L’Inde et la Chine Deux émergences qui inquiètent les pays avancés Delhommeau Cyril- 15 March y Introduction Les BRIC représentent aujourd’hui le quart de l’économie mondiale. En l’occurrence, la Chine et l’Inde représentaient 4 % du PIB mondial en 1980 et plus de 20 % en 2012. Leur émergence sur la scène manufacturière mondiale a profondément bouleversé les échanges mondiaux. La part des exportations mondiales réalisée par la Chine et l’Inde s’est fortement accrue entre 1970 et 2012. Plus d’un dixième des exportations mondiales est aujourd’hui réalis la montée en puissa ême devenu plusi to vieu partir de 2010.
Si le d désirable pour leurs chinoise. Avec ce Nord-Sud est rte Nord-Nord ? émergents apparaît turellement suscité de nombreuses craintes des deux c t s de l’Atlantique, les Américains appréhendant avant tout ses répercussions sur les salaires et les Européens s’alarmant davantage de son impact sur l’emploi. L’émergence de la Chine et de l’Inde est-elle une malédiction pour les pays avancés ? I-LJne approche plutôt théorique La littérature empirique a recherché les différents canaux par lesquels un tel essor des pays émergents sur les marchés nternationaux est susceptible d’influencer les pays avancés.
Selon les théories traditionnelles du commerce international, la multiplication des échanges est bénéfique à Pensemble des part partenaires. Les firmes des pays avancés peuvent externaliser une partie de leur production, ce qui favorise le commerce intrabranche. La concurrence des pays en développement inciterait les entreprises des pays avancées à investir davantage dans la recherche-développement pour innover, ce qui renforcerait leurs avantages comparatifs.
Dans cette optique, la mondialisation se traduit par une spécialisation des pays avancés ans la recherche-développement et les pays en développement dans la production industrielle et cette forme de division internationale du travail est susceptible d’accélérer la croissance mondiale. Toutefois, pour d’autres auteurs, le développement du commerce international ne procure pas forcément des gains pour chaque participant à l’échange, mais peut au contraire réduire irrémédiablement le bien-être de certains.
C’est notamment un résultat obtenu par les nouvelles théories du commerce international. Paul Krugman et Anthony Venables (1995) montrent ar exemple que le déclin des coûts de transport peut certes avantager dans un premier temps l’industrie dans les pays avancés en raison des effets d’agglomération et des rendements croissants d’échelle, mais qu’il peut ensuite leur être défavorable si les pays en développement deviennent plus rentables en raison de leurs moindres coûts du travail.
La chute des barrières à l’échange va donc tout d’abord enrichir le Nord et appauvrir le Sud, mais la convergence que l’on observera par la suite risque de se faire en définitive au détriment des pays avancés. De son côté, paul PAG » 1 a suite risque de se faire en définitive au détriment des pays avancés. De son côté, Paul Samuelson (2004) a même conclu à partir d’une modélisation traditionnelle à la Ricardo que l’intégration croissante de la Chine dans le commerce mondial pouvait se révéler nuisible au bien-être des pays avancés.
David Autor, David Dorn et Gordon Hanson (2013) ont récemment observé les répercussions que la plus grande concurrence des importations chinoises a pu avoir sur les zones d’emploi aux Etats-Unis. D’après leurs résultats, la hausse des importations entre 1990 et 2007 a entraîné une hausse du chômage et une aisse des salaires dans les zones d’emploi dont les activités industrielles étaient exposées à cette concurrence étrangère. Selon leurs estimations, la plus forte concurrence à Fimportation expliquerait un quart de la baisse de l’emploi manufacturier aux Etats-Unis.
Livio Stracca (2013) a poursuivi leur analyse en considérant non seulement Pimpact de la Chine, mais aussi celui de l’Inde sur l’ensemble des pays avancés. Ses résultats sont plus optimistes. Tout d’abord, la plus forte concurrence des importations chinoises et indiennes semble être positivement associée à la croissance es revenus dans les pays avancés, tandis que la concurrence à l’exportation semble ne pas avoir eu d’impact significatif. par conséquent, l’auteur en conclut que les pays avancés semblent en définitive avoir bénéficié de la plus forte concurrence exercée par les deux pays émergents.
Ensuite, Stracca constate que si la concurrence à l’exportation ou à l’importat PAGF30F11 deux pays émergents. Ensuite, Stracca constate que si la concurrence à l’exportation ou à l’importation semble nuisible pour les emplois du secteur manufacturier, elle ne semble toutefois pas avoir affecté remplol total. Ces résu tats suggèrent à l’auteur que la concurrence en provenance de Chine et d’Inde a effectivement enclenché un processus de réallocation dans les pays avancés qui les a amené à se désindustrialiser.
Si cette réallocation lui apparaît bénéfique à long terme, elle se révèle toutefois coûteuse à court terme. Stracca en conclut que les pays avancés ont intérêt ? faciliter le processus de réallocation, même si cela passe par une détérioration de la protection de l’emploi. ll- L’Inde et la Chine: le match du siècle ? La Chine sera-t-elle le numéro un de réconomie mondiale vers 020 ? L’Inde va-t-elle entrer dans le club des tigres et dragons de l’Asie orientale ? Les deux pays amis en apparence vont-ils se livrer à un match de géants ?
Du point du vue énergétique, l’avantage revient à la Chine. Elle est bien plus avancée dans ses rapports avec les producteurs de pétrole et les Chinois ont fusionné certaines entreprises pétrolières pour obtenir une taille critique, ce qui n’est pas le cas de l’Inde En 2035, la Chine sera dépendante à 75 % sur ses approvisionnements pétroliers. Mais dès 2015, Flnde le sera ? 95 Ce pays va devoir développer une stratégie sur les mêmes errains que la Chine, comme le montre la rivalité actuelle sur le pétrole et le gaz birman.
On aura une concurrence de plus en plus forte qui ne ser PAGFd0F11 actuelle sur le pétrole et le gaz birman. On aura une concurrence de plus en plus forte qui ne sera pas favorable à la stabilité des cours du pétrole. De même, pour la croissance, l’inflation, le niveau de la dette extérieure et la balance commerciale, la Chine distance l’Inde. De tels chiffres sont cependant susceptibles de varier à court terme. En 1991, l’Inde était au creux de la vague, et la réforme ?conomique entreprise depuis par le ministre des Finances Manmohan Singh a permis d’améliorer ses grands déséquilibres.
Mais si l’on examine le taux de croissance des populations et leur degré d’instruction, deux tendances lourdes apparaissent, qui vont conditionner l’avenir des deux pays. Après l’échec de plusieurs polltiques de contrôle des naissances, l’explosion démographique de l’Inde se poursuit, bien que ralentie, et la condamne à dépasser la Chine dans les trente ans à venir. Oui, la Chine vieillit rapidement. Sa population active va décroître à partir e 2015 et pourrait réduire de 1 % à 2 % par an sa croissance à long terme.
Le nombre des 15-30 ans baisse. Or ce sont ces jeunes célibataires travaillant dans les usines pour de bas salaires qui constituent un de ses avantages concurrentiels. D’où la nécessité pour le pays de faire monter son industrie en gamme. L’Inde a un avantage démographique incontestable. Sa population, très jeune, va continuer à augmenter. Quoi qu’il en soit, les deux pays ont manqué leurs objectifs en matière de contrôle des naissances. Ni les stérilisations en Inde ni les pénalités chinoises à l’encontre des s 1 ontrôle des naissances.
Ni les stérilisations en Inde ni les pénalités chinoises à l’encontre des familles de plus d’un enfant n’ont atteint les résultats escomptés. A titre d’exemple, couples indiens ne pratiquent pas contraception, mais la Chine a bien plus failli que l’Inde en termes de contrôle des naissances et de politiques familiales. Pis : près de la moitié de la population indienne demeure illettrée, c’est-à-dire incapable de contribuer à la modernisation du pays.
On avance que cette relative négligence à l’égard de l’école primaire en Inde découle du système des castes, qui serait emis en cause par une éducation trop poussée des défavorisés. On s’en est rendu compte au moment des sanglants troubles de décembre 1991 , dus à la destruction par des hindous de la mosquée d’Ayodhya. Pis encore, son système éducatif, très élitiste, pose problème : seuls 53 % des enfants dépassent cinq ans d’études alors qu’en Chine 98 % des enfants ont une scolarisation normale.
La Chine, elle, a moins d’élites, mais sa population est bien formée pour répondre aux impératifs de production de l’industrie. Bref, la Chine ne se contentera pas de rester l’atelier du monde et l’Inde, le bureau du monde. La Chine va effectuer une percée vers des secteurs à plus haute valeur ajoutée. Elle forme 700 000 ingénieurs par an, trois fois plus que l’Inde, et reçoit une masse d’investissements étrangers telle qu’au bout du compte elle va bénéficier de transferts de technologies.
D’ici cinq à dix ans, le choc Inde-Chine sera frontal en informatique, en biotech 6 1 en informatique, en biotechnologie, par exemple. Par ailleurs, chacun sait que la Chine a un pouvoir diplomatique nettement supérieur à celui de l’Inde car elle siège déjà comme membre permanent au conseil de sécurité de l’ONU. Néanmoins Raymond Barre estime que, au-delà de l’Allemagne, les prochains candidats à un fauteuil de membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU devraient être l’Inde, puis le grésil.
Mais la planète, économiquement déprimée, n’a dyeux que pour la Chine, nouvelle star du développement au potentiel illimité, pendant qu’elle néglige l’Inde, avec ses pesanteurs démographiques, culturelles et politiques, une Inde qui craint de faire tapisserie. Le continent indien est géographiquement isolé. Ce triangle est enfermé entre l’Himalaya et deux océans. Ses seuls voisins immédiats sont eux-mêmes en pleine stagnation : ? l’ouest, le Pakistan et l’Afghanistan; à l’est, le Bangladesh et la Birmanie.
Au contraire, la Chine est en contact avec les économies les plus vitales de la planète : Japon, Corée, Taiwan, Hongkong, la péninsule indochinoise en plein réveil. Par ailleurs, l’Inde ne collabore pas avec PASEAN et son l’initiative de la SAARC est peu efficace. L’économie indienne, opérant dans une démocratie, offre l’image d’un développement plus stable. e système juridique y fonctionne avec moins d’ingérences politiques qu’en Chine. Le système financier y est également beaucoup plus sain. Quant au isque politique, ce n’est pour l’Inde qu’un changemen PAGF70F11 également beaucoup plus sain.
Quant au risque politique, ce n’est pour l’Inde qu’un changement de majorité. Pour la Chine, c’est un changement de régime… L’Inde néglige, comme nous l’avons déjà dit, la scolarlsatlon primaire et n’y consacre pas plus de 1 % de son PIB. De longue date, en revanche, elle a formé – chez elle ou à l’étranger – des élites administratives et scientifiques de niveau international (d’autant plus qu’elles sont parfaitement bilingues en anglais). D’où l’effet pervers de fuite des cerveaux, les diplômés de haut iveau pouvant gagner en Occident dix fois plus que chez eux.
Par ailleurs il est interdit de licencier en Inde. Inde et Chine ont tout misé sur un processus de privatisation et d’ouverture aux investissements étrangers. Les deux dlsent voulolr réduire le rôle économique de l’Etat et favoriser les mécanismes de marché. Mais sur tous ces points le régime communiste a démarré plus vite et plus fort que la grande démocratie. Dans l’ensemble de la Chine, la part de la production industrielle des entreprises d’Etat ne cesse de décliner. II y a dix ans, elle représentait 75 %.
Elle est tombée aujourdhui à 50 Si l’on y ajoutait l’agriculture et les services, le quart seulement de l’économie chinoise dépendrait encore de l’Etat. En Inde, la privatisation a du mal à se mettre en marche car la plupart des entreprises nationales sont en grave déficit, en raison de l’interdiction qui leur est faite de réduire leurs effectifs pléthoriques. Du fait d’un syndicalisme puissant et clientéliste, d’une tradition socialisan B1 d’une tradition socialisante et de l’absence de toute protection sociale, il est pratiquement impossible de licencier ou de fermer une entreprise en faillite.
Souvent, on continue de les falre tourner grâce à des prêts d’Etat qui n’ont aucune chance d’être remboursés. Peut-on alors imaginer que ces deux nouveaux géants puissent s’allier et s’insurger contre l’impérialisme étasunien ? L’indien Mittal Steel a eu Arcelor, à quand les prochaines cibles occidentales? Plusieurs grands groupes indiens et chinois sont assis sur des « tas d’or ». Les groupes chinols mono-produits vont devoir se diversifier et acquérir des firmes étrangères. Cela les amènera à racheter des sociétés pas toujours en bon état, comme le Japon dans les nnées 1980, qui donnait l’impression de racheter le monde.
En 2005 les chinois étaient prêts à offrir 18 milliards pour l’américain Unocal ! L’opération a échoué, mais elle donne la mesure des fonds qu’ils sont désormais prêts à débourser, notamment dans l’énergie. D’autres part, les marchés des pays émergents sont des marchés stratégiques pour eux. C’est actuellement leur première cible d’investissements et d’exportations. La Chine est déjà un acteur majeur en Afrique, en Iran et quasi dominant en Algérie. La concurrence avec les occidentaux va être de plus en lus rude.
De toute façon, ces deux colosses, voisins géographiques, qui dépassent chacun le milliard d’âmes, pèseraient ensemble plus du tiers de l’humanité. Chacun d’eux restera cinq à six fois plu d’âmes, pèseraient ensemble plus du tiers de l’humanité. Chacun d’eux restera cinq à six fois plus peuplé que le troisième ou le quatrième pour le nombre d’habitants. La Chine et l’Inde seront donc, selon l’expression de Jack Welch (président de General Electric), les deux mégamarchés du XXIe siècle. Les résu tats enregistrés pendant ces décennies nien ont pas moins eté ppréciables et comparables.
Chacun de ces deux géants a sorti son peuple de la misère abjecte en améliorant son état sanitaire, en développant l’agriculture pour ne plus dépendre des importations, en créant une véritable base industrielle. Le tout sans contracter une dette extérieure ingérable. Mais à la fin des années 80 Inde et Chine ont semblé atteindre ensemble les Ilmltes de ces polltiques autarciques et rigides. Drame de Tiananmen en 1989, suivi de l’isolement de Pékin. Assassinat de Rajiv Gandhi en 1 991 et crise des paiements extérieurs amenant l’Inde au bord de la banqueroute.
L’une comme l’autre ont alors dû faire, pour repartir, le pari des réformes et de l’ouverture, ? l’image des réformes de Deng Xiaoping. On peut alors imaginer que la Chine et l’Inde pourraient, afin d’asseoir leur suprématie, agir ensemble en vue d’écraser le géant américain qui semble s’essouffler, aussi bien économiquement que politiquement, comme on a pu le voir avec le shutdown. Sur un plan géostratégique, chacune des deux nations vise naturellement à une prépondérance régionale. L’Inde a bâti une excellente marine, reconnue comme la plus puissante de la zone après celle du Japon. M 11