Anthologie

Le voyage Jean-Pierre Clans de FLORIAN Recueil : « Fables » Partir avant le jour, à tâtons, sans voir goutte, Sans songer seulement à demander sa route ; Aller de chute en chute, et, se trainant ainsi, Faire un tiers du chemin jusqu’à près de midi ; Voir sur sa tête alors s’amasser les nuages, Dans un sable mouvant précipiter ses pas, Courir, en essuyant orages sur orages, Vers un but incertain où l’on n’arrive pas Détrempé vers le soir, chercher une retraite, Arriver haletant, se c On appelle cela naîtr La volonté de Dieu s Ce poème date du 1 L’albatros ors Sni* to View ar il Souvent, pour s’amuser, les hommes d’équipage Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers, Qui suivent, indolents compagnons de voyage, Le navire glissant sur les gouffres amers. A peine les ont-ils déposés sur les planches, Que ces rois de l’azur, maladroits et honteux, Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches Comme des avirons traîner à côté d’eux. Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule ! Lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid ! Swlpe to vlew next page L’un agace son bec avec un brûle-gueule, L’autre mime, en boitant, l’infirme qui volait ! Le poète est semblable au prince des nuées Qui hante la tempête et se rit de l’archer ; Exilé sur le sol au milieu des huées, Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.

Charles Baudelaire The rime of the ancient Mariner – Coleridge L’ombre des anges je traverserai les villes J’emporterai ta voix J’irai chercher le feu dans le ciel Et le vent dans nos voiles Quand l’ombre des nuages Démasquera nos souffles Nous volerons sereins par les chemins du sort Et nos songes en fuite Eviteront les gouffres Pour balayer ensuite Les traces de nos morts Je traverserai les villes une étoile se repose Dès qu’un ange s’endort… Isaac Lerutan, 2009 J’ai longtemps voyagé, cou fortune Et des astres jumeaux, sourds à tous mes propos, Car les vents dépités, combattant sans repos, Avaient juré ma mort sans espérance aucune. Mon désir trop ardent, que jeunesse abusait, Sans voile et sans timon la barque conduisait, Qui vaguait incertaine au vouloir de l’orage. Mais durant ce danger un écueil je trouvai, Qui brisa ma nacelle, et moi je me sauvai, À force de nager évitant le naufrage.

Philippe DESPORTES (1546-1606) Le Navire Mystique Il se sera perdu le navire archaïque Aux mers ou baigneront mes rêves éperdus ; Et ses immenses mâts se seront confondus Dans les brouillards d’un ciel de bible et de cantiques. l_Jn air jouera, mais non d’antique bucolique, Mystérieusement parmi les arbres nus ; Et le navire saint n’aura jamais vendu La très rare denrée aux pays exotiques. Il ne sait pas les feux des havres de la terre. Il ne connaît que Dieu, et sans fin, solitaire Il sépare les flats glorieux de Pinfini. Le bout de son beaupré plonge dans le mystère. Aux pointes de ses mâts tremble toutes les nuits L’argent mystique et pur de l’étoile polaire. Antonin Artaud (1986/1948)