à-dire en fait une sélection de l’i rrative par rapport ? celui qui raconte, et inversement. Le narratologue distingue trois types de focalisations . 1. La focalisation zéro : Le narrateur en sait plus que les personnages. Il peut connaître les pensées, les faits et les gestes de tous les protagonistes. C’est le traditionnel « narrateur-Dieu ». 2. La focalisation interne : Le narrateur en sait autant que le personnage focalisateur. Ce dernier filtre les informations qui sont fournies au lecteur.
Il ne peut pas rapporter les pensées des autres personnages. 3. La focalisation externe : Le narrateur en sait moins que les personnages. Il agit un peu comme l’œil d’une caméra, suivant les faits et gestes des protagonistes de l’extérieur, mais incapable de deviner leurs pensées. L’approfondissement des caractéristiques propres à l’instance narrative, autant que celles du mode narratif, permet de clarifier les mécanismes de l’acte de narration et d’identifier précisément es choix méthodologiques effectués par l’auteur pour rendre compte de son histoire.
L’utilisation de l’un ou l’autre de ces procédés narratologiques contribue à créer un effet différent chez le lecteur. Par exemple, la mise en scène d’un héros-narrateur (autodiégétique), utilisant une narration simultanée et une focalisation interne, et dont les propos seraient fréquemment présentés en discours rapportés, contribuerait sans aucun doute à produire une forte illusion de réalisme et de vraisemblance. 2. 4 LES NIVEAUX Ces divers effets de lecture sont le fait de la variation des niveaux arratifs, traditionnellement appelés les emboîtements. ? l’intérieur d’une intrigue princi ale l’auteur peut insérer d’autres petits récits enchâssés, ra utres narrateurs, avec PAGF 7 OF l’auteur peut insérer d’autres petits récits enchâssés, racontés par d’autres narrateurs, avec d’autres perspectives narratives. Il s’agit d’une technique plutôt fréquente, permettant de diversifier Pacte de narration et d’augmenter la complexité du récit. 2. 41 LES RÉCITS EMBOÎTÉS La narration du récit principal (ou premier) se situe au niveau extradiégétique. L’histoire événementielle narrée à ce premier iveau se positionne à un second palier, appelé intradiégétique.
De fait, si un personnage présent dans cette histoire prend la parole pour raconter à son tour un autre récit, l’acte de sa narration se situera également à ce niveau intradiégétique. En revanche, les événements mis en scène dans cette deuxième narration seront métadiégétiques. Exemple (fictif) : Aujourd’hui, j’ai vu une enseignante s’approcher d’un groupe d’enfants qui s’amusaient. Après quelques minutes, elle a pris la parole : « Les enfants, écoutez bien, je vais vous raconter une incroyable histoire de courage qui est arrivée il y a lusieurs centaines d’années, celle de Marguerite Bourgeois… ? Le tableau qui suit présente les niveaux narratifs dans un récit. Les niveaux narratifs dans un récit OBJETS NIVEAUX CONTENUS NARRATIFS Intrigue principale Extradiégétique Narration homodiégétique je b) Histoire événementielle 8 OF métalepse, qui consiste en la transgression de la frontière entre deux niveaux narratifs en principe étanches, pour brouiller délibérément la frontière entre réalité et fiction. Ainsi la métalepse est-elle une façon de jouer avec les varlations de niveaux narratifs pour créer un effet de glissement ou de romperie.
Il s’agit d’un cas où un personnage ou un narrateur situé dans un niveau donné se retrouve mis en scène dans un niveau supérieur, alors que la vraisemblance annihile cette possibilité. Tous ces jeux manifestent par l’intensité de leurs effets l’importance de la limite qu’ils [les auteurs] s’ingénient ? franchir au mépris de la vraisemblance, et qui est précisément la narration (ou la représentation) elle-même ; frontière mouvante mais sacrée entre deux mondes : celui où l’on raconte, celui que l’on raconte. ? (1972 : 245) Pour reprendre l’exemple précédent, l’intervention du arrateur homodiégétique de l’intrigue principale dans l’histoire métadiégétique de Marguerite Bourgeois serait un cas de métalepse. Marguerite Bourgeois est une héroïne du 17ème siècle, qui a fondé la Congrégation Notre-Dame, à Montréal, pour l’instruction des jeunes filles. Il est ainsi impossible que le narrateur contemporain (« aujourd’hu ») se retrouve mlS en scène dans cette histoire enchâssée, campée en Nouvelle-France. . 5 LE TEMPS DU RÉCIT On a vu que le temps de la narration concernait la relation entre la narration et l’histoire : quelle est la position temporelle du narrateur par rapport aux faits racontés ? Genette se penche également sur la question du temps du récit : comment l’histoire est_elle présentée en regard du récit en entier, du résultat final ? Une fois de p présentée en regard du récit en entier, c’est-à-dire du résultat final ?
Une fois de plus, plusieurs choix méthodologiques se posent aux écrivains, qui peuvent varier (1) l’ordre du récit, (2) la vitesse narrative et (3) la fréquence événementielle afin d’arriver au produit escompté. ’emploi calculé de ces techniques permet au narrataire d’identifier les éléments narratifs jugés prioritaires par les auteurs, ainsi que d’observer la structure du texte et son rganisation. 2. 5. 1 L’ORDRE L’ordre est le rapport entre la succession des événements dans l’histoire et leur disposition dans le récit. n narrateur peut choisir de présenter les faits dans l’ordre où ils se sont déroulés, selon leur chronologie réelle, ou bien il peut les raconter dans le désordre. Par exemple, le roman policier s’ouvre fréquemment sur un meurtre qu’il faut élucider. On présentera par la suite les événements antérieurs au crime, les faits survenus qui permettent de trouver l’assassin. Ici, l’ordre réel des évenements ne correspond pas à leur représentation dans le récit. Le brouillage de l’ordre temporel contribue à produire une intrigue davantage captivante et complexe.
Genette désigne ce désordre chronologique par anachronie. Il existe deux types d’anachronie . 1 . L’analepse : Le narrateur raconte après-coup un événement survenu avant le moment présent de l’histoire principale. Exemple (fictif) : Je me suis levée de bonne humeur ce matin. J’avais en tête des souvenirs de mon enfance, alors que maman chantait tous les matins de sa voix rayonnante. 2. La prolepse : Le narrateur anticipe des événements qui se produiront après la fin de l’histoire rincipale.