Phèdre (Racine) 1 er commentaire Acte 1, Scène 1 Introduction Malgré les hésitations de Racine sur le titre de sa pièce ( Phèdre et Hippolyte , ou même, si l’on en croit certains contemporains, Hippolyte Phèdre est une pièce dont le personnage central est évidemment la femme animée d’une passion interdite avec laquelle elle mène un combat mortel (cf. le 1er paragraphe de la préface de Racine).
Or, de façon tout ? fait remarquable, la pièce débute par une scène d’exposition qui, certes, remplit parfaitement son rôle informatif (Où ? A Trézène. Quand ? Six mois depuis le départ de Thésée. Qui ? Le fils et la femme de T secret, etc. ) mais app or E voire en complet con se, Non seulement le sp intrigue qui ne sera q . Quoi ? Un amour ent décentrée, ntrigue principale. attirée sur une rs d’Hippolyte et d’Aricie, mais encore il entend Hippolyte vaquer un départ qui n’aura jamais lieu et parler de l’«inimitié» que Phèdre lui porte. Cette position décentrée s’explique d’abord par des raisons techniques et dramatiques : en libérant l’apparition de Phèdre, ? la scène suivante, de tout souci informatif lié à l’exposition, elle rend plus frappants son mal mystérieux et sa volonté de mourir ; lle prépare, d’autre part, le jeu dramatique avec les nouvelles, fausses puis vraies, qui concernent Thésée.
Cependant, si importants que soient ces effets techniques, ils ne saurai Swipe to nex: page sauraient faire oublier que cette première scène est placée sous le signe d’une ambivalence qui pourrait bien être le régime général de la pièce dans sa mise en scène des destins humains. Cette ambivalence est d’abord générique. Phèdre comme tragédie se situe d’emblée sous l’égide de l’épopée explicitement rappelée, mais en même temps mise à distance et dégradée. C’est ensuite le personnage d’Hippolyte, objet d’un amour qu’ignore encore le spectateur, qui apparaît sous un jour incertain .
C’est enfin la passion amoureuse elle-même, sujet tragique essentiel au 17ème siècle, qui reçoit une définition contradictoire et entretient des relations complexes avec le langage qui prétend la taire et la dire en même temps. 1-Phèdre et le contexte épique . Phèdre n’est évidemment pas la seule pièce de Racine qui se situe dans un contexte épique. Quand les sources de Racine sont des tragédies antiques, leurs sujets rencontrent naturellement les grandes épopées recques, par exemple l’ Iliade , pour Iphigénie et Andromaque .
La présence, parmi les personnages, d’un héros mythologique comme Thésée replace la pièce dans un contexte épique explicite [caractères de l’épopée : un récit mettant en scène les exploits hors du commun d’un héros dans un contexte surnaturel, le merveilleux l, ce qui était d’ailleurs le cas chez Euripide. Mais alors que le dramaturge grec n’exploitait que très indirectement cet aspect du sujet, Racine, lui, en tire toute une série d’effets.
Le plus évident, quoique le moins intéressant du point de vue des ignifications, est celui que souligne Ra quoique le moins intéressant du point de vue des significations, est celui que souligne Racine lui-même dans la préface de sa pièce : ne rien perdre des ornements de la fable qui fournit extrêmement à la poésie». Ce que des critlques modernes développent en parlant de diction poétique», d’«atmosphère de commencement du monde, de recul illimité [quil contrebalance le réalisme de la passion» (R. Picard, Pléiade, p. 749).
Cependant, on peut considérer que c’est dans la façon dont le texte souligne avec insistance l’ambivalence du personnage de Thésée que se trouve l’utilisation la plus intéressante de l’arrière- plan épique de la pièce. Thésée y apparait sous le double jour contradictoire de tueur de monstres et de séducteur volage. 1-1 -Thésée, héros épique, tueur de monstres . Dans la poétique Aristote oppose la tragédie qui représente les faits à l’épopée qui les raconte. Cest exactement sous la forme d’un récit mais au deuxième degré qu’Hippolyte évoque l’épopée de Thésée.
A peine sorti de la petite enfance (le temps où il «suçait le lait» de sa mère), son précepteur a nourri son esprit du récit des xploits de son père («Tu me contais alors l’histoire de mon père» v. 74). La remarquable simplicité de la formule, en même temps que l’évocation de toute une tradition héroïque antique (Thésée «consolant les mortels de l’absence d’Alcide», c’est-à- dire d’Hercule le plus célèbre des demi-dieux) souligne la valeur exceptionnelle des faits.
Certes il ne s’agit pas d’un récit détaillé, mais d’une sorte de résumé («les monstres étouffés et les brigands punis») au récit détaillé, mais d’une sorte de résumé («les monstres étouffés t les brigands punis») auquel s’ajoutent des exemples illustratifs, énumérés en un jeu savant d’asyndètes et de polysyndètes successives, d’assonances en nasales («consolant, absence, monstres, brigands / géant, fumant, sang») encadrant le vers 80 dans lequel le contraste des sonorités (voyelles claires, voyelles nasalisées, allitérations en s) souligne le caractère exotique des noms des brigands abattus par Thésée : ‘(Procuste, Cercyon et Scirron et Sinnis». -2-Thésée, coureur de jupons . Mais les exploits héroi@ues de Thésée sont très nettement distingués par Hippolyte d’un utre aspect «moins glorieux» de ses aventures passées, ou présentes. Au réclt des fa ts glorieux («Tu me contais alors… ») s’oppose le récit déprécié des séductions amoureuses («Mais quand tu récitais des faits moins glorieux» v. 83, «réciter» ayant le sens étymologique de «dire à haute voix») ; à l’énumération admirative des monstres et des brigands vaincus s’oppose alors l’énumération critique des femmes séduites et abandonnées. Elle est construite sur la même alternance de résumes et d’exemples illustratifs.
Les deux derniers ramenant l’évocation à la situation oncrète de la tragédie ; «Phèdre enlevée» elle aussi, après beaucoup d’autres femmes crédules. La dépréciation du comportement amoureux de Thésée est encore renforcée par le rappel de la réaction du jeune Hippolyte auditeur de l’épopée paternelle qui corrobore celle du personnage en scène. Dans le passé, comme maintenant, Hippolyte conçoit l’amour, non comme un héros PAGF personnage en scène. Dans le passé, comme maintenant, Hippolyte conçoit l’amour, non comme un héros des temps de la mythologie grecque (Thésée n’est pas pire qu’Hercule, Jason ou ême Zeus), mais selon les critères de la galanterie du 17ème siècle.
Le double aspect des exploits de Thésée met en place des éléments (la monstruosité, la séduction, l’infidélité) que toute la suite exploitera et développera de façon riche et contradictoire. Thésée, l’infidèle devenu fidèle, sera trompé par la femme qu’il a séduite et qui se révélera le dernier «monstre» dans une série impressionnante. Quant au personnage d’Hippolyte, la scène d’exposition en fait un personnage incertain, défini par ses aspirations plus que par ses actions. -Hippolyte, un héros aux contours incertains. 2-1 -Son entrée en scène . Elle est encadrée par deux répliques presque identiques : vers 1 «Le dessein en est pris, je pars, cher Théramene» et vers 138 «Théramène, je pars et vais chercher mon père». Ainsi, et paradoxalement, le personnage n’entre que pour dire qu’il s’en va.
Bien plus, ce qui s’annonçait comme un départ actif sur les traces d’un héros aventureux, va se transformer, au fil du dialogue, en une fuite honteuse provoquée par un «péril» ou «un chagrin» : «Et je fuirai ces lieux que je n’ose plus voir» (v. 8). La fuite devant «une autre ennemie» est alors évoquée avec insistance(«Hippolyte fuit … Je fuis Si je la haiSsais, je ne la fuirais pas … expliquer votre fuite» v. 49-57). Lucien Goldmann fait remarquer, non sans raison, que cette attitude de fuite caractérisera le com fuite caractérisera le comportement du jeune homme dans toute la pièce ( Le Dieu caché , p. 423 et suiv. ). -2-La double valeur de la jeunesse d’Hippolyte . Quoi qu’il en soit, la volonté affirmée d’aller à la recherche d’un père errant dans le monde place Hippolyte dans une situation qui rappelle rès précisément celle de Télémaque au début de l’ Odyssée . Dans sa lecture psychocritique de Phèdre, Charles Mauron voit dans la pièce la transposition dramatique d’une crise d’adolescence. L’âge dlHippolyte dans Phèdre n’est pas facile à évaluer exactement, la notion de jeunesse étant subjective et variable selon les civilisations. Ce qui compte, c’est moins la donnée chiffrée que la différence de génératlon entre Thésée et son fils.
Or tout converge pour souligner la jeunesse d’Hippo yte, et cela dès sa première apparition sur la scène. Elle est d’abord ndiquée concrètement par la présence d’un précepteur à ses côtés (cf. la liste des dramatis personae et la désignation de Théramène comme «gouverneur» d’HippoIyte). Le statut de Théramène n’est pas celui d’un simple confident, dont il remplit effectivement la fonction. Le rappel insistant de sa présence au côté du jeune prince («toi qui connais mon cœur depuis que je respire») et de sa fonction d’éducateur sert surtout à slgnaler le statut de jeune prince du personnage qu’il accompagne (cf. Oreste dans li Electre de Sophocle, et dans li Odyssée , Télémaque et Mentor).