J’ai terminé les deux pièces de théâtre. Ce qui m’a frappee d’abord, c’est l’image des Blancs et des Noirs. Bernard Dadié ne s’encombre pas trop de nuances. Les Noirs sont fiers, fidèles, droits, bons mais trop naifs et tombent très facilement dans les pièges des Blancs cupides. Parfois, une voix s’élève pour mettre les Noirs en garde, mais on la fait taire immédiatement. II est curieux que cette voix soit celle d’une femme dans Béatrice du Congo. II m’a semblé que les femmes n’avaient pas un très grand rôle social à jouer dans Swipe to page ces pièces à part plair enfants.
Les Blancs, herchent qu’à s’enri et se cacher sous de prétextes comme la org Snipe to View nextggge t s’occuper des cela duper, mentir Isme est éclatant. Tous ceux qui ne pensent pas et ne vivent pas comme eux se trompent manifestement. Je crois que des pièces comme celles-là sont malgré tout nécessaires aux peuples qui cheminent vers leur liberté et leur autonomie. Le passé colonial de l’Afrique est loin d’être complètement liquidé. Il est encore trop récent pour n’avoir pas laissé des marques profondes dans rame collective et l’imaginaire des peuples.
J’en sais quelque chose, moi qui suis Québécoise d’origine grecque, née de parents immigrants déracinés. Être spécialisée en littérature québécoise dans ces conditions est plutôt étrange. On me le dit. Ici, plusieurs événements historiques ont modelé l’identité québécoise. D’abord, au XVIIe siècle, les Français ont établi une colonie, la Nouvelle-France, dans le but de piller les ressources abondantes du Nouveau Monde pour enrichir le roi de France.
Tout cela, sous couvert d’évangélisation des « sauvages En fait, les Français leur ont apporté maladies et guerres et ont abusé de leurs ressources, de leur travail et de leur aiVeté tout comme ils l’ont fait plus tard en Afrique. Aujourd’hui, le peu qu’il reste des « Indiens d’Amérique » vit dans des « réserves » dans des conditions misérables. Ce sont les ethnies qui ont le plus de problèmes sociaux et économiques. Mais les Anglais ont ravi aux Français cette belle et riche colonie un siècle et demi plus tard par les armes.
Les Anglais, dans leur grande générosité (sic), ont laissé aux vaincus la liberté de pratiquer leur religion et de parler leu langue. Cela a eu pour effet de créer un pays où deux peuples rivaux cohabitaient sans presque se mélanger. D’un côté les Anglais protestants, environ 10-20% de la population, mais qui détiennent tout le pouvoir politique et économique, et de environ 10-20% de la population, de l’autre, les Français catholiques, 80-90% de la population silencieux et ouvriers. Cet état a persisté plus d’un siècle et a même empiré.
Le clergé catholique exhortait les fidèles à toujours se soumettre au pouvoir et à ne pas se rebeller, étant donné que tout pouvoir vient de Dieu. Vers les années 1960, le peuple québécois commence à « ruer dans les brancards » comme on dit ici. Des velléités de libération et d’indépendance naissent. Même un parti polltlque indépendantiste se forme. En littérature foisonnent les œuvres dites « de révolte» où un antihéros canadien-français, fatigué de se faire dominer par le pouvoir anglais et face à un cul-de-sac dans sa vie, tente de se rebeller (parfois sans succès).
Dans cette période littéraire, l’image des Québécois est très négative. On parle d’eux comme étant des porteurs d’eau, des « nés pour un petit pain et même des « nègres blancs d’Amérique Un auteur révolutionnaire, Pierre Vallières, a même écrit un essai percutant portant ce titre dans les années ’60. Ce n’est qu’une décennie plus tard qu’apparaîtra le héros grand, fort, fier, rassembleur et capable de réaliser ses rêves. Nous serons alors en pleine période d’euphorie, la période du grand rêve réaliser ses rêves.
Nous serons alors en pleine période d’euphorie, la période du grand rêve devenu possible : celui de l’indépendance du Québec. Mais, en 1 980, un référendum sur la question de l’indépendance donne non et oui. Le grand rêve s’écroule. Avec le recul, tous s’entendent pour dire que le camp du Non a utilisé des méthodes déshonorantes et à la limite de l’illégalité pour gagner des votes alors ue le camp du Oui, donné gagnant au début de la campagne, a toujours joué la carte de l’honnêteté.
Bref, le côté colonisé et soumis des Canadiens-français a fait en sorte que ce peuple n’a jamais pu faire le pas décisif pour son indépendance, malgré plusieurs tentatives d’hommes politiques qui y croyaient (1980, 1990, 1995). Aujourd’hui, on entend souvent dire que ce n’est plus la peine, que le bon moment pour le faire est passé et qu’il ne faut plus y penser. Quel gâchis, d’après moi!
Et moi, en tant que fille d’immigrants, Québécoise par naissance mais aussi par hasard, Grecque à 100% par le sang, par la culture t par la langue maternelle, je navigue dans tout cela parfois en observatrice étrangère parfois en tant que membre de ce peuple blessé dans son identité qu’il a peine ? conquérir. Chez nous, l’Anglais est honni. Même si la culture anglophone qui vient principalement des États PAGF Chez nous, principalement des États-Unis est fort populaire, tout ce qul est anglais est par définition suspect et souvent un signe de notre asservissement.
Signe évident de notre perpétuelle soumission à notre mère la France : artistes et intellectuels se font un point d’honneur d’être reconnus en France. Tant u’ils ne le sont pas, ils se sentent « incomplets » et leur succès « local » vaut bien peu. Enfin bref, parlons plutôt de l’Afrique et de sa culture. Monsieur Thôgô-gnini est une pièce très édifiante mais amusante sur la corruption et le pouvoir de l’argent. Le personnage principal se laisse séduire par des discours de Blancs et il délaisse sa culture et ses traditions pour devenir comme eux.
Cela fonctionne pendant un certain temps et il recueille argent, pouvoir et respect. Cela lui plait énormément. Il n’a plus de temps pour sa famille ni pour les choses importantes, car il doit sans cesse s’occuper de on commerce florissant. Les traditions qu’il délaisse sont mises en évidence dans rœuvre par la bouche de personnages secondaires tel N’Zekou : « Ah! Je me souviens de la chaude chaleur familiale, constante aussi bien les jours d’abondance que les jours de disette. Des visites aux uns et aux autres le matin, pour s’informer de d’abondance que les jours de disette.
Des visites aux uns et aux autres le matin, pour s’informer de la santé de chacun, je me souviens… La vanité de Thôgô-gnini me fait penser à celle de Monsieur Jourdain, le bourgeois gentilhomme de Molière, surtout quand il veut à tout rix s’habiller comme les Blancs et adopter le mode de vie des Blancs, même si en fait, il en sait très peu. Les Blancs peuvent lui raconter n’importe quoi, il avale tout et se couvre ensuite de ridicule. Morale : n’essayons pas d’imiter les autres, surtout ceux que l’on place (souvent à tort) sur un piédestal. Ça ne va pas.
La fin du Ille tableau revoie aussi ? Molière, à L’Avare, cette foisci. Monsieur Thôgô-Gnini, dépouillé de son argent par le peuple en colère, se plaint : « Mon argent… Mon argent… Mon argent… » et les autres de le railler en l’imitant : « Son argent… Son argent… D. Molière avait fait dire à Argan qui découvrait le vol de sa précieuse cassette « Mon argent! Mon argent! Mon pauvre argent! Mon cher ami! » Heureusement, comme dans toute bonne comédie, le méchant antipathique corrompu est puni et le peuple, en liesse, retrouve sa liberté.
J’ai adoré. Béatrice du Congo parte davantage à réfléchir. D’abord, le titre laisse faussement présager un personnage principal féminin. Béatrice n’apparaît qu’à la tou faussement présager un personnage principal féminin. Béatrice n’apparait qu’à la toute fin et elle est davantage évoquée qu’active sur scène. Intrigant. ICI comme dans l’autre pièce, les Noirs se font duper par les Blancs, le roi le premier. Quand il comprend enfin de quoi il en retourne, il regrette, mais le mal est fait : « LE ROI : J’ai compris aussi.
J’ai été pris dans un piège. Les Bitandais ont autour de moi tissé des rêts; ils ont détruit mon royaume. Voilà que je me réveille, devenu l’ennemi de mes compatriotes. Ils m’ont affublé de fripes, d’oripeaux, de médailles dont ils ne savent que faire. Je veux sortir de ce cercle vicieux. » Et Texeira répond : « Trop de confiance, Majesté, trop de confiance, c’est encore… n péché… un péché nègre… Remarquons au passage le rôle passif que se donne le roi dans sa réplique au début.
Il a été un jouet, un pantin, et tout le vocabulaire et les tournures de phrases en témoignent. Voilà. Voilà le grand défaut dont se confessent les Africains, qui traverse les deux œuvres et qui, j’imagine, se retrouve aussi dans les autres productions de Dadié. Est-ce qu’un jour les Africains se pardonneront d’avoir trop fait confiance aux Blancs? Il est vrai que ces pièces ont été écrites peu de temps après l’indépendance. Mais ce reproche, se le font-ils enco ièces reproche, se le font-ils encore?
Le rôle des Blancs en Afrique nolre se limite-t-il à de l’humanitaire « désintéressé » ou n’estil pas encore empreint de cette lutte de pouvoir? Les présidents africains aux règnes particulièrement longs ne sont-ils pas maintenus en place par des intérêts blancs plus ou moins inavoués? Ne sont-ils pas les « rois » des pièces de Dadié? Je n’ose m’avancer sur ce terrain idéologique, hautement sensible je présume, par manque de connaissances sur le sujet et aussi par peur de vous froisser. J’al aussi envie de faire des liens avec Haïti.. P. S.
Mon cégep essaie de rayonner à l’international, entre autres en envoyant des professeurs donner des conférences dans d’autres pays. Ceux qui conçoivent de tels projets doivent les faire approuver par le comité. J’aurais bien envie de préparer une communicatlon sur les liens entre la littérature afrlcaine et la littérature québécoise et de venir présenter cela à l’Université de Koudougou ou même de Ouagadougou. Il faudrait monter le dossier et le présenter au comité. En cela, notre cher Richard me sera sûrement utile, car il travaille dans ce comité… C’est à suivre…