Études Droit et Société 8-1988 (P. 101-111) Définitions légales et interprétation de la loi Mark Van Hoecke * Résumé L’auteur Quatre aspects de la étudiés. L’utilité et la nature d les définitions, l’impo rédaction des lois, et a Sni* to View itions légales sont manière de rédiger gales pour la les conséquences de l’existence de telles définitions légales pour l’interprétation de la loi. On constate que le législateur définit les termes dans la loi de beaucoup de manières différentes. ? tel point qu’on ne peut distinguer clairement entre une définition classique, explicite, d’une part, et les ifférentes dispositions légales dans lesquelles le terme fgure, d’autre part, parce que ces dernières dispositions déterminent, précisent et nuancent en grande partie le sens juridique de ce terme. Il s’avère que le sens « juridique » d’un terme ne découle pas en premier that the legislator defines concepts in the statutes in different ways.
To such an extent that one cannot clearly distinguish between an explicitly formulated classical definition, on the one side, and the other stipulations in the statutes in which the defined word is used, on the other side. This follows from the fact that the latter stipulations etermine, precise and shade the legal meaning of the defined word to an important extent. It is argued that the « legal » meaning of a word is not in the first place determined by a statutory definition, but rather by the function the word 101 Mark VAN HOECKE Né en 1949, il étudia le droit et la philosophie à l’Université de Gand.
Par après, il a été assistant à la Faculté de droit de l’université d’Anvers et avocat au barreau de Gand. Il soutint en 1979 sa thèse de doctorat en droit sur la liberté d’interprétation du juge. Actuellement, il est professeur à la Faculté de droit et à la Faculté des ciences economiques « des Universitaires Faculteiten SintAloysius »(IJFSAL) à Bruxelles où il enseigne l’introduction générale au droit et la théorie du droit. Il est entre autres l’auteur d’un ouvrage général sur la théorie du droit (What is Legal Theory Accor Louvain, 1985). Faculté de droit, Univers- IS alming at, or, more generally speaking, the normative context of the word. Chaque législation contient un nombre d’articles dans lesquels des mots sont définis de manière explicite ; ainsi, par exemple, dans la législation belge : La compétence est le pouvoir du juge e connaître d’une demande portée devant lui » (art. 8 Code judiciaire). Le législateur belge a de plus en plus pris l’habitude de définir, dans la première partie des lois qu’il adopte, certains des termes qui y sont utilisés.
Ces « définitions » ne sont souvent que des abréviations pragmatiques. Ainsi on définit par exemple un mot comme « ministre » dans le contexte d’une loi concrète comme « ministre à qui appartient la compétence pour l’enseignement public une expression assez longue et récurrente est ainsi réduite ? un mot. Ceci implique qu’on ne donne qu’une définition ad hoc ‘a de valeur que dans le cadre de la loi dans laquelle elle est donnée et qui n’a comme but que de faciliter la rédaction des articles de la loi en utilisant de telles abréviations.
Ce genre de « définitions ad hoc » constitue alors plutôt une « liste d’abréviations » que de vraies précisions relatives au contenu d’un concept (en expliquant un mot inconnu à Paide de mots connus). La problématique des définitions légales peut être divisée en plusieurs parties : l’utilité et la nature des définitions légales, la manière de rédiger les définitions, l’importance des définitions égales pour la édaction des lois, et les conséquences de l’existence de telles définitions pour l’interprétation définitions pour l’interprétation de la loi.
Nous allons traiter de ces différents aspects de la problématique en étudiant spécialement la question des définitions légales dans le contexte de l’interprétation de la loi. L’utilité des définitions légales Le langage de la loi est une combinaison de langage usuel et d’un jargon professionnel juridiques. Pour autant que les mots sont employés dans le sens qu’ils ont dans le langage usuel il ne se pose, en principe, pas de problème.
Les mots « purement juridiques comme par exemple « usufruit « servitude Y, « adoption » dérivent leur sens souvent de toute une série de dispositions légales qui, dans leur totalité, définissent ces mots. une définition spéciale est généralement ou incomplète ou superflue. Le besoin de définitions légales surgit surtout quand le législateur emploie des mots du langage usuel dans un sens qui s’écarte de celui-ci. Dans la légistique belge on suit d’ailleurs la règle que 102 dans la rédaction des lois il faut en principe employer les mots dans le sens qu’ils ont dans le langage usuel.
Si cela n’est pas le e sens divergent doit être défini de manière explicite. La nature des définitions légales Une définition reformule un concept. Si la définition se veut adéquate, le sens de la reformulation doit être identique au sens du mot lui-même. Les définitions d’un dictionnaire décrivent le sens d’un mot dans l’emploi effectif du la elle ce eenre de d’un mot dans l’emploi effectif du langage. On appelle ce genre de définition « lexicale La reformulatlon est correcte s’il y a concordance avec le sens du mot dans l’emploi effectif de la langue.
Les définitions légales, quant à elles, n’ont pas pour but de décrire n langage effectif, existant, mais d’introduire un nouveau sens pour un mot existant ou d’introduire un nouveau mot avec, évidemment, un sens nouveau. Ce genre de définition est appelé « stipulative La reformulation d’une définition stipulative est correcte si elle concorde parfaitement avec le sens voulu par son auteur, dans notre cas le législateur, chaque fois qu’il emploie le mot. La législation ne contient que des définitions stipulatives.
En effet, le législateur ne définit un mot de manière explicite qu’au moment ou son sens diverge du sens qu’il présente dans le langage usuel. Rédaction des définitions légales l_Jne définition peut être rédigée de deux manières : on distingue une définition « en compréhension » et une définition en extension Une définition en compréhension énumère tous les éléments qui caractérisent le contenu d’un concept. Ces éléments sont chacun pour soi une condition nécessaire pour rapplication du Mais ce n’est que dans leur ensemble qu’ils forment une condition suffisante pour l’application correcte du terme. ar exemple : « Le travail de nuit est le travail effectué entre 20 et 6 heures » (art. 35 Loi sur le travail). ? Par vente à tempérament, au sens de la présente loi, il faut entendre toute convention, quelle que soit sa qu PAGF lg tempérament, au sens de la présente loi, il faut entendre toute convention, quelle que soit sa qualification ou sa forme, qui doit normalement emporter acquisition de meubles corporels et dont le prlX s’acquitte en quatre paiements au moins » (art. 1er Loi du 9 Juillet 1957 réglementant ventes à tempérament).
Une définition en compréhension donne en général la définition la meilleure et la plus complète. Ce n’est que quand on ne dispose pas d’assez de caractéristiques qui pourraient permettre 03 Mark Van Hoecke distinction avec d’autres termes qu’on utilise une définition en extension au lieu d’une définition en compréhension. Une définition « énumérante » ou « en extension » ne donne pas les critères pour rapplicabilité du terme défini, mais ne fait qu’énumérer les objets, les personnes ou les catégories d’objets de personnes auxquels le terme s’applique.
Par exemple : « Sont immeubles, par l’objet auquel ils s’appliquent : l’usufruit des choses immobilières ; les servitudes ou services fonciers ; les actions qui tendent à revendiquer un immeuble » (art. 526 c. c. ). ? Les matières culturelles visées à rarticle 59 bis, S 2. , 1 0 de la Constitution sont : 10 la défense et l’illustration de la Ian ue ; 20 1’encouraeement à la fo hercheurs ; aux matières énumérées ci-dessus » (art. de la Loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980). La différence entre les deux types de définition peut aussi être vue comme une différence dans la forme logique des définitions. Pour l’applicabilité d’une définition en compréhension, il doit y avoir une applicabilité cumulative de toutes les caractéristiques énumérées (et… tandis que dans la définition en extension uffit qu’un des éléments énumérés soit applicable (ou…
Parfois le législateur combine les deux types de définition, comme dans l’exemple suivant, où le terme « occupé au travail » est défini dans le cadre des conditions d’applicabilité de la léglslation sur les allocations familiales pour travallleurs salariés. Une personne est occupée au travail, lorsqu’elle prête son activité en exécution d’un contrat de travail, d’un contrat d’emploi de tout autre contrat de louage de services. Pour l’application de la présente loi, il y a lieu de considérer comme étant, dans tous les cas, occupés au travail en vertu d’un ontrat de louage de services : 10 les gérants de succursale… 20 les membres des équpages des navires de commerce… 30 les patrons pêcheurs et pêcheurs… ; 60 les travailleurs manuels qui, habituellement, exécutent pour compte commun des ouvrages préalablement commandés par une ou plusieurs personnes qui font profession de faire exécuter des ouvrages de l’espèce » (art. 3 des lois coordonnées relatives aux allocations familiales pour travailleurs salariés, coordonnées par lois coordonnées relatives aux allocations familiales pour travailleurs salariés, coordonnées par arrêté royal du 19 déc. 1939). 104
Dans une autre variante, on livre d’abord une définition générale, en compréhension ou en extension, pour ensuite donner une énumération d’un nombre d’objets ou de personnes qui, étant des exceptions, ne tombent pas sous la définition. Ainsi le Code sur l’impôt des revenus (A. R. 26 février 1964) énumère, dans son article 11, les objets sur lesquels le concept « revenus et produits des capitaux et biens immobiliers » est applicable, tandis que l’article 19 contient une énumération d’un nombre de revenus qui ne tombent pas sous la définition de l’article 11.
Parfois le législateur donne une énumération exemplative d’un ombre d’objets qui tombent sous la définition en compréhension, formulée dans la loi. Ici il s’agit plutôt d’exemples qui illustrent la définition en compréhension, que d’une définition en extension (incomplète). Exemples : « Les objets que le propriétaire d’un fonds y a placés pour le service et l’exploitation de ce fonds sont immeubles par destination.
Ainsi, sont immeubles par destination, quand ils ont été placés par le propriétaire pour le service et l’exploitation du fonds : les animaux attachés à la culture ; les ustensiles les ustensiles necessaires à l’exploitation des forges, aratoires , apeteries et autres usines ; les pailles et engrais » (art. 524 C. c. ). « Le dépôt nécessaire est celui qui a été forcé par quelque accident, tel qu’un incendie, une ruine, un pillage, un naufra qui a été forcé par quelque accident, tel qu’un incendie, une ruine, un pillage, un naufrage ou autre événement imprévu » (art. 949 un type spécial de définition en compréhension est celui où un terme plus général sert comme point de départ, tandis que la définition réelle consiste dans l’énumération des caractéristiques par lesquelles le mot défini se distingue du terme plus général (la éfinition dite « per genus proximum et differentiam specificam Exemples : « Le séquestre conventionnel est le dépôt fait par une ou plusieurs personnes, d’une chose contentieuse, entre les mains d’un tiers qui s’oblige de la rendre, après la contestation terminée, à la personne qui sera jugée devoir l’obtenir » (art. 956 C. c. ). « La demande reconventionnelle est la demande incidente formée par le défendeur et qui tend à faire prononcer une condamnation à charge du demandeur » (art. 14 Code judiciaire). Une telle forme de définition simplifie davantage la rédaction de la définition. Mais elle n’est claire que si le terme général duquel on est parti est bien connu et démarqué. Dans les exemples que Je viens de donner il faudra, le cas échéant, recourir à des définitions, données ailleurs, des termes « dépôt » (art. 1915 Code civil) et « demande incidente » (art. 3 Code judiciaire). À leur tour ces termes peuvent contenir des mots qui sont définis explicitement ailleurs dans la législation. Jusqu’ici je n’ai traité que des définitions légales qui définissent des mots d’une manière plus ou moins classique. À mon avis la législation contient beaucoup éfinissent des mots d’une manière plus ou moins classique. À mon avis la législation contient beaucoup d’autres dispositions qui sont 105 Droit et société 8-1988 formulées autrement et qul définissent elles aussi des termes juridiques.
Nous avons vu qu’une définition stipulative précise le contenu et les conditions d’application d’un mot. Ceci implique que les définitions stipulatives peuvent aussi être formulées sous les formes suivantes « Les conditions d’applicabilité du concept X sont… « « ly a lieu de parler d’X, lorsque ont lieu b. « X contient… « . Ceci peut être illustré par quelques exemples . ? Le chèque contient • 10 la dénomination de chèque,… 20 le mandat pur et simple de payer une somme déterminée ; 30 le nom de celui qui doit payer (tiré) ; 60 la signature de celui qui émet le chèque (tireur) ». (art. 1er de la loi du 1er mars 1961 concernant le chèque). Cet artlcle donne, sans doute, une définition jurldique de « chèque Ceci apparaît d’ailleurs aussi dans l’article 2 de la même loi, dans lequel est prévu que le titre en question ne vaut pas comme « chèque » si une ou plusieurs de ces mentions manquent. « Lorsque deux personne ébitrices l’une envers