Le Rossignol de Verlaine

e Rossignol Comme un vol criard d’oiseaux en émoi, Tous mes souvenirs s’abattent sur moi, Sabattent parmi le feuillage jaune De mon cœur mirant son tronc plié d’aune Au tain violet de l’eau des Regrets, Qui mélancoliquement coule auprès, S’abattent, et puis la rumeur mauvaise Qu’une brise moite en montant apaise, S’éteint par degrés dans l’arbre, si bien Qu’au bout d’un instant on n’entend plus rien, Plus rien que la voix De l’oiseau qui fut m „ p g Et qui chante encor c Et, dans la splendeur Se levant blafarde et solennelle, une Nuit mélancolique et lourde d’été,

Pleine de silence et d’obscurité, Berce sur l’azur qu’un vent doux effleure Carbre qui frissonne et l’oiseau qui pleure. Odilon Redon. L’araignée qui pleure. 1881 Eléments d’analyse Ce poème fait partie de la section Paysages tristes du recueil poétique. Il développe sur le mode lyrique le thème de la mélancolie associée à l’évocation du souvenir de la femme aimée, un amour disparu dont la persistance est source à la fois de plaisir et de peine.

Nous verrons dans un premier temps comment se compose ce poème pour ensuite étudier les images suggérant les ?tats d’âme d’un homme qui souffre. Un poème structuré a) Un lyrisme rigoureusement organisé ntéressons-nous d’emblée au titre. Oiseau réputé pour son chant crépusculaire Le Rossignol confond son chant à celui du poète mélancolique, dans une mélodie de la souffrance et du regret. D’un lyrisme qui tend à l’élégie ce poème d’une seule phrase peut être divisé en plusieurs étapes.

Des vers 1 à 7 : l’évocation des souffrances associées aux souvenirs, souvenirs qui contraignent le poète à revenir sur son douloureux passé : « Tous mes souvenirs s’abattent sur moi Des vers 8 à IO : le répit momentané, l’apaisement fébrile. Des vers 11 à 14 : l’évocation du souvenir de la femme aimée, « l’Absente » à jamais dispa ue. Des vers 15 à 20 : le retour de la mélancolie, associée au crépuscule et à la nuit. Comme le long chant modulé de l’oiseau, la phrase du poème passe par des variations thématiques qui confinent aux lignes mélodiques d’une chanson triste.

Les tonalités se succèdent au rythme de la sensibilité du poète. b) Les différentes mélodies Le poème s’ouvre sur l’expression dune s 2 sensibilité du poète. Le poème s’ouvre sur l’expression d’une souffrance, d’un mal être illustré par les termes suivants : « criards, émoi, rumeur mauvaise ». Les souvenirs comparés aux oiseaux sont porteurs de douleurs et la répétition du verbe « s’abattre » (X3) souligne le harcèlement auquel est soumis le poète. A partir du vers 8 le tumulte fait place à l’apaisement.

Les verbes d’atténuation : « apaise, s’éteint par degrés, on n’entend plus rien » imposent le silence, un silence d’autant plus marqué qu’il est souligné par la répétition (3X) et la reprise anaphorique de « plus rien Comme n decrescendo dans un mouvement musical, ce « temps » du poème va alors permettre le solo vocal et mettre en valeur « la voix célébrant l’absente exclusive (anaphore de « Plus rien que la voix Notons que l’utilisation du décasyllabe permet de développer la plainte sur un rythme régulier et implacable.

A partir du vers 15 le chant est nettement élégiaque et un chant douloureux et harmonieux s’impose alors où se développe la fusion des sentiments et du paysage (splendeur triste/lune, nuit/ mélancolique, l’arbre/frissonne). 3