Introduction à la sociologie 1 Délimitation et définitions de la sociologie. 1. 1 Les enjeux de la définition. 1. 2 La variabilité du contenu des définitions de la sociologie. 1. 3 L’étude des déterminants en sociologie. 1. 4 Les conflits de méthode. Délimitation et définitions de la sociologie Comme le suggère notre introduction, la délimitation de la sociologie n’est pas à l’heure actuelle réellement stabilisée. Ce ne l’empêche pas d’être une discipline vigoureuse qui produit de nombreux résultats t résultats s’appuient s « axes de structurati (corcuff, 1995). Nous • qui vient. 15 Snipe to nextÇEge . Généralement, ces ues, sur des grands ui sont classiques ue dans le chapitre Comment définir la sociologie ? Par son objet, ses méthodes ? Il n’existe pas de critères suffisamment précis pour la définir rigoureusement. Les enjeux de la définition Car si au niveau institutionnel, la sociologie est aujourd’hui parvenue au statut de discipline constituée, avec ses méthodes, ses auteurs reconnus et sa propre contribution à la connalssance du social, on ne peut pas dire qu’entre les différents théoriciens, sa délimitation et sa définition fasse l’objet d’un véritable onsensus.
Comme le fait remarquer Raymond Boudon en introduction à « La logique du social « Il est difficile de présenter la sociologie sans citer la boutade de Raymond Aron selon laquelle[l] les sociologues ne sont d’accord entre eux que sur un point : la difficulté de définir la sociologie (Boudon, 1997, p 27). Il faut en e effet admettre qu’entre la définition d’Auguste Comte l’inventeur du terme – du moins celui qui l’a popularisé celle d’Emile Durkheim, celle de Max Weber et celle des penseurs libéraux, il y a généralement un fossé qui peut paraître quasiment infranchissable.
Nous ne saurions toutefois réduire ces hésitations à de simples querelles scientifiques, car nous négligerions alors le fait que la définition de la sociologie est « en soi » un enjeu politique et idéologique. Définir la sociologie, lui attribuer une classe de phénomènes, et par là même en exclure d’autres qui ne sont pas de son ressort, ou qui sont considerés comme inexistants, c’est dans le même temps lui assigner un objectif, un domaine d’action et un domaine de pertinence.
Bourdeu qui a longuement travaillé sur la question considère par exemple que la définition que le sociologue donne de la ociologie ou des éléments qui entrent dans son champ d’étude n’est jamais neutre, « Lorsqu’il s’arroge le droit de dire les limites entre les classes, les régions, les nations, de décider avec l’autorité de la science, s’il existe ou non des classes sociales et combien, si telle ou telle classe sociale telle ou telle unité géographique, est une réalité ou une fiction, le sociologue assume ou usurpe les fonctions du rex archaïque, investi du pouvoir de regeres fines et de regeres sacra, de dire les frontières, les limites, c’est à dire le sacré. » (Bourdieu, 1982, p 12). Est-il anodin à cet égard que Margaret Thatcher, politicienne libérale, qui a avoué s’être grandement inspirée de Friedrich A. Hayek pour mettre en place sa politique ait déclaré un jour : « Il n’y a pas de société humain 15 A. Hayek pour mettre en place sa politique ait déclaré un jour : « Il n’y a pas de société humaine, il n’existe que des individus et des familles » ? Définir un phénomène social, le mesurer, c’est lui conférer simultanément une réalité, et donc implicitement une certaine égitimité.
En excluant par exemple, ‘économie du champ d’étude de la sociologie, on peut omettre, sciemment ou on, tout un ensemble de facteurs ayant trait aux rapports de forces qui se nouent entre les acteurs. Il faudrait ajouter qu’affirmer qu’il y a un enjeu dans la définition de la sociologie constitue lui-même un enjeu. Le « méta- discours » qui englobe la définition de la sociologie peut lui-même devenir une source de complication. Considérons à cet égard le fait sulvant : c’est devenu un lieu commun aujourd’hui d’affirmer que la pluralité théorique et la diversité conceptuelle sont des phénomènes normaux, voire bénéfiques en sociologie. our soutenir cette idée, on évoque la possibilité d’une incompatibilité ntre paradigmes, chaque paradigme proposant une manière différente d’éclairer un problème, ou découvrant lui-même ses propres problemes. Mais sans contester l’intérêt d’une telle approche, il faut remarquer qu’elle n’a rien d’évident ; elle présuppose même une certaine conception de la connaissance scientifique. Certains auteurs pourraient par exemple être d’avantage enclin à effectuer des synthèses théoriques ou ? rapprocher des concepts à priori différents en montrant qu’ils décrivent en fait un phénomène similaire. Dans cette direction, le sociologue O.
Neurath prônait la constitution d’un « jargon niversel », car il regrettait le verbalisme et l’obscurantisme caractéristique constitution d’un « jargon universel D, car il regrettait le verbalisme et l’obscurantisme caractéristique des sciences sociales Mario Bunge, un épistémologue renommé, formulait lul aussi la même critique (Bunge, 1983, p 163). Adopter une posture relativiste ou rationaliste n’implique donc pas le même type de recherches, et n’autorise pas la même amplitude entre les définitions concurrentes de la sociologie. Je me permets ici de souligner un autre point. Il est à craindre que la posture relativiste ue Feyerabend (1989) appelle de ses VŒUX, malgré les avantages incontestables qu’elle procure à mon sens (diversité, réflexions plus larges, créativité… ), serait détournée de ses intentions initiales si elle venait à s’inscrire dans un système universitaire hiérarchisé et cloisonné.
Le problème n’est pas anodin, car elle pourrait alors fort bien devenir une sorte de « dogme dont la finalité serait de permettre aux écoles qui dominent l’institution de parvenir à un compromis entre leurs points de vues respectifs, ceci afin d’éviter des conflits directs. La science passerait alors ‘un champ scientifique monopolisée par un seul courant, ? un oligopole ou quelques courants bien institutionnalisées se partageraient la quasi-totalité des ressources universitaires (enseignements, publications, recrutement, thèses, etc. ) et reproduiraient une organisation hiérarchique et unlformisante au sein de leur domaine de compétences[6].
Bien sûr, dans une telle configuration sociale le mouvement créatif et désordonné que Feyerabend (1979) souhaitait voir émerger dans les sciences serait étouffé dans l’œuf par la structure hiérarchique et formelle de l’enseignement univer 5 ?touffé dans l’œuf par la structure hiérarchique et formelle de l’enseignement universitaire. Notons que Feyerabend est parfaitement conscient de ce problème puisque dans « Adieu la raison » (1989), il s’évertue à montrer que le relativisme dépend pour son existence de la structure sociale sous-jacente. Cest elle qui permet une diversification ou au contraire un appauvrissement des idées.
Je ne fais là d’ailleurs que pousser dans ses extrémités le raisonnement de Pierre Bourdieu qui rappelle que « la critique épistémologique ne va pas sans une critique sociale », (Bourdieu, 1982, p 10). Soulignons que si ce point de vue affiche clairement sa conception externaliste de la science, (Soler, 2000, p 144), il n’exclut pas pour autant l’existence de déterminants internes à la Science, comme des contraintes fixées par « l’arbitrage du réel » (Bourdieu, 2001, p 137). peut être en raison de cette inscription latente dans le contexte politique et idéologique, la sociologie a eu du mal historiquement à se constituer comme un champ autonome et unifié.
Tandis que Marcel Mauss, par exemple la tirait vers l’anthropologie, Durkheim y introduisait volontiers des notions de Droit et de Morale. Max Weber lui, tentait de la réintégrer dans sa dimension historique et économique. Certains auteurs ont aussi pendant longtemps refusé d’en faire une science à part. Certalns auteurs marxistes comme par exemple Karl Korsch, refusent ainsi de scinder analytiquement le marxisme en fonction de ses composantes politiques, économiques et sociologiques. Il faut effectivement admettre que la distinction entre la sociologie et les autres sciences sociales est toujours plus ou moins poreuse, PAGF s 5 entre la sociologie et les autres sciences sociales est toujours plus ou moins poreuse, et fluctue suivant les courants théoriques.
Par exemple, Anthony Giddens s’exclame à la fin de « La constitution de la société « Tout comme entre l’histoire et la sociologie, il n’y a aucune différence logique ou méthodologique entre la géographie humaine et la sociologie ! », (Giddens, 1987, p 434). Le message est on ne peut plus clair. Et il n’est pas le seul ? penser ainsi[7], des économistes comme Gary Becker ou Herbert Simon ont œuvré de leur côté pour faire sauter les barrières entre la science économique, la sociologie et la psychologie. Bien entendu, leurs positions sont loin de faire l’unanimité, cela ‘autant plus que la théorie de Gary Becker, qui réduit une partie des actions humaines (mariage, nuptialité, éducation, etc. ) à un calcul de maximisation des choix sous contraintes, est contestée par la majorité des sociologues.
La variabilité du contenu des définitions de la sociologie Il semble donc que des problèmes récurrents apparaissent dès qu’on tente de définir l’objet de la sociologie. Si nous ouvrons le dictionnaire Hachette, elle est définie ainsi : « Science qui a pour objet l’étude des phénomènes sociaux humains ». Cette définition en appelle instantanément une autre. Car en effet, qu’est-ce que e social ? Toujours dans le même dictionnaire, le social se réfère à ce « qui concerne la vie en société, son organisation Dernier renvoi : la société se définit comme « L ‘état des êtres qui vivent en groupe organisés ou bien comme un « ensemble d’individus unis au sein d’un même groupe par des institutions, une culture, etc. Avec de telles définitio 6 5 etc.
Avec de telles définition, il n’est pas aisé de séparer la sociologie d’autres disciplines voisines comme l’économie ou la géographie puisque les phénomènes soclaux incluent les phénomènes économiques et sont fort heureusement inscrits ans une réalité géographique. À bien y réfléchir, il apparaît donc indéniable que les frontières de la sociologie sont difficiles à définir et que sa délimitation varie suivant les courant théoriques. Au 19ème siècle d’ailleurs, les penseurs en sciences sociales définissaient souvent la sociologie en opérant une vaste réorganisation des disciplines scientifiques (Comte, Spencer… ). Mais même de nos jours, il est possible de s’en rendre compte par une simple analyse du contenu de la sociologie.
Admettons que nous définissions la sociologie comme l’étude des cultures humaines. Devons-nous y intégrer les objets et techniques qui les composent ? La question n’est pas triviale puisque les anthropologues ou les sociologues définissent la culture de manière assez différente. Je cite quatre définitions de la culture qui me semblent intéressantes à ce sujet, car complémentaires : 1. La culture, ou civilisation c’est ce tout complexe qui comprend le savoir, la croyance, l’art, le droit, la morale, la coutume, et toutes les autres aptitudes et habitudes acquises par un homme en tant que membre d’une société. (Tylor, 1871). 2. Cet héritage social est le concept clé de l’anthropologie ulturelle.
On l’appelle d’ordinaire la culture la culture comprend de techniques, des objets fabriqués, des procédés de fabrication, des idées, des mœurs et des valeurs 7 5 techniques, des objets fabriqués, des procédés de fabrication, des idées, des mœurs et des valeurs hérités. (Malinowski, 1931 3. La culture, c’est la manière de vivre d’un groupe. (Maquet, 1949). 4. La culture peut être considérée comme cette part de l’environnement qui est la création de l’homme. (Kluckohn, 1949) On voit bien à travers ces définitions que la culture est tour à tour définie de manière très différente. Certains insistent surtout sur les comportements humains, tandis que d’autres n’hésitent pas ? y intégrer l’environnement technique. Les sociologues proposent donc diverses définitions du contenu de la sociologie.
Durkheim veut par exemple en falre la science qui étudie les faits sociaux, c’est à dire des manières de faire, de penser, de sentir, fixées ou non, qui exercent sur l’individu une contrainte extérieure. L’idée qui sous-tend sa définition est alors qu’il existe tout un système de règles plus ou moins invisibles qu’ guident nos pratiques les plus diverses : façons de s’habiller, de onsommer, de penser et de se suicider. Tout cela compose une somme de comportements réguliers, socialement déterminés que le sociologue a pour tâche de mettre à jour et d’analyser. Mals un autre auteur comme Georg Simmel insiste lui d’avantage sur le rôle des interactions sociales. Il définit alors la sociologie comme la science des actions réciproques ou des formes propres de la vie sociale.
Les formes de la vie sociale étant pour simplifier, les conflits, les solidarités et les associations, etc. Raymond Boudon dans une perspective beaucoup plus individualiste prend ‘acteur individuel comme atome social de l’analyse et comme cadre analytique 5 prend l’acteur individuel comme atome social de l’analyse et comme cadre analytique les systèmes d’interaction, notion qui peut inclure une large catégorie d’éléments physiques et sociaux. Enfin, les ethnométhodologues s’attachent d’avantage à décrire les façons dont les acteurs confèrent une signification à leur environnement social et à leurs propres pratiques, ainsi que les méthodes qu’ils utilisent pour les orienter, les transformer et les ordonner. ? cet égard, comme les classifications utilisées par es acteurs pour appréhender leur environnement social sont prises autant au sérieux que celles des sociologues[11], Harold Garfinkel va jusqu’à nier la différence entre « sociologie professionnelle » et « sociologie profane Dès lors, la définition de la sociologie s’en trouve complètement chamboulée. Car le programme de recherche lancé par Garfinkel sape l’idée même dune sociologie professionnelle qui jouirait d’une large autonomie. De plus, selon lui, la définition de la sociologie étant toujours contextualisée et indexicalisée, il est vain d’en rechercher ne définition universelle et stable, et d’une manière générale, la tentative des sciences sociales d’épurer le discours de son caractère indexical débouche sur une régression à l’infini.
Nous pourrions continuer encore longtemps à énumérer une liste de définitions concurrentes… Tel n’est pas notre objectif mals soulignons tout de même que certains auteurs peuvent aller jusqu’à nier la pertinence de certains concepts. A titre d’exemple, la notion de groupe, fondamentale en psychologie sociale est contestée par certains psychologues et sociologues. Tel est le onstat de Didier Anzieu et Jacques-Yves M PAGF 15 par certains psychologues et sociologues. Tel est le constat de Didier Anzieu etJacques-Yves Martin qui montrent qu’il existe une forte résistance épistémologique au concept de groupe. Ils citent à cet égard G. poulet (1 963), « La notion de groupe est inexistante pour la plupart des sujets.
Le groupe est éphémère, dominé par le hasard, seules existent les relations individuelles » (Anzieu et Martin, 1994, p 19). On voit dès lors que la définition de l’objet de la sociologie dépend largement de la position épistémologique et déologique des auteurs. L’étude des déterminants en sociologie Si le contenu de la sociologie peut varier d’un auteur à un autre, ce n’est pas seulement à cause du choix de l’objet d’étude ou de l’échelle d’observation. C’est également parce que le choix des facteurs qu’il faut retenir pour expliquer ou interpréter la nature et la dynamique de l’objet d’étude (par exemple, les facteurs qui permettent d’expliquer un changement social) est déterminant dans la délimitation de la discipline.
Intégrer les facteurs biologiques ou économiques dans l’analyse sociologique implique ar exemple une extension du domaine de recherche. Certains auteurs cherchent ainsi à incorporer ces différents facteurs dans des approches intégrées (Karl Marx, Karl Polanyi, Edgar Morin, Bronislaw Malinowski, Aaron Cicourel, etc. ). par exemple, la distinction entre « nature et culture traditionnellement admise comme un des fondements de la sociologie est très contestée. Certains auteurs n’hésitent pas à la transgresser (John R. Searle, 1995, Edgar Morin, 1973, Edward O. Wilson, 1979, etc. ). On comprend toutefois que les sociologues aient pris l’habitude de se méfier