Ethiopiques Revue Negro Africaine De Litt Rature Et De Philosophie

12/4/2015 [Ethiopiques Revue negroafricaine de littérature et de philosophi e. ] Accueil > Tous les numéros > Numéro 53 > ECRITURE ET LIBERTE [ Plan du site 3. ittérature Actualités or 16 Tous les numéros Sni* to View ÉCRITURE ET LIBERTE Hamidou Dia Imprimer Recherche sur le site Rechercher : Ethiopiques numéro 53 revue semestrielle de culture négroafricaine s’entend à la Liberté ce mot qui a plus de valeur que de sens selon la formule de Paul Valery, c’est d’abord le rapport du texte à son horstexte, son http://ethiopiques. refer. sn/spip. php? rticle198 1/12 contexte, c’estàdire ce par quoi il y a ite, peutêtre même suture ; c’est ensuite le rapport du texte au créateur, c’estàdire ce par quoi il y a jaillissement, surgissement de l’être par rapport au néant initial par où précède toute écriture. Quoique la Création, il faut en convenir provlsolrement, fût en elle même mystérieuse, dans ce qui commande son avènement, plus précisément sa parturition jubilatoire… c’est enfin le rapport du texte parvenu à l’existence littéraire avec son public. II y a aussi le temps la memoire qui posent problème.

II me semble que l’écriture est toujours en quelque sorte une médltation sur le temps. Il n’est pas ndifférent que les temps grammaticaux les plus usités soient l’imparfait et le passé simple. Ce faisant l’écriture relève plus de l’interprétation que de la I 16 traité par Mesdames Tanella, Boni et Véronique Tadjo, je m’intéresse au travail de récriture dans son efficacité propre. Ma communication s’articulera ainsi autour de trois axes : 1. Ecrire veutil dire quelque chose ? 2. La liberté intérieure où le créateur considère comme un deus ex machina. 3.

La fonction sociale ou « quand dire c’est faire Naturellement mon propos n’a pas la prétention de dire des vérités définitives, infinitives ; je veux odestement poser un questionnement, indiquer peutêtre des pistes, des sites, des chemins qui susciteraient une réflexion. 1. ÉCRIRE VEUTIL DIRE QUELQUE CHOSE ? Ecrire c’est témoigner, raconter, dire, CREER. L’écriture littéralre n’est pas le lieu du concept, de ranalyse théorique, du message délivré ex cathedra, mais celui de l’Emotion, de la sensibilité, en somme de [‘Esthétique dans son sens étymologique.

Voyez l’embarras de l’écrivain quand il est http://ethiopiques. refer. sn/spip. php? articIe198 2/12 PAGF droite soigneusement expurgée de se scories, emprunter les chemins de traverse. A cause de l’ambiguïté de la relation du texte à son horstexte par où la Liberté est supposée jaillir ! L’écriture est toujours éclatée et multiplie à l’infini les portes d’entrée et les fenêtres de secours. Voyez la fabuleuse aventure de L’aventure ambiguë de Cheikh Hamidou Kane.

L’écriture est rarement ce qu’elle dit littéralement : elle est Slgne vers, indication de railleurs, de sorte qu’aucune écriture n’est innocente, toute lecture est symptomale. C’est qu’un texte littéraire est complexe, en luimême il comporte au moins un double aspect : a) Quel est dans le texte le rapport du réel et de ‘illusion, c’estàdire ici l’imaginaire considéré comme instrument privilégié de déchiffrage, de décodage du réel ? b) Et, quel est le rapport de fillusion, de la création, de la fiction comme discours au réel ? Or donc, fautil révoquer en doute « le réalisme » fût il balzacien ou socialiste ?

Le révoquer précisément à cause de sa claudication, de son inaptitude (contemporaine) à rendre compte de ce dont il a l’ambition explicite : dire le réel tel qu’il est alors que dire le réel c’est déjà l’interpréter ? D’où le malentendu qui expli ue les avatars considérables qu’a qui est visible et ce qui ne l’est pas, ntre l’être et le néant. II faut une singulière acuité visuelle pour voir le réel tel qu’il est autrement qu’à travers le prisme actif de notre subjectivité, au 3/12 [Ethiopiques Revue negroafrlcaine de littérature et de philosophi delà des oripeaux et des mensonges par lesquels nous les voilons. ? Si le monde était clair. Fart ne serait pas » comme le dit Camus. Or donc, peutan penser l’écriture, dire ce qu’elle dit, si son dire est déjà sens et interprétation ? Aucune lecture n’est neutre en ce qu’elle interprète une interprétation celle de l’écrivain aucune écriture n’est non plus nivoque Entre l’écriture et la lecture il y a forcement une subordination réciproque. Mais si toutes les lectures sont valables elles ne sont pas cependant, toutes, légitimes. L’Ecriture, stricto sensu, c’est une armature, un code, un message.

L’armature, le code, le message d’un texte littéraire ontils une fonction qui ait quelque chose a voir avec la Liberté. Ou y atil isotopie, des catégories sémantiques, u interrogation capitale dans ce qu’elle sous entend, ce que Véronique TadJ0 a nomme l’auto censure. Certains de nos Etats se vantent de n’avoir jamais censuré. Certes. Mais la question est mal posée, l’affirmation quelque peu émagogique. La vraie question, j’en conviens avec Boubacar Boris Diop, est de savoir si il y a un écrivain qui méritait d’être censuré et ne le fut point !

Contre les fausses connivences et les complicités artificielles Baudelaire, au siècle dernier, nous avait mis en garde : « lecteur, hypocrite lecteur, mon frère… De plus, l’écriture négroafricaine a une particularité : le rapport ludique au mot souvent recherche, plus que pou sa signification, pour sa sonorité, sa musicalité. Nous avons les phrases scintillantes, le propos brlllant ; ce qui, du reste, montre assez, il me semble, que si le français est notre langue ‘expression, il n’est pas forcément celui de nos émotions.

Audelà de Fanecdote, écrire c’est assumer les fonctions plurielles induites par le texte jeté en pâture à la sagacité des lectures ; c’est accepter, http://ethiopiques. refersn/spip. php? article198 4/12 6 6 fondamentalement séditieuse, radicalement dissidente, forcément subversive quelles que soient d’ailleurs les intentions de l’écrivain. C’est là une liberté métaphysique que rien ne peut contraindre, sauf si l’écrivain, de manière délibérée ne s’inflige une autocensure.

A la limite la privation physique de la liberté peut être féconde, nous avons une agnifique écriture carcérale pour en témoigner, je n’en veux pour exemple que le très beau roman d’Ibrahima Ly. Antsa ce magnifique chant de Liberté auraitil vu le jour si son auteur n’avait fait la prison ? Rabmenanjara s’est clairement posé la question « avant d’aller en prison je n’avais pas écrit , ‘je suis allé en prison et j’ai écrit : alors je pose la question écriraije si je n’avais pas fait la prison Le problème est d’importance.

L’écriture a sa propre ontologie, son autonomie, son efficace propre. Alors que faire devant un texte : rechercher la littéralité ? Étudier ses virtualités, ses ilences, ses marges en lui redonnant sens par l’interprétation ? La liberté dans l’écriture, par delà les contraintes extérieures, est à priori. Ecrire c’est interpeller le néant, le forcer à être. En ce sens l’écrivain est un démiurge et la création a à voir avec le sacré, le divin ! Estce à dire que l’écrivain, par cela même, est libre ?

IJne sort apprendre à maîtriser l’extérieur, ? l’apprivoiser, l’extérieur est ici l’ensemble des contraintes à Pintérieur desquelles il advient. Cheikh Hamidou Kane souhaitait qu’on arrêtât l’Extérieur. Alors seulement il y a hiérophanie. 5/12 2. La liberté intérieure Elle est soumise à une seule et impérieuse condition : l’écrivain doit avoir quelque chose à dire sinon la littérature devient un simple jeu de langage, or la llttérature, si « inutile » et si essentielle, est une affaire trop sérieuse pour être laissée entre les mains des charlatans.

Si elle implique un exercice de style elle ne saurait s’y réduire toute. Une des vérités de l’écriture, si tant est qu’on puisse parler de vérité, c’est l’authenticité profonde de l’écrivain. Il s’agit de faire de chaque énigme une éclaircie, de chaque métaphore une visée. L’écriture, le diraton assez, est ure intentionnalité. Aussi le texte littéraire devient un palimpseste dont le « repérage » se fait au trav entièrement son texte, y compris les errements probables, accepter que la lecture en soit pluri perspectiviste, accepter l’irresponsabilité au sens juridique du terme.

L’écrivain n’est pas comptable des lectures qui sont faites de son texte. Mais il y a une exigence éthique irréductible : l’entière liberté de conscience qui demeure encore « une idée neuve en Afrique La gît la véritable liberté qui ne saurait s’accommoder des grilles prétendues objectives, de règles impérieuses, ni es compromissions, compositions, conformismes de toute sorte. L’écrivain dans son geste inaugural est d’abord quelqu’un qui dit, qui sait dire NON. Non aux classifications arbitraires, aux ghettos imposés, non aux modes, à la récupération, non aux catalogues, aux casiers, décides ici ou allleurs.

Surtout ailleurs qu’ici. Alors fautil révoquer en doute la critique occidentale ? Cest un vrai problème. En effet de quel lieu le critique occidental parletil ? De quel droit « légifèretil » ? Saitil de quoi il parle quand ce qui est dit est adossé ? des valeurs implicites qu’il ne connaît 6/12 PAGF 16 résolument archaïque. La littérature négroafricaine doit être engagée pour des raisons essentielles liées au statut même de l’écrivain négroafricain. Certes les formes de l’engagement ont changé.

Mais imagineraiton un écrivain négro africain qui aurait, même avec brio, décrit une porte qui se ferme sur une centaine de pages ! Il faut s’entendre : toute littérature a besoin de critique comme « le levain la farine blanche La critique est llbre, elle est nécessaire Mais qu’estce qu’une critique littéraire sinon le parcours subjectif d’une oeuvre ? Certes « le fait de pondre des oeufs ne permet pas à la poule d’apprécier la ualité d’une omelette Donc mon refus ici et, je le dis clairement, c’est l’expression d’une subjectivité érigée en règle, d’un regard transformé en norme.

Je peux aimer Henri Lopes, Sassine, Boris, j’admets aussi que d’autres ne les aiment pas. Je réclame simplement l’humilité, car enfin de quel droit feraisje de ma lecture, la seule lecture ? Par contre l’écrivain négroafricain doit être particulièrement vigilant par rapport à un double danger bien réel celui là contre lequel David Diop, il y a 3 décennies, nous avait mis en garde. Etonnante modernité. Ces dangers sont l’africanisme facile ou l’assimilation à tout prix !