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INTRODUCTION Toutes les opérations économiques nous confrontent ? l’usage de la monnaie. En tant qu’instrument de paiement, elle fait partie de l’expérience quotidienne de chaque individu. La détention de monnaie permet de participer aux échanges du marché, en cela elle est un signe [‘intégration de l’individu à la société. L’absence ou le manque d’argent est révélateur de l’exclusion. Les signes monétaires contiennent une référence à un territoire, ils révèlent l’origine nationale du détenteur. L’usage d’un signe monétaire sur un territoire unifie le règlement des échanges.

La monnaie est une référence commune et en principe Swipe to page stable ; en changer la et des services. D’em e or 8 autorise tous les acte lés • Elle est l’un des fond Définir la monnaie pr tion des objets bjet social qui . de hesse et à féchange. marché. aut-il s’intéresser ? la forme qu’elle revêt ? aux services qu’elle rend ? aux conditions de son efficacité ? à l’administration de sa création ? On comprendra aisément qu’une définition fonctionnelle de la monnaie est réductrice. Elle masque les conditions sociales de sa production et de son usage.

La monnaie permet de omparer toutes choses, ce qui confère à la contrainte de « valeur une importance primordiale. La généralisation des échanges opérée dans le cadre capitaliste dès le XXe siècle en Grande-Bretagne contraint tous les individus à l’usage de la monnaie. Les banques procurent dès lors un sen’ice particulier de mise à disposition – notamment par le crédit -r de conservation et de placement. Les banques commerciales ont besoin d’une monnaie incontestable pour régler leurs obligations réciproques.

La banque centrale émerge alors, disposant d’un monopole d’émission sur un territoire. Son action devient régulatrice. Cinflation témoigne de la plus ou moins grande efficacité de la politique monétaire. 8 MONNAIE ET POLITIQUES MONÉTAIRES La liaison entre son développement et l’action des institutions bancaires est interrogée. Les erreurs des banques centrales sont-elles à l’origine de son augmentation ? La réalisation d’une unification monétaire au sein de la zone euro a modifié les conditions d’exercice de la politique monétaire.

Unification des instruments et des décisions, élargissement de la zone de circulation d’une monnaie unique, gains au niveau des transactions. Cette zone est-elle suffisamment homogène pour supporter une polltique monétaire unique ? Les grands pays n’ont-ils pas perdu une partie de leur pouvoir économique ? La banque centrale est le pivot de l’organisation monétaire. Ses décisions ont des conséquences sur les marchés financiers et sur l’activité économique dans son ensemble. Elles sont observées par tous les analystes du marché.

L’efficacité des décisions prises et surtout sa capacité à infléchir utilement l’activité dépendent de sa crédibilité. Celle-ci dépend à son tour de facteurs institutlonnels, du poids ?conomique des marchés que la banque centrale régule, mais aussl de son institutionnels, du poids économique des marchés que la banque centrale régule, mais aussi de son histoire. L’efficacité de la banque centrale est particulièrement visible lors de la gestion des crises monétaires. Ici, la fonction de prêteur en dernier ressort apparaît fondamentale.

Cet ensemble de facteurs rend certaines institutions plus influentes que d’autres. La comparaison de la Réserve fédérale américaine (FED) et de la Banque centrale européenne (BCE) sera eclairante. L’apparition de nouveaux moyens de paiement accélère la ématérialisation de la monnaie. Les paiements par billets et pièces représentent des volumes moins importants. La régulation de la banque centrale s’en trouve affectée. Les cartes de paiement, les paiements électroniques sur Internet suscitent de nouveaux modes de régulation monétaire.

Le porte-monnaie électronique présente une nouvelle forme de monnaie immédiatement liquide, stockable et immatérielle. La mon- naie suit les bouleversements techniques et sociaux de son époque. Comme le dit Georg Simmel dans Philosophie de l’argent, « À mesure que l’économie d’un pays est de plus en axée ur Fargent, on voit progresser la concentration de ses actions financieres en de gros nœuds de circulation monétaire. » On conçoit qu’aujourd’hui Penjeu majeur soit leur contrôle et leur sécurité.

CHAPITRE La monnaie n’est-elle identifié des signes monétaires sur des tablettes d’argile en Mésopotamie 3 500 ans avant JésusChrist. Cette découverte témoigne de l’usage très ancien de ceux-ci et de leur utilité sociale. Dans les sociétés plus anciennes, la monnaie est directement associée aux marques de richesse dont elle constitue un témoignage et un outil de la circulation. Les signes monétaires sont fortement reliés ? ‘autorité religieuse ou politique, ils en portent souvent la marque. Autrefois„ la monnaie revêtait des formes variées : coquillages, perles, sel, plumes.

Chez les Grecs et les Romains, le bœuf était utilisé comme unité de compte (pecus : le troupeau). Dans ce dernier cas, la fortune était immédiatement perceptible et se décomptait aisément. La monnaie est ainsl d’emblée une institution constituée à partir des besoins des membres de la société. Chaque société, à partir de son organisation politique et sociale, sera amenée à lui donner une forme particulière et des règles d’usage spécifiques. Conformément à la vision des économistes classiques, Adam Smith ou Jean-Baptiste Say, la monnaie n’est-elle alors qu’un simple instrument ?

N’est-elle qu’un voile posé sur les relatlons marchandes ? Doit-elle simplement être reconnue par les fonctions qu’elle remplit ? La réflexion sur le rôle de la monnaie est déjà présente chez les philosophes grecs, notamment dans l’œuvre d’Aristote. Celui-ci s’attache à en définir un usage porteur de justice sociale. Par la suite, historiens, économistes et sociologues ont observé que la monnaie participait au renforcement des rapports de force e PAGF articipait au renforcement des rapports de force et qu’elle pouvait constituer l’un des Instruments de l’ordre et de l’oppression.

Après avoir distingué, dans une optique classique, les principales fonctions que doit remplir la monnaie, nous montrerons qu’on ne peut s’en tenir à une vision aussi restreinte. La monnaie tient une place spécifique dans la structuration des échanges au sein de la société. Nous insisterons particulièrement sur le fait que la stabilité des institutions LA MONNAIE N’EST-ELLE QU’UN INTERMÉDIAIRE DANS LES ECHANCES ? 13 monétaires et la confiance sur laquelle elles s’appuient sont un réalable aux échanges marchands. 1. – La monnaie peut-elle être définie par ses fonctions ? a. ?? L’usage de la monnaie dans les échanges est préférable au troc Le préalable à fexistence de la monnaie est l’échange et réside dans la volonté de se procurer de ce dont on est démuni en cédant une partie de ce dont on est pourvu. Le troc pourrait très bien aboutir à ce résultat, mais au prix d’une grande quantité d’évaluations. Comme nous le rappelle l’économiste Michelle de Mourgues, « Substituer n prix à n/2 (n – 1) prix, c’est pour 100 biens substituer 100 prix monétaires à 4 950 rix relatifs et pour 1 000 biens 1 000 prix monétaires ? 466 500 prix relatifs » !

Le recours à la monnaie est dès lors nécessaire lorsque la quantité d’objets à évaluer progresse. Elle simplifie les évaluations. Dans ce cas, elle n’est qu’un « voile », car ce qui permet de com arer les objets et d’établir leur val n’est qu’un « voile car ce qui permet de comparer les objets et d’établir leur valeur respective, ce sont les prix relatifs. Ce qui compte dans les relations marchandes, selon Adam Smith ou JeanBaptiste Say, c’est la valeur relative ou échangeable des marchandises.

Généralement, les économistes distinguent trois fonctions essentielles que doit remplir la monnaie, trois rôles selon Léon Walras : celui de numéraire pour exprimer unanimement les prix, celui de monnaie de circulation pour l’échange effectif sur le marché et celui de monnaie d’épargne pour « réaliser l’excédent En cela, ces économistes ne font que reprendre des distinctlons opérées par les philosophes grecs dès l’Antiquité. 14 MONNAIE ET POLI IQUES MONÉTAIRES b. L’unité de compte Selon Aristote, la monnaie a été introduite pour exprimer la commensurabillté des objets d’échange ou jouer le rôle de esure. La monnaie est bien cette référence à laquelle il est possible de comparer tous les autres biens. Elle aide à l’évaluation et permet d’afficher une moindre quantité de prix que le troc. On parle de numéraire pour désigner cette fonction de dénombrement. Il serait évidemment souhaitable que l’instrument de mesure monétaire soit stable dans le temps au même titre que le mètre étalon dans le monde physique.

Cependant, l’expérience historique nous montre que cette stabilité ne s’est jamais produite, car la quantité globale de monnaie peut être sujette à variations, en fonction des intérêts des émetteurs. Aujourd’hui encore, d’une année sur l’autre, une même quantité de monnaie ne perm émetteurs. de monnaie ne permet pas l’achat de la même quantité d’articles. Cette instabilité dans le temps ne conduit pas pour autant à abandonner la référence monétaire. c. L’instrument des transactions En dehors du troc, la monnaie est présente dans toutes les opérations d’échange, puisqu’elle en constitue le double parfait. Cela suppose l’existence d’une encaisse préalable pour que les transactions se fassent. Les métaux précieux, auxquels on peut attribuer le rôle de monnaie en raison de leurs aractéristiques propres, ont pu y pourvoir longtemps au cours des siècles passés. On leur reconnaît des qualités particulières conformes à l’usage de la monnaie : leur abondance relative, leur divisibilité, leur résistance au temps.

Fernand Braudel suggère leur influence sur l’évolution des sociétés : « ainsi se rythment les chapitres de l’histoire du monde, à la cadence des fabuleux métaux La rareté monétaire a été généralement accompagnée dans l’histoire d’une tendance au ralentissement économque. L’essor économique suppose de s’affranchir pro- ÉCHANGES ? gressivement de cette contrainte métallique. Cette capacité de transactions accrues nécessite l’intervention d’institutions créatrices de monnaie. Les banques jouent ce rôle en proportionnant leurs apports aux besoins de l’économie.

Pour jouer ce rôle d’instrument de transaction, la monnaie doit prendre une forme qui permette de la multi lier en fonction des besoins d’échanges, de doit prendre une forme qui permette de la multiplier en fonction des besoins d’échanges, de la diviser en unités élémentaires et de la transporter facilement. Elle doit en outre être acceptée par les coéchangistes et résister au temps. d. – L’instrument de réserve L’idée de réserve intervient dès que l’on observe que les opérations d’échange sont disjointes dans le temps.

La monnaie que j’obtiens en échange d’un bien ou d’un service vendu doit me permettre d’effectuer, plus tard, l’achat d’un bien ou d’un service d’une valeur équivalente. En conséquence, la monnaie doit conserver la valeur pendant quelque temps. D’autres actifs pourraient remplir cette tâche, mais ils n’ont pas la qualité de liquidité de la monnaie. Celle-ci est convertible instantanément en n’importe quel bien ou service. Cette fonction implique une définition stable de l’unité monétaire. Cette référence est donnée par la loi.

Au XIXe siècle, la valeur de l’unité monétaire est définie par un poids de métal afin d’affirmer sa constance dans le temps. Le pouvoir politique garantit ainsi la permanence de la valeur de la monnaie. La thésaurisation représente cette volonté de conservation de la monnaie afin de faire face à des événements imprévus. Cette conservation par précaution peut avoir des conséquences néfastes pour l’activité, car la monnaie est créée pour l’échange. Son retrait de la circulation pénalise les vendeurs et peut les conduire à la réduction ou à la disparition de leur activité.