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La mesure du très ancien 800 000 ans d’histoire du climat lus dans la glace es glaces polaires constituent les seules archives qui, sur les mêmes échantillons, donnent accès à des informations à la fois sur la modification du climat de notre planète et sur celle de la composition de l’atmosphère. L’analyse des carottes de glace joue, en conséquence, un rôle essentiel dans la compréhension des différents mécanismes impliqués dans l’évolution naturelle du climat a derniers grands cycle 8 glaciaires et interglaci es. p g Trois kilomètres de c ont été extraits du sit n Antarctique, ce qui a permis aux chercheurs de révéler les secrets du climat des 800 000 dernières années, représentant à ce jour la plus ancienne reconstitution climatique jamais obtenue. e consortium EPICA (encadré 1 ),fédérant les efforts de dix pays européens, vient de finaliser deux forages profonds dans la calotte de glace de l’Antarctique CEA-IPEV (figure 1).

Le site de Dôme Concordia (Dôme sur le plateau central de l’Antarctique de l’Est à une Allemagne, Belgique, Danemark, France, Italie, Norvège, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède et Suisse, a été soutenu par la Fondation européenne e la science (ESB) et les se et PCRD de la Commission européenne. La participation française est très forte, aussi bien du point de vue logistique que scientifique. L’Institut polaire français Paul-Émile Victor (IPEV) a, en particulier, réalisé les expéditions terrestres lourdes pour le transport du matériel vers le site de Dôme C.

L’équipe technique du Laboratoire de glaciologie et géophysique de l’environnement (CNRSUniversité Joseph Fourier/LGGE), situé près de Grenoble, a joué un rôle essentiel dans le développement des carottiers. Sur le plan scienti- fique, les équipes françaises sont impliquées ur l’ensemble des aspects liés à l’exploitation d’un carottage profond. Le LGGE intervient sur les volets de l’analyse de traces gazeuses et de la chimie, sur l’étude des propriétés mécaniques et physiques de la glace, et sur la modélisation des calottes.

Le Centre de spectrométrie nucléaire et de spectrométrie de masse (IN2P3/CNRS/CSNSM) à Orsay se consacre à la mesure des isotopes cosmogéniques, tandis que le Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (CEA- CNRS-Université de Versailles Saint-Quentin-en-yvelines UVSQ/Institut Pierre Simon Laplace IPSWLSCE) est impliqué dans la econstruction des paramètres climatiques, essentiellement à partir de la mesure isotopique de la glace et des bulles d’air qu’elle contient.

Carotte de glace extraite 38 d’accéder aux archives climatiques accumulées depuis des millénaires. CLEFS CEA NO 54 – AUTOMNE 2006 33 ERICA station K0hnen janvier 2006 2 774 m 300 000 ans ? Dôme F 3 029 m 1 000 000 d’années ? Kohnen Dôme Dôme A Vostok Byrd 1968 2 1 64 m 80 000 ans Figure 1. Carte des forages profonds réalisés en Antarctique. Pour chaque Enfin, la composition de Pair piégé dans la glace apporte des informations globales.

Déchiffrer les variations passées de température La mesure de l’abondance des différentes formes isotopiques des molécules d’eau donne les moyens de quantifier les variations passées de la température (encadré 2). Le savoir-faire expérimental du Laboratoire des sciences du climat et de renvironnement (CEA-CNRSIJVSQ/LSCE) repose sur un grand nombre d’analyses conduites à très haute précision sur des spectromètres de masse,qui se combinent aux mesures menees les plus anciens possible.

Ce forage EPICA Dôme Ca démarré en 1995 et dest achevé en 2004 à une profondeur de 3 70 m au voisinage du socle rocheux, malgré de lourdes difficultés logistiques et techniques. Pour compléter le forage de Dôme C, le consortium EPICA a choisi de forer une seconde carotte de glace, mais cette fois dans le secteur atlantique de l’Antarctique, dans la région de la Terre de la Reine Maud (Dronning Maud Land). Sur ce second Site, à la station Kohnen, les températures sont plus clémentes, avec seulement – 44,5 DC de moyenne annuelle, et l’enneigement plus abondant (6,4 cm par an d’eau).

Ce second forage vient de livrer,en janvier 2006,2774 m de glace qui offriront l’enregistrement antarctique le lus fin des changements climatiques rapides de la dernière période glaciaire. 34 Dôme C 4 38 d’études a donné une idée des variations de température, et donc de la succession des glaciations détectées comme des périodes « froides »dans des échantillons de glace particulièrement appauvris en isotopes lourds, et séparées par des périodes interglaciaires, comme celle que nous connaissons depuis plus de 11000 ans.

En 2006, l’examen des échantillons de glace, prélevés tous les 55 cm (bag samples), a été finalisé pour tout le forage EPICA Dôme C, et des analyses de séries encore plus fines ont émarré pour déchiffrer les variations climatiques ? haute résolution,à Féchelle de quelques dizaines d’années, dans le cadre du projet ANR PICC (intégration des contraintes Paléoclimatiques pour réduire les Incertitudes sur l’évolution du Climat pendant les périodes Chaudes). II reste des dizaines de milliers d’échantillons de glace ? étudier pour exploiter totalement la richesse de ces nouvelles carottes antarctiques.

Détecter les subtiles variations de composition de l’oxygène de l’air Le thermomètre isotopique 2 L’eau n’est pas composée uniquement d’hydrogène « normal » (de masse 1) t d’oxygène « normal » (de masse 16). Ces deux atomes ont l’un et l’autre des isotopes, le deutérium D (hydrogène de masse 2) et l’oxygène 18, en particulier. Leur existence conduit à des formes « isotopiques » de la molécule d’eau, HDO et H2180, qui accompagnent H2160 dans tous les réservoirs où elle est présente. Les propriétés physiques de ces trois molécules sont lé èrement différentes.

Les molécules lourdes ont, ce qui est s OF vers la vapeur. Ainsi, à chaque changement de phase de l’eau, la phase condensée est plus riche en isotopes lourds que la phase vapeur qui lui donne naissance. Ily a donc un appauvrissement progressif des teneurs isotopiques de la vapeur et des précipitations à mesure que la masse d’air se refroidit. Cela se traduit dans les régions polaires par une relation linéaire entre la température moyenne annuelle du site et l’abondance isotopique, aussi bien pour le deutérium que pour l’oxygène 18.

Cette linéarité s’explique bien à partir d’un modèle isotopique dans lequel est traduite cette description simplifiée de la vie dune masse d’air. Elle est à la base de ce que les climatologues appellent le thermomètre isotopique. Plus il fait froid, plus l’abondance sotopique est faible et inversement. Appliquée en un site donné, cette correspondance permet de reconstruire les variations du climat ? partir d’un enregistrement des variations des teneurs soit en deutérium, soit en oxygène 18.

Les scientifiques mesurent la composition isotopique non seulement de l’eau mais également celle de l’air piégé dans la glace. En particulier, l’abondance des atomes d’oxygène 18 et 16, présents dans l’oxygène de l’air piégé dans des glaces de Dôme C, est déterminée. Ce paramètre permet de relier les changements climatiques enregistrés en région polaire aux variations globales u niveau des mers, reconstruites à partir des sédiments marins, et aussi de détecter les changements de productivité continentale ; celle-ci joue sur la signature isotopique de l’air via les 6 photosynthèse.

Certains paramètres de l’orbite terrestre contrôlent l’intensité des moussons et la productivité continentale. Il est ensuite possible d’exploiter la mesure isotopique de l’oxygène pour identifier l’empreinte de ces paramètres orbitaux et améliorer la datation de la glace. Ces analyses utilisent une quantité de glace relativement importante et sont lourdes à mener, car la éthodologie Inclut une phase délicate d’extraction de l’air piégé dans la glace par fusion et regel progressif des échantillons dans une cellule à vide.

La glace du forage EPICA Dôme C a livré ses premiers secrets Les premières analyses conduites sur le forage EPICA Dôme C révèlent des informations essentielles. Les méthodes de datation des glaces très anciennes Il n’existe pas à ce jour de méthode de datation absolue de ces glaces très anciennes. Pour certains sites où l’abondance du dépôt de neige l’autorise, il est possible de compter les couches annuelles et ainsi de construire, année après nnée, une datation très précise de la glace. Pour les sites du plateau central Antarctique, il faut faire appel à des méthodes de modélisation.

La démarche consiste tout d’abord à modéliser la relation entre la composition isotopique de la neige et la température locale, puis à établir la relation entre la température locale et la quantité d’accumulation de neige, La station Concordia est le fruit d’une collaboration franco- italienne entre l’Institut polaire Paul-Émile Victor (IPEV) et le Programme national de recherche en Antarctique (PNRA-ltalie), comme en témoignent ce icateurs. 8 thermodynamique de l’air humide, et enfin, à modéliser le tassement des couches de neige au cours de leur enfouissement dans la calotte antarctique.

Ces efforts de modélisation sont en partie mis au point par rapport aux observations actuelles (observations spatiales) et exploitent des points de calage obtenus en synchronisant les différents forages entre eux, grâce à certains horizons de référence (pics de flux d’isotopes cosmogénlques, détection d’éruptions volcaniques, signaux communs de variations de la concentration de gaz à effet de serre bien mélangés u niveau global, comme le dioxyde de carbone C02 ou le méthane CH4). 5 Le matériel et le ravitaillement sont amenés par convois depuis la côte vers la station scientifique Concordia localisée à plus de 1 000 km à l’intérieur du continent anta ctique. courbe de synthèse de S180eau de mer de Dôme C), des concentrations atmosphériques en dioxyde de carbone C02 (courbes orange et rouge, à partir de l’analyse de l’air des glaces de Vostok et de Dôme C) et en méthane CH4 (courbes bleues), et concentrations des poussières mesurées dans la glace de Dôme C (courbe rose).

L’échelle de temps a de la période actuelle (O) vers 800 000 ans. (MIS signifie Marine sotope Stage. ) 36 La première datation publiée en 2004 par les membres de la communauté EPICA (1) a été contestée pour les périodes les plus anciennes, par comparaison à la datation des variations du niveau des mers, issue de l’analyse des sédiments marins, et par rapport à la différence d’âge entre pair et la glace pour ces mêmes périodes anciennes.

Une méthode inverse de datation glaciologique, tirant parti de ces contraintes, a été développée par Frédéric Parrenin, un ancien doctorant du CSCE maintenant chercheur au Laboratoire e glaciologie et géophysique de l’environnement (LGGE) près de Grenoble. Une nouvelle datation du forage EPICA Dôme C est en cours de finalisation. L’histoire des variations de température au site de Dôme C, déduites de la composition isotopique de la glace, en fonction de l’échelle de temps s’étendant de 2004 jusqu’à 740000 ans vers le passé, est décrite sur la figure 2.

Les dernières mesures effectuées sur le forage de Dôme C montrent que le forage complet couvre 800000ans et que l’enregistrement climatique fiable s’interrompt environ 60 m avant le fond du forage. Ceux-ci correspondent à de la glace qui a pu subir un écoulement complexe au voisina e du socle rocheux, et les analyses suegèrent couches de 3E mélange de couches de glace d’âges différents. CLEFS CEA – NO 54 – AUTOMNE 2006 L’enregistrement climatique de Dôme C révèle déj? des informations cruciales vis-à-vis de l’évolution du climat.

Tout d’abord, il confirme les éléments sur Ihistoire des températures antarctiques dont les scientifiques disposent sur deux autres sites : Vostok pour de l’ordre de 400 000 ans et Dôme Fuji pour à pe près 300000 ans. Typiquement, l’amplitude des changements de empérature entre la dernière glaciation, il y a environ 20 000 ans, et la période actuelle est de (1) Nature, p. 2 981, 2004. 9 ± 2 oc.

Ces reconstructions de température sont essentielles pour tester le réalisme des modèles de climat, utilisés également pour prévoir son évolution future. À ce jour, il semble que les modèles de climat aient tendance à sous-estimer les changements passés de température dans les régions polaires. Le forage de Dôme C couvre 800 000 ans, ce qui autorise l’étude de plusieurs glaciations. Ces périodes se succèdent à un Mthme de l’ordre de 100 000 ans, omme l’étude des sédiments marins l’avait déj? dévoilé. ?tant donné que le climat est majoritairement en condition glaciaire au cours de cette période, un enregistrement long permet de caractériser finement les subtiles différences entre les périodes interglaciaires « chaudes »qui se produisent entre deux glaciations. Les glaces de Dôme C révèlent ainsi que les périodes chaudes les plus chaudes atteignent des températures supérieures a environ 5 oc, au maximum, par rapport à aujourd’hui. Elles indi uent également que les périodes chaudes e grande variété 0 8