Marques et collectivités territoriales: enregistrement et protection contre les usurpations en droit européen et en droit français

PRIX APRAM 2014 Sujet : « Marques et collectivités territoriales: enregistrement et protection contre les usurpations en droit européen et en droit français A l’heure où le Parlement euro éen et le Conseil étudient le « paquet législatif » présenté par la Com si 1 7 mars 2013, il ne Sni* to View fait aucun doute qu mutation du droit de révolution ne se préfl t en marche. Aucune mais les évolutions vont dans le sens d’une plus grande accessibilité et attractivité de la stratégie de marque auprès des entreprises.

De manière concomitante, on ne peut douter plus ongtemps que les collectivités territoriales recourent elles aussi ? une telle stratégie. Pour autant, les marques publiques semblent pour l’instant ne pas préoccuper le législateur européen, alors que le législateur français tente de son côté d’apporter des ébauches de réponses à la question de la protection du patrimoine immatériel des collectivités territoriale.

Cette préoccupation n’est que relativement nouvelle, mais elle ne cesse de prendre de les systèmes d’enregistrement des marques soient plus accessibles aux entreprises dans toute l’UE et plus efficients, en les endant mons complexes et moins coûteux. mais aussi plus rapides, plus prévisibles et juridiquement plus sûrs. Ces ajustements s’accompagnent d’efforts pour assurer la coexistence et la complémentarité du système de l’Union et des systèmes de marques nationaux »1.

Cest justement dans cette dynamique de complémentarité qu’intervient le Parlement français dont l’action récente n’est pas sans conséquences. En effet, si les travaux au niveau européen ont pour dessein un accès facilité de la marque aux PME, aucune disposition sui generis n’est prise pour l’heure quant à la protection spécifique que méritent eut être les agents économiques particuliers, mais dont l’importance tend à croitre de plus en plus, que représentent les collectivités territoriales.

En effet, nombreuses communes sont actuellement de plus en plus préoccupées par l’aspect touristique et par la perspective de profits générés permettant d’effectuer des travaux sur le domaine public. pour ce faire, loin de renâcler à la chose, celles-ci s’efforcent à engager régulièrement diverses manifestations culturelles, par exemple, dans le but d’augmenter son attractivité. Ces manifestations diverses et variées rganisées par la collectivité entraîne de façon récurrente la commercialisation d’objet ? l’effigie de la collectivité.

Parfois un logo, mais le nom de la collectivité fait partie des invariables de la pratique. Le postulat de départ est le suivant les collectivités territoriales PAGF OF Le postulat de départ est le suivant : les collectivités territoriales ont droit à la protection de pensemble des éléments de leur statut, et en particulier de leur nom, sur lequel elles jouissent dun droit comparable à celui que possède une personne physique sur son patronyme. En effet, le nom géographique d’une collectivité est un élément substantiel de son identité.

Il est en effet source de convoitise car il véhicule une image et possède une valeur dont les tiers sont souvent tentés de profiter. De manière intrinsèque et à donc, à lui seul, il est capable de véhiculer un ensemble de valeurs attachées à la collectivité en question Proposition de Règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) na 207/2009 du conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire ; Proposition de Directive du Parlement européen et du Conseil rapprochant les législations es États membres sur les marques (Refonte) du 27 mars 2013. 2 Bénoit F-.

P, Rép. Dalloz Collectivités territoriales, vo Commune, na32 ; GallouxJ_-C, Noms de domaines et noms de communes : à vos marques ? BJCL na07/2002, p. 466. 2 Ces valeurs sont indissociables des efforts de développement culturel, sportif, touristique. Ce nom doit donc faire l’objet d’une protection particulière. Pour autant, les collectivités territoriales, ne sont-elles pas déj? suffisamment protéeées contre les différ ions qu’elles pourraient Serait-il nécessaire de procéder à un rééquilibrage entre les droits ttachés aux dénominations des collectivités territoriales et le droit des marques ?

En tout état de cause, il est possible d’affirmer aujourd’hui que les collectivités territoriales attachent une importance grandissante à leur communication et à la promotion de leur image. Ces éléments poussent à une attention particulière face aux tentatives des tiers de profiter de leur notoriété pour leurs propres intérêts commerciaux 3. Car s’il est indéniable que les collectivités territoriales puissent intervenir sur le marché ? certains égards à l’Instar d’une ersonne morale de droit privée, il n’en demeure pas moins qu’elles ne disposent souvent pas des mêmes moyens que ces dernières.

Pourtant, les collectivités ne disposent pas de régime de faveur par rapport au secteur privé en la matière. Le Parlement français a récemment apporté des éléments de réponses à ces interrogations en abordant la protection du nom des collectivités territoriales, mais aussl, et par voie de conséquence, la valorisation du patrimoine immatériel de ces personnes publiques4. En effet, si cette valorisation passe notamment par la protection des actifs contre es risques d’appropriation indue (ou usurpation), elle passe aussi par l’identification, l’exploitation, le développement et l’optimisation de ces actifs5.

Ainsi, après avoir rejeté la proposition de loi no 329 du 24 octobre 2012 visant à protéger le nom des collectivités territoriales, le Parlement français a finalement adopté définitivement le 13 février 2014 le prole Parlement français a finalement adopté définitivement le 13 février 2014 le projet de loi relatif à la consommation NO 1015 du 2 mai 2013, visant notamment à mieux protéger les indications géographiques et les noms des ollectivités territoriales en articulation avec le droit des marques. Mais de quoi s’agit-il en réalité ?

Il a été mis en place un mécanisme d’alerte et un droit d’opposition pour les collectivités territoriales. Sur une demande formulée auprès de l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI), l’information des collectivités sur les marques déposées contenant leur dénomination devient systématique et précoce, permettant d’éviter de laisser filer le court délai de recours contentieux (deux mois). De plus, les collectivités acquièrent la possibilité de faire opposition ? la demande d’enregistrement auprès du directeur de l’INPl, procédure nettement plus souple et plus rapide qu’un recours judiciaire.

Cependant, avant l’adoption récente de ce projet de 101, il n’y avait pour autant, aucun vide juridique à déplorer en la matière. Le droit de la propriété intellectuelle applicable aux personnes physiques et personnes morales de droit privé est également applicable aux collectivités territoriales voulant adopter un comportement d’entreprise. Ainsi donc, les dispositions communes du code de la propriété intellectuelle sont applicables à toutes ollectivités qui entendraient vouloir bénéficier de la protection des marques, par exemple pour protéger leur nom.

Le code de la propriété intellectuelle offre déjà aux collectivités territoriales le bénéfice PAGF s OF nom. Le code de la propriété intellectuelle offre déjà aux territoriales le bénéfice d’une protection spéciale de son nom, sans qu’il soit posslble cependant que celles-ci disposent d’un droit absolu sur cet attribut. Mais les différents élus Stéphane PENAUD : Revue Lamy collectivités territoriales. 2007 p. 25. Colloque du 16 mars 2012, Le patrimoine immatériel des ersonnes publiques, allocution d’ouverture par J-M Sauvé, vice-président au Conseil d’Etat. Travaux menés par l’Agence du patrimoine immatériel de l’Etat. 4 locaux peuvent cependant renforcer cette protection par une stratégie de dépôt de marque ? l’instar de toute personne physique ou morale. Or, s’il est constant que le nom peut être protégé à titre de marque, il n’en demeure pas moins que le droit des marques prédomine toujours sur le droit au nom6. En effet, l’enregistrement est indispensable dès que la marque revêt une quelconque utilité pour le service public. Et comme tout itulaire d’une marque, la commune qui a déposé son nom (ou une marque) a l’obligation de l’exploiter. Les atteintes que la collectivité peut subir de la part des tiers peuvent revêtir de nombreuses formes. Le tiers peut utiliser le nom de la collectivité sous forme de nom commercial, d’enseigne, d’appellation d’origine, de nom de domaine ou de marque. Si les atteintes sont potentielle PAGF 6 OF , elles n’ont pas toutes le des collectivités territoriales dans leur démarche de développement touristique par le biais d’internet ou par la commercialisation de produits ou services. Les cas les plus réjudiciables à la collectivité sont donc ceux où le tiers a utilisé le nom de celle-ci à titre de nom de domaine ou de marque.

A contrario, une utilisation du nom de la collectivité à titre de dénomination sociale pourrait se résoudre de manière plus aisée par une action en usurpation afin d’en interdire l’usage s’il est susceptible de créer une confusion entre la collectivité et la personne morale de drolt privé usurpatrice8. En somme, et pour reprendre les terminologies employées par le sénateur Jean-Luc FICHET une « vision offensive » et une « vision défensive » euvent être promues dans le contexte de la compétition économique mondiale9.

Nous le rejoignons volontiers sur la vision défensive consistant à garantir reffectivité de la protection des noms des collectivités territoriales : « leur renommée peut être génératrice d’une manne financière qui suscite convoitise croissante des opérateurs économiques, mieux armés face au droit de la propriété intellectuelle ». Cependant, nous nous détacheront de cette vision « offensive » qui repose uniquement sur Vidée d’une valorisation du savoir-faire local, afin nous diriger plutôt vers ne valorisation des actifs immatériels des collectivités territoriales, dont la marque fait partie intégrante.

Ainsi, la marque serait à elle seule, potentiellement un outil de protection contre les usurpations du nom de la collectivité, mais également un moyen de PAGF 7 OF moyen de rendre l’institution publique plus forte sur le marché et lui permettre d’attaquer les grands chantiers d’intérêts publics avec plus de poids. Il est loisible de penser ici que la collectivité territoriale est une personne morale atypique qui possède plusieurs visages. Cette « schizophrénie » liée à son statut ambigu de ersonne morale de droit public intervenant dans la vie des affaires est avant tout perturbatrice.

Le caractère laconique du code de la propriété intellectuelle, notamment à l’art AJCT 2012 p. 459, Propriété publique : Il est de principe que le nom constitue, pour une commune, un élément d’identité assimilable au nom patronymique d’une personne physique. Mais celle-ci n’est pas fondée ? invoquer une atteinte à son nom, à son image et à sa renommée dès lors qu’il est établi que son nom correspond aussi à un terme devenu générique pour désigner un produit fabriqué non exclusivement sur son territoire. TGI pa is 13 sept. 2012, Commune de Laguiole, nb 10/08800. Jean-David DREYFUS, A] collectivités Territoriales 2013 p. 127. Nom des collectivités et droit des marques 8 TGI Caen, 25 janvier 1989, Gaz. Pal. , 1989, 3, somm. p. 516 9 AViS n0793 du 23 juil. 2013, J-C. FICHET, au nom de la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire (1) sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée Nationale, relatif à la consommation. 6 BOF consommation. L 711-4, h), ne s’est pas montré suffisamment convaincant pour soustraire aux collectivités erritoriales leurs litiges liés à leur nom, image, ou renommée.

Mais bien plus encore, il apparait aujourd’hui que les problématiques en la matière ont radicalement changé et que l’on assiste, depuis quelques années, à une véritable « découverte » par les personnes publiques (État, collectivités territoriales, mais aussi établissements chargés d’une mission de service public) de leur propre patrimoine en ce qu’il regorge de « richesses insoupçonnées »10. Ce patrimoine immatériel a pris une valeur considérable, dépassant même, d’un point de vue comptable, bon nombre de biens corporels.

La lecture du rapport Lévy et Jouyet de 2006 nous en informe dans les termes suivants : « Aujourd’hui, la véritable richesse n’est pas concrète, elle est abstraite. Elle n’est pas matérielle, elle est immatérielle. C’est désormais la capacité ? innover, à créer des concepts et à produire des idées qui est devenue l’avantage compétitif essentiel « 11 Ainsi donc, comme nous l’énoncions précédemment, le patrimoine immatériel doit donc être d’abord déterminé, pour être ensuite protégé et valorisé. La question des marques publiques s’inscrit clairement dans cette problématique.

Les marques faisant partie intégrante du patrimoine immatériel des collectivités, ne constituent pas un droit, conception civiliste, un PAGF autres, soumise au même régime juridique qu’une marque privée et connaissant par conséquent les mêmes nuances. C’est ainsi que, comme en droit privé, elle se décline sous trois formes principales : la marque notoire, la marque déposée et la marque renommée. Il faut se garder de confondre la marque publique du nom commercial, du nom de domaine, du label, ou encore de l’image d’un bien public et l’image de marque d’un bien.

Cette de précision étant faite, nous ermettront de mieux cerner la notion de marque publique et surtout ses spécificités. Juridiquement identique à la marque privée, la marque publique elle n’a que rarement la même fonction pour les collectivités et pour les personnes privées. Alors qu’il s’agit d’un instrument de protection et de communication, au service d’intérêts mercantiles pour les entreprises, la marque publique recouvre d’autres réalités. Protéger du parasitisme, de l’usurpation et des atteintes à Pirnage est certainement la prlncpale réalité que recouvre celleci pour les collectivités.

Mais la valorisation de ses biens et services publics en est une autre qui n’est pas des moindres. Il s’agit, au travers de la marque, de faire passer des messages pour la personne publique propriétaire, d’être plus visible, voire plus lisible dans son action et de contribuer, bien au-delà d’une simple démarche commerciale, à promouvoir l’action publique dont elle a la charge. La marque est dans le cas des collectivités un outil à double fonction. Elle protège le bien, le valorise, et se valorise elle-même de par sa nature marchande13. Ph. Yolka, L’immatérie