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L’étude de ce dossier portera sur le Musée Juif de Berlin, pensé et construit par l’architecte américain Daniel Libeskind. Cet architecte contemporain est Hun des plus fascinants à l’heure actuelle, ses édifices sont salués ou – plus rarement – critiqués, mais jamais ils ne passent inaperçus. Et pour cause, Daniel Libeskind est un artiste totalement novateur, tant sur la forme que sur la théorie, il se démarque de ses prédécesseurs par un style entreprenant et par une conception de Parchitecture basée sur la pensée, la réflexion et le questionnement.

Le titre du dossier « un humanisme profond » sera évidemment expliqué ? ravers les pages qui suivront, mais il peut être éclairci de manière plus probante dans l’autobiographie de Libeskind, Construire le Futur, d’une enfan cette autobiographie sensibilité artistique qu’il voue à l’architec C’est pour ces raison SSI or 28 Tower. De prenons mieux la p ion communicative to nextçgge rtera un développement assez consequent mais loin d’être exhaustif – consacré à l’architecte lui-même, a sa carrière et à ses démarches artistiques.

En effet, Libeskind étant un architecte qui longtemps exerça comme professeur, qui participa à de nombreuses manifestations artistiques en présentant nombre de projets et e théories. Longtemps il a été considéré, et encore aujourd’hui, comme un théoricien majeur, nous ne pouvions ignorer cette carrière. Il paraissait essentiel de décrire l’artiste et ses aspirations avant d’analyser une de ses œuvres majeures, sans quoi, nous serions p Swipe to vlew next page passé à coté de certains points majeurs.

Aussi, il est nécessaire de préciser que, Daniel Libeskind étant toujours en activité, certains de ses projets restent encore flous pour le public et les publications peu nombreuses, il a été difficile de dégager de façon précise son actualité, par conséquent, peu de lignes s’y onsacreront. En premier lieu, comme indiqué, nous allons essayer de cerner notre architecte, de lui attribuer des caractéristiques – en s’appuyant autant sur des éléments biographiques que sur des considérations plus propres à son domaine.

Nous verrons donc comment se situe Daniel Libeskind aujourd’hui, par quelles étapes il est passé et dans quel contexte il a évolué. La sulte de notre étude se resserrera sur Pœuvre proposée, le Musée Juif de Berlin, analyse qui se fera doublement avec dune part une analyse formelle et d’autre part une analyse plus intellectuelle, qui semble absolument nécessaire. Il paraissait impensable de s’arrêter à une description sèche au vu de toute la portée symbolique que contient cette construction. ) Situation de l’architecte dans le monde contemporain et dans l’histoire de l’art a) Repères biographiques, une carrière atypique. L’architecte Daniel Libeskind est d’origine juive, il est né en 1946, dans la ville de Lodz au cœur d’une Pologne en plein traumatisme post-guerre mondiale. A l’âge de 1 lans, sa famille et lui quittent la grise Pologne pour s’installer en Israël où il reste deux ans avant de partir pour New York, ville qu’il considère aujourd’hui omme Sa ville.

Cette enfance mouvementée en déménagements successifs aura des répercutions sur sa vie d’adulte, en effet, il déménagera des dizaines de fois à travers le mo PAGF OF des répercutions sur sa vie d’adulte, en effet, il déménagera des dizaines de fois à travers le monde : « Avec mon épouse et nos enfants, j’ai déménagé 14 fois en l’espace de 35 ans.

Plusieurs mondes coexistent dans mon esprit, et tous participent aux projets que j’entreprends (pl Libeskind le dit lui-même, il n’était pas prédestiné ? l’architecture, mais à la musique, à l’accordéon ; en effet, ses arents ne voulant pas attirer Pattentian des antisémites avec un piano dans leur appartement avaient préféré pour lui le « clavier vertical Très vite il se fait remarquer et on le qualifie alors de virtuose. Il joue aux côtés du grand violoniste Itzhak Perman[2] et reçoit une importante bourse au conseNatoire de l’AlCF[3].

Mais l’accordéon a ses limites dans la virtuosité du répertoire classique et c’est quand le jeune Daniel en prend conscience qu’il s’acharne – le terme n’est pas exagéré – sur le dessin : « Jusque tard dans la nuit, je me livrais à de furieuses séances de essins qui me donnaient des crampes dans les doigts » (pl 9). Néanmoins, le dessin ne promet pas à l’architecture d’emblée et c’est lors d’une discussion avec sa mère — Dora Libeskind – que l’adolescent s’intéressera à cette voie.

Dora qui refusait de le voir devenir artiste sans le sou, lui propose de devenir architecte en argumentant d’une façon dont les mots ont tout particulièrement ravi le jeune Libeskind : « L’architecture est un métier, et aussi une discipline artistique Tu peux toujours faire de l’art en faisant de l’architecture, mais pas de l’architecture en faisant de l’art. Tu feras d’une pierre deux coups » (p21). Daniel Libeskind est à plusieurs égards un architecte origin d’une pierre deux coups » (p21).

Daniel Libeskind est à plusieurs égards un architecte original, voire marginal ; ce qul est le plus frappant et le plus étonnant dans sa carrière, c’est qu’il n’a construit aucun bâtiment avant le musée juif de Berlin, alors âgé de 43 ans lorsqu’il remporte le concours. Jusqu’à cet événement crucial dans sa carrière d’architecte, Libeskind se consacre corps et âme à l’enseignement et à la théorie de l’architecture, ce qui inclut évidemment le essin.

Il se considère lui-même comme un « éternel universitaire Jusqu’en 1965, Daniel Libeskind étudie à New York à la Bronx High School of Sciencedont renseignement est essentiellement basé sur les mathématiques et les sciences, ainsi que les Lettres et les Sciences Humaines. Il poursuit ses études supérieures ? la Cooper Union for the Advancement of Science and Art (Union Cooper pour le développement de la science et de l’art)[4].

Cette école est l’une des plus réputées et des plus sélectives des Etats- Unis, on y délivre des diplômes d’architecture, d’ingénierie et ussi d’art. Parmi ses professeurs on compte plusieurs architectes célèbres dont Richard Meier[5] et Peter Eisenman, qui par leurs charismes et leurs carrières forment de grandes figures aux yeux de Daniel Libeskind. Néanmoins, Libeskind se détachera vite de Meier et de ses principes architecturaux à la suite d’une expérience de travail avec le « maitre » qu’il considéra comme dégradante et anti-éducative.

De plus, Libeskind ne veut pas entrer dans l’esthétique pratiquée par Meier, qui lui impose de reproduire les lignes épurées, blanches et géométriques qu’il affectionne. Le jeune Libeskind quittera donc très précipitamment le cabinet de géométriques qu’il affectionne. Le jeune Libeskind quittera donc très précip tamment le cabinet de Richard Meier. Cependant, on ne peut certainement pas en dire autant quant à l’influence de Eisenman sur notre architecte ; les deux hommes ont en commun une nouvelle conception de l’homme au sein de [‘architecture.

Auparavant, dans la tradition moderniste, fhomme est au centre de la construction et il en régit les proportions et les formes, ainsi, les hauteurs de plafonds, la lumière, les formes et les proportions dites harmonieuses se formalisent. Mais chez des architectes comme Libeskind ou Eisenman, cette régularisation, n’est plus en accord avec Phomme d’aujourd’hui qu’ils considèrent instable, perdu, fragmenté et complexe : Hight Museum of Art, Atlanta, 1983, Richard Meier.

Mémorial de l’Holocauste, Berlin, Eisenman « Mies Van Der Rohe, Walter Gropius et les autres grands maîtres du modernisme soutiennent qu’un édifice devrait montrer au monde un visage neutre. une telle philosophie est un peu surannée à mon goût. De la neutralité ? Après les cataclysmes politiques, culturels et spirituels qui ont marqués le XXème iècle, peut-on vraiment aspirer à une réalité aseptisée ? A-t-on sincèrement envie de s’entourer de bâtiments neutres et sans âme ?

Ou préférons-nous affronter nos histoires, les complexités et les désordres de la réalité qui est la nôtre, nos émotions les plus pures, afin d’inventer une architecture pour le XXIème siècle ? » (p22) En 1970, Libeskind ne con PAGF s OF diplôme d’architecte approfondir ses connaissances en Histoire et en Sciences Humaines en général à l’université D’Essex. Dans sa biographie « Construire le Futur, D’une Enfance Polonaise à LA Freedom Tower on comprend l’attachement quasl obsessionnel que fait Libeskind à l’histoire et surtout à la mémoire.

Ses parents étant survivants de l’Holocauste, Libeskind a avec lui un passé lourd et chargé émotionnellement, et il décide de devenir un des représentants du passé, voulant sans cesse montrer au monde l’horreur de son histoire tout en intégrant à ces exhibitions terrifiantes un espoir nouveau, une volonté de faire mieux demain qu’hier, de comprendre le passé, de l’assimiler et de le porter en soi afin de le digérer pour emprunter une voie pleine d’espolr.

Ces théorles humanistes, Libeskind veut qu’elles ‘adressent à tous, il ne veut pas faire une architecture vide de sens qui se contente de ses formes harmonieuses, il préfère donner un message fort, il veut causer un impact sur les visiteurs et c’est certainement pour cela qu’il se concentrera durant de longues années à la théorie et à la réflexion plutôt qu’à la réalisation. Car avec une telle ambition, il ne faut pas se tromper. De retour aux Etats-Unis, il enseigne à la Cranbrook Academy of Art[6] de 1978 à 1985 en tant que directeur du département d’architecture.

Libeskind en parle sans gène, il raconte que lors e ces cours, il n’hésitait pas – en dehors de l’enseignement obligatoire – à délivrer ses propres idéaux et ses théories quant ? une architecture du futur. En 1985, Daniel Libeskind participe à la (prestigieuse) biennale de Venise où il fait forte impression avec des maquettes de machines en bois qui brûleront plus tard dans un I OF fait forte impression avec des maquettes de machines en bois qui brûleront plus tard dans un incendie à Genève.

Toujours la même année, Libeskind et sa famille — sa femme Nina et ses deux fils – s’installent à Milan où notre architecte livre des cours à son ropre domicile qu’il baptise Archirecture Intermundium » dont le second terme a été emprunté au poète britannique Samuel Taylor Coleridge[7]. Ce cabinet privé d’enseignement plaisait beaucoup à Libeskind, qui enseignait à sa façon et sans aucune contrainte des préceptes aussi bien architecturaux qu’urbanistes.

Trais années plus tard, en novembre 1988, Libeskind reçoit chez lui une lettre qui lui apprend qu’il est invité pour le concours d’une extension au musée de Berlin, afin de créer un Jüdische Abteilung, un département judaïque. Malgré l’appellation Judische Abteilung ui dép ait fortement à Libeskind[8], il accepte d’y participer et emporte le concours en 1989. Malgré des perturbations de différents ordres, le musée voit le jour et son succès en 1 999, encore vide.

Il faut noter aussi avant d’énumérer les constructions opérées par Libeskind à la suite du musée de Berlin, sa participation en 1988 ? une exposition importante au musée du MOMA à New York. Cette exposition appelée « Deconstructivist Architecture » est organisée par l’architecte américain phllip Johnson[9] et le théoricien et architecte néo-zélandais Mark Wigley.

On découvre lors de ‘exposition d’importants architectes aujourd’hui mondialement connus, regroupés ici sous le terme de déconstructivistes dont nous développerons la définition plus bas : Frank Gehry, Peter Eisenman, Zaha Hadid, Bernard Tschumi, Rem Koolhaas, l’agence autrichienne Coop-Himmelbau, 7 OF Peter Eisenman, Zaha Hadid, Bernard Tschumi, Rem Koolhaas, l’agence autrichienne Coop-Hlmmelbau, et bien sûr Daniel Libeskind. Cette exposition est importante car c’est la première fois que ces architectes sont réunis et que l’on découvre une autre pensées de l’architecture, ne dérivant pas du modernisme, le contrant plutôt.

Le succès est important, et les visiteurs aussi bien que les critiques se montrent intrigués, curieux et souvent enchantés de cette nouveauté. L’exposition associée au musée Juif de Berlin entraîne inévitablement le succès et la renommée de Libeskind, à qui l’on confie alors des projets de grande envergure à travers le monde ; en 2002, il signe Plmperial War Muséum North à Manchester, extension du Musée Imperial de la Guerre qui relate surtout les faits de la Première Guerre Mondiale.

Fidèle à lui-même Libeskind nous propose une architecture où les angles droits sont proscrits, ù les lignes ne sont jamais ni vraiment horizontales ou verticales, où les inclinaisons de plafonds et de sols ne permettent plus une orientation habituelle. Cette désorientation se veut symbolique, Libeskind veut ici montrer l’éclatement provoqué par la guerre[l O], tout en le réunifiant sur un même site. Nous constatons ici la démarche de l’architecte qui désire montrer l’histoire et ses horreurs tout en créant un nouvel espoir.

Imperial Museum of War, Manchester, Libeskind En 2002-2003, Libeskind construit un autre musée dédié à la culture juive, mais cette fois à Copenhague au Danemark, il s’agit u Danish Jewish Museum ; ce projet est difficile car Libeskind doit aménager Vintérieur d’un bâtiment du 17ème siècle et ainsi faire coïncider une architecture du passé avec une ar 8 OF l’intérieur d’un bâtiment du 17ème siècle et ainsi faire coïncider une architecture du passé avec une architecture du futur.

Le projet sera construit et l’enjeu réussi ; l’architecte parvient à intégrer à cette structure carrée aux murs horizontaux et perpendiculaires une forme angulaire ressemblant à une galerie, qui ne s’accapare pas tout respace, laisse des vide et offre encore ne fois une orientation perturbée, le visiteur étant pris dans une sorte de labyrinthe dont la structure évolue sans cesse.

Danish Jewish Museum, Copenhague, Libeskind Façade Danish Jewish Museum, Copenhague, Libeskind, Vue intérieure aérienne Maquette, en vue Durant l’année 2003, Libeskind construit un petit édifice ? Osnabrück en Allemagne dédié au peintre allemand Félix Nussbaum, juif victime de l’holocauste en 1944.

Cette « maison » doit abriter les peintures de l’artiste, mais Libeskind réalise quelque chose de plus ambitieux ; il construit trois bâtiments istincts : un premier volume destiné à accueillir les peintures de Nussbaum ainsi que des expositions temporaires, un second volume sous forme de tour de 11 mètres de haut, réalisé en ciment et dont l’intérieur est une superposition de couloirs sombres car la seule baie se trouve en haut de la tour. Le troisième volume est une passerelle en forme de gros cube qui relie le nouveau bâtiment de Libeskind à l’ancien déjà préexistant, ce « pont » est revêtu d’une couverture de zinc.

L’intérieur de ces volumes constituent encore une fos des espaces qui semblent ans cesse en évolution, le visiteur avance parmi les angulosités, de mystérieux recoins PAGF q OF cesse en évolution, le visiteur avance parmi les angulosités, de mystérieux recoins, on a la sensation d’avoir plusieurs possibilités pour traverser ce musée, on a l’impression que Libeskind nous donne le choix, or les Impasses, les vides et les noirs sont souvent les aboutissements de ces fausses possibilités.

Musée Félix Nussbaum, Osnabrück, Libeskind En 2004, le projet de Libeskind est accepté parmi plus de 50 propositions pour construire une extension au Musée Royal de l’Ontario à Toronto. Le musée préexistant est une vieille bâtisse datant des années 1870, dont le style italianisant, alors très en vogue, nous parait un peu lourd aujourd’hui. L’extension proposée par Libeskind est radicale ; radicale dans le changement qu’elle propose, radicale aussi dans l’affirmation de l’artiste et de son esthétique.

A rencontre de la lourdeur de rancien bâtiment, il nous invite à une expérience plutôt aérienne, qui semble étrangement s’être posée là. L’étanchéité de la pierre est contrebalancée par l’aspect cristallin et l’effet de transparence des ouvertures. Ces ouvertures justement rythment la façade de anière surprenante, elles se promènent le long de la façade, sans tenir compte de la verticalité ou de l’horizontalité, elles ne tiennent pas compte non plus des reliefs opérés par les angles des murs et les traversent, les contournent sans volonté d’ordre ou de symétrie.

On a la sensation que Libeskind défie les lois de la pesanteur avec ces deux volumes qui font mine de tomber de chaque côté, il nous invite à regarder l’architecture d’une nouvelle façon, nous dévoilant avec une grande habileté technique des recoins, des angles que nous ne percevons pas d’habitude. Comme s’il