Favoriser une consommation raisonnee et responsable, établir de saines relations avec les producteurs, intégrer les nouvelles exigences sociétales en matière de santé, de développement durable ou de proximité : le président du groupement coopératif Système IJ engagé dans un « match de la communication et du marketing » avec son rival Michel-Edouard Leclerc exhorte la grande distribution à un aggiornamento aussi révolutionnaire que suspect : ange ou démon ? Newsletter Inscrivez-vous à la newsletter .
L’Actu du Jour Haut du formulaire Bas du formulaire Une nouvelle fois da acte alimentaire » ( consommer de mani place au « mieux », les or 18 Sni* to View our un nouveau ppelez ? uel le « plus » fera nt durable seront sanctuarisés, la santé deviendra priorit , la proximité formera le socle partenarial avec les PME. Une fois mesurées aux réalités de votre secteur, ces exhortations interrogent et même font sourire…. Ont-elles d’autres dessein que celui, opportuniste et manipulatoire, de vous arrimer à un positionnement marketing ?
J’ai des convictions et des idéaux, façonnés dès ma jeunesse et qui demeurent pleinement d’actualité. Ils sont en résonance avec ne société que je vois s’interroger, chercher de nouvelles voies, et même muter. Ces convictions et ces idéaux, on ne peut me les contester. A un médecin qui, récemment lors d’une échange ? l’invitation d’un industriel de l’agro-alimentaire, s’étonnait de mon discours à ses yeux antinomique avec les intérêts de l’enseigne que J je défends, et mettait en doute ma crédibilité et ma sincérité, j’ai répondu que j’entrais dans ma cinquante-septième année.
Cest à cet âge que mon père était décédé, d’un cancer. Une disparition que j’avais alors jugée injuste à l’aune de l’hygiène e vie, saine, qui était la sienne. C’est alors que j’ai commencé de « ‘chercher à savoir et à comprendre » la nature des liens entre santé et alimentation. J’ai notamment écouté ces agriculteurs que l’emploi des pesticides avait frappés d’infertilité ou de cancers.
J’ai donc estimé qu’il était judicieux de réfléchir sur le modèle et de lui adjoindre des alternatives, qu’il était temps de juguler le diktat de la production intensive, qu’il était urgent d’explorer des voies qui rendent le métier de la grande distribution compatible avec une exigence en matière d’éthique et de santé. On ne peut plus agir comme si l’on ne savait pas ; 2012 n’est plus le XXe siècle, lorsqu’on fermait les yeux sur les dégâts, dramatiques, que certains comportements provoquaient sur l’environnement ou la santé.
Quelle part de responsabilité dans cet état des lieux critique le représentant de la grande distribution que vous êtes accepte-t- il d’endosser ? Pourquoi faudrait-il croire que le premier broyeur de ces liens, le distributeur, deviendra demain leur premier réparateur ? Chaque acteur de la grande distribution doit réaliser son autocritique. Cest indispensable si nous voulons corriger en rofondeur le système. Car bien sûr nous avons été moteurs de cette situation. Nous avons notamment modélisé la vente de masse et donc en conséquence la production standardisée.
En témoignent les travaux de l’INRA pour que naissent des s 18 conséquence la production standardisée. En témoignent les travaux de l’INRA pour que naissent des semences à même de produire des fruits ou des légumes calibrés, jolis, transportables et résistants. Au risque, avéré, de proposer ces fruits et légumes sans goût, et surtout affranchis du délai de maturité. Au nom de a performance en matière de logistique, de distribution, et de prix, nous avons été « pousse-au-crime ».
Pour autant, il ne s’agit pas de quitter un extrême pour en épouser un autre. Ni de s’autoflageller. Cette logique de production et de vente intensives a correspondu aux attentes d’une génération qui avait « manqué », qui découvrait les délices du confort de la consommation, synonymes de « modernité ». Que les enseignes de la grande distribution y aient répondu est logique et fondé. Il est simplement l’heure de redéfinir le sens, la vocation, et le contenu du « progrès ». Justement, quelle est votre définition du progrès ?
Le bien- être alimentaire doit être une cause publique majeure, appelez vous. Il participe au bien commun « dont on sait qu’il déserte les sociétés libérales trop friandes de la réussite individuelle » Pour cela, il faut renverser la définition du progrès et considérer qu’une consommation raisonnée, pour la pédagogie de laquelle le distributeur est interpellé, peut en constituer le socle. Le progrès est un mot que je manie avec beaucoup de précaution, mais je peux le résumer à « tendre au bonheur des gens ».
Il ne peut donc être seulement confiné aux prouesses scientifiques et technologiques, dont le développement ou l’assimilation semblent aujourd’hui plus aisés que la formation ? un véritable savoir-faire ! Or, soyons c l’assimilation semblent aujourd’hui plus aisés que la formation à un véritable savoir-faire ! Or, soyons clairvoyants : qu’est-ce qui fait notre bonheur, tapoter sur un smartphone dernier cri ou dialoguer avec un charcutier passionné qui vous conseille ses meilleures terrines ?
Dans la chaîne partenariale, la première victime est le producteur, que les exigences des donneurs d’ordre de la grande istribution ont placé dans des situations intenables : pressions insupportables sur les prix, injonctions sur les prises en charge logistiques, marges arrières… Et ces fournisseurs, notamment PME, de confier qu’in fine il n’existe guère de différences entre les enseignes. Vous appelez à faire travailler en priorité les PME locales, mais leurs dlrigeants réclament surtout d’autres modes de subordination… Cet examen des lieux est une réalité.
Sa conjuration exige que le législateur s’impose de nouveau, reprenne le pouvoir. Et notamment qu’il modifie une loi de modernité économique ans le truchement de laquelle la multinationale et la PME de Vendée sont soumises au même dispositif. Or ces dernières ne possèdent pas les mêmes armes juridiques ou commerciales que Coca-Cola ou Procter & Gamble lors des négociations. Et comme il est illusoire et même inopportun d’espérer des acheteurs qu’ils exercent leur responsabilité de manière empathique ou compassionnelle, la situation apparaît sans solution.
Sauf si nous nous engageons à nous lier à ces PME sur des contrats plus longs, qui dépassent les deux années contractuelles. Ce serait déjà une belle avancée. Le législateur doit porter un regard différent sur ces PME qui accomplissent la totalité de 8 porter un regard différent sur ces PME qui accomplissent la totalité de leur activité dans l’Hexagone et se placent en grande dépendance vis-à-vis d’une grappe d’enseignes qui peuvent concentrer une part considérable de leur chiffre d’affalres.
Il doit comprendre qu’à tous les niveaux on ne traite pas uniformément les acteurs économiques, placés sur un spectre d’une amplitude incroyable. Système U doit représenter moins de 1 % du CA de Nestlé Monde mais 15, 20 ou 30 % de l’activité de PME locales. Et le CA de Système IJ équivaut au bénéfice annuel du géant suisse. Voilà la réalité. Il faut en tenir compte. Votre diagnostic et vos exhortations font étonnamment l’impasse sur les salariés de la grande distribution, au nombre de 700 000 environ en France.
Or nombre d’entre eux sont exposés à des situations sociales, salariales, organisationnelles, managériales difficiles. Pressions élevées, horaires acrobatiques, temps partiels subis et étalés sur des plages horaires incompatibles avec une vie de famille, statuts des gérants. Je suis le président d’un groupement de commerçants ndépendants, et à ce titre je ne peux exposer l’intégralité de mes convictions. Je suis aussi un homme et un professionnel. Lesquels peuvent ne pas toujours converger… La situation sociale dans la grande distribution évolue plutôt favorablement.
Le 13e mois est désormais conventionnel, et à l’instar de ce que nous déployons chez Système U, le temps partiel subi est amené sinon ? disparaître du moins à se raréfier considérablement. La réflexion doit être portée non sur l’amélioration des salaires mais sur celle des revenus. Les premiers résultent d’une négociation et d’accor PAGF s 8 l’amélioration des salaires mais sur celle des revenus. Les premiers résultent d’une négociation et d’accords de branche ; nous ne pouvons guère peser sur eux.
En revanche, en matière de revenu, la marge de man? uvre peut être plus élevée. une fois l’impôt, la participation, les investissements et les dividendes réglés, on peut imaginer la mise en place d’un intéressement seule mesure à même de partager les fruits de la croissance… quand elle est là. Au sein de mon propre magasin, cette pratique génère annuellement un peu plus de 14 mois de salaire. Tant ue le partage de la valeur n’aura pas été codifié rigoureusement et « justement », il persistera toujours des relents de lutte des classes.
Il est commun aux acteurs de la grande distribution de justifier les dérives consuméristes de la société par la pression que les consommateurs exercent sur les prix et sur l’abondance de produits. Or, en réalité c’est l’offre qui provoque, oriente, conditionne, exacerbe la demande. Ce que les enseignes ont parfaitement intégré. L’éducation de la demande passe par la nature de l’offre ; ce devrait être là le grand chantier de votre métier.. L’offre ne fonctionne que lorsqu’il y a une attente, même insuffisamment détourée ou exprimée par le consommateur.
Je déplore que le budget alimentaire soit devenu une variable d’ajustement au bénéfice des autres dépenses des ménages. La part des dépenses de logement dans le budget des foyers est passée en trente ans de 20 à 40 Celles dévolues aux transports ou à l’énergie ont bondi, celle consacrée aux nouvelles technologies enfle de manière exponentielle. Or dans le même temps le pouvoir d’achat ne progress 6 8 manière exponentielle. Or dans le même temps le pouvoir d’achat ne progresse pas. Et c’est l’alimentation qui fait les frais de cette nouvelle donne. Laquelle s’exerce par une pression illimitée sur les prlx.
Ce cercle vicieux d’une qualité à bas coût, d’une forte pression sur les producteurs, il est désormais capital de l’endiguer et de sien extraire. Peut-être faut-il téléphoner moins et manger mieux », indiquez- vous. Comment restaurer chez l’aliment une valeur, y compris pécuniaire, et un intérêt que l’arbitrage en faveur des loisirs, des technologies de la communication, des voyages, mais aussi que les enseignes de la grande distribution elles-mêmes ont étranglés ? Cette analyse est juste. Et notre responsabilité, là encore, engagée. Mais il faut le dire clairement : fonçons.
Disons haut et fort que le modèle d’une bonne alimentation, les plaisirs des bons repas entre parents, amis, ou collègues, créent du lien social, favorisent la santé, profitent donc concrètement au budget national et au portefeuille des contribuables, protègent l’environnement, seront à l’avenir de plus en plus abordables. Se nourrir a toutefois un coût. un nouveau pacte alimentaire est-il viable dans une conjoncture de crise longue qui affecte les pouvoirs d’achat, et dans un contexte structurel du « consommer oujours plus et toujours moins cher » qui innerve chaque conscience ?
Mais nous n’avons pas le choix ! Et la mise en ? uvre a démarré. Ainsi encourageons-nous à acheter des produits de saison, et à privilégier le cuisiner « soi-même » aux « prêts-à-manger ». Sait- on que concocter une côte de porc fermiere agrémentée de courgettes revient à 1,50 euro par personne ? S 7 8 concocter une côte de porc fermiere agrémentée de courgettes revient à 1,50 euro par personne ? Sait-on que de telles logiques profitent aux entreprises locales, donc aux emplois locaux, donc aux savoir-faire locaux. t donc aux familles locales ?
Il est l’heure de régénérer et de consolider l’économie, la production, la circulation financière de proximité. Et je veux démontrer que la grande distribution peut y contribuer substantiellement. Mais n’est-il pas démagogique d’opposer les « vertus du local » aux « dégâts du mondial », les qualités du « gars du pays » à celles de managers issus des écoles de commerce ? Votre ambition de réintroduire de la singularité aussi bien dans l’offre des produits que dans l’architecture des magasins, se heurte au dlktat uniformisé qul condltionne le comportement des consommateurs.
Le goût international imposé par les groupes internationaux est une des conséquences de la mondialisation », déplorez-vous. Mais revitaliser l’économie résidentielle n’est pas un rempart à la mondialisation. Cest exact. Il ne faut pas opposer les deux dimensions, il faut plutôt les conjuguer. Et réfléchir, entreprendre pour à la fois être mieux dans le local et ne pas diaboliser le global. On ne peut d’ailleurs que se féliciter de ces champions français si performants à l’échelle de la planète.
Veiller au développement des pays du sud est certes essentiel, et d’ailleurs nos process de abrication y ont intérêt. Mais le commerce équitable ne doit- il pas démarrer d’abord à nos portes ? Chaque magasin LI est un poumon économique de son territoire, il participe à structurer l’économie locale. Et cela nous enjoint simplement au « bon sens ». 8 participe à structurer l’économie locale. Et cela nous enjoint simplement au « bon sens ». De telles logiques ont un coût. Quel propriétaire d’Hyper IJ est prêt à sacrifier ses marges pour exaucer une telle exigence ?
Car ne nous leurrons pas : l’objectif de chacun d’eux, d’ailleurs affiché au quotidien parmi les salariés, est de générer un chiffre d’affaires e plus élevé possible… Certes, cette pratique commerciale et logistique de proximité n’est pas moins chère. Mais elle n’est pas forcément plus dispendieuse. Un exemple ? Nous sommes en train de démontrer que le lait bio et une plus juste répartition des rémunérations peut ne pas couter plus cher que le lait conventionnel ; nous payons 43 centimes d’euro le litre de lait bio aux agrlculteurs alors que le lait conventionnel en coûte dix de moins.
Nous abondons de 3 centimes d’euro pour permettre aux producteurs de mettre leurs terres en jachère et prendre le temps de les passer en bio. Nous faisons embouteiller dans une laiterie locale qui prélève 26 centimes. Une fois la TVA réglée, le litre de ce lait est vendu 1 euro, laissant au magasin une marge de 15 centimes. Nous allons vendre 12 millions de litres de ce lait. Et pourquoi ne pas envisager de procéder de même avec le blé, le porc, et toutes les autres grandes matières premières ?
Nous prouverons que produire mieux ne coûte ni moins cher ni plus cher. Enfin, soyons lucides : la société française nia aucun avenir si elle s’enracine dans le low cost. En définitive, votre communication exhortant au « consommer ieux » n’est-elle pas une simple posture opportuniste et marketing en riposte au « consommer moins cher » brandi par votre concurrent PAGF 18 posture opportuniste et marketing en riposte au « consommer moins cher » brandi par votre concurrent frontal Leclerc ?
En matière de prix, aucun professionnel du secteur ne peut se permettre d’être éloigné du leader. Système LJ est dans la roue de Leclerc. Ce qui nous distingue, c’est que nous croyons intrinsèquement aux vertus du « consommer mieux », y compris en terme de positionnement et de compétitivité. Votre aspiration à faire naître un ministère de « Alimentation ? même d’orchestrer les enjeux et les intérêts de « ceux qui produisent, de ceux qui transforment, de ceux qui distribuent, et de ceux qui consomment » les aliments, est aussi séduisante qu’iconoclaste et illusoire.
Ces enjeux et ces intérêts sont si antagoniques… Cest une utopie. Mais ce sont elles qui nous font progresser. Nous travaillons à satisfaire le client-consommateur-citoyen_ Ces trois identités forment une seule et même personne. Et je rêve effectivement d’un grand ministère qui, intégrant les besoins des parties prenantes – producteurs, transformateurs… organiserait a filière de telle sorte que les intérêts de ces trois identités soient accomplis.
Ainsi dialoguerait-on mieux, ainsi connaîtrait-on mieux ce que l' »autre » – agriculteur, consommateur, distributeur, etc. – espère ou exige, ainsi jugulerait-on les gaspillages, les surproductions, ou les dysfonctionnements, ainsi harmoniserait- on ce qui aujourd’hui est opposé et entrave le partage équitable des aspirations. Ce serait un levier de pédagogie, à partir duquel par exemple chaque jeune pourrait comprendre que maintenir une alimentation dégradée sert l’intérêt du fabricant de pizzas allemand qui inonde le mar