Plus que la différence, donc, ce qui la cause : pourquoi, au Moyen Âge, la vie des Juifs « sous le Croissant » était-elle nettement préférable elle de leurs frères « sous la Croix » ? Telle est la grande question posée par cet ouvrage comparatiste. On peut regretter que ce comparatisme ait été sélectif — pour [‘Occident, l’Italie et l’Espagne (où les Juifs jouirent sont laissées de côté il faut se réjouir de c pratiqué avec consta Mythe et contre-mythe S. p next page nditions favorables) Nord-Ouest -r mais omparatisme, et l’ait Le projet et son cadre conceptuel et historiographique sont présentés dans les introductions du volume (celle de l’édition originale, qui date de 1994, et la nouvelle introduction rédigée en 008) et même, non sans redondance, dans la première partie, « Mythe et contre-mythe » – car il s’agit bi L’intégration des Juifs dans la Sv. ipe to société arabe Ce cadre religieux et juridique étant posé, les conditions concrètes de la vie font l’objet de l’analyse : dans la troisième partie, il s’agit du « domaine économique », où l’on constate de fortes interactions entre Juifs et gentils. Là encore, la différence est nette : le monde chrétien condamne le commerce, se méfie du marchand et établit une quasi-équivalence entre l’étranger, le commerçant et le Juif. Et, étonnamment, quand reculent les préventions à l’égard des marchands, à partir du XIIe siècle, les Juifs en pâtissent, en lesquels les nouveaux marchands chrétiens voient des concurrents.
Marchand, le Juif est aussi prêteur d’argent – d’où l’idée, débattue, que Pusure ferait beaucoup pour son impopularité. Dans les pays musulmans, les Juifs, d’autant mieux intégrés que l’islam considère favorablement le commerce et ses profits, se livrent à des activités économiques beaucoup plus diversifiées : ils sont marchands et prêteurs, mais auss artisans et même agriculteurs. Concernant le « domaine social », objet de la quatrième partie, on sait déjà que les Juifs sont marginaux, mais reste à préciser de quelle manière.
Le pacte d’Omar n’exclut pas, il distingue , la présence de dhimmîs dans presque toutes les catégories de la société suscite des « fidélités catégorielles » qui estompent l’opposition entre musulmans et non-musulmans, comme le montre la grande intégration culturelle des Juifs de terre d’islam l’auteur do 2 non-musulmans, comme le montre la grande intégration culturelle des Juifs de terre d’islam – l’auteur donne divers xemples impressionnants : Saadia Gaon parlait d’un imam au lieu d’un ‘hazzan (un chantre juif) et même de « Coran » pour désigner la Torah !
Une très forte intégration à la société arabe va de pair avec une identité juive parfaite, tandis qu’en Occident, unifié et christianisé, le mariage des deux est plus problématique. En terre musulmane, Juifs et musulmans ont culturellement beaucoup en commun — la langue arabe, par exemple, mais aussi des pratiques religieuses (comme le culte des saints, phénomène interconfessionnel qui étonna deux voyageurs juifs européens). Bref, les Juifs occupent ne place reconnue et stable, à une position inférieure et sans qu’une quelconque assimilation par l’égalité ne leur soit possible.
Une autre cause de la plus grande tolérance des terres d’islam est leur bien plus grande hétérogénéité ethnique : le monde musulman a plus l’habitude de la diversité et craint moins les relations avec les Juifs que ne le fait l’Occident. « Les règles musulmanes étaient destinées à souligner et à renforcer la hiérarchie sociale, dont les non-musulmans étaient un élément accepté, fût-ce marginalement et dans une position inférieure (p. 276). occident chrétien, une « société persécutrice » La dernière partie du livre envisage les « Polémiques et persécutions » – et de nouveau l’on observe un gran 3 livre envisage les « Polémiques et persécutions » – et de nouveau l’on observe un grand déséquilibre : la littérature polémique antijudaique chrétienne des adversus Judaeos, jusqu’au XIIIe siècle, est abondante. Les chrétiens utilisent souvent la Bible juive Ancien Testament ») contre les Juifs.
La polémique porte surtout sur trois points : la caducité de la loi mosaïque, Jésus omme messie et les chrétiens comme vrai Israël, dont l’on débat lors de « disputes » fameuses (en particulier à Paris en 1240, Barcelone en 1263 et à Tortosa en 1414-1415). Au contraire, bien qu’avec l’islam aussi la polémique scripturale parût majeure, le combat de l’islam contre le judaïsme demeura fort secondaire – on le voit bien, les Écritures comme telles ne sauraient expliquer toute l’histoire !
Du même coup, il n’est guère besoin de « réponse » juive – il n’est pas de textes juifs entièrement tournés contre l’islam, à la différence de ce que l’on bserve dans la chrétienté. Pour les musulmans, la polémique contre les Juifs n’est pas fondamentale dans leur propre définition, à la différence des chrétiens.
Il y eut toutefois des persécutions perpétrées par les musulmans, bien sûr, surtout contre les chrétiens, mais aussi contre les Juifs (comme dans le royaume berbère de Grenade en 1066) ; mais le cas le plus fréquent était l’imposition du statut de dhimmî et l’échange de la protection contre le tribut ; et si les Juifs sont persécutés, c’est comme 4 dhimmî et l’échange de la protection contre le tribut ; et si les Juifs sont persécutés, c’est comme dhimmîs, non comme Juifs.
Rien à voir donc avec la « société persécutrice » (selon la formule de Robert Moore, reprise par Cohen) qu’édifierait alors l’occident chrétien. D’autant que l’islam est comparable au judaïsme sur un point décisif : la « pratique » y pèse lourd, et l’on a du même coup de la latitude dans le domaine de la « croyance » Cun des grands mérites de ce livre, qui en compte beaucoup, est de faire la part belle aux débats historiographiques et de présenter de façon très utile une grande quantité de travaux, e discussions et même de sources.
Sous le Croissant et sous la Croix est d’abord une œuvre très utile, une synthèse remarquable. N’y cherchons pas ce qu’il ne prétend pas offrir les objets envisagés par Cohen demeurent assez « naturels ce que d’aucuns jugeront discutable – on lit ainsi qu’a il sera question d’un seul et même peuple, dont les racines plongent dans l’Antiquité du Proche-Orient, qui a vécu au sein de civilisations différentes, avec une seule et même religion » (p. 10).
L’auteur verse donc dans un certain continuisme et même parfois dans a téléologie – quand il écrit que le « signe [distinctif Imposé par Latran IV] annonçait la tristement célèbre « étoile jaune » des nazis » (p. 113)… Sur le plan de la méthode, il est des débuts de chapitre bien généraux (sur la hiérarchie, la marginalité, la so S méthode, il est des débuts de chapitre bien généraux (sur la hiérarchie, la marginalité, la sociologie, etc. ), où le recours à des auteurs non-spécialistes (sociologues ou anthropologues le plus souvent), bien éloigné du contenu même du chapitre, semble un eu superflu.
Quant au lien avec l’actualité, il est évident, et la postface du volume, initialement publiée en 2002 (« Postface : un paradigme dit explicitement à quel point le livre est écrit avec à l’esprit l’actualité politique toujours brûlante du conflit israélo-arabe. Cette postface a une autre vertu : celle de faire prendre du recul et d’intégrer des nouveautés bibliographiques – car il serait facile de faire porter la critique sur rancienneté relative du livre : si l’on doit saluer sa traduction en 2008, on ne peut que relever ‘important décalage chronologique avec laquelle elle intervient.