Le héro, Campbell et Nietzsche

ntroduction Ce travail tentera d’abord et avant tout de démontrer l’importance, la vitalité du mythe dans révolution humaine. Il me semble crucial de d’abord nous servir de cette idée pour le bâtir, considérant tout le terrain que le mythe a perdu dans nos sociétés modernes. Je ne crois pas que le mythe soit mort complètement, ce serait une erreur de dire que la chose est toute noire ou toute blanche, mais la balance, nous en posons l’hypothèse, penche aujourd’hui fortement plus en faveur du logos.

Plus précisément, j’exposerai pendant ma présentation les liens qui existent entre la philosophie de Campbell à propos u mythe et du héros, à celle du surhomme chez Nietzsche Sui # to page pour démontrer que surhomme. Du coup, traditionnelle, c’est-? rien la voie d’accès ? le surhomme. Et atte 7 p g un t indispensables au e philosophique me n’est en ion de ce qu’est qu’il faut être irrationnel pour apprécier le mythe, ou encore pour comprendre ou être un surhomme. pas du tout! Il s’agit bien de voir le mythe comme ce qui va au-delà de l’esprit scientifique, froid et rationnel.

Donc de voir ce qu’il y a derrière les histoires racontées, toute la profondeur, la culture que celles-ci témoignent. Sans parler de ‘inspiration, du courage et de la volonté d’action que ces mythes procurent à l’homme. Pour arriver à destination, nous verrons d’abord rapidement l’historique ayant mené au déclin du mythe ? l’aide de trois canaux qui s’entrecoupent, soit le choc entre Dionysos et Apollon, la place du logos chez Platon et rarrivée des Lumières. Sera ensuite question de la place que Nietzsche accorde au mythe afin d’en faire plus tard l’éclairage des liens qui existe entre le mythe, le héros, et le surhomme.

Il serait illusoire, voir même superficiel de faire une définition complète de ce qu’est le surhomme. Cest pourquoi nous nous attarderons principalement à l’importance que Nietzsche accorde à la solitude ainsi qu’? l’amor fati (amour du destin). À travers cette présentation, j’ose croire que rapidement nous verrons d’un côté toute la présence du mythe dans la philosophie de Nietzsche, et surtout d’un autre, la nécessité du mythe dans cette quête du surhomme. Pour y arriver, la philosophie de Campbell nous sera nécessaire.

Les sous-chapitres 3. 5 de la première partie en plus des sous- chapitres 3. 1 et 3. 5 de la deuxième partie seront entre autres utilisés. Apollon et Dionysos, optimisme et pessimisme Avant tout, voyons rapidement Dionysos et Apollon. Ces Dieux représentent des forces, des pulsions fondamentales de la Grèce présocratique. Apollon représente le rêve, l’interprétation, l’oracle, le dédoublement du monde, la canalisation et la mise en forme des forces naturelles. C’est pourquoi il est ce dieu séduisant pour le regard, donc par l’apparence.

Au lieu de témoigner de la souffrance, il montre un monde beau. On y retrouve du coup exactitude, symétrie, régularité, clarté. À l’inverse, il y a Dionysos, dieu des instincts primitifs, chaotiques, de l’ivresse absolue dans aquelle s’expriment les forces naturelle l,’ instincts primitifs, chaotiques, de Pivresse absolue dans laquelle s’expriment les forces naturelles. Comme le souligne Olivier Ponton, dans l’art, Dionysos a besoin d’Apollon pour ne pas succomber à sa propre ivresse. Apollon sert de décharge ? Dionysos pour que ce dernier ne succombe pas.

Il y a donc, dans l’art, cette nécessité du drame tragique entre eux. pour imager la chose, dans la naissance de la tragédie, Nietzsche imagine Sophocle dire : combien ce peuple a été obligé de souffrir pour atteindre à tant de beauté . Du chaos le plus grand nait cette plus grande beauté. Comprenons-y ici le message : sans Dionysos, Apollon ne peut lui non plus être, ou du moins, pas dans toute sa splendeur, sa force, sa puissance. Pourtant, nous voilà faire la démonstration de la mort de Dionysos… our Nietzsche, Euripide est le premier responsable de la mort de la philosophie tragique, car il est le premier à rompre avec le pessimisme, ce sentiment qui n’était autre qu’un respect fondamental envers cet étourdissement causé par les mystères et les douleurs du monde (Dionysos) . Chez Euripide apparaît onc une surcharge d’optimisme, comme le dit Ponton : une forme d’attitude devant le monde qui pose d’emblée un idéal et qui s’installera irréversiblement dans les esprits des peuples à venir .

En effet, la tragédie euripidienne semble rejeter le spectateur de la scène et le mettre en position critique face ? ce qui se passe devant lui. Dionysos s’est endormi et Apollon ne brille plus que pour les « idées », des chimères qui nous détachent de la vie . Cest l’avènement chez les peuples de ce que Nietzsche appe chimères qui nous détachent de la vie . Cest l’avènement chez les euples de ce que Nietzsche appellera nihilisme. Survalorisation de rationalité par le monde des idées (et donc création d’arrières monde) et refus du monde vécu, chaotique et tragique. Somme toute, dénis de la vie.

Nietzsche dira ceci pour exprimer sa pensée sur le nihilisme : « Le nouveau blasphémateur est celui qui tourne le dos à la Terre, au réel, à ce qui est au profit du ciel, des idoles, de Dieu, des mondes supraterrestres ou autre idéologies alors que Camus dira de manière encore plus raffinée, mais dans le même courant de pensée : « le nihiliste n’est pas celui qui ne croit ? rien, mais celui qui ne croit pas à ce qui est ; le nihilisme n’est pas seulement désespoir et négation, mais surtout volonté de désespérer et de nier Le mythe raconte une histoire, c’est sa propriété principale, mais c’est aussi son principal défaut. Cest en effet, comme nous le comprenons maintenant, ce qui l’a disqualifié historiquement au profit d’un autre régime discursif, celui du logos, c’est-à-dire du raisonnement logique. Cest Platon qui a distingué le plus nettement ces deux types de discours, d’abord analogues dans la Grèce antique, et qui a instauré fermement la suprématie du ogos vis-à-vis du muthos.

Certes, Platon reconnaît au mythe une valeur pédagogique dans le discours philosophique. Il recourt au mythe dans Protagoras (320 c), c’est-à-dire à la fiction philosophique plutôt qu’à la démonstration théorique parce que c’est plus agréable: on raconte une histoire. Dans la République (X, 621 c), Platon montre également que I 4 OF l,’ agréable: on raconte une histoire. Dans la République (X, 621 c), Platon montre également que le mythe en appelle moins à la raison qu’à la foi. Il suscite une adhésion, une créance chez le lecteur: il se substitue à un discours rationnel et peut ppréhender des vérités qui dépassent l’entendement, rendre compte de l’inexplicable, de ce qui défie la raison.

Cependant, dans ce même ouvrage de la République, Platon se livre à une violente attaque des fictions créées par les poètes, qui reposent sur l’illusion, l’incroyable, le mensonger: les mythes trompent et doivent être rejetés de la république (livres Il et Ill). Ainsi s’établit une supériorité du logos, ouvrant l’ère du concept et de l’abstraction, sur le muthos, désormais associé au passé et à la tradition. Cette supériorité va être entérinée par le éveloppement de la pensée logique et de la science, lesquelles vont infirmer les mythes d’origine et imposer des explications objectives, empiriquement prouvées en supprimant les histoires fabuleuses et sacrées. Cette tendance semble bien sûr avoir atteint son paroxysme avec l’arrivée des Lumières… ensons principalement à Descartes. Au XIXe siècle, Nietzsche cherchera donc à renverser cette hégémonie du Logos qu’a instaurée la métaphysique platonicienne. Il concevra la tragédie comme une forme qui a permis historiquement de maintenir le mythe, aujourd’hui disparu. Le logos l’a emporté sur le mythe, Apollon sur Dionysos, comme le dit Westerhoff . Dans Ecce Homo, Nietzsche dira d’ailleurs « On a dépouillé la réalité de sa valeur, de son sens et de sa véracité en forgeant un monde idéal la réalité de sa valeur, de son sens et de sa véracité en forgeant un monde idéal Cela aura poussé Nietzsche à dire que l’homme est aujourd’hui dépourvu de mythes .

Il s’agit donc de faire revivre le mythe, de préparer sa renaissance, en inventant une philosophie qui raconte la sagesse, plutôt que de l’expliquer dans un discours logique. C’est le travail qui sera plus tard fait dans Ainsi parlait Zarathoustra. Nous y reviendrons. Le mythe et rappropriation personnelle à travers le surhomme Si l’explication objective l’a emporté sur le discours mythique, celui-ci reste cependant à même de représenter des aspects qui échappent à l’analyse rationnelle. La littérature a peut-être eu pour fonction d’accueillir le mythe supplanté par le langage logique, comme le souligne Ponton . Mais elle peut aussi y trouver un moyen de figurer des expériences qui ne relèvent pas de l’explication conceptuelle, d’en éclairer le sens par autres biais que l’analyse objective.

Comme Nietzsche l’a dit de manière extrêmement profonde dans Vérité et mensonge au sens extramoral, « le langage est-il l’expression adéquate de toutes les réalités? La phrase parait simple et courte, mais ne témoigne-t-elle pas d’une réalité justement en dehors de la vision traditionnelle de la vérité. Ily a des expériences, des élans, des Inspirations auxquelles il est impossible d’y mettre des mots. Même en tentant d’y mettre des mots, l’expérience en question est du coup déguisé, sali… elle perd de sa saveur! En fait, se ourrait-il que seule l’action d’exprimer quelque chose provenant du passé soit en elle-même impossible?

Depuis 6 OF l,’ que seule l’action d’exprimer quelque chose provenant du passé soit en elle-même impossible? Depuis l’avènement de cette expérience que nous voudrions exprimer, l’individu a vécu autres choses, ses perspectives ont changés, aussi subtilement que cela puisse l’être. Il voit le monde différemment, son esprit ? garder en souvenir ce dont il voulait vraiment se souvenir, sans compter que les émotions qu’il a vécues durant l’expérience sont estompées. Pourtant, au même titre que nous semblons avoir mis une croix sur le muthos, nous voulons constamment tout exprimer par le langage, un peu comme si on tentait de contrôler et de reconstruire ce qui s’est réellement produit.

Voilà en partie ce qui rend le mythe fabuleux; comprendre ce qu’il y a derrière le mythe, sans nécessairement pouvoir tout expliquer à l’aide de mots. Nous devons donc, dès maintenant, garder ceci en pour le restant de ce travail : le mythe et l’acquisition de vérités nouvelles sont en partie possible grâce à une appropriation personnelle. L? ù le mythe lui aussi témoigne d’histoires au passé, celui-ci n’a pas absolument pour fin de donner à l’individu des vérités fixes, absolues, inchangeables. Or, le mythe est fondamental aux sociétés. Vers la fin de La naissance de la tragédie, Nietzsche confirme nos affirmations précédentes.

Il voit le mythe à la fois comme illustration de la vérité dionysiaque et comme illumination de la vie puisque le mythe est ce miroir transfigurant qui révèle et qui en même temps transforme la vérité pour la rendre supportable (donc cette décharge apollinienne sur Dionysos dont nous faisions mention lus tôt) supportable (donc cette décharge apollinienne sur Dionysos dont nous faisions mention plus tôt) . Le mythe permet de donner de la lumière à ce qui est tragique. C’est d’ailleurs cette stratégie que Wagner utilise dans ses œuvres tragiques ; utiliser une image lumineuse projetée sur une paroi obscure . Il s’agit de guérir par l’art le regard qui est blessé par une nuit terrifiante, dit Nietzsche (voyons-y encore cette décharge apollinienne) .

Par exemple, SI en écoutant Wagner dans l’émotion musicale la plus absolue, c’est-à-dire sans s’aider du texte ni du spectacle, mais bien en ?coutant la musique comme un grand mouvement symphonique, on suffoquerait sous cette gigantesque ivresse de l’âme. Le mythe s’intercale ici entre la musique et l’émotion musicale, il permet d’endurer cette tension. Si je regarde directement le soleil, mes yeux atténueront en partie toute cette lumière. Le mythe, dit Nietzsche, est ce Titan puissant qui prend sur ses épaules tout le poids du monde dionysiaque et nous en décharge . Donc, le mythe détourne notre engloutissement et notre extase vers des individus, des héros.

Mais le mythe permet aussi d’accéder à une puissance supérieure. Car nous sommes les seuls à pouvoir accéder individuellement à la plus haute liberté et à l’ivresse dans le chaos, à travers un mythe. Ce trop-plein de rationalité présent dans nos sociétés ne saurait faire de même. Pour Nietzsche comme pour Campbell, le mythe donne de la cohérence ? une culture et permet la vitalité de celle-ci. Car comme le dit Nietzsche, « Le mythe est un reflet de nos états les plus universels dans un passé idéal et idéali universels dans un passé idéal et idéalisant, et en tant que reflet, ce monde transfiguré est soumis à la puissance de l’individu par ppropriation ».

Dans le même sens, Campbell a dit : « Il est rare que les mythes n’utilisent qu’une seule image pour dévoiler la totalité du mystère Voilà la puissance des mythes en société! Non seulement ils sont formateurs de culture, mais aussi ils permettent de multiples perspectives, tous plus créatives les unes que les autres. Nietzsche a dit : « Faute de mythe, toute culture perd la saine vigueur créatrice qui est sa force naturelle car seul un horizon circonscrit par le mythe peut assurer la clôture et l’unité d’une culture en mouvement Nous le rappellerons onc, c’est grâce à cette appropriation individuelle qu’est dès lors possible cette culture vivante et dynamique!

Considérant la victoire d’Apollon et l’endormissement de Dionysos, la montée du platonisme par le monde des idées et la rationalité absolue et du coup la disparition quasi totale du mythe dans les sociétés occidentales, Nietzsche y voit une urgence et un besoin de faire revivre le mythe afin d’accéder à de plus profondes vérités, jamais atteintes jusqu’ici par fhomme en plus de libérer l’homme du nihilisme. C’est sans aucun doute à travers sa plus grande œuvre, Ainsi parlait Zarathoustra, que Nietzsche ura le plus mis en mouvement sa vision du mythe. L’œuvre quasi tout entière est formée de courtes histoires souvent en apparence farfelues et propices à l’interprétation. Celui qui a déj? lu avec attention et profonde lu avec attention et profondeur ce Zarathoustra sait à quel point le livre est différent des travaux traditionnels du reste de l’histoire de la philosophie. Nietzsche dit dans Ecce Homo « Mon Zarathoustra occupe une place à part.

J’ai fait en lui ? l’humanité le plus grand présent qu’elle ait jamais reçu. Ce livre, dont la voix porte au-delà des millénaires, n’est pas seulement e plus haut qui soit, le vrai livre des altitudes, celui qui laisse la chose humaine à un abîme au-dessous de lui, mais c’est aussi le plus profond, celui qui naît au plus intime des trésors de la vérité Ce livre est composé d’innombrables mythes que Nietzsche lui- même considère comme ce qu’il possède de plus profond et de plus vrai. Lorsqu’on discute de Nietzsche, sans hésitation on y mentionne le renversement de valeurs qui s’opère dans l’histoire de la philosophie, comme un tournant.

Je pense qu’il s’agit plutôt d’un renversement complet dans la méthode pour accéder à la érité. Cela s’observe facilement par Zarathoustra. Le contact avec l’ivresse, le chaos, les instincts, mais aussi avec la terre et l’amour de son propre destin en témoignent. Il s’agit d’un désir de vie absolue. Et il semble que la seule compréhension possible pour arriver à l’extase soit par le mythe. La compréhension n’est possible que par un processus d’individuation comme le dit Ponton . Il s’agit de l’acquisition de nouvelles formes de vérités. Le titre en fait d’ailleurs possiblement le meilleur témoignage : Ainsi parlait Zarathoustra – Un livre pour tous et po 0 7