Martine RENIER – L 2 Histoire de l’Art Les Ménines (Velasquez) Les Menines de Diego Vélasquez est une huile sur toile de 318 cm x 276 cm, visible au musée du Prado, dans le palais de Philippe VI, à Madrid (Espagne), sous le numéro d’inventaire : POI 174. Il s’agit d’une commande de Philippe IV d’Espagne à Diego Velasquez. Peint en 1656, le tableau a été revu par le peintre en 1659, un an avant sa mort. D’abord appelé « Le tableau de la famille royale il a été rebaptisé « Les ménines » (les demoiselles d’honneur) en 1843. interroge le spectate sur or 13 Diego Rodriguez de S ay – aroque du siècle d’O et de l’espace.
Aîné d -que de cette toile et illusion. 660) est un peintre ement de la lumière ts, il intègre, dès l’âge de onze ans, l’atelier sevillan du peintre Francisco Pacheco, dont il épouse la fille huit ans plus tard. Influencé par le réalisme de Herrera le Vieux et la flamboyance de Caravage, il peint alors des bodegones (natures mortes) et des portraits comme Vieille femme faisant cuire des œufs (161 8), ainsi que quelques tableaux religieux comme Adoration des mages (1619) en jouant sur les contrastes du clair-obscur, dans un style naturaliste.
A vingt quatre ans, Vélasquez part pour Madrid où il est introduit à la cour de Philippe IV par le tout puissant ministre, le Comte-Duc d’Olivares. Aussi Swipe to vlew next page Aussitôt le monarque tombe sous le charme du talentueux peintre et Vélasquez, malgré son jeune âge, reçoit le titre envié de « Peintre du roi ». Il devient aussi conservateur des palais royaux de Madrid, et il est même chargé d’organiser les déplacements du roi. Dès lors, va se développer entre le peintre et le monarque féru d’art, une relation étroite, presque complice, à base de mécénat certes, mais aussi de confiance.
Elle va durer plus de trente cinq ans. Le roi charge Vélasquez de la décoration intérieure de ses palais et lui confie l’achat d’œuvres pour la couronne, s’appuyant sur son goût très sûr et sa fine connaissance des arts. Ainsi, presque tous des Titien, Raphaél et Rubens du musée du Prado ont été acquis sous la houlette de Vélasquez. En août 1629, Diego obtient la permission royale de se rendre en Italie, le pays des peintres qu’il admire le plus et que Rubens en visite à Madrid- le presse de visiter. Il y restera plus d’un an, jusqu’en janvier 1631.
L’étude de la peinture italienne in situ va ransformer sa façon de peindre, et il va adopter la technique des coups de pinceau vifs et rapides. Dans le même temps, il abandonne le clair-obscur au profit d’espaces baignés de lumière et cultive les harmonies d’ocres et de verts qui deviendront l’une de ses marque de fabrique. Rentré à Madrid, Vélasquez redevient le peintre de cour de Philippe IV. Les classiques portraits équestres du roi succèdent à des séries de bouffons et de nains, qui sont la preuve de sa constante introspection. L’humanité 13 séries de bouffons et de nains, qui sont la preuve de sa constante introspection.
L’humanité profonde de Vélasquez parvient ? adoucir la difformité des figures qu’il peint. Citons entre autres : Pablo de Valladoid (1635) et Nino de Vallecas (1694). Il peint aussi des figures de l’antiquité à caractère plébéien comme Esope (1 639), ainsi que quelques rares tableaux religieux de facture très classique, comme Le couronnement de la Vierge (1645). En janvier 1 649, il entreprend un second voyage à Rome, qui sera déterminant. II y exécute quelques portraits célèbres, dont celui du pape Innocent X en 1650, qui traduit sa maîtrise absolue de la lumière.
Mais Philippe IV le rappelle en juin 1 651, pour le nommer Aposentador mayor de palacio (Maréchal du palais), le plus haut poste qu’offre la cour. Cette promotion apporte à Vélasquez statut social et aisance financière mais, en contrepartie, elle ne lui laisse plus guère le loisir de peindre.. A cette époque, il réussit néanmoins à peindre le dernier de la quarantaine de portraits de Philippe IV qu’il a exécutés au total. Le roi y est représenté avec sa jeune épouse Marie-Anne d’Autriche et leurs enfants, tous vêtus dans des tons de rose et de gris bleuté.
Enfin, le souverain lui commande le célèbre tableau des Ménines, en 1656. Un tableau qu’il retouchera trois ans plus tard, en 1 659, juste avant de mourir, et qui parachèvera sa vision du baroque ? travers de savants jeux de miroir qui, aujourd’hui encore, donnent lieu à des interprétations diverses. Les Ménines est l’une miroir qui, aujourd’hui encore, donnent lieu à des interprétations diverses. Les Ménines est l’une des toiles les plus importantes de l’histoire de la peinture occidentale et sa composition énigmatique alimente la controverse entre réalité et illusion.
Le peintre baroque Luca Giordano, contemporain de Vélasquez, l’a qualifiée de « théologie de la peinture Grâce aux historiens, il a été possible d’identifier tous les personnages représentés sur ce portrait de gens de la cour. Au premier plan, partant de la gauche, on trouve Dona Isabel del Velasco, l’infante Marguerite, Dona Maria Samiento, la naine Mari-Barbola et le nain Nicola Pertusato. Ce dernier taquine du pied un chien allongé au tout premier plan. Au second plan, on voit le peintre lui-même, Diego Vélasquez, Aposentador du roi, palette et pinceau à la main, peignant une grande toile dont on ne voit que le dos.
A l’opposé, sur la droite, Dona Marcela de Ulloa, Quadramujer de las damas de la reine, voisine avec un arde du corps non identifié. Au fond de la pièce, un miroir reflète les bustes de Philippe IV et de son épouse Marianne, tandis qu’apparait sur la porte, comme une silhouette en contre-jour, José Nieto Vélasquez, Aposentador de la reine, tenant un rideau qui s’ouvre sur un espace vide Les radiographies de la toile, réalisées il y a vingt cinq ans par Manuella Marques, conservatrice du musée du Prado, nous apprennent qu’il y a eu deux versions du tableau.
Une première en 1656 et une seconde vraisemblablement en 1659. Dans la seconde vers 3 tableau. Une première en 1656 et une seconde vraisemblablement en 1659. Dans la seconde version, Vélasquez a effectué quelques changements et a modifié des personnages. Dans la première version, Les Ménines n’était rien d’autre qu’un tableau de cour, représentant la dynastie royale espagnole symbolisée par l’Infante, héritière du trône, en compagnie de ses parents et de leurs gens de cour.
En effet, dans la moitié gauche du tableau, Vélasquez n’apparaissait pas, remplacé par un rideau rouge, d’où un jeune garçon tendait à l’Infante un bâton de commandement. Sur cette première version, l’héritière royale occupait une position centrale dans la toile. Pourtant, quelque temps après que le tableau a été peint, naît un héritier mâle, prospero, à qui revient tout naturellement la succession au trône de Philippe IV. Raison pour laquelle, sans doute, le roi a demandé à son peintre de modifier le tableau.
Vélasquez s’est donc représenté à la place du jeune garçon, et quoi de plus naturel pour lui que de se peindre la palette à la main ? Sauf qu’il est en train de brosser le portrait du roi et de la reine. Des souverains dont il n’existe, au passage, aucun portrait où ils sont représentés ensemble, contrairement à ce qu’a l’air d’affirmer Vélasquez dans Les Ménines. D’autres radios nous montreraient que c’est Flnfante Marie- Thérèse qui apparaissait sur la gauche. On l’a sans doute fait disparaître par la suite, en raison de son mariage avec Louis XIV.
Elle est remplacée par un Vélasquez triomphant, au sommet de sa carr PAGF s 3 son mariage avec Louis XIV. Elle est remplacée par un Vélasquez triomphant, au sommet de sa carrière et de sa position sociale, qui peut enfin poser officiellement au milieu des Grands d’Espagne. De la même façon, une introspection aux infrarouges a démontré des traces d’anciennes corrections faites par Vélasquez sur sa propre représentation. Sa tête, qui était penchée d’abord vers la droite, a été replacée en penchant vers la gauche.
En résumé, nous savons par Antonio Palomino, auteur d’une étude publiée en 1724, que la toile a été découpée non seulement à gauche, mais aussi à droite. Mais nous n’avons gardé aucune information ni aucune date précise sur ces différents découpages. De plus, en 1734, la toile a été endommagée par le feu qui a ravagé l’Alcazar royal de Madrid. Elle a été restaurée par le peintre de cour Juan Garcia de Miranda (1677-1749). A cette occasion, la joue gauche de l’Infante a été presqu’entièrement epeinte. Le cadre d’origine a également disparu au cours de l’incendie.
La dernière restauration de la toile remonte à 1984, sous la houlette du conservateur américain John Brealey. Terminée un an avant la mort de son auteur, cette toile est l’aboutissement du style pictural de Vélasquez. Depuis qu’il est allé à Rome, sa peinture a changé : le réalisme et la couleur ont pris l’ascendant sur le dessin. Vélasquez a compris qu’il peut exprimer son art en quelques coups de pinceau et ses progrès techniques lui permettent de les poser du premier coup, sans retouche ni modification. Les Ménines m 6 3
Les Ménines met en scène neuf personnages et la toile est divisée en quarts horizontaux et en septièmes verticaux. Les personnages n’occupent que la moitié inférieure de la toile. A ces divisions s’ajoute la profondeur du champ, divisée elle aussi par sept, ce qui accroît la complexité de l’ensemble. Nous sommes dans l’appartement du prince Balthazar Carlos, de l’Alcazar. Tous les personnages semblent figés dans l’instant et sept d’entre eux regardent dans la même direction. Ils fixent un point situé en dehors de la toile, qui se trouve quelque part, non loin du spectateur.
Sans doute parce que les souverains viennent uste d’apparaître dans leur champ de vision. Mais le spectateur ne les voit pas, il ne voit que leur reflet dans le miroir. C’est ? travers ce reflet que l’on devine ce que Vélasquez est en train de peindre et qu’on ne voit pas (puisqu’on n’aperçoit que le dos de la toile). Et c’est bien ce qui est le plus troublant : le spectateur occupe précisement le point focal ou sont censés se trouver les souverains dont on aperçoit juste le reflet. Reflet qui se trouve dans le miroir, au milieu de la toile !
Quant au peintre, il pose son regard en dehors du tableau, perdu dans le vague, tandls ue le nain chatouille du pied le chien assoupi, seul mouvement perceptible dans cette scène figée où le temps semble s’être arrêté Le spectateur se trouve à la fois voyeur et participant, dans un jeu de rôles subtil où le 7 3 spectateur se trouve à la fois voyeur et participant, dans un jeu de rôles subtil où le virtuel et le palpable, le visible et l’invisible, s’affrontent autour d’un même questionnement : qui observe qui ?
La scène idéaliste baigne dans une lumière provenant d’une ouverture que l’on devine plus qu’on ne la voit, à l’extrême droite de la toile, en dehors du champ. Cette lumière assez crue vient lluminer la robe claire de l’Infante, semblant repousser d’autant les autres figures dans l’ombre et l’anonymat. Dans Les Ménines, les figures en vedette sont concentrées au centre du tableau. L’Infante tout d’abord, personnage central qui semble être l’objet de toutes les attentions, à commencer par celle de ses dames de compagnie.
Le couple royal ensuite. un reflet dans un miroir, une apparition mystérieuse, un peintre en train de les observer, le pinceau en main, sont autant d’éléments qui contribuent au mystère de la situation. Ils entretiennent le climat de mystère et d’étrangeté qui se dégage de cette singulière situation. Les experts de l’Art supposent que Vélasquez a été inspiré par le célèbre tableau de Van Eyck daté de 1434 : Les époux Arnolfini, un bijou du maître hollandais.
Toutefois, dans celui-ci le miroir rond -que l’on aperçoit sur le mur du fond- ne renvoie pas l’image du peintre, seulement celle de ses deux personnages vus de dos, mais le procédé reste identique : montrer rœuvre en cours de réalisation. par delà le contenu de son tableau (une scène de palais où apparaît, par surprise, le couple royal), 3 delà le contenu de son tableau (une scène de palais où apparaît, ar surprise, le couple royal), Vélasquez offre son propre regard sur la cour. On peut lire dans cette toile une réflexion du peintre royal sur le statut du pouvoir, sur sa fonction et surtout sur la puissance de l’image.
A travers Les Ménines le peintre engage le spectateur à s’interroger sur les relations subtiles qui se tissent entre les modèles, les regards et l’image. Image réelle, comme réfléchie dans le miroir. Image que Vélasquez est en train de peindre à l’intention de son roi… Où est le pouvoir dans ce cas ? Dans l’être ou dans le paraître ? En son temps, Michel Foucault a été fasciné par ce tableau. Dans Les mots et les choses il y consacre son premier chapitre en entier, et nous Ilvre son interprétation.
Il s’étonne notamment que le miroir de Vélasquez -contrairement à celui de l’école hollandaise de Van Eyck- ne reflète « rien de ce qui a été déj? dit ». Au contraire ici « le miroir assure une méthathèse de la visibilité qui entame à la fois l’espace représenté dans le tableau et sa nature de représentation ; il fait voir, au centre de la toile, ce qui du tableau est deux fois nécessairement invisible Pour Edouard Manet, Vélasquez était un maitre absolu, à qui il ttribuait le qualificatif de « peintre des peintres Comme Goya et Francis Bacon (entre autres), il va interpréter Les Ménines comme un historien de l’art.
Bacon va déclarer : « Vélasquez a trouvé le parfait équilibre entre l’image idéale qu’on lui demandait de reprodui PAGF 13 déclarer : « Vélasquez a trouvé le parfait équilibre entre l’image idéale qu’on lui demandait de reproduire et l’émotion qui submerge le spectateur » Pablo Picasso fut, lui aussi, fasciné par cette toile : il en peignit cinquante huit versions différentes entre le 17 août et le 30 décembre 1957 ! Qu’a donc vu Picasso qui avait échappé aux istoriens de l’art ? Quels éléments de l’œuvre a-t-il interprétés et a-t-il mis en lumière et nous guider vers une lecture de la toile ?
L’auteur des Demoiselles d’Avignon a insisté de façon répétitive sur le tandem miroir/porte. Chez Vélasquez ils se situent chacun de part et d’autre de l’axe vertical du tableau, lequel passe par la tête de l’Infante. Le miroir et la porte se trouvent de chaque côté et à égale distance de cette ligne imaginalre, comme des pendants, parfaitement séparés. Picasso nous le démontre, comme l’avait compris aussi Michel Foucault : le miroir n’est pas le entre géométrique de la toile mais son centre imaginaire… ? Le centre est symboliquement souverain dans l’anecdote, puisqu’il est occupé par le roi Philippe IV et son épouse. Mais surtout, il l’est par la triple fonction qu’il occupe par rapport au tableau. En lui viennent se superposer exactement le regard du modèle au moment ou on le peint, celui du spectateur qui contemple la scène et celui du peintre au moment où il compose le tableau (non pas celui qui est représenté, mais celui qui est devant nous et dont nous parlons. » (Michel Foucault). Au XXIème siècle, l’historien d’art Daniel Ar