Le dormeur du val Cest un trou de verdure où chante une rivière Accrochant follement aux herbes des haillons D’argent ; où le soleil de la montagne fière, Luit : Cest un petit val qui mousse de rayons. Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue, Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu, Dort ; il est étendu dans l’herbe, sous la nue, Pâle dans son lit vert où la lumière pleut. Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme Sourirait un enfant malade, il fait un somme : Nature, berce-le chaudement : il a froid. s parfums ne font Il dort dans le soleil, Tranquille. Il a deux t Arthur Rimbaud 6 S. v. p next page Le dormeur du val est l’un des premier poème d’Arthur Rimbaud, qu’il écrit en octobre 1870 alors qu’il avait a peine 16 ans, lors de guerre franco-prussienne. L’auteur témoigne de sa révolte contre la guerre puisque lors d’une fugue, il traversa un champ de bataille jonché de cadavres. Dans ce poème l’auteur parle avant tout le la guerre, la mort tout en introduisant des éléments idyllique, dans un cadre champêtre.
Après avoir montré comment le poète nous dépeint la nature puis l’homme, nous verrons l’interaction réunissant les aspects contradictoires du poème. sollicite tous les sens. ‘Verdure » vers 1 est repris au vers 7 par l’herbe » et au vers 8 par « vert ». Impression de luminosité avec « les haillons d’argent » vers 2 ; renforcée au vers 3 et vers 13 par le soleil et dont la luminosité est reprise au vers 4 « mousse de rayons » et vers 8 » lumière qui pleut » : métaphore qui donne une matérialité à la lumière. Nature très colorée : vers 9 « les glaïeuls », couleurs assez intenses.
Personnification de la rivière qui « chante » vers 1, animation. Sur le plan olfactif, « parfums » vers 12, impression de bien-être et bonheur ; sur le plan tactile, impression de fraîcheur, liquidité, vers 6 « et la nuque baignant dans le frais cresson bleu » Le mot « val » du titre est repris au vers 4, rivière dynamique ; impression d’exubérance, par les deux enjambements des vers 1,2,3. De plus cette nature est présentée comme douée de sentiments, au vers 11 elle est personnifiée et présentée comme très maternelle « berce » : Alma Mater.
Il – Lhomme On remarque que le jeune homme est « dans » la nature. Nous le voyons aux vers 6,8,9,1 3, avec le mot « dans », il est imbriqué dans cette nature. Nous savons à qui nous avons à faire, sociologiquement c’est un soldat. Le jeune homme est jeune comme la nature. Il est présenté dans un état d’abandon total • bouche ouverte » vers 5, » sa nuque baignant » vers 6, » dort » vers 7, inactivité encore répétée au vers 9 et 13 : insistance avec le titre du sonnet. Au vers 7, il est « étendu », intensifie l’impression de confort ; vers 8 1′ un lit vert », la nature lui a construit un lit.
Si on regarde d’un peu plus près, nou IE vers 8 un lit vert », la nature lui a construit un lit. Si on regarde d’un peu plus près, nous voyons qu’il paraît mort : vers 14 « deux trous rouges sur le côté droit », + allitérations en ‘ À partir de ce moment nous basculons dans l’horreur, dénouement très brutal. Ill – Aspects contradictoires La mort est en fait omniprésente : vers 1 le mot « trou » fait écho avec le vers 14. L’adverbe « follement » vers 2 signifie l’agitation de la rivière. Nous avons un côté glorieux avec l’argent, mais en réalité les « haillons » vers 3, reflètent quelque chose de détruit.
La « bouche ouverte » est une caractérisation de la mort du soldat ; sa tête est nue car son casque a roulé par terre ; « la nuque baignant » vers 6 signifie qu’elle baignait dans le sang, c’est à dire le sang sur l’herbe : rouge du sang + vert de l’herbe = cresson bleu. « Etendu » signifie un corps sans vie et le « lit » du vers 8 devient un lit de mort. Les glaieuls évoquent les fleurs que l’on posent sur une tombe il a les pieds dans les glaïeuls. Plus rien ne bouge, « la narine » et « la poitrine « ne réagissent plus. Il ne respire plus, il est donc mort. Violence des allitérations dentales pour trancher cette jeune vie.
Nous comprenons à ce moment que le sommeil du dormeur était une image de mort. Conclusion Le Dormeur du val illustre des thèmes très chers à Arthur Rimbaud, à savoir le sens du tragique, de l’existence et la mort. Son art s’illustre particulièrement avec les effets nythmiques brisés, symboliques d’une vie brisée. Habileté par laquelle il nous et sur une fausse piste, tout en nous laissant des d’une vie brisée. Habileté par laquelle il nous met sur une fausse piste, tout en nous laissant des indices, à la réelle interprétation du poème. – Comment sont respectivement décrits le paysage et le personnage du tableau ? ) Le paysage a) Un tableau (organisation de la description) : nombreuses notations visuelles décrivant avec précision le lieu ; comme dans un tableau, il y a un arrière-plan mis en place dans le premier quatrain (un « petit val » -reprise du titre-, décrit aussi comme un « trou de verdure », c’est à dire une vallée étroite qui donne ‘impression d’un endroit abrité, une montagne, dans la direction de laquelle on peut voir le soleil – « de la montagne fière » est un complément circonstanciel de lieu une rivière ) ; un premier plan avec le dormeur, et les éléments surtout végétaux qui sont ? échelle humaine : herbes, cresson, glaieuls. b) Le jeu des couleurs : nombreuses notations de couleurs où domine le vert (herbes -2 fois-, trou de verdure, son lit vert, frais cresson bleu —bleu = vert foncé-) ; les autres couleurs présentes sont des nuances de blanc renvoyant à l’idée de lumière. c) Les jeux de lumière : le soleil cité deux fois (v. , 13) ; idée reprise par le verbe « luit » (v. ) ; la métaphore « haillons d’argent » décrit les projections d’embruns sur les herbes proches de la rivière, gouttes d’eau où s’accroche la lumière du soleil = lambeaux de lumière (les haillons sont des vêtements déchirés) ; autre métaphore : « mousse de rayons » : la lumière est si compacte, qu’elle semble liquide ; troisième métaphore, exploitant pour la troisième fois I si compacte, qu’elle semble liquide ; troisième métaphore, exploitant pour la troisième fois l’association entre la lumière et un élément liquide : « où la lumière pleut L’importance de ce hamp lexical de la lumière est nettement marquée par le triple travail métaphorique, et par la mise en relief systématique par la versification (mise en rejet de « d’argent » et « luit » (v. 3 et 4) ; localisation à la rime et en fin de quatrains pour « mousse de rayons » (v. 4) et « la lumière pleut » (v. 8). Les deux quatrains s’achèvent donc sur des notations convergentes et parallèles, qui sont des notations de lumière. ) La personnification : trois personnifications (« chante « follement », « fière ») décrivent la nature environnante comme une nature en fête ; la rivière notamment semble une fée otée du pouvoir magique d’habiller d’argent les herbes qui l’environnent : l’oxymore « haillons / d’argent appuyé par le rejet du vers 3, semble être là pour exprimer ce pouvoir de métamorphoser la pauvreté en richesse. On pourrait interpréter le décalage constant de la phrase et du vers, notamment dans le premier quatrain, comme une façon pour l’auteur de mimer l’exubérance joyeuse des éléments naturels. Enfin au vers 11 la « Nature » est magnifiée d’une majuscule, personnifiée par l’apostrophe, et implicitement comparée à une divinité maternelle. > une nature gaie et heureuse 2) Le personnage ) Champ lexical du corps et organisation de la description • en suivant le champ lexical du cor s on ourra observer comment s’organise la description d Le personnage lexical du corps, on pourra observer comment s’organise la description du personnage.
Le personnage est introduit dans le deuxième quatrain avec la mention de son identité (un soldat) et de son âge (jeune). Puis la description commence par le haut du corps : « bouche, tête, nuque » (20 quatrain), descend jusqu’aux « pieds » (10 tercet) et remonte jusqu’au cœur : « poitrine » (20tercet) pour découvrir sa blessure : « deux trous rouges au ôté droit ». Comme si le regard parcourait ce corps pour trouver son secret. b) Champ lexical du sommeil et du calme (+ anaphores, + mises en relief par la versification) : le corps est allongé : cette information est répétée avec insistance la nuque baignant dans le frais cresson bleu » ; « il est étendu dans l’herbe » ; « dans son lit vert »).
La 30 pers du verbe « dormir » est répétée trois fois, toujours en position privilégiée (en rejet en début de vers : v. 7 ; en rejet après la césure* : v. 9, en début de vers : V. 1 3). Le thème du sommeil est repris par « il fait un somme » (v. 0). Enfin, le rejet de « tranquille » se rapportant au nom « poitrine » (v. 13-14) met spectaculairement en relief la même idée. La description de la bouche (« bouche ouverte », « souriant ») indique aussi la sérénité heureuse du « dormeur » (mot du titre). Tous ces indices visent à tromper le lecteur sur le sens réel de la scène, ils lui suggèrent une fausse piste. c) Les expressions inquiétantes.
Mais simultanément, on remarque que la plupart des termes décrivant le jeune homme sont ambivalents, c’est à dire qu’ils peuvent signifier aussi bien le repos que la maladie et 6 OF IE mbivalents, c’est à dire qu’ils peuvent signifier aussi bien le repos que la maladie et la mort : « bouche ouverte « pâle » ; « lit » ; « malade » Plusieurs détails suggèrent l’inconfort ou l’absence de sensations : « baignant dans le frais cresson bleu » ; « il a froid » ; « les parfums ne font pas frissonner sa narine » (qui ne sent plus ? ) ; «sa poitrine tranquille » (qui ne respire plus > Deux hypothèses possibles sont entretenues par la description du personnage jusqu’au dernier vers.
Transition : Cette ambigüité participe d’une véritable orchestration dramatique, que nous allons maintenant analyser. Il – Comment la composition et la versification du poème contribuent-ils à l’effet de surprise recherché par le poète? 1) Une chute surprenante a) Les raisons de la surprise. Pour celui qui lit le texte pour la première fois, le dernier vers ne peut manquer de produire un puissant effet de surprise. En effet, comme nous l’avons montré précédemment, les indications rassurantes ont été répétées avec une telle insistance, depuis le titre jusqu’à l’adjectif « tranquille au début du vers 14, que le lecteur le plus attentif néglige presque nécessairement les indices contraires.
Ces signaux alarmants sont perçus, bie ent pour semer le OF IE dernière phrase est d’autant plus saisissant que Rimbaud a eu l’idée de placer en rejet l’adjectif « tranquille réduisant à neuf syllabes la dernière unité grammaticale du texte. La coupe forte occasionnée par le rejet produit une rupture qui détache cette courte phrase. Cest ce qu’on appelle une chute. L’art de la chute consiste à terminer un texte par une formule brève, inattendue, apportant un éclairage nouveau sur le sens du poème. Cette technique est traditionnelle dans le sonnet. Mais elle a rarement été utilisée aussi spectaculairement que dans ce poème de Rimbaud. ) La nécessité d’une seconde lecture.
Le changement de perspective opéré par le dernier vers est si radical qu’il implique necessairement une seconde lecture du texte. En effet, cette fin valide toutes les inquiétudes qu’avaient pu faire naître certaines expressions et invalide l’interprétation optimiste de la scène. Prenant conscience d’avoir été abusé par une adroite stratégie d’écriture le lecteur est porté à refaire le chemin pour étudier la progression du texte et comprendre comment le piège a fonctionné. 2) La progression du poème a) Un sonnet. Rimbaud construit son texte en respectant le cadre raditionnel du sonnet, forme poétique présentant 4 strophes (deux quatrains, deux tercets).
Chacune des strophes possède en principe son autonome syntaxique et constitue sur le plan du sens une étape du texte. C’est bien le cas ici. Chaque quatrain se termine par un point et contient une phrase. Les tercets contiennent deux phrases chacun. On notera, sans que ce détail ait une grande conséquence, que Rimbau BOF IE deux phrases chacun. On notera, sans que ce détail ait une grande conséquence, que Rimbaud prend certaines libertés avec le système de rimes classique : il n’emploie pas le même jeu de imes dans les deux quatrains et remplace les rimes embrassées traditionnelles par des rimes croisées. b) L’ambivalence des indices dans la deuxième strophe.
Sur le plan du sens, le premier quatrain est consacré à l’évocation du cadre, l’impression est entièrement celle d’une belle journée d’été où toutes les conditions sont rassemblées pour être heureux. Le deuxième quatrain présente le dormeur, et à y regarder de près, on est frappé par l’ambivalence des informations apportées par le texte. Ainsi, la nuque du soldat baigne dans le frais cresson bleu : cette fraîcheur, en plein soleil, peut être considérée comme un ndice de bien-être ; mais inversement, si le cresson y pousse, c’est peut-être que le terrain est marécageux et dans ce cas, comment le soldat peut-il ne pas être gêné par l’humidité de l’endroit ? De même sa « bouche ouverte indice possible d’un abandon voluptueux au sommeil, peut être interprété aussi comme le rictus de la mort.
Sa pâleur est-elle le signe d’une beauté délicate ou de la maladie ? « Son lit vert » est-il un lit de repos ou de douleur ? Très habilement, Rimbaud a choisi des expressions permettant une double interprétation. c) Tercets ; des Indices de plus en plus clairs mais maintien ‘une certaine ambigufté. Avec les tercets se produit une nette évolution : les indices alarmants prennent le dessus. Le pas est franchi au vers 10 avec l’expression « Souriant comme / Sourirait prennent le dessus. Le pas est franchi au vers 10 avec l’expression « Souriant comme / Sourirait un enfant malade Pour la première fois, un indice ouvertement morbide est offert au lecteur.
En outre, son arrivée est dramatisée par l’effet de contre-rejet et d’enjambement qui permet de retarder l’arrivée de l’élément-clé : « enfant malade Au vers suivant, nous apprenons que l’enfant a froid (malgré la chaleur du soleil). Puis, dans le second tercet, qu’il ne respire plus les parfums. Enfin, il nous est décrit dans l’attitude qu’il est d’usage de donner aux cadavres : « la main sur sa poitrine Comment pouvons-nous avoir manqué ces informations à la première lecture ? C’est que Rimbaud a pris soin de les compenser par des indices contraires : il répète que son soldat « fait un somme » (v. 10), « dort » (v. 13), « souriant » (v. 9), « tranquille » (v. 14). Cela suffit à maintenir jusqu’au bout une certaine marge d’hésitation. ) L’efficacité du procédé de composition utilisé a) L’émotion. L’ingéniosité avec laquelle Rimbaud ménage un suspense tout au long du poème a pour conséquence la brutalité de l’effet de surprise final. Cest sans aucun doute ce dispositif qur produit sur le lecteur une émotion particulière, rarement atteinte par un poème, et qui explique la célébrité de ce texte, l’une des pièces les plus lues de toute la littérature française. b) L’efficacité d’une condamnation indirecte de la guerre. une autre vertu du procédé de composition choisi par Rimbaud réside dans la sobriété, la simplicité de ce réquisitoire indirect contre la guerre. Ce n’est pas ici par la polémiqu 0 6