LE MYTH 2

Mythe et hypertextualité MYTHE Moi-même ! Mythe et hypertextu Tandis que le concep sur les phénomènes champ littéraire, la c or 14 to nextÇEge e à une réflexion ce au sein du itiques, tels que l’étude du mythe en litt rature compar e ou la mythocritique et ses prolongations mythanalytiques, se concentrant sur la présence active du mythe dans les œuvres de culture, pose la question de la spécificité du rapport du mythe au texte littéraire.

S’agit-il d’une coupe arbitraire dans le domaine de l’intertextualité, que seule une valorisation du mythe externe à la littérature viendrait justifier? L’introduction de Mythologie et intertextualité[i] semble confirmer ce point de vue. En effet, Marc Eigeldinger énumère les domaines d’emprunt possibles champs littéraire, artistique, mythique, biblique, philosophique mais sans définir une spécificité du mythe parmi les formes de l’intertextualité.

Cependant, à l’inverse, Jacqueline Thibault Schaefer, dans son article «Récit mythique et transtextualité»[ii], montre, en s’appuyant sur la classification proposée par Genette dans Palimpsestes et à travers l’étude du mythe de Tristan et formes, à la fois réductible et extensible, paraît doté d’une apacité transtextuelle optimale[iii]. ? Ces particularités impliquent, en outre, des modalités spécifiques d’apparition du mythe dans un texte: la notoriété comme la multiplicité des variantes font de la reprise de syntagmes caractéristiques le mode privilégié de la relation. Il ne s’agit pas tant, dès lors, d’une relation inter-textuelle, que d’une relation entre un texte et une nébuleuse mythique préexistant à l’écriture, puis formée de textes et d’œuvres picturales constitués dans la mémoire culturelle en un modele mythique dont la source textuelle est introuvable.

Le mode paradigmatique de l’intertextualité, la ation, devient problématique, et par sa logique même de reprise et de varlation, le mythe comme intertexte ne peut être considéré simplement comme texte-source ou domaine d’emprunt: si toute reprise d’un texte par un autre tend à changer l’interprétation du texte-source, ici, c’est le mythe en lui-même qui est modifié, toute reprise du mythe, hypotexte ou métatexte, étant aussitôt englobée dans le «texte» mythique. Cest cet effet de feed-back qui sera interrogé, dans les rapports qu’il créée entre le mythe et le concept d’hypertextualité.

L’étude du mythe en littérature comparée et la mythocritique osent la question du repérage de l’élément mythique dans un texte et de l’appréciation de ses transformations. Pierre Brunel, à travers l’établissement des trois critères d’irradiation, d’émergence et de flexibilité[iv], et Gilbert Durand, par la reprise, du concept de mythème forgé par Lévi-Strauss[vl, proposent ainsi des outils permettant de contourner la difficulté du recours à la citation dans le cadre de l’intertextualité mythique. Il s’agit, puisq 12 difficulté du recours à la citation dans le cadre de l’intertextualité mythique.

Il s’agit, puisque la seule apparition d’un nom propre eut être purement décorative ou fallacieuse, d’élaborer un scénario mythique essentiel, un syntagme minimal assurant l’identification et dont la modification en contexte permettra d’apprécier la transformation du mythe, soit par contamination avec un autre mythe, soit par disparition ou inflation d’un des éléments constitutifs. L’accent est ainsi mis sur la dynamique de transformation du mythe, dans un jeu dialectique de variables et de constantes. Or, un processus similaire régit la formation du mythe ethno-religieux.

En effet, si Eliade définit avant tout le mythe comme un récit fondateur[vi], et donc par ses traits émantiques, ce qui implique une posslbillté de reconnalssance du mythe hors de tout contexte, Detienne, par exemple, place la «tradition aurale[vii]» au fondement de l’identité du mythe qui se trouve ainsi créé par le phénomène de la transmission elle- meme: les paroles transmises et les récits connus de tous sont fondés sur l’écoute partagée; ils ne retiennent, ils ne peuvent retenir que des pensées essentielles, ironiques ou graves, mais toujours façonnées par l’attention prolongée d’un groupe humain, rendu homogène et comme présent à soi-même par la mémoire de énérations confondues[viii]. Faire de la tradition le fondement du mythe, c’est refuser une définition a priori de son contenu, c’est refuser de le considérer comme classe de textes, récit parmi les récits: « reconnaître dans le mythisme un des phénomènes majeurs de la mémorabilité dans une culture de parole, c’est commencer de mettre entre parenthèses le mythe comme un genre littéraire ou comme un type de récit dét mettre entre parenthèses le mythe comme un genre littéraire ou comme un type de récit déterminé[ix]».

Detienne reprend donc le concept de mythisme élaboré par Lévi-Strauss: le aractère mythique d’un texte est dégagé par l’usure des niveaux probabilistes du récit qui appartiennent en propre à chaque conteur, usure dégageant les niveaux structurés stables qui reposent sur des fondations communes[x]. Si «le mémorable est un savoir au présent, procédant par réinterprétations mais dont les variations incessantes ne sont pas perceptibles au- dedans de la tradition parlée[xi]», au moment où l’écrit devient le mode de transmission dominant, les différentes versions du mythe coexistent et une logique de l’accumulation prend la place de la logique de la substitution. La question est alors de savolr si ‘entrée du mythe dans une littérature écrite et la perte parallèle de la croyance dans les mythes changent en profondeur les modes de reprise et de transformation du mythe.

Selon Jean- Jacques Wunenburger, il n’en est rien: la démythification du mythe par les sciences humaines contribue même à la survie du mythe, considéré dans son essence comme « »mytho-phorique », c’est-à-dire condamné, comme l’image dans la métaphore, au déplacement, au transport[xii]. » Mettant lui aussi l’accent sur le caractère constitutif de la transmission mythique[xiii], Wunenburger définit trois modes de transformation ccompagnant le passage du mythe traditionnel au mythe littéraire: la réanimation herméneutique, le bricolage mythique et la transfiguration baroque, soit la reprise du sens du mythe dans un nouveau contexte culturel de réception, la réorganisation de l’architecture narrative du mythe et sa réécriture ludique[xiv]. La logique de la reprise transfo 2 de l’architecture narrative du mythe et sa réécriture ludique[xiv]. La logique de la reprise transformatrice supv’it à la croyance.

Une fois disparue la croyance dans le mythe, les modalités de la transformatlon mythique définies par Wunenburger ne se istinguent guère de l’hypertextualité étudiée par Gérard Genette dans Palimpsestes: J’entends par là toute relation unissant un texte 3 (que j’appellerai hypertexte) à un texte antérieur A (que j’appellerai, bien sûr, hypotexte) sur lequel il se greffe d’une manière qui n’est pas celle du commentaire. B ne parle nullement de A, mais ne pourrait cependant exister tel quel sans A dont il resulte au terme d’une opération que je qualifierai, provisoirement encore, de transformation, et qu’en conséquence il évoque plus ou moins manifestement, sans nécessairement parler de lui ou le citer[xv].

La notion dihypertextualité, qui met entre parenthèses le mode de la citation problématique pour le mythe, parait définir le rapport privilégié entre mythe et texte littéraire, inhérent à la nature même du mythe. Choisissant la double métaphore du bricolage et du palimpseste[xvi], Genette se réclame d’ailleurs d’une lecture relationnelle prenant pour modèle le structuralisme ouvert des Mythologiques, opposé à celui « de la clôture du texte et du déchiffrement des structures internes[xviil» de Jakobson et du premier Lévi-Strauss: «L’autre structuralisme, c’est par exemple celui des Mythologiques, où lion voit comment un exte (un mythe) peut — si l’on veut bien ly aider — « en lire un autre »[xviii]. ? Genette, en empruntant ainsi sa méthode à Lévi-Strauss, prolonge une suggestion faite par ce dernier dans Mythologiques IV: «À cet égard, l’analyse structurale peut légitimement s’appliquer à d PAGF s OF dernier dans Mythologiques IV: «À cet égard, l’analyse structurale peut légitimement s’appliquer à des mythes issus de la tradition collective et à des ouvrages d’un seul auteur, car le programme ici et là sera le même[xix]». Dès lors, hypertextualité et logique mythique se confondraient et ce n’est plus l’hypertextualité ui permettrait de comprendre la logique mythique, mais le mythe qui viendrait rendre compte de l’hypertextualité.

Même en laissant de côté la confusion créée par l’adjonction de la parenthèse dans le texte de Genette — «un texte (un mythe)» qui tend à établir un rapport d’équivalence, la majorité des exemples choisis par Genette constituent de fait des reprises mythiques, et il semble inévitable de se demander avec Danièle Chauvin si Genette aurait pu «choisir de telles œuvres pour étudier le jeu savant de l’hypertextualité, si le mythe n’avait donné — derrière et même en avant de ces textes — l’impulsion réatrice, le branle à l’imagination[xx]». Mais si l’on conjoint la relation entre hypotexte et hypertexte dégagée par Genette et l’idée d’un mythe derrière et en avant des textes, à la fois préexistant et englobant, se dessine un rapport non plus ? deux, mais à trois termes, qui constituerait l’originalité de l’hypertextualité mythique dans les textes littéraires.

La relation entre l’hypotexte et l’hypertexte met ainsi en jeu le mythe comme « tiers absent», pour reprendre le terme de Jauss: L histoire littéraire d’un mythe n’est plus une sorte de monologue, où s’exprime progressivement un sens préexistant dans sa ureté et sa plénitude originelles, mais une sorte de dialogue, qui devient une appropriation croissante d’œuvre en œuvre à travers l’histoire d’une réponse à une grande question qui touch 6 2 croissante d’œuvre en œuvre à travers l’histoire d’une réponse à une grande question qui touche tout à la fois l’homme et le monde; cela étant, avec chaque nouvelle formulation de la questlon, la réponse peut avoir encore un autre sens. Ce que l’on appelle le « dialogue des auteurs » devient ainsi un « polylogue » entre l’auteur ultérieur, son prédécesseur détenteur de la norme et le mythe qui joue le rôle de tiers absent[xxi]. Les notions d’intertexte et d’interprétant dégagées par Michael Riffaterre sont ici éclairantes.

L’intertexte selon Riffaterre n’est pas lui-même texte mais «texte idéal », «ensemble de thèmes, de motifs, par exemple, ou encore prise de conscience d’un genre dont relève le texte, les composantes de ces ensembles ou les représentants du genre ayant chaque fois une structure commune[xxii]», qui impose le rapprochement entre le texte et l’intertexte et peut être résumée par une phrase matricielle rappelant le syntagme minimal constitutif de l’identité du mythe. Ce que le texte «partage avec les autres membres de l’intertexte, es ressemblances résultant de leur commune structure ne sont qu’un premier aspect de l’intertextualité, l’ensemble des facteurs qui la rendent perceptible[xxiii]. ? Il s’agit en effet de rendre compte, par le biais d’un autre texte nommé interprétant, des modalités de la récriture de l’intertexte: «l_’interprétant, lien entre le déjà-dit de l’intertexte et la récriture qui est le texte, a donc pour fonction d’engendrer la manière de cette récriture, et d’en dicter les règles de déchiffrement[xxiv]. » Le modèle proposé par Riffaterre est particulièrement efficace pour rendre compte de a spécificité de l’hypertextualité mythique. Le mythe fonctionne ainsi comme l’intertexte, texte idéa 7 2 l’hypertextualité mythique. Le mythe fonctionne ainsi comme l’intertexte, texte idéal qui peut être résumé par une phrase matricielle.

Le texte le réécrit par l’intermédiaire d’un interprétant, qui est la version actualisée du mythe travaillée par le texte, et ce dernier vient, à son tour, s’intégrer à la nébuleuse intertextuelle qu’unit une structure commune. pour le reformuler dans les termes de l’herméneutique de la question définie par Jauss, chaque actualisation de la réponse que constitue le mythe est ? ouveau questionnée et dépassée par l’actualisation suivante, chaque auteur se reconnaissant un précurseur dans l’espace commun ouvert par le mythe, espace qui permet le dialogue, englobe hypotexte et hypertexte dont la relation transformatrice à son tour crée l’ouverture de l’espace mythique.

Si, par exemple, Arcane 17 d’André Breton peut être considéré comme une reprise transformatrice du mythe d’Orphée, ce ne peut être qu’à travers la lecture que Nerval fait du mythe dans Aurélia, qui met l’accent sur le pôle féminin et où Eurydice se confond avec la figure de a Grande Mère et assume un rôle révélateur et rédempteur: par le biais de l’interprétant, ou du dialogue avec le précurseur élu, l’hypertexte rouvre l’espace de la nébuleuse mythique préexistante. La définition du mythisme par Lévi-Strauss, en soulignant la dimension hypertextuelle de la relation mythique dont nous avons vu la particularité dans le champ de la littérature, pose sous un autre jour la question du mythe littéraire.

En effet, si la transmission constitue le mythe dans la tradition aurale par usure des niveaux probabilistes, ce phénomène se reproduit-il dans une tradition écrite? L’hypeftextualité, à elle seule, peut-elle de nos jours fonder un myth dans une tradition écrite? L ‘hypertextualité, à elle seule, peut- elle de nos jours fonder un mythe? André Siganos, dans Le Minotaure et son mythe[xxv], apporte des éléments de réponse en distinguant mythe littérarisé et mythe littéraire. Le mythe littérarisé «reprend les éléments d’un récit archaïque sans doute bien antérieur à l’actualisation qu’il en présente, que cette actualisation soit simplement textuelle ou littéraire[xxvi]. ? On retrouve ici l’idée du mythe comme tiers absent préexistant et englobant ses actualisations. Le mythe littéraire, lui, «se constitue par les reprises individuelles successives d’un texte fondateur individuellement conçu[xxvii]». À l’inverse du mythe littérarisé qui prend sa source dans un mythe ethno-religieux dont la version originale est introuvable, constitué qu’il est par la somme de ses variantes, le mythe littéraire est détaché de la dimension collective et présente donc une origine assignable et interne à la littérature. Dans un premier temps, toute relation hypertextuelle paraît ainsi pouvoir constituer un mythe littéraire.

Cependant, Siganos ajoute à cette définition des conditions estrictives, en reprenant les caractéristiques communes au mythe ethno-religieux et au mythe littéraire dégagées par Philippe Sellier: «Le mythe littéraire, comme le mythe littérarisé, est un récit fermement structuré, symboliquement surdéterminé, d’inspiration métaphysique (voire sacrée) reprenant le syntagme de base d’un ou plusieurs textes fondateurs[xxviii]. » Mais par ces restrictions, Siganos revient à une définition sémantique du mythe: dans cette perspective il semblerait que tout récit présentant ces particularités de structure et de contenu serait ? même de constituer un mythe littéraire, presque i PAGF