Lecture littéraire, la comprÉhension fine d’une Œuvre intÉgrale en cycle 3 : Quelle utilisation des T. I. C. ? Christine BOSC II_JFM de la Réunion Résumé. – La question posée dans cet article est celle de du rôle des TICE dans l’enseignement du français et plus spécialement la lecture littéraire.
Nous nous interrogeons d’abord sur la place des outils par rapport à la réflexion théorique : qu’est-ce qui doit être premier dans un l’outil, la conception ap or26 l’objet d’enseigneme (id, to View rapportons une expé les TIC de manière ln e d’enseigner : nception de ), puis nous tant d’utiliser ysons les points essentiels, l’intérêt et les limites. Notre conclusion est que les contextes d’utilisation, l’environnement pédagogique et les choix didactiques sont déterminants. l. La lecture littéraire : quelle conception didactique ?
Quelle place pour les TIC ? Malgré une meilleure maitrise des outils informatiques en tant que tels par les élèves et les enseignants, les pratiques d’enseignement ont peu changé et l’intégration des usages des technologies d’information et de communication dans les disciplines reste un objectif à atteindre (Bourquelot, 2000). Cest ? partir de ce constat que nous avons tenté de voir quelles seraient les conditions d’utilisation des TIC qui pourraient permettre d’améliorer les pratiques des enseignants et favoriser les apprentissages. ‘outil et de ses possibilités, mais des préoccupations liées ? l’enseignement du français dans ce qu’il a de plus complexe et de plus riche, en tenant compte des avancées de la recherche dans ce domaine (Cresson, 1989 ; Morsly, 2010). Il ne s’agira plus alors de montrer ce que l’ordinateur peut faire, confondant procédures techniques et processus humains d’apprentissage, ais, partant de besoins pédagogiques et des réflexions didactiques, de montrer que l’ordinateur peut répondre à ces préoccupations mieux qu’un autre outil.
Nous avons alors décidé de nous interroger sur le rôle que pourraient jouer les TICE dans l’apprentissage de la lecture littéraire, domaine maintenant présent dans les nouveaux programmes de l’école primaire. D’un point de vue méthodologlque, nous devions donc nous interroger sur l’intérêt des TICE dans le cadre des apprentissages et lier leur utilisation à une conception de la lecture littéraire. L’expérimentation rapportée dans cet article a été menée dans le adre du Plan national d’innovation 3. 1.
Place des TICE dans les apprentissages 1 . 1. Si l’on s’accorde assez généralement sur la nécessité, pour aider l’élève à construire son savoir, de le mettre dans des situations-problèmes et de faire appel à la métacognition, on constate que peu de pistes ont eté explorées sur l’intérêt que présenteraient les outils informatiques dans ce domaine. Au contraire, on a plutôt vu dans ces outils une facilitation de la tâche (intérêt ergonomique) qu’une possibilité de création de situations-problèmes (intérêt pédagogique).
Comme le faisait emarquer Hugues Choplin (1998) lors du colloque de Poitiers sur les hypermédias et les apprentissages, « l’absorption d OF lors du colloque de Poitiers sur les hypermédias et les apprentissages, « l’absorption dans le support renvoie à une certaine confusion du support et de ses caractéristiques avec des qualités dldactiques » ; on confond, dans ce cas, fonctionnel et pédagogique, utilisateur et apprenant, dans la mesure où l’ergonomie de l’outil, qui demande une grande facilité d’utilisation, tend à l’emporter sur les exigences d’une mise en situation-problème, indispensable à tout apprentissage.
Cest ce contexte d’apprentissage qu’il nous faudra conserver dans notre utilisation des TICE. 1. 2. Autre point reconnu comme favorisant l’appropriation des savoirs et sur lequel nous voulons nous appuyer : les interactions verbales (et non simplement le dialogue maître/élève) Elles ne sont pas seulement une manière de créer une bonne ambiance de communication dans la classe, elles ne sont pas seulement la condition favorable aux apprentissages elles sont le lieu même de l’apprentissage et de l’acculturation (Hardy, 1996).
Cest aussi le point de vue de Francis Marcoin (2002) qui écrit : ? Il s’agit bien de faire vivre la classe non comme un lieu où chacun travaillerait de son côté, mais comme un espace de sociabilité. Le dialogue légitime la classe qui, sans lui, n’a pas de sens. Bien plus, cette soclabilité apparaît comme l’une des composantes du travail intellectuel, et d’autant plus développée que l’on s’élève dans la « hiérarchie ». Ceux qui bénéficient le plus d’un environnement oral sont les chercheurs, les enseignants, les critiques, Faut-il donc priver le lecteur débutant de cette aide dont dispose le lecteur expert ? ? Il s’agira donc de mettre en place des situations utilisant les TIC e lecteur expert ? » mais favorisant également une prise de parole et de voir, sur le plan des acquisitions propres à la discipline, en quoi ces échanges sont efficaces dans l’appropriation de concepts et de démarches et en quoi l’environnement informatique les favorise. Il faudra, au niveau pédagogique, créer une situation et trouver une consigne de travail qui va entraîner une réflexion métalinguistique spontanée chez les enfants, un besoin d’échanges d’idées.
L’utilisation des TIC devra répondre à cette double contrainte • faciliter la création de situations-problèmes et favoriser les nteractions verbales. Mais il faudra également tenir compte, bien sûr, de la spécificité de l’enseignement du français ; les savoirs enseignés dans cette discipline sont le plus souvent des savoir-faire, rarement des savoirs scientifiques ; l’important est plus de développer des savoirs procéduraux que déclaratifs ; ces derniers seront le résultat des activités et nan leur point de départ. Il faudra tenir compte aussi des caractéristiques du texte littéraire, bien évidemment.
Ceci nous amène à préciser notre conception de la lecture littéraire. 2. La lecture littéraire . 1. Il est difficile de définir ce qu’est la littérature et un texte littéraire. Les définitions ont varié dans le temps et la discussion est encore ouverte. Christian Poslaniec (2002), par exemple, dans son livre Vous avez dit « littérature aborde ce point pour faire remarquer qu’on a beaucoup de mal à trouver des critères : ce n’est ni le beau, ni l’originalité, ri1 la forme, ni la postérlté et c’est en même temps un peu tout cela.
Et Yves Reuter (1996) l’originalité, ni la forme, ni la postérité et c’est en même temps un peu tout cela. Et Yves Reuter (1996) d’écrire : ? À notre connaissance, il n’existe pas de critères internes, théoriquement fondés, permettant de distinguer littérature et paralittérature. Il n’existe pas de critères internes, théoriquement fondés, permettant de distinguer les textes littéraires des autres types d’écrits. ? La question est donc théoriquement complexe, mais, puisqu’il faut bien enseigner la lecture littéraire, et les nouveaux programmes du primaire insistent sur ce point, on s’appuiera sur un certain nombre de postulats admis dans l’ensemble. Les textes littéraires sont des objets complexes à saisir dans leur lobalité ; ce sont des textes où les choix d’écriture operés par l’auteur ne sont ni aléatoires, ni insignifiants et donc à prendre en compte pour la compréhension.
Il s’agit de textes qui exigent des lectures précises et attentives, jamais véritablement terminées. Chaque texte nécessite un dispositif de lecture spécifique. 2. 2. Les rapports de la lecture et de l’écriture On sait que les deux sont liées ; le texte, en effet, est un tissu constitué d’un réseau d’indices, dont le lecteur tient compte pour accéder à la compréhension véritable.
Ce texte est le résultat d’un ravail d’écriture fonctionnant comme un champ problématique ouvert : à tout moment, au cours de l’écriture, l’écrivain fait des choix (auquel le lecteur n’assiste pas) ; si de nombreux choix sont possibles, une fois l’un effectué, il entraîne des contraintes d’écriture de plus en plus grandes qui, respectées, vont donner une cohérence au texte et produire un certain effet sur le lecteur. 2. 3. Les rapports compr PAGF s OF cohérence au texte et produire un certain effet sur le lecteur. 2. 3.
Les rapports compréhension et interprétation En accord avec Catherine Tauveron (2002), nous pensons qu’il aut renverser « les rapports habituellement hiérarchisés de la compréhension et de l’interprétation » ; compréhension et interprétation sont intimement liées et il est impossible de séparer la compréhension de l’intrigue dans un récit de la compréhension du fonctionnement du texte ; la compréhension ne précède pas l’interprétation ; il n’y a pas une lecture simple ne s’attachant qu’à l’histoire et une, plus complexe et plus littéraire, s’attachant à l’interprétation à partir de l’observation minutieuse du texte. . SI l’on prend en compte ces contraintes cognitives, théoriques t didactiques, il s’agira, pour interroger un texte littéraire (c’est- à-dire non saturé, laissant une part d’interprétation au lecteur, une part de jeu, d’intewention dans la construction du sens), de mettre en place un dispositif respectant un certain protocole. L’utilisation des TIC, devra proposer un dispositif de lecture spécifique, permettre une liaison entre la lecture et l’écriture et ne pas séparer compréhension et interprétation.
La démarche suivante, inspirée d’une proposition de Patricia Fize et Yves Mauhant (1997) dans la revue Le Français aujourd’hui, permet de donner une idée du dispositif possible : Prendre un texte comportant une spécificité d’écriture que l’on veut faire acquérir et qui a des effets en lecture (créer un sentiment de peur, jouer sur l’ambigüité du narrateur, donner un indice sur le caractère d’un personnage, créer du suspens, faire rire… ). – Modifier ce texte de manière à faire disparaitre personnage, créer du suspens, faire rire… . – Modifier ce texte de manière à faire disparaitre cette spécificité : suppressions, ajouts, modifications du texte. La modification doit créer un problème. C’est ce problème que les élèves doivent ssayer de résoudre au moyen de l’écriture (ajout, suppression ou modification d’un mot, dune ponctuation, dune phrase, d’un temps verbal, de pronoms… ). Mais le but n’est pas de trouver la production originale. – Noter toutes les propositions et les discuter au fur et à mesure.
Cest un moment qui permet de voir tous les éléments signifiants en écriture (à différents niveaux linguistiques), et ce, de façon spontanée : un élève va refuser une proposition pour une raison sémantique ou morphologique ou syntaxique, pour une raison liée à un problème d’organisation du discours, du texte ou de la hrase, mais de manière implicite sans que ces niveaux soient nommés. – Comparer les propositions faites par les enfants avec le choix de l’auteur.
Il s’agit d’un moment de mise à distance (on observe les différences entre les textes produits) et de mise en situation de lecteurs critiques devant les différentes variantes ; cela entraine des discussions : réactions et interprétations ; le but n’est pas de retrouver la version originale, mais de discuter sur les choix opérés. es élèves se rendent compte ainsi des possibles du texte, du tissu qu’il constitue, de la fonction poétique de l’écriture matière sonore et visuelle des mots, polysémie), mais aussi des limites de l’interprétation.
Cette démarche (illustrée en annexe p. 24) permet la modification des idées reçues sur l’ecriture : l’inspiration et le don ; elle permet, plus précisément, de p 7 OF idées reçues sur l’écriture : l’inspiration et le don ; elle permet, plus précisément, de prendre conscience que l’écriture se travaille et que le texte se construit à travers des tâtonnements et des contraintes de genre et de langue (Oriol-Boyer, 1988). Ill. Expérimentation 1 . le choix du roman Meurtres au pays des peluches, de Sarah Cohen•Scali 1 . 1. Pourquoi un roman policier ?
On a vu que lire, ce n’est pas déchiffrer par une combinatoire mecanique un texte, mais lui donner du sens à partir d’une prise d’indices. L’énigme que propose le roman policier au lecteur et la recherche d’indices qu’elle suppose pour la résoudre ne sont-elles pas alors un bon moyen de faire observer le texte aux enfants ? L’attitude de l’enquêteur n’est-elle pas justement celle du « bon » lecteur qui, pour donner du sens à ce qu’il lit, met en relation les éléments dont est constitué le texte et qui en forment le tissu même.
De nombreux auteurs jouent sur cette similarité d’attitude entre le lecteur et l’enquêteur et ce, même dans la littérature de jeunesse. Ainsi, dans le roman que nous étudions, Meurtres au pays des peluches, la mère de La Puce, l’enfant détective, répond elle à son fils l’interrogeant sur le genre d’un mot dans une dictée, par cette phrase ambiguë et riche en interprétations pour le lecteur : « À toi de deviner, c’est justement la difficulté ! Relis ce qui précède et attends la suite. Combien de fois faudra-t-il te répéter que la solution est toujours dans le texte ? ? (Cohen-Scali, 996) Par ailleurs, le but du roman policier est de créer une attente chez le lecteur, une impatience à découvrir le coupable, mais également de créer un effet de surprise au moment de la résolutio 8 OF découvrir le coupable, mais également de créer un effet de surprise au moment de la résolution de l’énigme. Il s’agit donc essentiellement pour l’auteur de produire un effet, ce qui pose tout naturellement le problème des procédés d’écriture à employer pour produire ces effets et incite à écrire non pas pour raconter une histoire, mais pour la raconter dune certaine manière.
Meurtres au pays des peluches est un roman policier de type traditionnel, classique, c’est-à-dire un roman à énigme qui, comme le fait remarquer Tzvetan Todorov (1971) se caractérise par l’existence de deux histoires : Ihistoire du crime et celle de l’enquête. La première est terminée lorsque commence le récit, il n’y a pas à l’écrire ; la deuxième n’est pas vraiment une histoire si ce n’est l’histoire de celui qui essaie de reconstituer la première histoire.
Tout, dans cette deuxième histoire, est donc affaire d’écriture ; les personnages n’agissent pas ou peu ; ils observent our comprendre, et c’est particulièrement vrai du personnage du détective ; le livre est composé de telle manière que toutes les pages, jusqu’aux dernières, ont pour objectif de mener lentement à elles. Tout y est indices au niveau de l’écriture. « On peut encore caractériser ces deux histoires en disant que la première, celle du crime, raconte « ce qui s’est effectivement passé » alors que la seconde, celle de l’enquête explique « comment le lecteur (ou le narrateur) en a pris conscience » (Ibid. . Or ces définitions ne sont pas seulement celles de deux histoires dans le roman olicier, mais les deux aspects de toute œuvre littéraire, que les formalistes russes avaient décelés dans les années vingt. Ils distinguaient en effet la PAGF q OF distinguaient en effet la fable et le sujet d’un récit : la fable, c’est ce qui s’est passé dans la vie ; le sujet, la manière dont l’auteur présente cette fable.
La première notion correspond à la réalité évoquée, à des événements semblables à ceux qui se déroulent dans notre vie ; la seconde, au livre lui-même, au récit, aux procédés littéraires dont se sert l’auteur. Cette caractéristique du roman policier nous a paru articulièrement intéressante à exploiter parce qu’elle pose tout de suite un problème d’écriture et de lecture : comment raconter une histoire passée de manière à ce que le lecteur la reconstitue peu à peu ?
Cette question pose à l’enfant celle du mode d’écriture et l’élogne de toute tendance référentielle puisque, justement, il ne faut surtout pas raconter l’histoire comme elle s’est passée. Une prise de conscience de ce que sont l’écriture (un choix parmi des possibles) et la lecture (une construction de sens) nous a paru possible à partir de ce genre et grâce à l’utilisation d’un nvironnement informatique (ordinateurs équipés de traitements de textes et vidéo projecteur).
Cet environnement, comme nous le présentons plus loin, permet en effet à l’enfant d’agir sur le texte proposé et de le voir se transformer. 1. 2. Pourquoi utiliser l’outil informatique ? Cest dans le cadre d’une conception de la lecture et des apprentissages en général que cet outil nous a semblé intéressant. En effet, l’utilisation du traitement de texte, telle que nous l’avons conçue, permet vraiment d’associer les deux activités de lecture et d’écriture et de concrétiser l’expression « écrire pour mieux lire » puisque