http://www. etudes-litteraires. com Ce document a été rédigé par Jean-Luc, membre du forum Études littéraires. Voltaire, « Guerre », Dictionnaire philosophique, 1764 un généalogiste prouve à un prince qu’il descend en droite ligne d’un comte dont les parents avaient fait un pacte de famille, il y a trois ou quatre cents ans avec une maison dont la mémoire même ne subsiste plus.
Cette maison avait des prétentions éloignées sur une province dont le dernier possesseur est mort d’apoplexie : le prince et son conseil sans d’fficulté que ce Cette province, qui e centaines de lieues d pas, qu’elle n’a nulle r 18 Snipe to View nt de droit divin. u’elle ne le connaît d’être gouvernée par lui ; que, pour donner des lois aux gens, il faut au moins avoir leur consentement : ces discours ne parviennent pas seulement aux oreilles du prince, dont le droit est incontestable.
Il trouve incontinent un grand nombre d’hommes qui n’ont rien à perdre ; il les habille d’un gros drap bleu à cent dix sous aune, borde leurs chapeaux avec du gros fil blanc, les fait tourner à droite et à gauche et marche à la gloire. Les autres princes qui entendent parler de cette équipée y prennent part, chacun selon son ouvoir, et couvrent une petite étendue de pays de plus de meurtriers mercenaires que Gengis Khan, Tamerlan, Bajazet n’en trainèrent à leur suite.
Des peuples assez éloignés entendent dire qu’on va se battre, et moissonneurs, et vont vendre leurs services à quiconque veut les employer. Ces multitudes s’acharnent les unes contre les autres, non seulement sans avor aucun intérêt au procès, mais sans savoir même de quoi il s’agit. Il se trouve à la fois cinq ou six puissances belligérantes, tantôt trois contre trois, tantôt deux contre quatre, tantôt une contre cinq, se détestant toutes également les unes les autres, ‘unissant et s’attaquant tour à tour ; toutes d’accord en seul point, celui de faire tout le mal possible.
Le merveilleux de cette entreprise infernale, c’est que chaque chef des meurtriers falt bénir ses drapeaux et invoque Dieu solennellement avant d’aller exterminer son prochain. 1 . Application de la méthode Lire plusieurs fois au-travers de « grilles de lecture » : 1re lecture : lecture cursive. A la fin de cette lecture, procéder à un questionnement systématiquement du texte o Quel est le thème du texte ? peut-il être ms en relation avec l’œuvre dont le texte est extrait, avec le titre de l’œuvre, avec l’auteur, avec ‘époque ? Le thème est indiqué par le titre.
Il s’agit de la guerre. Je sais que le XVIIIe Siècle a connu de nombreuses guerres qui ont coûté très cher au royaume de France. Je sais aussi que Voltaire est un pacifiste et qu’il a dénoncé les visées belliqueuses des souverains dans plusieurs contes ou romans en particulier dans Candide, mais aussi dans des essais comme le Siècle de Louis XIV. o Quel est son genre littéraire oésie théâtre, roman… ) son type (argumentatif, narratif, de PAGF 18 paratexte). Curieusement, l’article ne développe pas une notion. C’est un récit, donc il appartient au ype descriptif.
Mais une lecture qui ne reste pas superficielle montre que ce récit n’est pas gratuit, qu’il livre aussi une position, une thèse, il est donc aussi de type argumentatif. Cette union entre un récit et une leçon morale s’appelle un apologue. o Quelle est sa tonalité ou registre littéraire (comique, tragique, lyrique, pathétique, ironique, épique… ) ? La tonalité première pourrait être le merveilleux (comme dans le conte), d’ailleurs ce mot est repris à la fin de l’article. Très vite cependant je peux relever des indices d’exagération (par ex. u début) et d’antiphrase, signes aractéristiques de l’ironie. o Quel est son intérêt (historique, philosophique, soclologique. „) ? Son intérêt est double : cet article expose la position d’un philosophe du XVIIIe siècle à l’encontre de la guerre et des prétentions abusives de l’absolutisme royal. Plus encore, il est un exemple des moyens utilisés par ces mêmes philosophes pour faire de leur prose une littérature de combat. o Quelles résonances éveille-t-il chez le lecteur (émotion, intérêt, passlon, réflexion, interrogation… ) ?
Le lecteur est d’abord intrigué, puis sa réflexion est invitée à aller voir au-delà des mots ans leurs alliances contradictoires pour en arriver à partager l’indignation de suivant des familles, examiner si on peut les regrouper en champs lexicaux ou sémantiques remarquables. Champ lexical de la généalogie (généalogiste, descend, droite ligne… ), allié à celui de la noblesse (comte, prince, maison… ), celui du droit, puis celui de la guerre allié ? ceux de l’armée, de la violence (meurtriers mercenaires, noms propres de conquérants, se battre… pour finir avec un vocabulaire moral et religieux (mal, infernal, Dieu… ) o Étudier les formes, couleurs, mouvements, Porganisation de ‘espace, les valeurs symboliques ou affectives de ces éléments. Difficultés à définir le temps et le lieu. Nous sommes dans un monde merveilleux comme celui du récit légendaire ou du conte. Apparence de désordre, de confusion dans la suite du récit. o Étudier l’organisation de ces éléments en parallélisme, en relation, en rappel ou en opposition.
A l’argumentation juridique du début succèdent le désordre et les retournements d’alliance. A la futilité de la revendication fait suite une conflagration absurde et meurtrière. o On peut alors établir des réseaux lexicaux et ainsi discerner les thèmes intellectuels, affectifs, symboliques) du texte. Voltaire entend dénoncer l’absurdité de la guerre, dans ses causes et ses effets. o Étude particulière du registre du discours : lyrique, élégiaque, pathétique, ironique, comique… En fait il a souvent un registre principal ou dominant 8 burlesques (ou contre-épiques).
Parfois Voltaire place quelques notes pathétiques comme avec la comparaison des moissonneurs. o Étude des registres de langue (référence à une culture et une classe sociale) utilisés et des effets produits (appartenance ou opposition, surprise… )- Chercher les procédés de style et tous les écarts qui istinguent le langage utilisé par l’auteur du langage courant, celui que nous aurions utilisé pour exprimer les mêmes réalités. Quelques procédés remarquables : un oxymoron, « merveilleux de cette entreprise infernale h. En examinant les structures grammaticales et leurs effets de sens : choix des pronoms, des déterminants du nom ; choix du type de construction : nominale, affirmative, exclamative, interrogative ; choix des épithètes : souci de caractérisation, valeur méliorative ou péjorative ; choix des modes 2 verbaux : impératif – prière ou volonté de pression sur autrui ; subjonctif oute, mode du sentiment ou de la pensée, temps : présent de narration, de vérité générale, imparfait de durée ou de répétition passé simple d’action soudaine qui ne se répète pas ; choix du style direct, indirect, indirect libre…
Hypotaxe ou parataxe. On peut noter tout ce qui renforce l’indétermination. « Un » répété, repris par des démonstratifs qui renvoie récision. PAGF s 8 montrer dans la rencontre brutale des propositions que l’enchainement des faits est sans raison, soumis à l’arbitraire du pouvoir princier. 3e lecture : étude des images o Étude des comparaisons explicites, des métaphores, étonymies et synecdoques, hyperboles, litotes… Quels sont les effets qu’a voulu produire l’auteur en employant telle ou telle figure de rhétorique ?
Les soldats mercenaires comparés à des moissonneurs. 4e lecture : étude des sons et des rythmes (surtout dans les poemes mais pas exclusivement) o Étudier le rythme : le choix du mètre, les accents, la cadence, mouvement ascendant ou chute, la place de la césure, la présence d’enjambements, de rejets, de contre-rejets…. Analyser les effets produits. Nombreux rythmes binaires qui évoquent l’affectivité, le mouvement, le déchaînement des passions.
Deux exemples de rythme ternaire : « Cette province, [ a beau protester qu’elle ne le connait pas, qu’elle n’a nulle envie d’être gouvernée par lui ; que, pour donner des lois aux gens, il faut au moins avor leur consentement » Rythme évoquant l’équilibre de l’art oratoire d’ailleurs repris par « ces discours » suivi par l’opposition brutale du coup de force princier. « Il se trouve à la fois cinq ces bellieérantes, tantôt fébrilité des préparatifs. o Étudier les sonorités : quels sentiments sont exprimés par le retour de certaines syllabes ? Quelle atmosphère est ainsi créée ?
Faire attention ux allitérations, aux assonances, aux rimes, aux hiatus… Le bruit, la fureur et le dégoût évoqués par les allitérations de « m » et de « t » dans « meurtriers mercenaires que Gengis Khan, Tamerlan, Bajazet n’en trainèrent à leur suite ». o Étudier le volume des phrases (longueur, formes : interrogatlons, exclamations… ) Utilisation de phrases énonciatives qui se veulent apparemment neutres. Mais parfois la phrase prend de l’ampleur chaque fois que le philosophe sent monter en lui l’indignation. o Étudier le rythme des phrases (gradations, symétries, mouvements ascendants ou descendants…
Quels sont les effets produits ? A titre d’exemple, étude de la phrase conclusive : « Le mepu’eilleux de cette entreprise infernale, c’est que chaque chef des meurtriers fait bénir ses drapeaux et invoque Dieu solennellement avant d’aller exterminer son prochain phrase qui met en valeur le groupe nominal initial en le reprenant par le présentatif « c’est que (On peut noter aussi que ce groupe nominal pourrait être lu comme un vers blanc distribué en 4/21/3/3). Le reste de la phrase est construit sur 7 8 confronter au contexte, à tout ce que je peux savoir de l’œuvre, de l’auteur, de l’époque… nser à Candide, à la guerre de Sept ans… o Examiner le poème ou la page à la lumière des catégories : o Esthétiques : classique, romantique, baroque. o Idéologiques : rationalisme, sentimentalisme romantique, désir de provoquer… Voltaire, en philosophe, s’appuie sur le rationalisme, valeur essentielle du siècle des Lumières. Il se montre acerbe devant la folie des tenants de l’absolutisme et de la religion. Organiser les remarques en un plan détaillé • 1 . Première organisation évidente : suivre les structures du texte ou les étapes du récit. Nœud : les causes futiles d’un conflit, Péripéties : une guerre désordonnée et cruelle, o Dénouement auxquelles j’adjoins la leçon de l’apologue final: l’enfer du mal et la caution de la religion. 2. Deuxième organisation qui va de l’apparent au caché. Cette organisation est meilleure car elle est plus équilibrée et surtout rend mieux compte des intentions et de la manière de Voltaire. o Le détournement du conte ou du récit légendaire, o Pour atteindre au conte philosophique dénonçant la folie de la guerre, o Par un apologue nourri de toute la charge ironique voltairienne. N. B. les Indications des parties et des paragraphes ne sont tilisées que pour la clarté de l’exposé. Dans votre commentaire, elles doivent être intégrées à la rédaction. Corrigé du commentaire de texte Introduction un homme de pouvoir et un homme de lettres, d’abord idyllique, tourne court rapidement. Finalement les deux hommes se brouillent, et Voltaire doit quitter l’Allemagne. Voltaire n’a pas apprécié l’autoritarisme et le bellicisme du souverain. Cette expérience malheureuse servira à illustrer les malheurs de Candide dans le chapitre Ill du conte éponyme ainsi que dans l’article « Guerre » du Dictionnaire philosophique.
Ce texte présente l’intérêt d’une argumentation au travers d’un récit. Il vise à dénoncer les horreurs et surtout l’absurdité de la guerre. Il est un exemple de la fameuse ironie voltairienne. Dans un premier temps Voltaire détourne habilement les principes du conte classique. Par la dénonciation 4 il le transforme ensuite en un conte philosophique. Il affirme son jugement dans un apologue final. Développement : A – un conte classique détourné 1) Les marques d’une anecdote Voltaire a reprls les attributs d’un personnage de conte : le récit prend sa source dans la noblesse, nous avons là le prince du conte.
Notons le champ lexical de la noblesse et du pouvoir allié à celui de l’armée : « généalogiste, « prince », « ligne » (au sens de descendance), « comte », « maison » (2) (au sens de famille noble), « province », « droit divin », « conseil », « gloire », « pouvoir », « puissances », « chef’, « drapeaux ». Nous serions presque dans le registre épique. pourtant ce n’est pas un « prlnce charmant » car sa noblesse est de façade. Il se révèle vain et prétentieux. De même, l’épopée sombre dans la folie meurtrière : les princes ne sont pas de preux chevaliers. Ils sont comparés à Gengis Khani, Tamerlanii Bajazetiii, c’est-à-dire des conquérants cruels et san