Année universitaire 2014-2015, 1er semestre – LICENCES 1 GESTION & ÉCONOMIE-GESTION HISTOIRE DES FAITS ÉCONOMIQUES – Cours de M. Démarest CHAPITRE 5 – LES CRISES CONTEMPORAINES DU CAPITALISME Introduction Cela fait désormais 40 ans que dure « la crise » débutée en 1973 : nul n’a prononcé sa fin depuis, en tout cas en Europe. Cette durée explique que le mot « Sni* to View crise » ait changé de sens, pour ne plus d (quelques mois) de retournement du cyc (se. ne période de diffic économiques et soci or 16 ef moment u XIXO siècle) mais en est allé différemment aux États-Unis vec la décennie 1990, marquée par la « nouvelle économie basée sur l’essor des technologies de l’information (information technologies, IT), notamment Internet ; à la fin des années 1990, le taux de chômage est tombé en dessous de 4 gt. Las, la « bulle internet » s’est crevée en 2001. Puis la crise de 2008 a sonné le retour dune crise profonde. Mais dans la même période, les pays émergents … nt émergé. La crise est donc d’abord celle des pays riches, mais il est plus pertinent de parler de crises au pluriel, car les mécanismes à l’œuvre ne sont pas restés les mêmes urant 40 années. la guerre Iran-lrak. * Pourtant, si l’on regarde la courbe du PIB par habitant, nulle trace de chute du PIB après 1973. Le PIB des pays riches a plus que doublé en 40 ans. Pour la croissance du PIB, il s’agit d’un retour au rythme tendanciel de croissance du capitalisme, soit 2 % par an environ, après une période exceptionnelle (annexe 7).
Le deuxième indicateur du « carré magique » (Nicholas Kaldor, 1972) est le taux d’inflation, qui dépasse les 15 % par an dans les pays riches dans la deuxième moitié des années 1970. L’inflation « rampante » de la fin des années 1960 ue aux conflits dans la répartition de la valeur ajoutée laisse la place à une inflation par les coûts (choc pétrolier). La prospérité des années 1945-75 était bâtie sur un pétrole bon marché.
Dans les années 1950 et 1960, l’inflation était plutôt le signe d’une « surchauffe » de l’économie, ce n’était pas un problème majeur. Si le pays passait en déficit commercial, on dévaluait la monnaie (boucle inflation -dévaluation). Mais avec l’ouverture croissante des économies, l’inflation devient un problème car elle dégrade la compétitivité et provoque un déficit commercial marqué. Le troisieme indicateur est le solde du commerce extérieur. Des déficits commerciaux croissants se manifestent, dus au choc pétrolier et à la concurrence des pays émergents.
Le dernier indicateur, le chômage, s’élève durablement. Le million de chômeurs est franchi en 1978 (taux à les deux millions en 1984 ; 2,6 millions en 2011 presque 3 millions connaissent déficits budgétaires et endettement élevés, ont du mal ? sauvegarder les systèmes de protection sociale, assistent au retour d’une pauvreté importante et de prob èmes d’exclusion, de précarisation des emplois, d’intégration et e tensions sociales (émeutes urbaines, racisme et montée des extrêmes politiques). L’évolution de la consommation et de l’investissement, composantes majeures de la demande globale La vague d’inflation, qui a réduit le pouvoir d’achat des ménages, n’a pas réduit la consommation, de nombreux salaires étant indexés sur l’inflation, via le SMIC. Le partage de la valeur ajoutée s’est déséquilibré, abaissant le taux de marge des entreprises de 1973 à 1983 (annexe 31), avec pour effet un recul de l’investissement (annexe 33). Les institutions de l’époque ont reporté le choc sur les entreprises.
La réaction fut différente aux États-Unis, le choc étant aussitôt reporté sur le travail ? travers des licenciements et la baisse de salaires (annexe 31). B. Lecture par les mutations structurelles Le ralentissement de la croissance avait des causes plus profondes, qui expliquent sa durée (malgré le contre-choc pétrolier de 1985-86 la croissance n’est pas « repartie Tout d’abord, les biens qui avaient permis la croissance forte de la consommation (électro-ménager et automobile) arrivent à saturation au début des années 1970 lorsqu’une erande majorit sont équipés. oncurrencer les pays uropéens sur des marchés qu’ils dominaient sans partage. De plus, les gains de productivité ralentissent aux États-Unis dès le milieu des années 1960, notamment en raison de ‘épuisement du tayloro-fordisme. L’essentiel des gains de productivité à en attendre ont été pris ; les coûts indirects prennent de l’ampleur (réparation des défauts croissants, montée des conflits sociaux, rejet du travail taylorisé par de nouvelles générations mieux formées, inadaptation des produits standardisés à la demande qui se segmente, coût croissant des contrôles et de la hiérarchie intermédiaire, oût des stocks).
Le rapport « Halte à la croissance » du Club de Rome est publié en 1970, mais la prise de conscience de l’aspect fini des ressources naturelles fossiles (concept d’entropie, dû ? Nicolas Georgescu-Roegen) et des coûts élevés des dégâts infligés à l’environnement viendront plus tardivement. 2. De 1983 à 2007 : réorientation des politiques économiques et enlisement A. Un renversement des politiques économiques… Au début de la décennie 1980, les priorités des politiques économiques changent. En France, le « virage de la rigueur » date d’avril 1983 : rigueur salariale, rigueur udgétaire (moins mise en œuvre). La principale mesure consiste dans la désindexation des salaires sur les prix qui casse la hausse des salaires (cf annexe * Investissement et consommation années 1960, environ 20% du PIB au lieu de (annexe 33). Or, l’investissement est la source des gains de productivité sur moyen et long termes, qui sont la condition fondamentale de la croissance (voi chapitre 1).
Le rétablissement de niveaux élevés de profits ne garantit pas un niveau élevé d’investissement, contrairement à la célèbre citation du Chancelier Helmut Schmidt (novembre 1974) : « Les profits d’aujourd’hui sont es investissements de demain et les emplois d’après-demain », voir annexes 31 et 33. L »investissement dépend en fait de plusieurs variables, notamment la demande anticipée (Keynes, Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie, 1936).
S’ils sont optimistes ils investissent massivement et la croissance augmente conformément à leur croyance (prophétie auto-réalisatrice). Inversement s’ils sont pessimistes. Intervient aussi un troisième facteur, le degré de risque que prennent les capitalistes. Investir est toujours une opération risquée, un pari (Schumpeter). Or, le capitalisme actionnarial qui émerge ? partir des années 1990(voir introduction et chapitre 2) impose aux entreprises côtées une vislon court-termiste, incompatible avec la prise de risque sur des projets industriels.
En France, la part de dividendes dans la valeur ajoutée des entreprises (SNE sociétés non-financières) est passée de 3% en 1981 à en 2011 (annexe PAGF s OF qu’en désépargnant. Cest le cas en France durant les années 1980, mais surtout aux États-Unis où le taux d’épargne des ménages est passé de en 1982 à tombe à zéro en 2007. pour ne pas renoncer aux promesses de a société de consommation, commence une nouvelle vague d’endettement, comme dans les années 1930 (cf Kumhof-Rancière, chapitre 2, p. 21-22), voir annexe 32.
La croissance se maintient alors « à crédit », la stagnation des salaires est compensée par une montée de l’endettement des agents éconormques (ménages puis États). * Les politiques économiques Les politiques budgétaires appliquent une version simplifiée des idées de Keynes, qui consiste à relancer l’économie en cas de ralentissement, par un déficit budgétaire. Mais les déficits se succèdent sans effet sur la croissance. Les gouvernements utilisent cet outil en permanence, y compris lorsque la croissance s’améliore. Cela mène à la perte progressive du levier, à un accroissement de la dette publique.
Sans concertation, 4 lorsqu’un pays de taille « moyenne » comme la France relance ? contretemps de ses partenaires commerciaux, il subit un déficit commercial au bénéfice de ces derniers. Les dernières relances ont lieu en France en 1976 (gouvernement Chirac) et 1982 (gouvernement Bérégovoy). Face à cette dérive, l’Union européenne va interdire aux États d’emprunter à leurs banques centrales, l’idée rchés financiers PAGF 6 OF Maastricht enserrent les budgets et les déficits publics dans des bornes (3 % et 60 % du PIB) que les traités ultérieurs (Amsterdam en 1997) confirment et assortissent de sanctions.
Les difficultés économques persistant, la dérive budgétaire se poursuit et les criteres de Maastricht seront souvent dépassés. Quant aux politiques monétaires, elles opposent nettement les États-Unis et l’Europe. Aux États-Unis, la politique monétaire a été menée par Alan Greenspan (1987 à 2006). La Fed poursuit par son mandat deux objectifs, l’emploi et la lutte ontre l’inflation. Greenspan privilégier le premier objectif tant que le second n’est pas compromis (UMRI Unemployment Minimizing Rate of Inflation). ? la fin de la décennie 1990, la « nouvelle économie » basée sur la vague des technologies de l’information et d’internet portera le chômage à 3,7%. Mais cette politique laxiste a facilité la montée de l’endettement et des crédits subprimes. L’Union européenne a confié sa politique monétaire à la BCE, indépendante … des gouvernements. par son mandat elle ne poursuit qu’un objectif, la lutte contre l’inflation. La BCE a pris comme norme et objectif une inflation inférieure à 2 sous l’influence des dirigeants allemands.
Durant les années 1990, la BCE a pratiqué des taux d’intérêt plus élevés que la Fed qui ont limité la croissance et amplifié le chômage dans la zone euro. La BCE se base sur le NAIRU (Non Accelerating Inflation Rate of Unemployment), le taux de chômage qui n’accélère pas l’inflation (courbe de Phillips, 1958, modifiée en 1965) : rop rapide du chômage se PAGF 7 OF trop rapide du chômage se traduirait par un regain de revendications salariales, accélérant inflation qui ne ourrait que s’emballer et devenir incontrôlable… Cette chasse au fantôme s’est traduite par un chômage accru. ne cible d’inflation de est basse, elle garantit la valeur et le pouvoir d’achat des capitaux, qu’aucune inflation ne vient déprécier ; de plus, une inflation faible est peu mobilisatrice pour les revendications salariales. Dans la zone euro, les politiques économiques ont réduit l’inflation, pesé sur la croissance et l’emploi ; elles n’ont pas empêché l’endettement croissant des États du fait du ralentissement durable de la croissance. Tout en donnant la priorité aux politiques de ‘offre (soutien aux entreprises) et aux « réformes structurelles » (réformes libérales, portant notamment sur le marché du travail).
B. … dans un contexte de globalisation * Ce que l’on traduit généralement par mondialisation part du terme anglo-saxon de globalization, sans doute plus explicite. * Pour l’Union européenne, la globalisation s’est principalement traduite par la création de l’Union Économique et Monétaire (zone euro). La France effectue presque de ses échanges commerciaux avec l’Union européenne dont 16% avec l’Allemagne, notre premier partenaire commercial, contre seulement avec la Chine et Honk-Hong et 6% avec les États-Unis (do s 2012).
PAGF 16 élargi jusqu’à 28 pays aujourd’hui. L’Union européenne est devenue une « union économique » en 1993 avec la mise en place du marché unlque (ou marché commun) caractérisé par la libre circulation des biens et services, les mêmes droits de douane à l’égard des pays tiers, la libre circulation des facteurs de production : liberté des mouvements de capitaux et libre mobilité des travailleurs, inachevée. Des politiques communes ont été mises en place comme la politique monétaire, la politique agricole commune (PAC) ou la politique e la concurrence.
Les politiques budgétaires ou la protection sociale restent ? harmoniser. L’Union monétaire est fondée en 1 999 (zone euro). Fin 2014, 18 pays en font partie. Le Royaume-Uni, le Danemark et la Suède, notamment, n’en font pas partie. Entre ces pays, la monnaie (€) et la politique monétaire sont communes. La politique de change et le financement des dettes des États ne font pas partie de son mandat, en principe, mais les difficultés après la crise de 2008 1’ont amené à intervenir indirectement et discrètement.
Pour mettre en place le marché unique, l’Union européenne a dû onduire des politiques communes, par exemple, la politique de la concurrence (interdiction des subventions qui constituent une barrière non tarifaire, libéralisation des services publics). Cependant, 6 d’échelle et concentration aux grandes firmes ; accroissement de la concurrence incitant à des efforts de compétitivité prix et hors-prix et générant des « champions » européens. Les risques et coûts de change ont été supprimés au sein de la zone.
Les baisses de prix bénéfiques aux consommateurs ont tardé à se manifester, la langue demeurant un réel obstacle cloisonnant les marchés. Mais la recherche de compétitivité entre les membres de la même zone ne peut servir la croissance des uns qu’au détriment des autres, notamment depuis l’entrée de nouveaux pays d’Europe centrale dans les années 2000, pays aux niveaux de vie, de salaire et de protection sociale très disparates (le SMIC bulgare est neuf fois inférieur au SMIC français, inférieur au salaire minimum de Shenzen, au Sud de la Chine).
Il s’agit d’une construction « non-coopérative » (dumping social et fiscal). L’échec actuel de la construction européenne, inachevée, appelle l’élaboration de égislations communes dans les domaines de la fiscalité (entreprises et revenus), des conditions de salaire et d’emploi et de la protection sociale. 3. La crise commencée en 2008, la « Grande récession » A.
Un choc d’origine financière La crise de 2008 est la conséquence directe de la crise financière déclenchée par l’épisode des subprimes. Aux États-Unis, après les chocs de l’année 2001, l’éclatement de la bulle internet au début de l’été puis les attentats du 11 septembre, Alan Greenspan a continué à mener une politique monétaire f nsionniste de taux bas.