000 Arthur Schopenhauer Metaphysique De L Amour

Facebook : La culture ne s’hérite pas elle se conquiert ARTHUR SCHOPENHAU ER Métaphysique de l’amour Chapitre 44 des Suppléments du Monde comme volonté et comme représentation T RADUIT EN FRANÇAIS PARA. BURDEAU –Mai 2013 www. schopenhauer. Facebook : La culture NOTE SUR CETTE EDI orsg les onquiert Le texte reproduit ici constitue le chapitre XLIV du Supplément au Monde comme volonté et comme représentation. La traduction des citations grecques, latines, anglaises, espagnoles, etc. été réinsérée dans le corps du texte entre crochet. Toutes les notes et références de la traduction A. Burdeau ont été conservees. CHAPITRE XLIV : MÉTAPHYSIQUE DE L’AMOUR hindoues ou européennes ; de même l’amour fournit la matière de presque toute la poésie lyrique et épique, surtout si nous voulons inclure dans la poésie épique ces montagnes de romans que chaque année fait naître dans tous les pays civilisés de l’Europe avec la même régularité que les fruits de la terre, et cela depuis des siècles.

Toutes ces œuvres, en substance, ne sont autre chose que des descriptions variées, brèves au étendues, de la passion dont il s’agit. Les peintures les plus réussies qu’on en a faites, par exemple Roméo et Juliette, la Nouvelle Héloïse, Werther, ont conquis une gloire impérissable. La Rochefoucauld cependant estime qu’il en est d’un amour passionné comme des revenants, dont tous parlent, mais que personne n’a vus ; de même Lichtenberg, dans un écrit Sur le pouvoir de l’amour, conteste et nie la réalité et la vérité de cette passion.

C’est là une grande erreur. En effet il est impossible qu’un sentiment étranger et contradictoire à la nature humaine, fiction puérile imaginée à plaisir, ait pu, en tout temps, être décrit sans relâche par le génie des poètes et exciter chez tous les hommes une naltérable sympathie ; sans vérité, pas de chefd’œuvre dans l’art : Rien n’est beau que le vrai, le vrai seul est aimable BOILEAU.

En réalité, l’expérience nous prouve aussi, bien que ce ne soit pas quotidien, que ce qui ne nous paraît d’ordinaire qu’un penchant assez vif mais encore facile à maitriser, peut, da PAGF 7 OF sg mais encore facile à maitriser, peut, dans certaines circonstances, prendre les proportions d’une passion supérieure en violence à toutes les autres et qui, écartant toute considération, surmonte tous les obstacles avec une force et une ténacité ncroyables : alors, pour l’assouvir, on n’hésite pas ? risquer sa vie, et, en cas d’échec, à la sacrifier.

Les Werther et les Jacques Ortis n’existent pas seulement dans les romans : chaque année n’en produit pas moins d’une demi douzaine en Europe ; sed ignotis perierunt mortibus illi [mais ils ont péri d’une mort Ignorée] (Horace, Satires, l, 3, v. 108), car ils n’ont d’autres historiens de leurs souffrances qu’un rédacteur de procès-verbaux officiels ou un correspondant de journal. Cependant il suffit de lire les rapports de police dans les feuilles anglaises ou françaises pour constater la vérité de mon ssertion. Plus grand encore est le nombre de ceux que cette même passion conduit aux maisons d’aliénés.

Enfin chaque année nous présente quelque cas de suicide simultané de deux amants, dont la passion s’est vue contrariée par les circonstances extérieures ; mais il y a là une chose que je ne puis m’expliquer : comment deux êtres qui, sûrs de leur amour mutuel, s’attendent à trouver dans la jouissance de cet amour la suprême félicité, ne préfèrent-ils pas se soustralre à toutes les relations sociales par des décisions extrêmes et supporter n’importe quel désagrément plutôt que de enoncer, en même temps qu’à la vie, à un bonheur au-dessus duquel ils n’en ima inent as de plus grand ? ?? Qu PAGF OF sg même temps qu’à la vie, à un bonheur au-dessus duquel ils n’en imaginent pas de plus grand ? — Quant aux degrés inférieurs et aux simples amorces de cette passion, chaque homme les a journellement devant les yeux et aussi, tant qu’il reste jeune, presque toujours dans le cœur.

On ne peut donc douter, d’après les faits que je viens de rappeler, ni de la réalité ni de l’importance de l’amour ; aussi, au lieu de s’étonner qu’un philosophe n’ait pas craint, pour une fois, de faire ien ce thème éternel des poètes, devrait-on s’étonner plutôt qu’une passion qui joue dans toute la vie humaine un rôle de premier ordre n’ait pas encore été prise en considération par les philosophes et soit restée jusqu’ici comme une terre inexplorée.

Celui qui s’est le plus occupé de la question, c’est Platon, surtout dans le Banquet et le Phèdre : mais tout ce qu’il avance à ce sujet reste dans le domaine des mythes, des fables et de la fantaisie, et ne se rapporte guère qu’à la pédérastie grecque. Le peu que dit Rousseau sur ce point dans I e Discours sur l’inégalité est faux et insuffisant. Kant traite la question, dans la troisième section de son écrit Sur le sentiment du beau et du sublime ; mais son analyse est superficielle, faute de connaissance du sujet, et se trouve ainsi en partie inexacte.

Quant à l’examen qu’en fait Platner dans s on Anthropologie (SS 1347 et suiv. ), chacun le trouvera faible et sans profondeur. La définition de Spinoza mérite d’être rapportée pour son extrême naweté, ne serait-ce que par plaisir : « Amor est titillatio, concom rapportée pour son extrême naiVeté, ne serait-ce que par plaisir : « Amor est titillatio, concomitante idea causœ externœ. ? L’amour est un chatouillement, accompagné de la représentation d’une cause extérieure] (Éthique, IV, proposit- XLIV, dem. ) On voit que je n’ai ni à me sentir de mes prédécesseurs, ni à les combattre. Le sujet s’est de lui-même imposé à moi et est venu prendre place dans l’ensemble de ma conception du monde.

Je ne peux guère compter d’ailleurs sur l’approbation de ceux mêmes que cette passion Facebook : La culture ne Shérite pas elle se conquiert domine et qui cherchent à exprimer la violence de leurs sentiments par les images les plus sublimes et les plus éthérées : ma conception de l’amour leur araitra trop physique, trop matérielle, si métaphysique et si transcendante qu’elle soit au fond. Qu’ils veuillent bien considérer au préalable que l’objet chéri qui leur inspire aujourd’hui des madrigaux et des sonnets, s’il était né dix-huit ans plus tôt, aurait à peine obtenu d’eux un regard.

Toute passion, en effet, quelque apparence éthérée qu’elle se donne, a sa racine dans l’instinct sexuel, ou même n’est pas autre chose qu’un instinct sexuel plus nettement déterminé, spécialisé ou, au sens exact du mot, individualisé. Considérons maintenant, sans perdre de vue ce principe, le rôle important ue joue l’amour, à tous ses degrés et à toutes ses nuances, non seulement au théâtre et dans les romans, mais aussi dans le monde réel.

Avec l’amour de la vie il nous apparaît comme le plus puissant et le plus énergique de tous les ressorts ; il accapare sans cesse la moitié PAGF s OF sg plus accapare sans cesse la moitié des forces et des pensées de la partie la plus jeune de l’humanité ; but final de presque tous les efforts des hommes, il exerce dans toutes les affaires importantes une déplorable influence : à toute heure il vient interrompre les occupations les plus sérieuses ; arfois il trouble pour quelque temps les têtes les plus hautes , il ne craint pas d’intervenir en perturbateur, avec tout son bagage, dans les délibérations des hommes d’État et les recherches des savants ; il s’entend à glisser ses billets doux et ses boucles de cheveux dans le portefeuille d’un ministre ou dans un manuscrit philosophique ; il fait naître tous les jours les querelles les plus inextricables et les plus funestes, brise les relations les plus précieuses, rompt les liens les plus solides ; il exige le sacrlflce parfols de la vie ou de la santé, parfois de la richesse, du rang et du bonheur ; d’un omme honnête il peut faire un coquin sans conscience ; d’un homme jusqu’alors fidèle, un traître ; partout, en un mot, il nous apparaît comme un démon ennemi qui s’efforce de tout intervertir, de tout troubler, de tout bouleverser. Comment donc alors ne pas s’écrier : « À quoi bon tout ce bruit ? Pourquoi cette agitation et cette fureur, ces angoisses et ces misères ? Il s’agit simplement, en somme, pour chacun de trouver sa chacune[l] : pourquoi une chose si simple doit-elle tenir une place de cette importance et venir sans cesse déranger et brouiller la bonne ordonnance de la ne déranger et brouiller la bonne ordonnance de la vie humaine ? » — Mais l’esprit de vérité découvre peu à peu la réponse à l’observateur attentif.

Nan, ce n’est pas d’une bagatelle qu’il s’agit ici ; au contraire, l’importance de la chose en question est en raison directe de la gravité et de l’ardeur des efforts qu’on y consacre. Le but dernier de toute intrigue d’amour, qu’elle se joue en brodequlns ou en cothurnes, est, en réalité, supérieur à tous les autres buts de la vie humaine et mérite bien le sérieux profond avec lequel on le poursuit. Ce qui se décide à, c’est bel et bien la composition de la génération future. Ces intrigues d’amour si frivoles servent ? déterminer l’existence et la nature des personnages du drame (dramatis persona) destinés à paraitre sur la scène, quand nous l’aurons quittée.

De même que l’existence, existentia, de ces personnages futurs a pour condition générale notre instinct sexuel, de même leur essence, essentia, est fixée par le choix que fait chacun en vue de sa satisfaction personnelle, c’est-à-dire par l’amour sexuel, et se trouve ainsi, à tous égards, irrevocablement établie. Voilà la clef du problème ‘application nous apprendra à la mieux connaitre ; si nous passons en revue les divers degrés de l’amour, depuis l’inclination la plus fugitive jusqu’à la passion la plus violente, nous constaterons que la différence qui les sépare constaterons que la différence qui les sépare provient du degré d’individualisation apportée dans le choix.

Ainsi donc, pris dans son ensemble, tout le commerce amoureux de la génération actuelle est, de la part de toute la race humaine, une grave meditatio compositionis generationis future, e qua iterum pendent generationes [méditation sur la composition de la génération future, de aquelle dépendent à leur tour d’innombrables générations]. Dans cette opération il ne s’agit pas, comme partout ailleurs, du bonheur et du malheur indlviduels, mais de l’existence et de la nature spéciale de la race humaine dans les siècles à venir, et par suite la volonté de l’individu s’y exerce à sa plus haute puissance, en tant que volonté de l’espèce. La haute importance du but à atteindre est ce qui fait le pathétique et le sublime des intrigues d’amour, le caractère transcendant des transports et des douleurs qu’elles provoquent.

Depuis des milliers d’années les poètes nous en mettent sous es yeux d’innombrables exemples, parce qu’aucun thème ne peut égaler celui-ci en intérêt : traitant du bonheur et du malheur de l’espèce, il est à tous les autres qui ne touchent que le bien de l’individu comme le corps est à la surface plane. Voil? pourquoi il est si difficile de donner de la vie à une pièce sans amour ; vollà pourquol aussi ce thème n’est jamais épuisé, quelque constant usage qu’on en fasse. L’instinct sexuel en général, tel qu’il se présente dans la conscience de chacun sans se porter sur un individu déterminé de l’au conscience de chacun, sans se porter sur un ndividu déterminé de l’autre sexe, n’est, en soi et en dehors de toute manifestation extérieure, que la volonté de vivre.

Mais quand il apparait à la conscience avec un individu déterminé pour objet, cet instinct sexuel est en soi la volonté de vivre en tant qu’individu nettement déterminé. En ce cas l’instinct sexuel, bien qu’au fond pur besoin subjectif, sait très habilement prendre le masque d’une admiration objective et donner ainsi le change ? la conscience ; car la nature a besoin de ce stratagème pour arriver à ses fins. Mais si objective et si bien revêtue de sublimes couleurs que cette dmiration puisse nous paraître, cependant cette passion amoureuse nia en vue que la procréation d’un individu de nature déterminée ; et ce qui le prouve avant tout, c’est que l’essentiel n’est pas la réciprocité de l’amour, mais bien la possession, c est-à-dire la jouissance physique.

La certitude d’être payé de retour ne peut nullement consoler de la privation de cette jouissance : bien des hommes, en pareille circonstance, se sont brûlés la cervelle. Et en revanche, des hommes passionnément amoureux, faute de pouvoir se faire aimer euxmêmes, se contentent de la possession, de la jouissance physique. J’en trouve la preuve dans tous les mariages forcés, dans ces faveurs que l’on achète si souvent d’une femme, en dépit de sa répugnance, au prix de présents considérables ou d’autres sacrifices, et aussi dans les cas de viol. La procréation de tel enfant déterminé, voilà le but véritable, quoique ignoré PAGF g OF sg dans les cas de viol. La véritable, quoique ignoré des acteurs, de tout roman d’amour : les moyens et la façon d’y atteindre sont chose accessoire.

J’entends d’ici les cris qu’arrache aux âmes élevées et sensibles, et surtout aux âmes amoureuses, le brutal réalisme de mes vues, et ependant l’erreur n’est pas de mon côté. La détermination des individualités de la génération future n’est-elle pas, en effet, une fin qui surpasse en valeur et en noblesse tous leurs sentiments transcendants et leurs bulles de savon immatérielles ? peut-il y en avoir, parmi les fins terrestres, de plus haute et de plus grande ? Cest la seule qui réponde à la profondeur de l’amour passionné, au sérieux avec lequel il se présente, à la gravité attachée ? toutes les vétilles qui l’accompagnent ou le font naître.

Admettons que tel est bien le vrai but : alors seulement les longues difficultés, les efforts et les ourments auxquels on se soumet pour obtenir l’objet aimé nous paraissent en rapport avec l’importance du résultat. C’est, en effet, la génération future, dans la détermination de tous ses individus, qui tend à l’existence au travers de toutes ces menées et de toutes ces peines. Oui, c’est ellemême qui s’agite dans ce triage circonspect, précis et obstiné fait en vue de la satisfaction de l’instinct sexuel et que nous appelons l’amour. L’Inclination croissante de deux amants, c’est déjà au fond le vouloir-vivre du nouvel individu, qu’ils peuvent et voudraient procréer ; et même dans cette rencontre de