C’est le premier roman publié par son auteur, connu jusqu’alors pour ses poèmes (Les Pâques à New York, la Prose du Transsibérien et de la petite Jeanne de France) et ses ollaborations avec les peintres dans les milieux d’avant-garde. Écrit en quelques semaines au retour du premier voyage de Cendrars au Brésil (1924), L’Or a connu immédiatement un grand succès qui ne s’est jamais démenti. II marque un tournant dans l’œuvre de son auteur qui « prend congé » du poème pour devenir tout au long des années vingt un romancier de l’aventure héroïque.
L’Or est une biographie du général Suter, un aventurier d’origine Bâloise, en Suisse, qui fit fortune en Californie grâce à l’agriculture dans la première moitié du XIXe siècle. Il racheta la région au Mexique et installa une véritable industrie de l’agriculture, il était en passe de devenir l’homme le plus riche du monde. Mais il fut ruiné par la découverte d’or sur son territoire en 1848 et par la grande ruée vers l’or qui s’en suivit. Des milliers de personnes se ruèrent sur les territoires du général Suter, dévastant tout ce qu’il avait mis tant d’énergie à construire.
Et ces nouveaux hommes arrivaient avec des notaires et se procuraient de faux titres de propriété flambant neufs. Le général fatigué et abattu par tant d’injustice sombra dans une mélancolie passive jusque à ce que sa fam OF s fatigué et abattu par tant d’injustice sombra dans une mélancolie passive jusque à ce que sa famille réapparaisse devant sa maison. Il décida de se reprendre en main et poursuivit en justice les milliers de prospecteurs qui exploitaient son territoire rempli d’or.
Mais cela n’allait sen,’ir à rien, la machine était déjà lancée et roulait beaucoup trop vite pour le général Suter, celui-ci, dépassé, finit fou et mourut tristement en plein Washington. 5) Suisse, 1834. Johann August Suter, 31 ans, sans le sou, veut de l’or. De l’or ! Il quitte sa famille, son pays et part pour l’Amérique, rend le bateau, débarque à New York, pousse sa route jusqu’en Californie. Il achète une parcelle de terre, creuse une mine, négocie avec les Indiens, les Mexicains, le Gouvernement californien, fait venir des ouvriers, du bétail, des machines.
Au bout de dix ans d’un travail acharné, Sutter est à son apogée. Nommé général, il est en passe de devenir l’homme le plus riche du pays. Mais le destin en a décidé autrement. En janvier 1848, son charpentier Marshall découvre de l’or sur ses terres. Cest le début de la tragédie de Sutter : ses ouvriers s’enfuient, ses terres ont dévastées par les milliers de chercheurs d’or qui affluent. Sa femme, venue le rejoindre, meurt d’épuisement à son arrivée. II engage une procédure juridique contre l’État américain.
Il réclame justice ! Sans résultats. Pendant des années, il continue son procès, inutilement, se fait cendier, perd ses deux 4 OF S inutilement, se fait escroquer, incendier, perd ses deux fils, et sa fille le renie. En 1880, sept petits voyous croisent un vieillard brisé et lui annoncent en plaisantant : « Général ! général l » tu as gagné ! Le congrès vient de se prononcer ! II te donne 100 millions de dollars ! Johan August Sutter se dresse tout raide, ne dit qu’un seul mot : « Merci ! puis meurt sous le coup de l’émotion.
Le Congrès n’avait même pas siégé ce jour-là. Grand voyageur et aventurier, l’œuvre fiévreuse et violente de Cendrars est nourrie de ses expériences et de ses souvenirs. Ce général aventurier suisse a réellement existé et fondé La Nouvelle Helvétie, un petit État en Californie. On suit donc l’ascension, aussi vertigineuse que la chute, de ce général armé d’un incroyable courage. Mais l’or ne rend pas heureux, il rend seulement riche et envieux. « La découverte de l’or m’a uiné. Je ne comprends pas. Blaise Cendrars fait une analyse psychologique très fine de ce pionnier et une critique en règle de cette épopée diabolique qui fit de nombreuses victimes. Son écriture est simple, moderne, poétique et vivante. Quel rythme dans ces phrases courtes, ses énumérations, ses interrogations, ses rimes ! On plonge illico dans une aventure sans temps morts. Que de bonheur et d’émotion à lire et à relire cette découverte du mythe de la ruée vers l’or ! Cendrars termine son roman sur un ton ironique qui lui sied à ravir : « Qui veut de l’Or ? Qui veut de l’or ? »