Aladin

Histoire d’Aladdin, ou la Lampe merveilleuse Les aventures du calife Haroun-al-Raschld Histoire de l’aveugle Baba-Abdalla Histoire de Sidi Nouman Histoire de Cogia Hassan Alhabbal Histoire d’Ali Baba et de quarante voleurs exterminés par une esclave Histoire d’Ali Cogia, marchand de Bagdad Histoire du Cheval enchanté Histoire du prince Ahmed et de la fée Pari-Banou Histoire des deux sœurs jalouses de leur cadette Fin du troisième Tome Histoire du dormeur éveillé (Suite) Retour à la Table des Matières Abou Hassan, encore tout 2 91 eur, regarda celui qui lui ce discours d’Abou Hassan, les voisins ne doutèrent plus de ‘aliénation de son esprit. Et, pour empêcher qu’il ne se portât des excès semblables à ceux qu’il venait de commettre contre sa mère, ils se saisirent de sa personne, malgré sa résistance, et ils le lièrent de manière qu’ils lui ôtèrent l’usage des bras, des mains et des pieds.

En cet état et hors d’apparence de pouvoir nuire, ils ne jugèrent pas cependant à propos de le laisser seul avec sa mère. Deux de la compagnie se détachèrent et allèrent, en diligence, l’hôpital des fous, avertir le concierge de ce qui se passait. II y Vint aussitôt avec ses voisins, accompagné d’un bon nombre de ses ens, chargés de chaînes, de menottes et d’un nerf de bœuf. A leur arrivée, Abou Hassan, qui ne s’attendait à rien moins qu’ un appareil si affreux, fit de grands efforts pour se débarrasser ; mais le concierge, qui s’était fait donner le nerf de bœuf, le mit bientôt à la raison par deux ou trois coups bien appliqués qu’il lui en déchargea sur les épaules.

Ce traitement fut si sensible à Abou Hassan, qu’il se contint, et que le concierge et ses gens firent de lui ce qu’ils voulurent. Ils le chargèrent de chaînes et lui appliquèrent les menottes et les entraves ; et, quand ils eurent chevé, ils le tirèrent hors de chez lui et le conduisirent à Phôp tal des fous- Abou Hassan ne fut pas plus tôt dans la rue qu’il se trouva environné d’une grande foule de peuple. L’un lui donnait un coup de poing, un autre un soufflet, et dautres le chargea 3 91 grande foule de peuple. L’un lui donnait un coup de poing, un autre un soufflet, et d’autres le chargeaient d’injures, en le traitant de fou, d’insensé et d’extravagant.

A tous ces mauvais traitements : « Il n’y a, disait-il, de grandeur et de force qu’en Dieu très haut et tout-puissant. On veut que je sois fou, quoique je sois dans mon bon sens ; je souffre cette injure et outes ces indignités pour l’amour de Dieu. » Abou Hassan fut conduit de cette manière jusqu’à l’hôpital des fous. On l’y logea et on Pattacha dans une cage de fer ; et, avant de l’y enfermer, le concierge, endurci à cette terrible exécution, le régala sans pitié de cinquante coups de nerf de bœuf sur les épaules et sur le dos, et continua plus de trois semaines à lui faire le même régal chaque jour, en lui répétant ces mêmes mots chaque fois Reviens en ton bon sens et dis si tu es encore le commandeur des croyants. Je n’ai pas besoin de ton conseil, répondait Abou Hassan, je e suis pas fou ; mais, si j’avais à le devenir, rien ne serait plus capable de me jeter dans une si grande disgrâce que les coups dont tu m’assommes. » Cependant la mère d’Abou Hassan venait voir son fils réglément chaque jour ; et elle ne pouvait retenir ses larmes en voyant diminuer de jour en jour son embonpoint et ses forces, et l’entendant se plaindre et soupirer des douleurs qu’il souffrait. En effet, il avait les épaules, le dos et les côtés noircis et meurtris ; et il ne savait de quel côté se tourner pour trouver du repos. 4 91 côtés noircis et meurtris ; et il ne savait de quel côté se tourner our trouver du repos. La peau lui changea même plus d’une fois, pendant le temps qu’il fut retenu dans cette effroyable demeure.

Sa mère voulait lui parler pour le consoler et pour tâcher de sonder s’il était toujours dans la même situation d’esprit sur sa prétendue dignité de calife et de commandeur des croyants ; mais, toutes les fois qu’elle ouvrait la bouche pour lui en toucher quelque chose, il la rebutait avec tant de furie qu’elle était contrainte de le laisser et de s’en retourner, inconsolable de le voir dans une si grande opiniâtreté. Les idées fortes et sensibles qu’Abou Hassan avait conservées ans son esprit, de s’être vu revêtu de l’habillement de calife, d’en avoir fait effectivement les fonctions, d’avoir usé de son autorité, d’avoir été obéi et traité véritablement en calife, et qui l’avaient persuadé, à son réveil, qu’il l’était véritablement, et l’avaient fait persister SI longtemps dans cette erreur, commencèrent insensiblement à s’effacer de son esprit. Si j’étais calife et commandeur des croyants, se disait-il quelquefois à lui-même, pourquoi me serais-je trouvé chez moi en me réveillant et revêtu de mon habit ordinaire ? Pourquoi ne me serais-je pas vu environné du chef des eunuques, de ant d’autres eunuques et d’une grosse foule de belles dames ? Pourquoi le grand vizir Giafar, que j’ai vu à mes pieds, tant d’émirs, tant de gouverneurs de provinces et tant dautres officiers, dont Je me suis vu S 91 pieds, tant d’émirs, tant de gouverneurs de provinces et tant d’autres officiers, dont je me suis vu environné, m’auraient-ils abandonné ? Il y a longtemps, sans doute, qu’ils m’auraient délivré de l’état pitoyable où je suis, si j’avais quelque autorité sur eux. Tout cela n’a été qu’un songe, et je ne dois pas faire difficulté de le croire.

J’ai commandé, il est vrai, au juge de police de châtier ‘iman et les quatre vieillards de son conseil ; j’ai ordonné au grand vizir Giafar de porter mille pièces d’or à ma mère, et mes ordres ont été exécutés. Cela m’arrête, et je n’y comprends rien. Mais combien d’autres choses y a-t-il que je ne comprends pas et que je ne comprendrai jamais ? Je m’en remets donc entre les mains de Dieu, qui sait et qui connaît tout. » Abou Hassan était encore occupé de ces pensées et de ces sentiments, quand sa mère arriva. Elle le vit si exténué et si défait qu’elle en versa des larmes plus abondamment qu’elle n’avait encore fait jusqu’alors. Au milieu de ses sanglots, elle le salua du salut ordinaire, et Abou Hassan le lui rendit, contre sa coutume depuis qu’il était dans cet hôpital.

Elle en prit un bon augure : « Eh bien, mon fils, lui dit-elle en essuyant ses larmes, comment vous trouvez-vous ? En quelle assiette est votre esprit ? Avez-vous renoncé à toutes vos fantaisies et aux propos que le démon vous avait suggérés ? Ma mère, répondit Abou Hassan, d’un sens rassis et fort tranquille et d’une manière qui peignait la douleur qu’il ressentait des excès et fort tranquille et d’une manière qui peignait la douleur qu’il essentait des excès auxquels il s’était porté contre elle, je reconnais mon égarement ; mais je vous prie de me pardonner le crime exécrable que je déteste et dont je suis coupable envers vous. Je fais la même prière à nos voisins, à cause du scandale que je leur ai donné.

J’ai été abusé par un songe, mais un songe si extraordinaire et si semblable à la vérité, que je puis mettre en fait que tout autre que moi, à qui il serait arrivé, n’en aurait pas été moins frappé et serait peut-être tombé dans de plus grandes extravagances que vous ne m’en avez vu faire. J’en suis encore i fort troublé, au moment où je vous parle, que j’ai de la peine à me persuader que ce qui m’est arrivé en soit un, tant il a de ressemblance à ce qui se passe entre des gens qui ne dorment pas. Quoi qu’il en soit, je le tiens et le veux tenir constamment pour un songe et pour une illusion. Je suis même convaincu que je ne suis pas ce fantôme de calife et de commandeur des croyants, mais Abou Hassan, votre fils. Oui, je suis le fils d’une mère que j’ai toujours honorée, jusqu’à ce jour fatal dont le souvenir me couvre de confusion ; que j’honore et que j’honorerai toute ma vie, comme je le dois. A ces paroles, si sages et si sensées, les larmes de douleur, de compassion et d’affliction que la mère d’Abou Hassan versait depuis si longtemps, se changèrent en larmes de joie, de consolation et d’amour tendre pour son cher fils, qu’elle retrouvait. « Mon fil 91 larmes de joie, de consolation et d’amour tendre pour son cher fils, qu’elle retrouvait. « Mon fils s’écria-t-elle, toute transportée de plaisir, je ne me sens pas moins ravie de contentement et de satisfaction à vous entendre parler si raisonnablement, après ce qui s’est passé, que si je venais de vous mettre au monde une econde fois. Il faut que je vous déclare ma pensée sur votre aventure et que je vous fasse remarquer une chose à quoi vous n’avez peut-être pas pris garde.

L’étranger que vous aviez amené, un soir, pour souper avec vous, s’en alla sans fermer la porte de votre chambre, comme vous lui aviez recommandé ; et je crois que c’est ce qui a donné occasion au démon d’y entrer et de vous jeter dans l’affreuse illusion où vous étiez. Ainsi, mon fils, vous devez bien remercier Dieu de vous en avoir délivré et le prier de vous préserver de tomber davantage dans les pièges de l’esprit malin. Vous avez trouvé la source de mon mal, répondit Abou Hassan ; et c’est justement cette nuit-là que j’eus ce songe qui me renversa la cervelle. J’avais cependant averti le marchand expressément de fermer la porte après lui ; et je connais présent qu’il n’en a rien fait.

Je suis donc persuadé avec vous que le démon a trouvé la porte ouverte, qu’il est entré, et qu’il m’a mis toutes ces fantaisies dans la tête. Il faut qu’on ne sache pas, à Moussoul, d’où venait ce marchand, comme nous sommes bien convaincus, à Bagdad, que le démon vient causer tous ces songes fâcheux qui nous inquiètent la nuit, 8 91 âcheux qui nous inquiètent la nuit, quand on laisse les chambres où l’on couche ouvertes. Au nom de Dieu, ma mère, puisque, pa la grâce de Dieu, me voilà parfaitement revenu du trouble où j’étais, Je vous supplie, autant qu’un fils peut supplier une aussi bonne mère que vous fêtes, de me faire sortir au plus tôt de cet enfer et de me délivrer de la main du bourreau, qui abrégera mes jours infailliblement, si j’y demeure davantage. La mère d’Abou Hassan, parfaitement consolée et attendrie de voir qu’Abou Hassan était revenu entièrement de sa folle imagination d’être calife, alla sur-le-champ trouver le concierge ui l’avait amené et qui Pavait gouverné jusqu’alors ; et, dès qu’elle lui eut assuré qu’il était parfaitement bien rétabli dans son bon sens, il vint, l’examina et le mit en liberté, en sa présence. Abou Hassan retourna chez lui et il y demeura plusieurs jours, afin de rétablir sa santé par de meilleurs aliments que ceux dont il avait été nourri dans l’hôpital des fous. Mais, dès qu’il eut à peu près repris ses forces et qu’il ne se ressentit plus des incommodités qu’il avait souffertes par les mauvais traitements qu’on lui avait faits dans sa prison, il commença à s’ennuyer de asser les soirées sans compagnie. C’est pourquoi il ne tarda pas à reprendre le même train de vie qu’auparavant, c’est-à-dire qu’il recommença de faire, chaque jour, une provision suffisante pour régaler un nouvel hôte, le soir. 91 faire, chaque jour, une provision suffisante pour régaler un nouvel hôte, le soir. Le jour qu’il renouvela la coutume d’aller, vers le coucher du soleil, au bout du pont de Bagdad, pour y arrêter le premier étranger qui se présenterait et le prier de lui faire l’honneur de venir souper avec lui, était le premier du mois, et le même jour comme ous Favons déjà dit, que le calife se divertissait à aller, déguisé, hors de quelqu’une des portes par où l’on abordait en cette ville, pour observer par lui-même s’il ne se passait rien contre la bonne police, de la manière qu’il l’avait établie et réglée dès le commencement de son règne.