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Objet d’étude : Le théâtre, texte et représentation. CORPUS DE TEXTES Texte A : Molière, Monsieur de Pourceaugnac, 1669. Texte B : Marivaux, Le Jeu de l’Amour et du Hasard, 1730. Texte C : Alfred de Musset, On ne badine pas avec l’amour, 1834. Texte D : Jean Anouilh, Antigone, 1944. Texte A. Julie, Éraste, Nérine. JULIE. – Mon Dieu ! Éraste, gardons d’être surpris ; je tremble qu’on ne nous voie ensemble, et tout serait perdu, après la défense que l’on m’a faite. ÉRASTE. -Je regarde de tous côtés et je n’aperçois rien. JULIE (à Nérine). Aie garde qu’il ne vienne 1 5 NERINE (se retirant ns Swipe v moi, et dites hardime avez à vous dire. e, et prends bien • ). – Reposez-vous sur JULIE. – Avez-vous imaginé pour notre affaire quelque chose de favorable ? et croyez-vous, Éraste, pouvoir venir à bout de détourner ce fâcheux mariage que mon père s’est mis en tête ? ÉRASTE. – Au moins y travaillons-nous fortement ; et déjà nous avons préparé un bon nombre de 10 batteries pour renverser ce dessein ridicule. NERINE (accourant à Julie). – Par ma foi ! voilà votre père. JULIE. Ah séparons-nous vite. NERINE. -Non, non, non, ne bougez ; je m’étais trompée. JULIE. Mon Dieu ! que tu es sotte de nous donner de ces frayeurs. 15 ÉRASTE. – Oui, belle Julie, nous avons dressé pour cela quantité de machines 1, et nous ne feignons point de me mettre tout en usage, sur la permission que vous m’avez donnée. Ne nous demandez point tous les ressorts que nous ferons jouer ; vous en aurez le divertissement ; et, comme aux comédies, il est bon de vous laisser le plaisir de la surprise, et de ne vous avertir point de tout ce qu’on vous fera voir.

C’est assez de vous dire que nous avons en mains divers stratagèmes tous prêts à produire dans l’occasion, et 0 que l’ingénieuse Nérine et l’adroit Sbrigani entreprennent l’affaire. NERINE. – Assurément. Votre père se moque-t-il de vouloir vous anger2 de son avocat de Limoges, Monsieur de Pourceaugnac, qu’il n’a vu de sa VIe et qui vient par le coche vous enlever à notre barbe ? Faut-il que trois ou quatre mille écus de plus, sur la parole de votre oncle, lui fassent rejeter un amant qui vous agrée ? et une personne comme vous est-elle faite pour un Limosin ?

S’il a envie de se marier, 25 que ne prend-il une Limosine et ne laisse-t-il en repos les chrétiens ? Le seul nom de Monsieur de Pourceaugnac m’a mise dans une colère effroyable. J’enrage de Monsieur de Pourceaugnac. Quand il n’y aurait que ce nom-là, Monsieur de Pourceaugnac, j’y brûlerai mes livres, ou je romprai ce mariage, et vous ne serez point Madame de Pourceaugnac. Pourceaugnac ! cela se peut-il souffrir ? Non, Pourceaugnac est une chose que je ne saurais supporter ; et nous lui jouerons tant de pièces, nous lui 30 ferons tant de niches sur niches, que nous renverrons ? Limoges Monsieur de Pourceaugnac. ?RASTE. – vo Il tant de niches sur niches, que nous renverrons à Limoges Monsieur de Pourceaugnac. ÉRASTE. – Voici notre subtil Napolitain, qui nous dira des nouvelles. Molière, Monsieur de Pourceaugnac, acte I, scène 1, 1669. Texte B. Silvia, Lisette. SILVIA. – Mais, encore une fois, de quoi vous mêlez-vous ? Pourquoi répondre de mes sentiments ? LISEITE. – C’est que j’ai cru que, dans cette occasion-ci, vos sentiments ressembleraient à ceux de tout le monde.

Monsieur votre père me demande si vous êtes bien aise qu’il vous marie, si vous en avez quelque joie : moi, je lui réponds que oui, cela va tout de suite ; et l n’y a peut-être que vous de fille au 5 monde, pour qui ce oui-là ne soit pas vrai ; le non n’est pas naturel. 2 Machines : stratagèmes. Anger : vous tourmenter avec. 10 15 20 25 30 35 40 fâcher, Lisette. LISEITE. – Ce n’est pas mon dessein. Mais dans le fond, voyons, quel mal ai-je fait de dire à Monsieur Orgon que vous étiez bien aise d’être mariée ? SILVIA. – Premièrement, c’est que tu n’as pas dit vrai ; je ne m’ennuie pas d’être fille. LISETfE. Cela est encore tout neuf. SILVIA. C’est qu’il n’est pas nécessaire que mon père croie me aire tant de plaisir en me mariant, parce que cela le fait agir avec une confiance qui ne servira peut- être de rien. LISETTE. Quoi ! vous n’épouserez pas celui qu’il vous destine ? SILVIA. – Que sais-je ? peut-être ne me conviendra-t-il point, et cela m’inquiète. LISEITE. – On dit que votre futur est un des plus honnêtes hommes du monde, qu’il est bien fait, aimable, de bonne mine, qu’on ne peut pas avoir plus d’esprit, qu’on ne saurait être d’un meilleur caractère ; que voulez•vous de plus ? Peut-on se figurer de mariage plus doux ? ‘union plus délicieuse ? SILVIA. Délicieuse ! que tu es folle avec tes expressions ! LISETrE. – Ma foi, Madame, c’est qu’il est heureux qu’un amant de cette espèce-là veuille se marier dans les formes ; il ny a presque point de fille, Sil lui faisait la cour, qui ne fût en danger de l’épouser sans cérémoniel . Aimable, bien fait, voilà de quoi vivre pour l’amour ; sociable et spirituel, voilà pour l’entretien de la société : pardi ! tout en sera bon, dans cet homme- là ; l’utile et l’agréable, tout s’y trouve. SILVIA. – Oui, dans le portrait que tu en fais, et on dit qu’il y ressembl 4 OF Il