e régime juridique de la propriété foncière en Algérie Ammar Belhimer es Programmes du CJB, no 1 Les Programmes du Centre Jacques Berque NOI -Janvier 2012 (Rabat – Maroc) e régime juridique Particularité du mode d’accumulatio sphère de la propriété foncière OF43 p g n Algérie. apital dans la L’étude qui suit est publiée dans le cadre du programme ANDROMAQUE (Anthropologie du droit dans les mondes musulmans africains et asiatiques, ANR Suds II) et PROMETEE (Property in Moslem Transitional Environments, ANR FRA L)’ e programme ANDROMAQUE et PROMETEE poursuit un double objectif.
Il ‘agit, d’une part, de construire et de mener une anthropologie praxéologique du droit de la propriété et de son transfert, avec l’identification de ce vers quoi s’orientent en contexte et en action les gens impliqués dans les activités qui lui sont liées. D’autre part, il vise à montrer respécification de la question au lieu de se demander quelle est l’autorité islamique de la règle, on cherchera à décrire, en contexte et en action, les modes d’usage et de référence à la règle de droit et la production toujours située et ponctuelle de son autorité.
Le programme ANDROMAQUE et PROMETEE s’intéresse aux pratiques juridiques iées à des questions de propriété foncière, de transaction commerciale et de relation familiale, à partir de différents lieux fonctionnellement consacrés à la résolution des litiges qui peuvent surgir dans ces matières.
D’une part, il s’agirait de procéder à l’analyse des systèmes normatifs s’apparentant au droit étatique, en ce sens qu’ils se fondent sur des règles écrites ou orales qu’un groupe de personnes est censé connaitre et interpréter, qu’ils sont dotés d’instances chargées de les faire respecter et que les gens y font référence comme à un système juridique alternatif au droit étatique.
D’autre part, il s’agirait de considérer les voies par lesquelles les acteurs appréhendent leur environnement juridique, le comprennent et agissent dans ce contexte, confrontant en permanence la pluralité des normes sociales de référence au caractère « unicitaire » du droit en vigueur. es partenaires du programme ANDROMAQUE et PROMETEE, financé par l’ANR (Agence Nationale pour la Recherche, Appel Suds Il, 2011-2013), sont l’Erlanger Zentrum fur Islam & Recht in Europa, l’Institut français de Pondichéry et le Centre Jacques Berque.
Sommaire 2 3 1. 1 Le droit islamique… 1. 2 Le droit coutumier kabyle. 1. Le régime foncier saharien 3 2. L’héritage colonial . 4 2. 1 Les lois coloniales d’occupation- dépossession 2. 2 Les lois de modernisation foncière Il. Le droit national : une propriété à prédominance publique… 1. La propriété foncière agricole de 1962 ? 1971 . 1. 1 L’ordonnance no 62-020 du 24 août 1. 2 L’ordonnance du 8 novembre …. 6 2.
La constatation de la propriété : une opération inachevée… — 2. 1 La constatation de la propriété privée des terres agricoles ou ? vocation agricole par voie d’enquête (en l’absence de titre). … 2. 2 Etablissement et délivrance du certificat de propriété 3 propriété Etablissement et délivrance du certificat de 11 16 . 10 Ill. L’exploitation privative de la propriété publique 1. une catégorie ambigüe : « le droit de superficie 1. La loi de 1987 et ses implications… 1. 2 La 101 no 08-16 du 3 août 2008 portant orientation agricole 2. Evolutions récentes 14 2. 1 Le déclassement des terres agricoles. ….. — 2. 2 La es Programmes du CJB, nol Le régime juridique de la propriété foncière en Algérie. Particularité du mode d’accumulation et de reproduction du capital dans la sphère de la propriété foncière Maître de conférences Faculté de droit, Université d’Alger ambelhimer@hotmail. om Introduction : les sources du droit de la propriété foncière Les fondements de la fermentation, formation et transmission de la propriété dans l’espace méditerranéen sont bien identifiés par Paul Henri Stahl « Les sociétés tribales son 4 43 avons un ancêtre commun qui nous a laissé le sang, la propriété, le nom, parfois l’âme ; nous sommes semblables et apparentés La justification du droit de quelqu’un sur les terres et la superficie qu’il reçoit est en relation directe avec sa position dans l’arbre généalogique qui remonte à l’ancêtre ommun.
Le sang et la terre sont liés ensemble, consanguinité et propriété allant de pair. Ce principe ne serait pas bien compris si on ne précisait un autre aspect, présent dans la totalité des cas. On suppose que le sang, le nom, le patrimoine, le culte se transmettent par les hommes non par les femmes » 1 . Lhistoriographie dominante – pas seulement officielle – des deux côtés de la Méditerranée suggère, lorsqu’elle ne la décrète pas, l’idée maitresse que la « dépossession des fellahs » 2 algériens par les lois coloniales dont nous référencerons les plus importantes aura pour incidence
Paul Henri Stahl, « La Méditerranée, propriété et structure sociale XIXe et XXe siècles », Encyclopédie de la Méditerranée, série Temps présent, Paris, Edisud, avril 1997, p. 27-32-33. 2 On trouvera une belle rétrospective de ce processus chez Djillali Sari, La dépossession des fellahs, Alger, SNED, 1978. ajeure de transférer aux mains du jeune Etat algérien indépendant des biens colossaux dont il organise s 3 domanial dans le mode de constitution et de transmission, de production et de reproduction de la propriété publique telle que principalement configurée par la loi domaniale de 1990, elle-même inspirée de a Constitution de 1989 à laquelle la loi de 1995 est venue apporter des modifications majeures et substantielles. 1. L’héritage précolonial Droit musulman, droit coutumier kabyle et régime saharien ont préexisté au droit positif français Introduit par la colonisation. 1. Le droit islamique ‘appropriation collective des terres par le clan, la tribu ou la famille est le trait dominant premier de l’organisation foncière en droit islamique, avant d’évoluer vers une forme privative, étroitement associée à la notion de mise en valeur et connaissant un rythme plus ou moins rapide en fonction des sociétés qu’elle traverse 3 . 3 La référence en la matière reste encore l’ouvrage de Louis Milliot, Droit musulman, Paris, Recueil Sirey, 1953. Les Programmes du CJB, no 1 Il est généralement dissocié « terres mortes » et « terres vivant 6 3 qui n’ont pas embrassé la religion musulmane.
Le kharadj est assimilé à un impôt de capitulation qui perd sa raison d’être dès conversion ? l’Islam. L’Emir Abdelkader fera disparaître les terres de kharadj par la suppression de toutes les redevances autres que les impôts religieux. Ce faisant, il simplifiera le régime juridique hérité de la présence ottomane en Algérie. Les terres habous ou waqf, également ppelées biens de main morte, sont immobilisées et frappées de séquestre au profit des fondations poursuivant des missions de piété ou d’utilité publique.
Les terres melk sont des biens de pleine propriété, soums à la dime (achour) qui est une forme de la zakat (aumône), un des cinq piliers de En s’installant en Algérie, les Turcs ont conservé ces différenciations en divisant les autochtones en deux grands groupes : les tribus makhzen (qui font rentrer l’impôt) et les tribus rayas (qui paient [‘im ôt Les tribus makhzen chare 3 membres de la famille du bey et des deys, aux hauts fonctionnaires et dignités religieuses.
Terres melk (possédées en pleine propriété) et terres beylek (terres domaniales) complètent rinventaire foncier turc en Algérie. 1. 2 Le droit coutumier kabyle La constitution, la 101 et le règlement ne sont pas les seules sources du droit algérien. L’article premier du Code civil dispose : « En l’absence d’une disposition légale, le juge se prononce selon les prescriptions du droit musulman et, ? défaut, selon la coutume.
Le cas échéant, il a recours au droit naturel et aux règles de l’équité Dans les faits, le droit musulman est limité au seul statut de la famille, depuis la loi du 9 juin 1984 portant code de la famille, ais ses implications sont nombreuses sur la transmission de la propriété et les discriminations qu’il introduit entre les genres en matière de succession (le garçon disposant de deux parts comparativement ? la fille en matière d’héritage). Le régime juridique des terres de Grande Kabylie déroge à la loi islamique.
Il 4 De l’avis du jurisconsulte El Mawardi (974-1058) qui considère le domaine éminent de la terre de kharadj est une immobilisation et que le kharadj est un loyer. 2 es Programmes du C]B, 43 dons de particuliers ou de successions en déshérence et affectés à l’assistance 1. 2. 2 Modes de transmission La coutume kabyle se distingue par son mode de transmission, avec une double particularité : – une succession ab-intestat ; – une forme particulière de chefaa.
La succession ab intestat instaure un ordre d’héritage qui exclut les femmes. Seuls les mâles héritent, mais ils sont dans l’obligation de nourrir et de vêtir les femmes célibataires, veuves ou divorcées sur les revenus de la succession. Le chefaa ou droit de retrait en cas de vente revient à une lignée de personnes hiérarchisées ainsi : les copropriétaires, les cohéritiers, les parents dans l’ordre de successibilité, les gens de la kharouba, etc. ?? L’arrivée des étrangers dans un groupe, accompagnée par l’accaparement des terres, a provoqué une grande peur. Pour se défendre, la première mesure est liée au mariage ; on pratique le mariage endogamique, les filles doivent se marier dans leur village, leur tribu. La deuxième mesure est toujours liée au mariage ; la terre appartient aux porteurs principaux du sang, les hommes, et les filles qui se marient n’ont pas le droit sur la propriété immobilière Conséquence logique de ce 5 Un effort de codification d é entrepris qui achètent.
Dans une société tribale par exemple, si une maisnie 7 vend ses terres, les membres de la ême lignée sont préférés ; ensuite, les membres de la phratrie, ensuite les membres de la tribu 8 Rien ne peut enfreindre la règle, pas même les prescriptions coraniques : La loi islamique qui veut que le garçon reçoive deux tiers des terres et la fille un tiers est transgressée.
La terre passe presque toujours des mains du père entre celles des fils, la pression exercée sur les filles étant forte » 9 Aussi, « d’une manière ou d’une autre, les frères obligent leur sœur à leur céder la terre, même si à l’occasion ils lui payent quelque chose » 10 Dans l’ensemble, ainsi que le rappelle Yadh Ben Achour, « création, modification, contournement des normes ont marqué l’histoire du droit en Islam.
La filiation, le statut de la propriété, les successions, les impôts, les crimes et délits ont été colorés de plusieurs teintes, selon les temps » 11 . 1. 3 Le régime foncier saharien On y distingue les terres des Oasis et les terres dje fs. 1. 3. 1 Les terres des Oasis Elles sont ir iguées tous les ans, de manière régulière et continue, par le débit ordinaire des cours d’eau. D’où leur appellation de terrains hai (vivants) ; elles obéissent également au régime de la propriété melk (privée). 0 3