Les Essais de Montaigne Livre I, ch. 31, « Des cannibales » (nouvelle définition des cannibales)

Les Essais de Montaigne Livre l, ch. 31, « Des cannibales » (nouvelle définition des cannibales) Ce chapitre a été écrit après 1579. Montaigne avait eu un domestique ayant longtemps vécu au Brésil (pays des cannibales) et ayant pris part à l’expédition de Villegagnon au Brésil en 1557.

On découvre ainsi de nouvelles populations et dans ce chapitre Montaigne tente de s conduit au rejet de l’ t analyse ce qui ence la relativité des ce qui est civilisé ? Sni* to neKtÇEge jugements ; qu’est-ce ui La réflexion reste trè l- La démystification 1- Une mise au point linguistique : quels sont les mots qui eviennent et auxquels s’intéresse Montaigne ? « barbare » « sauvage Quels sens donne-t•il successivement à ces mots ? ans la première phrase, « barbare » est associé à « sauvage il s’agit donc du sens habituel de « cruel, non civilisé, impitoyable, inhumain Par la négation, « il n’y a rien », Montaigne se démarque de ce sens au profit du second qui est celui d’« étranger, différent de soi, qui n’a pas les mêmes normes que soi un troisième sens apparait quand il compare les sauvages avec les fruits de la nature 0 « sauvage » = naturel ( du latin ? selvaticus » qui vient de la forêt) ; quand apparaît le dernier sens ? quand Montaigne énonce « là où, à la vérité, ce sont ceux que nous avons altérés par notre artifice… l fait un raisonnement par analogie en comparant les sa sauvages aux fruits naturels et opère un retournement ; est « sauvage » ce qui a été altéré, qui a perdu ses qualités naturelles, a été corrompu par la civilisation, l. e. par les Européens C les « sauvages » sont donc les Européens et Montaigne va à rebours d’une idée reçue. 2 L’invitation à la réflexion et à radhésion : Montaigne va inviter le lecteur à une adhésion réfléchie de plusieurs manières : il use de phrases catégoriques : « Il n’y a rien de barbare et de sauvage… ? Il présente sa position comme une évidence (« comme de vrai « à la vérité ») il fait appel au discernement du lecteur. Il s’appuie aussi sur un argument d’autorité, « à ce qu’on m’en a rapporté » Comment Montaigne essaie-t-il progressivement de faire adhérer son lecteur ? Il commence par utiliser le « je » (« je trouve »), puis passe à l’aphorisme, du « je » on passe à « chacun »avec tilisation du présent de vérité générale chacun appelle barbarie ce qui n’est pas de son usage il met donc en relief des comportements généralisés et très répandus en Europe.

Enfin, il emploie le « nous » (« nous n’avons d’autre mire… où nous sommes » qui perdure jusqu’à la fin de l’extrait. Il s’implique dans cet aveuglement collectif occidental. ll- La nouvelle vislon que présente Montaigne des Européens et des cannibales 1- La critique de l’ethnocentrisme. Dans quel passage cette critique apparaît-elle ? à partir de « chacun appelle barbarie ce qui n’est pas de son usage… ? L’emploi de « chacun » fait perdre à la dénomination « sauvage et barbare » son caractère absolu.

La réduction ? « chacun » fait perdre à la dénomination « sauvage et barbare » son caractère absolu. La réduction à l’individu chacun ») est la première étape de la relativisation. L’utilisation du verbe « appelle » ensuite montre que Montaigne ne reconnait aux noms qu’une valeur de convention, ils ne sont pas indissolublement liés à ce qu’ils désignent. Dans la suite, quels autres procédés soulignent la nécessité de relativiser ? l’utilisation de restrictions ous n’avons d’autre mire la relative « où nous sommes » qui font ressortir l’étroitesse du jugement que nous avons qui ne peut qu’être subjectif.

On note aussi que « raison » et « vérité » concepts qui se substituent à ceux de « barbare » et « sauvage » sont au singulier alors que « opinions et usances » est au pluriel, ce qui prouve qu’il exlste plusieurs points de vue pour une seule notion. Les groupes binaires « vérité et raison « exemple et idée « opinions et usances » sont la marque d’une pensée qui procède par approximations et restrictions successives, pour aper les préjugés sur lesquels repose notre civilisation.

Quel ton utilise aussi Montaigne ? L’ironie comme le montrent les répétitions de « toujours », « toutes choses « parfait » (repris trois fois). « Religion » et « police » font écho, en leur donnant un contenu précis, aux idées de « vérité » et « raison Les Européens croient toujours avoir raison et être les mellleurs. 2- La vision positive de l’état sauvage Comment Montaigne valorise-t-il les « sauvages » ? par une comparaison qui rend son propos plus concret : l’homme e valorise-t-il les « sauvages » ? r une comparaison qui rend son propos plus concret : l’homme est comparé au fruit, le postulat de départ étant que ce qui vaut pour un fruit vaut pour l’homme. Montaigne renverse les valeurs car on pense généralement que l’homme améliore la nature par des traitements spécifiques, or, pour lui, on la détourne au contraire de sa destination profonde. Il oppose nettement deux types de fruits : « ceux-là », les fruits naturels et « ceux-ci », les fruits cultivés.

Pour les premiers, il utilise des superlatifs (« plus utiles et naturelles vertus et ropriétés »), un vocabulaire élogieux vives et vigoureuses « vraies « utiles »), une allitération en « v » qui met en relief la vertu et montre le respect et les louanges faites par Montaigne à travers ces frults. Les seconds sont réduits à « lesquels » et accompagnés de connotations négatives abâtardies » reprend en le renforçant plus négativement « altérés » ; « accommodés » est moins péjoratif mais le complément « au plaisir de notre goût corrompu » vient souligner la dénaturation des Européens).

On pense déjà à Rousseau dénonçant l’artifice de la civilisation. Une addition de la troisième édition Et si pourtant, la saveur même et la délicatesse… ») apporte une restriction, soulignée par le double adverbe « si pourtant À nouveau, les termes qui désignent ces fruits sauvages sont nettement mélioratifs : « saveur », « délicatesse « excellente », ce qui ajoute à l’ironie de la chute, « sans culture » Cl la qualité ne dépend donc pas de la culture. Les Eur PAGF chute, « sans culture » C la qualité ne dépend donc pas de la culture.

Les Européens sont d’autant plus condamnables de dénaturer les fruits qu’ils apprécient ceux des pays où ils oussent « sans culture Ill- ‘élargissement de la réflexion l’éloge de la Nature 1- La supériorité de la nature : Montaigne, à partir de l’objection introduite par « Si pourtant » passe de l’idée de nature à celle de culture. Il rapproche les notions de « nature » et d’« art » pour reconnaitre la supériorité de la nature dont il fait l’éloge. Quels moyens utilise-t-il ? l parle de « mère Nature », il en fait une allégorie ; elle est qualifiée de façon très positive, « grande et puissante » ; il se sert d’images empruntées à la nature : « le nid u moindre oiselet, sa contexture, sa beauté et l’utilité de son usage, non pas la tissure de la chétive araignée » contraste entre la fragilité des êtres, tous précédés d’un adjectif diminutif, « moindre oiselet », « chétive » et la qualité de leurs ouvrages, « contexture « beauté « utilité Enfin, il a recours à un philosophe, Platon, et non des moindres, qui emploie aussi des superlatifs : « les plus grandes et les plus belles » s’opposant ? « les moindres et imparfaites qualifiant les ouvrages de « l’art 2- La dénaturation de la nature par la culture : dans quelle hrase Montaigne souligne-t-il les erreurs des hommes ? « Nous avons tant rechargé surchargé) la beauté et richesse de ses ouvrages par nos inventions, que nous l’avons du tout étouffée Le « nous » sujet montre qui est coupable, qui a agi, la nous l’avons du tout étouffée D.

Le « nous » sujet montre qui est coupable, qui a agi, la subordonnée « que nous l’avons du tout (tout à fait) étouffée » souligne la conséquence de ces agissements. L’utilisation d’un verbe concret « étouffer » frappe davantage l’imagination du lecteur. La phrase suivante laisse ntendre que l’homme ne peut rien face aux forces de la nature • « pureté » s’oppose à « nos vaines et frivoles entreprises ». Cette fois c’est la nature qui est sujet et les entreprises humaines sont complément comme si elle parvenait à triompher 0 on ne saurait durablement vaincre la nature. Montaigne fait sans doute référence au mythe de Babel, à la condamnation de la démesure humaine. Une citation du poète latin Properce vient illustrer cette idée en évoquant la croissance naturelle du lierre.

Montaigne écrit ici une page polémique. les cannibales ‘interviennent ici qu’à titre de prétexte à la réflexion sur nos insuffisances. Cethnocentrisme européen permet de se voiler la face, de ne pas voir nos erreurs et contradictions. Notre prétendue supériorité ne résiste pas à Vexamen car Montaigne, dans Les Essais va raconter des pratiques barbares qui ne viennent pas d’un passé lointain mais de l’époque contemporaine : les guerres de religion sont la vraie barbarie, puisque dans une même société, les hommes vont se déchirer. Il inaugure le mythe du bon sauvage et annonce le travail des Lumières, l’effort philosophique de Montaigne ne se donne aucun tabou.