TEXTE EXPOSE LE PALAIS D AIX LA CHAPELLE

Martine Rénier – Histoire de l’Art LE PALAIS D’AIX-LA-CHAPELLE En 768, Charlemagne devient roi des Francs et décide d’agrandir son royaume étriqué pour le changer en un vaste empire. Ensuite, il n’a plus qu’à accéder à la fonction suprême, dûment reconnue par l’Eglise . Ce qu’il fait en 800, en se faisant sacrer empereur, ? Rome, par le pape Léon Ill.

Très tôt Charlemagne s’était mis en quête d’un lieu où il pourrait concentrer tous ses seulement son admi or 13 de réorganiser), mais ssi le dispersée à son goût côtés, afin de mieux m ible d’abriter non ait entrepris e sa cour, trop ais avoir à ses Le choix de la ville d’Aix fut mûrement réfléchi par le roi des Francs. Cette déclsion intervint à un moment important de son règne, après plusieurs campagnes militaires contre les Saxons, qui avaient permis de repousser les limites Est de son royaume.

Mais ces guerres s’éternisèrent pendant une trentaine d’années, ce qui obligea Charlemagne à abandonner le principe germanique d’une cour nomade se déplaçant de palais en palais : une douzaine en tout. A partir de 790, le roi privilégia Aix et en fit le sedes regia (le siège du royaume). Pépin le Bref avait construit un palais dans cette ancienne ville d’eaux, que les Romains avaient nommée Aque Grannl (les eaux d’Apollon Grannus) et où SWipe page où ils avaient aménagé sur 20 hectares des thermes qui furent utilisés du Ier au IVème siècle.

Charlemagne appréciait les eaux chaudes qui calmaient ses rhumatismes, ainsi que la présence d’une forêt giboyeuse aux alentours, lui permettant de s’adonner à son loisir préféré, la chasse. Il y vint donc de plus en plus fréquemment à partir de 784, tous les ans après 794, et il ne s’en éloigna plus à dater de 804.

La situation géographique d’Aix fut déterminante dans le choix du futur empereur : la ville se trouvait quasiment au centre du royaume, en Austrasie, entre Meuse et Rhin, non loin de la Saxe (avec qui il était en guerre, ne l’oublions pas) et était le nœud stratégique de routes terrestres d’importance capitale pour le royaume. Il fallait au futur empereur un palais somptueux et une capitale digne de concurrencer Constantinople : ce sera Aix, qui deviendra Aix-la-Chapelle après la construction de sa chapelle Palatine.

Au carrefour des influences C’est au moine Eudes (ou Odon) originaire de Metz, architecte enommé, familier du quadrivum et de l’œuvre de Vitruve, que Charles fait appel pour bâtir son palais. Il le place sous la direction de l’abbé de Saint Wandrille Anségise et, sans doute aussi, d’Alcuin et d’Eginhard (c’est ce dernier qui nous a transmis le nom du maître d’œuvre). Le chantier -que l’on imagine gigantesque- durera de 794 à 798, mais l’ensemble ne sera consacré qu’en 805 par Léon Ill.

Le but de cette architecture étant de traduire le programme politique de 13 qu’en 805 par Léon Ill. politique de Charlemagne dans la pierre, Eudes crée un vaste nsemble répondant à plusieurs fonctions. pour la partie politique et administrative, il organise l’espace en gardant les fondations romaines : un grand carré de 360 pieds (1 20 mètres) de côté, divisé en quatre parties égales : axe nord-sud, par une longue galerie couverte, et axe est-ouest, par une rue principale qui est une ancienne voie romaine, le decumanus.

La galerie maçonnée relie la grande salle des Assemblées Générales, qui se trouve plein nord, à la chapelle Palatine, qui est plein sud. La moitié du carré se situant à l’est, et que l’on appelle le palais ntérleur, est complétée d’un espace triangulaire qui se termine par les thermes. Cet espace se compose d’un complexe thermal accolé à une vaste piscine dont les écrits rapportent que cent personnes pouvaient y nager à l’aise.

Les thermes romains sont hors d’usage mais Eudes utilise intelligemment leurs adductions d’eau, qu’alimentent la « source de l’empereur » et la « source de Quirinus Dans ces cinq espaces ainsi définis (quatre carrés et un triangle), vont maintenant s’élever les différents bâtiments dont Charles a besoin pour asseoir son pouvolr à la fois politique et religieux. Sans oublier le logement de la cour, que le roi a regroupée pour l’avoir sous la main.

D’autres bâtiments sont mal identifiés car, construits en bois ou en brique, ils n’ont pas résisté au t bâtiments sont mal identifiés car, construits en bois ou en brique, ils n’ont pas résisté au temps. Ce que l’on sait, en revanche, c’est que le complexe palatial était ceint d’une muraille. A cet égard, le palais d’Aix-la-Chapelle est une ville en soi, et sa construction a stimulé l’activité de la ville. De nombreux commerçants et artisans s’y sont installés, et certains Grands du royaume s’y sont fait bâtir es résidences pour être au plus près du pouvoir.

Ainsi la galerie couverte, qui abrite le passage entre la grande salle et la chapelle, ferme un côté du palais et lui donne une unité. Au croisement galerie-rue principale, un gigantesque porche marque le nœud stratégique du palais. A l’étage, il comporte une salle pour les audiences judiciaires du roi. une salle d’assemblée imposante Au nord, la grande salle de l’assemblée, l’aula regia, est séparée de la galerie par une double cour d’entrée couverte de bois, et s’inspire de l’aula palatina du palais de rèves. Cest une vaste nef e briques éclairée par une double rangée de fenêtres.

Ses dimensions permettent dy recevoir plusieurs centaines de personnes en même temps. Bien qu’elle ait aujourd’hui disparu, on sait qu’elle mesurait 47,42 m sur 2076 m pour une hauteur sous plafond de 21 m et que sa superficie dépassait 1 000 m2. A l’ouest, on trouve une grande abside de 17 m2 surélevée de trois marches pour le roi et ses proches, tandis que les deux absides latérales, plus petites, sont affectées au service pendant l’assemb 3 tandis que les deux absides latérales, plus petites, sont affectées au service pendant l’assemblée.

On suppose que les murs étaient ornés de peintures et de fresques représentant des héros de l’Antiquité aussi bien que des héros contemporalns. L’entrée se faisait par le sud, via une galerie à portiques. A l’extérieur, entre les deux rangées de fenêtres, une galerie de bois court le long des murs : elle permet aux invités de sortir prendre l’air, mais surtout d’être vu du bon peuple d’Aix, rassemblé pour Foccasion sur la place du marché.

L’aura regia accueille les plaids généraux, une fois l’an, au mois de mai, et réunit les Grands du royaume (et plus tard de ’empire) ainsi que les dignitaires du pouvoir : comtes, vassaux du roi, évêques et abbés. On y discute des affaires importantes, politiques et judiciaires et on y dicte les capitulaires à une armée de copistes qui les transcrivent par écrit. Les missi dominici seront ensuite chargés de les faire appliquer.

On y reçoit aussi les ambassadeurs étrangers en grande pompe, les récits flatteurs de la part des biographes comme Eginhard ou Ermold le Noir témoignent de ces cérémonies. Charlemagne y est présenté dans toute la magnificence. Une chapelle byzantine Le nord du palais, conçu comme un camp romain, est donc dévolu au le gouvernement, tandis que le sud est réservé au culte. La pièce maitresse est la chapelle dédiée à la Vierge Marie est insérée dans un complexe en forme de croix latine.

Pour son dessin, Eudes de Metz s’est PAGF s 3 Marie est insérée dans un complexe en forme de croix latine. Pour son dessin, Eudes de Metz s’est inspiré de Saint-Vital de Ravenne qui, lui-même, fait penser à l’église des Saints-Serge- et-Bacchus et au Chrysotriklinos de Constantinople, mais aussi à Sainte-Sophie élevée vingt ans plus tôt par le duc Arichis. Tout ela confirme l’inspiration byzantine de cette chapelle Ce vaste monument sur plan centré est coiffé d’une coupole octogonale de 16,54 m de diamètre, mesurant 31 m de haut.

Pour Eudes de Metz, la symbolique chiffrée des proportions dépasse le stade de la simple imitation. Les 144 pieds carolingiens du pourtour intérieur rappellent étrangement les 144 coudées du pourtour de la Jérusalem céleste dessinée par les anges dans l’Apocalypse (XXI, 16). De même, sur la mosaïque de la coupole, aujourd’hui masquée, les 24 vieillards de l’Apocalypse accompagnaient le Christ et le trône du roi était posé sur une strade surélevée de sept marches.

Autant de références à la symbolique chrétienne des chiffres. On désigne souvent ce monument sous le nom d’ « octogone » mais, en réalité, sa forme extérieure est celle d’un polygone ? seize côtés et c’est la figure interne (déterminée par les piliers internes) qui est un octogone, tout comme la coupole qui la coiffe. Entre le polygone et l’octogone, on trouve un collatéral qui entoure la nef, située sous la coupole. C’est à que se tiennent les serviteurs du palais.

Les tribunes à deux étages ouvrent sur l’espace central par le iais 6 3 biais d’arcs en plein cintre soutenus par des colonnes. Certaines d’entre elles sont des antiques que le rol a fait venir tout exprès de Rome et de Ravenne (avec [‘autorisation du pape Hadrien Ier), ainsi que des mosaïques pour la voûte du collatéral. Eginhard raconte : « qu’on ne pouvait en trouver ailleurs b. Pendant les offices, le roi et sa cour prennent place dans la galerie supérieure. Comme l’empereur à Constantinople, le souverain est assis au premier étage, sur une estrade surélevée.

Son trône, constitué de quatre plaques de marbre blanc de Carrare sans rnement, est disposé à l’ouest, sous un grand porche flanqué ? l’extérleur de deux tours. De cet emplacement privilégié, Charles peut voir à la fois [‘autel du Sauveur (en face, à ‘étage), l’autel de la Vierge (à l’étage inférieur) et l’autel de Saint Pierre (au fond du chœur oriental). Mais il peut surtout être vu par tous les fidèles, ce qui est le but recherché. La chapelle dispose de deux chœurs : un à l’est, l’autre à l’ouest.

Ce dernier possède trois niveaux : le premier est une chapelle et le plus haut abrite les cloches. Il ouvre sur un atrium donnant sur n bâtiment de six étages, relié à la galerie couverte. Deux édifices à plan basilical -un rectangle avec un narthex et une abside- encadrent, au nord et au sud, la chapelle palatine. L’un abrite le metatorium, c’est à dire le bureau des poids. L’autre est le secretarium lieu 7 3 L’un abrite le metatorium, c’est à dire le bureau des poids.

L’autre est le secretarium lieu où l’on garde les archives. Enfin, en parallèle à la galerie couverte, on trouve une courte galerie de bois qui conduit à l’une des deux cours de la grande halle. Pour la petite histoire, cette galerie s’effondrera pendant la érémonie du jeudi saint, le 9 avril 817, sur Louis le Pieux, qui s’en tirera avec des blessures légères. Un décor à la gloire de l’empereur Charlemagne a voulu un décor à la mesure de l’architecture extraordinaire de sa chapelle.

Il a donc fait réaliser, dans une fonderie située près d’Aix, des portes en bronze massif (et non en simple bois recouvert de bronze) ornées de mufles de lions. Les murs sont recouverts de marbre et de pierres polychromes, tandis que la voûte du collatéral s’orne de mosaïques exécutées par des artistes venus tout exprès de Rome. Ils ont réalisé un écor de rinceaux et d’étoiles d’or sur fond vert sombre. On y retrouve les symboles de la Jérusalem céleste, entourée des quatre fleuves du Paradis, le Tigre, l’Euphrate, le Phison et le Gihon, symbolisant les quatre évangiles.

L’or et l’argent sont employés à profusion, tout comme le bronze pour les balustrades de la galerie et les marbres : gris et blancs pour les arcades et polychromes pour les murs du collatéral. un globe d’or surmonte la coupole et le luminaire est aussi somptueux qu’abondant (l’actuel lustre, véritable couronne de lumière, est postérieur ? Charlemagne : ce don de Frédéric Ba Charlemagne : ce don de Frédéric Barberousse date de 1184 et est signé de l’orfèvre Wibert). Pour finir, la gloire du roi s’inscrit en lettres de feu dans la coupole : KAROL US PRINCEPS.

Si la chapelle palatine est inspirée, sinon de Byzance, du moins de Ravenne, les allusions à Rome ne manquent pas. Ainsi, la fontaine en forme de pomme de pin au centre de l’atrium est copiée sur celle que Charles et sa cour ont admirée devant Saint-Pierre au Vatican, en 800 aux cérémonies du couronnement. Mais la plus grande trouvaille d’Eudes c’est d’avoir « emprunté » à l’Italie, qui lle-même le tenait de FAntiquité romaine et de l’Orient chrétien, ce plan en croix grecque sans nef mais avec un espace central – ici un octogone- qui permet un toit en forme de coupole.

Grâce ? l’exemple d’Aix, ce plan que l’on retrouve dans des baptistères et des mausolées à Latran, Fréjus ou Poitiers, a pu se vulgariser au nord des Alpes et il sera repris plus tard par nombre d’architectes du Xe et XIe siècle : Saint Donatien de Bruges, Saint Pantaléon de Cologne, Saint André de Bamberg, Munster d’Essen, Saint Corneille de Compiegne, entre autres. On le voit, nous sommes à au cœur du vieux domaine carolingien, dans ces pays de l’Escaut, de la Meuse et du Rhin qui sont restés dans le cœur de Charlemagne jusqu’à sa mort et où son souvenir a longtemps perduré.

Assez longtemps pour qu’Aix devienne un modèle ? imiter. Notons aussi que c’est à Aix PAGF 13 Notons aussi que c’est à Aix qu’est apparue, sous Pépin le Bref, l’appellation de « chapelle donnée à un édifice religieux qui n’est ni cathédrale, ni paroissiale, ni abbatiale. La chapelle est le lieu où l’on conserve la « chape » (manteau) de Saint Martin et, par xtension, Véglise elle-même. Le trésor et la résidence royale Le trésor et les archives du palais se trouvaient dans une tour accolée à la grande salle, donc à l’extrémite nord du complexe.

C’est le chambrier qui était chargé de veiller sur le trésor et la garde robe du souverain, tandis que l’administration des finances revenait à farchichapelain, lui-même secondé par un trésorier. Le trésor était constitué par les cadeaux apportés par les ambassadeurs au cours de leurs visites (armes richement décorées, livres précieux, vêtements et objets rares) ainsi que par es dons offerts par les Grands du royaume à l’occasion des plaids annuels.

Le roi achetait aussi des objets d’art à des marchands ou des artistes qui fréquentaient sa cour. Aujourd’hui conservé au cloitre, le trésor d’Aix-la-Chapelle est demeuré assez riche, malgré des pertes importantes. L’une des pièces les plus rares est la croix dite « de Lothalre » du Xe siècle, à noyau de bois recouvert d’une feuille d’or ornée de filigranes, de pierres précieuses et d’un camée représentant le profil de l’empereur Auguste. La résidence royale, donnant sur la petite galerie en bois au nord- est, est