Antigone-enligne Molière, L’École des femmes Piste pédagogique 7 Exemple d’analyse ciblée : Acte V, scène IV (v. 1482 à v. 1540) 1. Avant de visionner ces extraits a. Sensibiliser l’œil et l’oreille Alors qu’Horace a enl à celui qu’il considère comme un ami, il la r là même qui la séque Le jeune homme s’éc 0 Swip next page téger en la confiant e les mains de celui- n-aimée dans une situation critique, qui pourrait être comique si on était dans le registre de la farce, mais étant donné les accents élégiaques de la scène de séparation, ce qui attend Agnès ne peut que faire rémir un spectateur au fait du quiproquo.
Cette scène, ultime péripétie avant le dénouement de la pièce, offre donc un retournement brutal de situation, puisque Agnès, qui se croyait libérée du joug de son tuteur, se trouve face à lui. Or, le spectateur est surpris par un double renversement dans le rapport de force qui oppose les personnages.
Se démasquant au sens propre (Arnolphe était caché dans son manteau), le vieil homme avoue son amour passionné et malheureux, tandis que la jeune par la jeune fille qui n’est plus du tout dans la naiVeté de la première scène, où elle répondait aux questions ‘Arnolphe et lui avouait le vol du ruban (acte Il, scène V) ou bien lisait docilement les maximes du mariage (acte III, scène Il). C’est à présent une scène d’affrontement où chacun se révèle à l’autre dans sa vérité et où la comédie prend parfois une tonalité tragique.
Dans la première partie de la scène (le passage étudié v. 1482 à v. 1540), Agnès affirme et revendique son amour pour Horace, mettant à bas tout le stratagème élaboré par Arnolphe pour ne pas être cocu. Non seulement Agnès n’est pas une « sotte », mais elle a une conception de l’amour tout autre que celle d’Arnolphe. Cette scène est donc celle qui permet d’éclairer tout à fait le titre de la pièce. En fonction de la « lecture » proposée par la mise en scène et l’interprétation des acteurs, cet affrontement oscille entre le registre comique et le registre tragique.
Arnolphe peut être un vieux barbon dont on se moque ou, au contraire, un homme passionnément amoureux qui souffre et s’humilie devant une ingrate – d’autant plus cruelle qu’elle semble insensible à sa douleur. b. Le contexte des spectacles Les trois mises en scène offrent des visions très différentes de la scène. Celles-ci proviennent ssentiellement des partis pris esthétiques mais aussi de la nature de chacune de ces captations ou recréations filmiques.
Visuellement tout d’abord, celle de Raymond Rouleau – la plus ancienne (1973) – étant une adaptation pour la télévision, opte pour un jeu réaliste ? l’intérieur d’un décor 20 – étant une adaptation pour la télévision, opte pour un jeu réaliste l’intérieur d’un décor naturel reconstitué. Associant décors de théâtre et liberté de C canopé – CNDP – 2014. Page 1 déplacements propre au cinéma, la réalisation joue sur le mouvement et les changements de lieux.
Celle de Didier Bezace (2001) a, quant à elle, été tournée en plein air et en public dans la cour d’honneur du palais des Papes à Avignon, ce qui a une incidence certaine sur le jeu des acteurs qui ont une diction plus appuyée et théâtralisée. Le décor est minimaliste : le praticable fait de planches de bois contraste avec le choix référentiel de Rouleau ou Lassalle. Celle de Jacques Lassalle (2006) est tournée à l’Athénée à Paris, dans une scénographie subtile qui joue habilement de la dualité des espaces. La scène se passe dans l’obscurité de la nuit et Arnolphe est tout ‘abord camouflé dans son manteau.
On sera donc particulièrement attentif à la manière dont chacun des metteurs en scène opère le dévoilement de l’identité d’Arnolphe aux yeux d’Agnès. Comment Bernard Blier, Olivier Perrier et Pierre Arditi affirment-ils leur autorité sur la jeune fille ? Comment Isabelle Adjani, Caroline Piette et Agnès Sourdillon parviennent- elles, quant à elles, à opérer un renversement du rapp 3 20 d’Arnolphe qui a lui-même fixé le lieu à Horace : « Il faut me l’amener dans un lieu plus obscur. /Mon allée est commode, et je l’y vais attendre. » (v. 451-1452, scène III).
Horace s’adressant à Agnès l’invite donc à suivre cet « ami » à qui elle est confiée : « Entrez dans cette porte et laissez- vous conduire. » (v. 1461, scène III). L’espace est particulièrement important pour cette scène, puisque Agnès passe des bras de son amant – qui n’a aucun endroit pour la protéger , à un espace clos — qui est celui de son geôlier. Arnolphe fait finalement volte-face : à peine Horace est-il hors de vue qu’il semble changer de direction : « Venez, ce n’est pas là que je vous logerai,/Et votre gîte ailleurs est par moi préparé. ? (v. 482-1483). L’obscurité est assurément un appui pour la mise en scène qui joue du caractère romanesque de l’intrigue. Cette scène est complexe car elle joue sur les ressorts de la surprise et sur celui du piège. Comment chaque metteur en scène Saccommode-t-il de rindication proposée par la dramaturgie de l’extérieur (la rue) ? l’intérieur (la maison d’Arnolphe) ? Comment montrer l’enfermement d’Agnès qui pensait trouver la liberté ? La version de Rouleau joue, de fait, de manière très suggestive du resserrement de l’espace autour d’Agnès.
La scène s’ouvre tout d’abord sur un espace uvert : on attirera rattention des élèves sur le ciel sombre et nuageux, les branches dénudées de l’arbre, et ce qui pourrait s’apparenter à une cour de ferme fermée par Penceinte de la propriété d’Arnolphe. Quels présages cet univers annonce-t-il ? 4 20 l’enceinte de la propriété d’Arnolphe. Quels présages cet univers annonce-t-il ? La brutalité du personnage ouvrant la porte d’un brusque coup de pied souligne la cruauté de ce retour dans le lieu qu’elle quittait.
L’autorité du tuteur passe par le mouvement qu’il impose à la jeune fille en la faisant entrer dans sa propriété : ? N’appelez point des yeux le galant à votre aide ;/ll est trop éloigné pour vous donner secours. » (v. 1489-90). Le petit jardin dans lequel Agnès se promenait (acte Il, scène V) est ? présent plongé dans robscurité et Agnès ne le traverse que poussée par Arnolphe qui la fait entrer à l’intérieur du logis modeste et campagnard où il ramène la fugitive.
La proximité des murs et le cadrage en gros plan sur les visages accentuent l’effet d’enfermement et mettent en relief l’affrontement des deux personnages. @ Canopé – CNDP – 2014. Page 2 L’atmosphère nocturne est stylisée dans la mise en scène de Lassalle. Sur un cyclorama bleu nuit se détachent des silhouettes d’arbres et la maison d’Arnolphe, au centre, s’élève audessus de l’enceinte qui s’avance en pointe. Arnolphe en long manteau et la tête recouverte d’un chapeau à larges bords tient une lanterne à la main.
Mais alors qu’il va ouvrir la porte de la maison, il se découvre aux yeux d’Agnès et la scène se déroule finalement devant la porte. Dans la mise en scène de ne se passe également en Nul décor pour sentir de plan réaliste au face à face. Les acteurs se détachent sur le fond noir de la nuit avignonnaise dans une sobriété des effets ui renforce leur jeu, filmé de manière rapprochée. Le lieu se limite à la joute verbale et l’autorité d’Arnolphe s’impose par la façon dont il tient Agnès fermement dans sa main. enfermement des êtres est ici tout intérieur, chacun des deux protagonistes semble muré dans sa propre solitude. b. Dramaturgie et direction d’acteurs Cette ouverture de scène amorce un retournement du rapport de force entre les deux personnages d’Arnolphe et d’Agnès. Dans un premier temps, le vieil homme a le pouvoir sur une jeune fille réduite à l’état d’objet puisqu’elle lui a été confiée. Le dévoilement de ‘identité du protecteur crée un effet dramatique d’autant plus fort qu’il signifie le retour dans le lieu de séquestration et la fin de la relation avec l’amant.
Cenjeu de cette scène pour Agnès est donc d’affirmer la force de sa relation amoureuse et son émancipation par rapport à la relation instaurée par son tuteur. Le rapport de force est amorcé dès le début de la scène Arnolphe prononce vingt-quatre vers à peine interrompus par le cri de surprise de la jeune fille : il est donc largement en position de domination. Mais le rapport s’inverse peu à peu par le raisonnement d’Agnès. Cette joute passe par un jeu serré des acteurs ; il s’agit d’un véritable combat où le plus fort n’est pas celui qu’on croit.
Le rapport de force est mis en scène par Rouleau par la brutalité du mouvement : Blier pousse Adjani sans ménagement, comme 6 0 mis en scène par Rouleau par la brutalité du mouvement : Blier pousse Adjani sans ménagement, comme un père autoritaire le ferait avec sa fille fautive. La jeune fille maintenue fermement par son tuteur semble être un jeune animal sauvage et terrifié pris dans un piège. Le coup de pied à la porte montre autant la colère u personnage que son manque de délicatesse.
Ses paroles sont rythmées par les violentes poussées de la jeune fille vers la maison. D’abord effrayée, elle finit par s’immobiliser et encaisse en silence des remontrances qui pourraient être celles d’un père s’il ne s’agissait d’une scène de jalousie. Blier tourne autour d’elle et on lit sur le visage de l’actrice un désarroi qui finit par éclater : « Pourquoi me criez-vous ? » À partir de là, la scène bascule Agnès se justifie à partir des leçons prônées par le tuteur.
Adjani joue d’une sincérité désarmante, montrant à quel point Agnès cherche pour la première fois à établir un échange où elle ferait entendre sa voix personnelle : « à vous parler franchement » Mais la jeune fille montre aussi par l? qu’elle ne cède rien. Regardant droit dans les yeux son tuteur, elle devient sa parfaite élève et semble ne pas comprendre les reproches qui lui sont faits : « J’ai suivi vos leçons, et vous m’avez prêché/Qu’il faut se marier pour ôter le péché. » (v. 1510-1511).
Cet affrontement oppose clairement la figure d’une fille sensible et sincère à celle d’un père buté qui ne joue que sur le registre de la réprimande. Blier passe dans cette version pour un être borné, uniquement préoccupé par son désir réprimande. Blier passe dans cette version pour un être borné, uniquement préoccupé par son désir de dominer. La jeune et ravissante Adjani est si touchante que le spectateur est immédiatement de son côté. Le rapport qu’instaurent Arditi et Sourdillon est plus complexe. Le tête-à-tête est souligné par l’extrême dépouillement de la mise en scène.
Les deux acteurs sont face au public, l’assujettissement d’Agnès est souligné par le fait qu’Arnolphe lui tient la main : son autorité Page 3 asse en effet par la tension avec laquelle il serre cette main, image que le réalisateur cadre en gros plan. La vraisemblance n’est pas le souci de Bezace car Arnolphe n’est point masqué, les deux personnages se font face dès le début de la scène. Le choix de l’affrontement se passe donc de la théâtralisation de l’effet de reconnaissance pour montrer deux êtres dans le plus grand dépouillement.
La réplique « Me connaissez-vous ? et sa réponse « Hay » prennent ici une autre signification. Arnolphe est réellement en demande de reconnaissance, tandis que la jeune Agnès n’est pas surprise, elle sait bien qui est l’homme qui a tient ainsi. La scène s’engage donc avec une tout autre tonalité. Arditi campe un Vieil homme qui est d’emblée dans la plainte : « Ah, ah, si ‘eune encor, vous jouez de ces tours » (v. 1491). Son aspect l’apparence d’Agnès, corsetée dans sa robe bleu marine et les cheveux noués en nattes serrées.
La silhouette d’écolière de Sourdillon contraste cependant avec son visage déterminé et beaucoup plus mûr que ne l’était celui d’Adjani. L’accent n’est pas ms sur son Innocence mais sur sa détermination à sortir du joug qui la maintient encore. Si elle écoute attentivement on tuteur, elle n’est nullement impressionnée par les reproches qu’il lui adresse. La leçon semble s’inverser lorsqu’elle affirme sa conception de l’amour : « Il le fait, lui, si rempli de plaisirs,/Que de se marier il donne des désirs. » (v. 1518-1519).
Même lorsque Arditi lui prend le visage entre ses mains, la jeune fille ne revendique que plus fermement son amour. La violence exercée sur la Jeune fille est alors davantage le signe de la souffrance d’Arnolphe que de son autorité. Cette version inverse très clairement le rapport de force dès le début, pour montrer un Arnolphe dont l’amour confine à la folie et qui peut, urtout dans la seconde partie de la scène (hors extrait), susciter la compassion du spectateur alors qu’Agnès se montre impassible et peut apparaitre cruelle.
Dans la mise en scène de Lassalle, la scène s’ouvre par un affrontement physique. À peine la jeune Agnès a-t-elle reconnu son tuteur qu’elle tente de lui échapper pour rejoindre Horace. Mais Arnolphe la retient fermement et toute la scène va découler de ce premier corps à corps. Le vieil homme finit par la mettre à terre et à asseoir son autorité en la maintenant de tout son poids. Cette violence physique montre très concr