Louis-Ferdinand Céline Voyage au bout de la nuit Étude d’une réception or 162 Directeur de recherc Sni* to View Bruno JOUY M. Pierre Lainé U. B. O. 1991. Introduction l- L’horizon d’attente A- Le tournant des années 30 : de l’euphorie à la crainte généralisée. de l’époque dans sa « série littéraire ». a- Les tendances du roman. romans « légers » des années 20 romans « sérieux » des années 30 b- Les auteurs. les différents types de romans une production extrêmement abondante 3- Les tendances rénovatrices. – Les questions posées par la « crise du roman » du début du Siècle. – Les apports de l’étranger (Joyce, Musil, James, Kafka, etc. ). ll- Voyage au bout de la nuit : une œuvre qui répond à l’attente du public. A- D’un point de vue idéologique et politique 1 – une œuvre « engagée » : re résentation et contestation d’une époque. enthousiasme des anarchistes – accueil surprenant du monde religieux. B. D’un point de vue littéraire – Chomme a- Participe aux conventions littéraires. volonté de faire de la littérature une occupation lucrative – se lance dans la compétition des prix littéraires – s’intègre dans le cercle de ses confrères b- Elaboration d’un mythe autour de sa personne. description des lieux de l’écrivain – description romancée du personnage une entreprise d’auto-mythification 2- L’œuvre a- Sinscrit dans les tendances de l’époque. une œuvre accueillie par les romanciers contemporains exploitation de la thématique de l’époque Céline et les romans de la » uête spirituelle » critiques. – Un message politique ambigu. a- Reçu généralement comme un livre de gauche. Le choix des classes sociales défavorisées Une critique gauchisante b- Mais véhicule également une certaine pensée de droite. Reprlse des griefs traditionnels de l’extrême droite ne lecture au second degré c- L’isolement de Voyage Déception des partis traditionnels Déception des ana rchistes BILAN B- D’un point de vue littéraire: l’écart esthétique de Voyage 1 – une subversion de la machine littéraire. a- La remise en cause des conventions. e scandale du prix Goncourt le personnage de Céline aux anti odes de l’image traditionnelle de l’homme d’initiation Conclusion Bibliographie La publication, en 1 932, par un inconnu, de Voyage au bout de la nuit déclencha aussitôt une vague de réactions plus passionnelles les unes que les autres: certains saluèrent avec nthousiasme une œuvre qui arrivait à point nommé pour rajeunir le paysage littéraire quelque peu engourdi de l’époque. D’autres, au contraire, cherchèrent à étouffer cette chimère qui semblait vouloir remettre en cause les notions même de bon goût, de morale et de littérature.
Nul ne fut indifférent. Ironie des chroniqueurs, échanges d’invectives, accusations et autres procès constituèrent l’arrière plan d’une réception pour le moins houleuse qui pouvait, à ce titre, rivallser avec les scandales provoqués par les publications respectives des Fleurs du mal et e Madame Bovary puisqu’on relève d’octobre 1932 à mars 1933 plus de cent comptes rendus consacrés à cette œuvre polémique et qu’elle tint la une des chroni ues littéraires pendant quatre mois. ecteurs novateurs mis en place par le roman. Tout d’abord, il convenait, pour comprendre l’accueil réservé ? Voyage au bout de la nuit, de brosser un tableau du contexte historique et littéraire qui vit sa parution.
La mise en place de ce cadre devait permettre, en effet, de prendre conscience de « l’horizon d’attente » du public lecteur de l’époque, c’est-à- dire, « du système de références objectivement codes éthiques et esthétiques – dans lequel apparaissait le nouveau texte : « la reconstitution de l’horizon d’attente tel qu’il se présentait au moment où jadis une œuvre a été créée et reçue permet de poser des questions auxquelles l’œuvre répondait, et de découvrir ainsi comment le lecteur du temps peut l’avoir vue et comprise. [2] Nous avons pu constater que la période étudiée constituait un véritable tournant qui avait fait passer la France d’une période d’enthousiasme aveugle à une phase d’inquiétude intense face aux problèmes politiques économiques et sociaux ui secouèrent l’Europe. Sur le plan littéraire, ce tournant était marqué par un changement de ton qui opposait la frivolité passée une gravité inquiétante. Le roman de Céline paraissait donc au moment même où l’attente du public était en pleine mutation. Correspondait-il à cette attente et dans quelle mesure ?
Contrairement aux idées reçues à propos de la publication de Voyage au bout de la nuit il est remarquable de constater que le roman répondait en grande partie, tant sur le plan politico- idéologique que d’un point de vue littéraire, aux codes de l’époque[3]. Dans le premier cas, son aspect pamphlétaire s’accor de vue littéraire, aux codes de l’époque[3]. Dans le premier cas, son aspect pamphlétaire s’accordait au mieux à une période de crise durant laquelle les revendications politiques allaient bon train.
D’un point de vue littéraire, Céllne n’était pas non plus dans cette position d’isolement qu’on lui a trop souvent attribuée: soucieux d’intégrer le cercle de ses confrères, il n’hésita jamais à céder aux exigences du milieu. Par ailleurs, sur de nombreux points, son œuvre ne dérogeait pas à la tradition littéraire et allait arfois jusqu’à se fondre dans la série littéraire de son époque. Toutefois, il convenait, bien entendu, s’agissant d’une œuvre telle que Voyage au bout de la nuit d’examiner le décalage entre les codes mis en place par l’expérience esthétique anterieure et ceux proposés par le roman de Céline.
Cet écart entre l’horizon d’attente et l’œuvre – ce que H. R. Jauss appelle écart esthétique – devait se révéler dans certains cas extrêmement important pouvant parfois entraîner un changement d’horizon. Ainsi, les subversions génériques réalisées par cette œuvre protéiforme nnonçaient la libération d’un genre, qui n’a cessé, durant ce XX ème siècle, de faire reculer ses frontières. D’autre part, la langue célinienne imposait une remise en cause de l’écriture dite « littéraire » voire de la notion même de littérature telle qu’elle était encore comprise en 1932.
A la lumière de ces constatations, Voyage au bout de la nuit apparaît aujourd’hui comme une œuvre phare dans la littérature contemporaine dont l’influence fondamentale n’a pas encore fini de se faire sentir. Il convient, fina contemporaine dont l’influence fondamentale n’a pas encore fini e se faire sentir. Il convient, finalement, d’insister sur les limites de ce travail qui doit être compris comme le début d’une entreprise beaucoup plus longue qui pousserait l’étude de l’œuvre célinienne jusqu’? nos jours.
On peut peut-être ici citer H. R. Jauss lui-même : « il est nécessaire que la dialectique de la réception et de la production esthétique se poursuive en continuité jusqu’au moment où l’historien écrit. » Cette perspective, trop ambitieuse dans le cadre d’un mémoire, serait d’un intérêt certain concernant une œuvre qui, au gré des événements – parution des pamphlets, xil, réhabilitation de Céline, publication dans la Pléiade et travaux universitaires a vu sa réception évoluer d’une manière surprenante.
L’accueil qui, encore aujourd’hui, est réservé ? l’œuvre de Céline ne manque d’ailleurs pas de continuer à poser problème. L’HORIZON D’ATTENTE nuit l’est singulièrement), elle est toujours déjà inscrite dans une époque historique et dans un contexte littéraire; en se démarquant de son temps ou des expériences qui la précèdent, elle manifeste ces éléments comme autant de modèles qu’il s’agit de dépasser ou de contester – ce qui revient à dire u’implicitement, voire inconsciemment, elle sien réclame.
L’indifférence même d’un écrivain face à son époque, par exemple, aussi ostentatoire soit-elle (on serait tenté de dire que plus cette attitude est « voyante » plus elle a de chances d’être chargée de sens), est emprunte d’une forte connotation idéologique qui entraine l’œuvre dans un réseau d’interprétations du point de vue de la réception.
Dans le même ordre d’idées, l’indifférence plus ou moins affichée d’un auteur à l’égard de ses prédécesseurs est chaque fois l’indice d’un jugement ur la littérature qui implique, en ce qui concerne son œuvre personnelle, un certain nombre de choix qui feront eux aussi l’objet d’une interprétation dans le cadre de la réception. Nous nous attacherons donc à rendre compte du contexte historique qui a vu la parution de Voyage au bout de la nuit pour évoquer ensuite le contexte plus spécifiquement littéraire dans lequel cette œuvre s’inscrit.
Avant 1930: l’euphorie Tant du point de vue politique que du point de vue économique ou idéologique, les années 30 représentent un tournant radical en ce début de vingtième siècle. C’est en ce sens que Daniel Rops[4] pu parler « d’années tournantes ». En effet, après les dures épreuves de la guerre, les Français avaient eu l’occasion de panser leurs bles effet, après les dures épreuves de la guerre, les Français avaient eu l’occasion de panser leurs blessures dans un contexte extrêmement favorable qui venait, en quelque sorte, les consoler du désarroi passé.
La situation économque était on ne peut plus satisfaisante : en 1929, la production dépassa le niveau record de 1913 dans un contexte monétaire extrêmement favorable puisque Paris passait, dans les années 1929-30, avec New-York et Londres, pour l’une des premières places boursières du monde. Aussi, le franc français bénificiait-il d’un crédit auquel il n’était plus habitué.
Quant au krach de Wall Street, il fut immédiatement analysé comme un phénomène purement américain et n’eut, par conséquent, aucune répercution directe sur la situation économque française. De plus, ce redressement financier s’accompagna à partir de 1928 d’une phase de prospérité qui laissa s’insinuer dans les esprits un enthousiasme aveugle et une entière confiance en l’avenir. Sur le plan international, le traité de Locarno semblait avoir onsolidé celui de Versailles et, en 1926, Briant saluait avec éclat l’entrée de l’Allemagne dans la Société Des Nations.
Enfin, ces années furent marquées par l’apogée d’un système colonial qui plaçait la métropole à la tête d’un vaste « empire » – l’exposition qui eut lieu en 1931, par son ampleur et son succès, est, à cet égard, très représentative de l’idée que la France se faisait de sa place dans le monde. Ces différents signes, selon le point de vue d’une population confiante et optimiste, paraissaient indiquer que l’Europe s’installait dans la paix et que, dans le cas contraire, la PAGF OF