Ballades 63 Charles d’Orléans

Charles d’Orléans — Ballades En la forest d’ennuyeuse tristesse En la forest d’Ennuyeuse Tristesse, Un jour m’avint qu’a par moy cheminoye, Si rencontray FAmoureuse Deesse Qui m’appella, demandant ou j’aloye. Je respondy que, par Fortune, estoye Mis en exil en ce bois, long temps a, Et qu’a bon droit appeller me povoye L’omme esgaré qui or 3 En sousriant, par sa t gru, to nextÇEge Me respondy : « Amy Pourquoy tu es mis e A mon povair voulentiers t’ayderoye , Car, ja pieça, Le mis ton cueur en voye De tout plaisir, ne sçay qui l’en Osta ;

Or me desplaist qu’a present je te voye L’omme esgaré qui ne scet ou il va. » «Helas ! » dis je, «souverainne princesse, Mon fait savés, pourquoy le vous diroye ? C’est par la Mort qui fait a tous rudesse, Qui m’a tollu celle que tant amoye, En qui estoit tout l’espoir que j’avoye, Qui me guidoit, si bien m’acompaigna En son vivant, que point ne me trouvoye Aveugle suy, ne sçay ou aler doye , De mon baston, affin que ne fervoye, Je vois tastant mon chemin ça et la ; C’est grant pitié qu’il couvient que je soye

L’omme esgaré qui ne scet ou il va En la forêt d’ennuyeuse tristesse, extrait du recueil Ballade, Charles d’Orléans (1394-1465) Charles d’Orléans, neveu du roi Charles VI, et duc d’Orléans, est surtout connu pour sa qualitéde poète. En effet, il est l’auteur d’œuvres considérables : 131 chansons, 102 ballades, sept complaintes et pas moins de 400 rondeaux ainsi que de pièces poétiques en langue anglaise. Alors qu’il estprisonnier en Angleterre, son épouse, Bonne d’Armagnac, meurt. En la forêt ‘ennuyeuse tristesse, rédigé à la fin du Moyen-âge, au XVème siècle, lui est dédié.

Ce poème est d’ailleurs l’une des œuvresles connues de Charles d’Orléans. Ce poème est composé de trois huitains et d’un quintile de décasyllabes. Toutes les strophes sont ponctuées d’un refrain d’un vers qui est : « L’homme égaré quine sait ou il va Les rimes, au nombre de trois, sont communes à chaque strophe et réparties identiquement selon le schéma rythmique su de trois, sont communes à chaque strophe et réparties dentiquement selon le schéma rythmique suivant : A/B/A/B/ B/C/B/C.

Il s’agit donc d’une pièce trèshomogène à la structure formelle rigoureuse, qui exprime le deuil qu’elle relate. Le champ lexical de la nostalgie, de la tristesse est présente ? chaque strophe avec « ennuyeuse « tristesse » v1, «détresse »vl 1, « mort » v 19… Cette tristesse est marquée par le vocabulaire du cheminement, du voyage avec « exil » v6, « guidait »v22, « chemin » v27.

Un vocabulaire et des expressions xpriment la pertedes sens avec « aveugle » v25, « tâtant » v27, « égaré » répété dans le refrain et montrent combien le poète est désorienté et désemparé suite à la mort de son épouse. Cependant, les circonstancesde l’écriture s’estompent dans une forme dialoguée avec une déesse rencontrée dans la forêt. Le dialogue, est introduit avec le discours indirect dans la 1 ère strophe et dans le discours direct grâceaux guillemets de la 2ème et dernière strophe et avec un tiret dans la 3ème strophe.