Des garanties insuffisantes contre les abus

Il. Des garanties insuffisantes contre les abus Le Code de procédure pénale français accorde trop de pouvoirs aux membres des forces de l’ordre pour procéder à des contrôles d’identité, ouvrant largement la porte à l’arbitraire et aux abus. Le système interne incohérent et non transparent de rapports sur les contrôles d’identité, ainsi que le fait que les personnes faisant l’objet de contrôles d’identité ne se voient remettre aucun document, font qu’il est très difficile d’évaluer l’efficacité de ces opérations ou de vérifier la légalité d’un contrôle. ar ailleurs, ‘absence de toute information concernant la répartition ethnique des contrôles d’identité empêche toute analyse officielle sérieuse Swpe to page de l’impact des contr en particulier d’établi de manière exagérée responsabilisation, ta organes de contrôle or 18 de disp te né ur les minorités, et inés sont affectés s mécanismes de l’ordre que des as adaptés. Trop de pouvoirs conférés par la loi Si tu demandes la raison du contrôle, ils te disent ‘simple contrôle’ ou alors ‘ferme ta gueule’.

Aniss, 21 ans, Lyon, 24 juillet 2011 Ils te disent ‘simple contrôle de routine’ mais ça commence ? outre les boules. — saïd, 25 ans, Lyon, 25 juillet 2011 La législation française octroie aux forces de l’ordre un large éventail de motifs pour procéder à des contrôles d’identité. L’article 78-2 d du Code de procédure pénale français (CPP) autorise les contrôles d’identité pour enquêter et prévenir des infractions et délits, assurer l’ordre public et contrôler l’immigration.

Le premier alinéa dispose que les contrôles aux fins d’enquêter et de prévenir des infractions et délits doivent être basés sur « une ou plusieurs raisons plausibles » de soupçonner, en onction du comportement, qu’une personne a commis ou tenté de commettre une infraction ou qu’elle se prépare à commettre un crime ou un délit. [72] Ledit article a été modifié en 2003 ; la version précédente stipulait que la police devait disposer d’un « indice faisant présumer » qu’une personne avait commis ou se préparait à commettre un crime ou un délit.

Ce qul constitue un comportement suspect est déj? largement laissé à la discrétion du policier. Les interprétations jurisprudentielles varient. Certains tribunaux ont établi que la fuite d’un individu devant les policiers, le fait de dissimuler à la ue des policiers le sac que l’on porte, les passages répétés de nuit devant la vitrine d’une bijouterie ou le fait d’être clairement en état d’ivresse sont des raisons justifiant légalement un contrôle. 73] Mais la Cour de Cassation a jugé que le fait de chercher à descendre d’un bus pour éviter la police ne justifiait pas un contrôle d’identité en l’absence de tout autre motif. [74] La Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité (CNDS) a estimé que le fait de vouloir se soustraire à la vue d’un policier « ne constitue pas en soi une menace à l’ordre public » j 18 ouloir se soustraire à la vue d’un policier « ne constitue pas en soi une menace à l’ordre public » justifiant d’effectuer un contrôle d’identité. 75] Le deuxième alinéa du même article du CPP autorise le procureur de la République à désigner une zone dans laquelle, pour une période de temps déterminée, les fonctionnaires de police pourront interpeller toute personne, quel que soit son comportement, et lui demander de présenter ses papiers. [76] Le procureur doit justifier la réquisition, normalement en précisant un type de crime particulier en augmentation dans la zone ésignée.

Il est important de noter que les commissaires peuvent, sur la base d’une analyse de rapports de police, désigner une zone qu’ils considèrent comme étant touchée par une criminalité particulièrement élevée, laissant à la police, dans cette zone, le champ libre pour procéder à des contrôles d’identité sans soupçons individualisés. [77] Dans ces circonstances, le procureur n’exerce pas de contrôle, et l’autorisation accordée à la police n’est soumise à une supervision judiciaire que si un contrôle d’identité conduit à une arrestation ou autre procédure.

Les ctivités policières intensives dans les zones affectées par des taux de crlmnalité elevés constituent une réponse stratégique légitime. Néanmoins, en [‘absence d’informations spécifiques ou de motifs de suspicion, le profilage effectué par des policiers dans ces zones désignées pour déterminer qui contrôler est illégal. Le troisième alinéa autorise les contrôles d’identité visant ? prévenir u est illégal. prévenir une atteinte à l’ordre public.

La loi précise explicitement que dans ce cas, la police a le pouvoir de contrôler toute personne, « quel que soit son comportement [78] Enfin, le quatrième alinéa autorise les contrôles aléatoires sur tous les sites de transport, tels que les aéroports et les gares ferroviaires. [79] En l’absence de lignes directrices claires et détaillées, ces vastes pouvoirs laissent une marge de manœuvre beaucoup trop importante aux policiers lorsqu’il s’agit de choisir qui interpeller aux fins de contrôle d’identité.

Le fait que les lois doivent être suffisamment claires et bien définies pour limiter les posslbilités d’action et d’interprétation arbitraires par les autorités policières et judiciaires constitue un principe de droit fondamental, olidement établi dans la jurisprudence internationale en matière de droits humains. La précision juridique est également importante afin que les gens sachent quel comportement est interdit et qu’ils puissent adapter leur façon d’agir en conséquence. Des exemples de bonnes pratiques existent.

La loi britannique relative à la police et aux preuves pénales (Police and Criminal Evidence Act) confère à la police le pouvoir de contrôler, de fouiller et de placer en détention une personne uniquement sur la base de « soupçons raisonnables » d’agissements illicites. Le Code e pratique qui l’accompagne explique que : Les soupçons raisonnables ne peuvent jamais être étayés uniquement p 8 l’accompagne explique que : uniquement par des facteurs personnels sans renseignements ou informations les corroborant. ar exemple, la couleur, l’âge, la coiffure ou la tenue vestimentaire d’une personne, ou le fait qu’elle soit connue en raison d’une condamnation précédente pour possession d’un article illégal, ne peuvent être utilisés isolément ou associés comme seul fondement pour fouiller cette personne. Des soupçons raisonnables ne peuvent être asés sur des généralisations ou des images stéréotypées de certains groupes ou catégories de personnes plus susceptibles d’être impliqués dans des activités criminelles.

La religion d’une personne ne peut être considérée comme un motif raisonnable et ne devrait jamais être une raison de contrôler et fouiller un individu . [80] En France, il est rare que les personnes contrôlées par la police connaissent la base juridique du contrôle. Les policiers ne sont pas tenus de fournir une quelconque explication et ils ne remettent aucun document écrit rendant compte du contrôle. Bon nombre des personnes interrogées en vue du présent rapport ont déclaré qu’elles ne prenaient pas la peine de demander le motif de leur interpellation par la police.

Celles qui ont demandé la raison d’un contrôle ont signalé que les réponses étaient presque toujours superficielles – « contrôle de routine » et parfois agressives. Ainsi, Krimo g. , un adolescent de seize ans habitant Lille, a expliqué que lorsqu’il avait demandé la raison du contrôl PAGF s 8 seize ans habitant Lille, a expliqué que lorsqu’il avait demandé la raison du contrôle, un policier lui avait répondu, « J’aime pas a gueule ». [81] Hassan M. un jeune de quinze ans habitant également Lille, s’est entendu répondre, « Ne pose pas de questions h. [82]Sulaiman, un jeune de Saint-Denis âgé de dix- neuf ans, a déclaré : « Quand on demande pourquoi ils nous contrôlent, des fois ils disent, ‘c’est pas ton problème. On fait notre travail’ [83] Zakaria, un jeune de 22 ans habitant Vénissieux, nous a précisé que la seule fois où il avait demandé le motif d’un contrôle, la police avait répondu, « Avec vous on est obligés de vous mettre dans le m ê me sac [84]

Le CNDS a noté qu’il était « essentiel » que la police « explique systématiquement les motifs des contrôles d’identité » » et a souligné que cette observation valait tout particulièrement pour les enfants qui « peuvent être moins à même de comprendre spontanément les tenants et aboutissants des interventions de la police » . [85] Lors d’un entretien avec Human Rights Watch, Renaud Vedel de la Préfecture de police de Paris a reconnu que la police devrait s’améliorer à cet égard. ? On doit expliquer[le motif du contrôle] pour être légitime davantage. Il faut travailler sur ça. ? [86] Le CNDS a également recommandé que les vérlfications d’identité – lorsque les personnes sont emmenées au poste de police pour une période de maximum quatre heures le temps de procéder aux vérifications – reposent sur des « motifs sérieux » et fassent toujours l’objet d’un rapport de 6 8 toujours l’objet d’un rapport de police, notant que la procédure, lorsqu’elle est insuffisamment justifiée ou expliquée, donne lieu ? des tenslons et des heurts. 87] Nous avons recueilli des témoignages concernant des contrôles qui, effectivement, semblaient justifiés par les circonstances, ù les personnes interrogées ont elles-mêmes reconnu qu’elles étaient en état d’ivresse sur la voie publique, qu’elles fumaient de la marijuana ou qu’elles fumaient des cigarettes dans une gare. Mais nous avons aussi recueilli des informations concernant des contrôles effectués sur des personnes qui tout simplement marchaient dans la rue, étaient assises dans une voiture ou devant un magasln, couraient pour attraper le dernier tram, ou rentraient chez elles tard le soir.

Dans ces cas, la justification objective du contrôle est moins claire, et la décision de procéder ? un contrôle peut avoir été influencée par l’apparence, entre autres la tenue vestimentaire et l’ethnicité, et le milieu – le quartier concerné – plutôt que par des soupçons objectifs et individualisés. Les lois criminalisant les comportements « asociaux » procurent également à la police une vaste palette de raisons de cibler des groupes de personnes, en particulier les jeunes, dans les lieux publics.

Par exemple, une loi de 2003 assimile à une infraction le fait de traîner dans les parties communes d’un immeuble collectif d’habitation de façon à entraver l’accès ou la circulation des ersonnes. [881 Un Noir d 7 8 collectif d’habitation de façon à entraver l’accès ou la circulation des personnes. [88] Un Noir de vingt ans habitant Paris nous a expliqué qu’il avait été arrêté avec cinq amis au cours de l’été 2010 alors qu’ils fumaient des cigarettes devant un immeuble.

Il a déclaré avoir passé deux jours en garde à vue et avoir été accusé de stationnement illicite dans un immeuble. L’affaire a finalement été classée sans suite. [89] un Arabe de 23 ans habitant Lyon nous a également signalé qu’il avait été placé en garde à vue pour cette raison en janvier 2009. ? On était six dans le hall. Ils m’ont embarqué, vous allez rire, pour stationnement illicite dans le hall du bâtiment.

Je venais d’arriver, même pas cinq minutes, et ils [les policiers] ont dit qu’ils nous observaient depuis 45 minutes. J’ai fait 24 heures en garde à vue et puis ils m’ont dit de rentrer chez moi. Les quatre qui habitaient là ont été relâchés tout de suite . » (901 Même dans les cas où la décision de contrôler une personne peut être considérée légitime, les palpations et fouilles systématiques, les insultes verbales et les violences physiques, examinées au hapitre précédent, ne sont jamais acceptables.

Absence de rapports sur les contrôles Si, à l’issue d’un contrôle et d’une fouille, la personne concernée n’est pas emmenée au poste de police, rien ne garantit qu’un rapport officiel de l’interpellation sera un jour rédigé. Comme mentionné plus haut, les personnes faisant l’objet d’un contrôle d’identité ne reçoivent aucun document écrit rendant compte du contr 8 faisant l’objet d’un contrôle d’identité ne reçoivent aucun document écrit rendant compte du contrôle.

Toute activité des patrouilles signalée au poste de police n temps réel, entre autres un contrôle d’identité, est consignée dans un rapport de service appelée Main Courante Informatisée (MCI). Mais les policiers qui patrouillent sont censés consigner dans la MCI toutes les autres informations, telles que les contrôles d’identité qui n’avaient pas été signalés par radio, une fois qu’ils rentrent au poste à la fin de leur service. [91] Tous les contrôles effectués par une patrouille déterminée devraient par conséquent se trouver dans la MCI.

Renaud Vedel de la Préfecture de police de Paris a reconnu que ce système n’était pas fiable. ? un enregistrement systématique des contrôles d’identité dans la MCI serait une bonne chose Y, a- t-il relevé. « C’est le système actuel mais il doit être bien mis en fonctionnement ». [92] Des rapports détaillés sur les contrôles permettraient aux organes d’application des lois d’évaluer leur efficacité et de prendre des mesures visant à limiter l’utilisation peu rationnelle du temps et des ressources de la police. ?tant donné que les personnes sont rarement informées de la base juridique du contrôle et ne reçoivent aucun document, il n’existe aucun moyen de vérifier la légallté même du contrôle. Dans ‘éventualité de mauvais traitements, il n’existe pas davantage de preuve qu’un contrôle a été opéré sauf s’il a été enregistré dans la MCI. La Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité ( PAGF 18 s’il a été enregistré dans la MCI.

La Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité ( CNDS) n’a pas été en mesure de donner suite de façon appropriée aux plaintes relatives au traitement réservé pendant des contrôles d’identité précisément parce que la hiérarchie de la police a été incapable d’identifier les policiers concernés. [93] L’absence d’information à propos de la répartition ethnique es contrôles empêche toute analyse sérieuse de l’impact des contrôles d’identité policiers sur les minorités.

L’Agence des droits fondamentaux de l’UE (FRA) recommande de fournir un document écrit, communément appelé formulaire de contrôle, pour encourager à la fois les contrôles dûment justifiés et une plus grande transparence en termes de responsabilité des forces de l’ordre. [94] es formulaires de contrôle recensent, au minimum, le nom et l’âge de la personne contrôlée, les motifs juridiques du contrôle, l’issue du contrôle, ainsi que le nom et l’unité du ou des oliciers qui ont procédé au contrôle.

L’inclusion d’informations personnelles concernant la personne interpellée, entre autres l’origine ethnique, est volontaire. Le Royaume-Uni exige que les policiers qui effectuent régulièrement des contrôles de police et des fouilles délivrent un formulaire de contrôle, et en Espagne et en Hongrie, certaines municipalités ont mis en œuvre des projets pilotes. [95] Si des données ethniques sont recueillies, l’utilisation systématique de formulaires de contrôle permet de recueillir des renseignements qui contribuent à identifier certain