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L’inceste symbolique dans Homo Faber de Max Frisch par Rennie Yotova Université de Sofia « St. Clément d’Ohrid Bulgarie Mais, ma fille, c’est une illusion de penser trouver une fin heureuse à cette histoire. Il ne peut pas y en avoir. Puisque l’inceste a été commis, la tragédie est inévitable. Atiq Rahimi, Syngué sabourl Depuis la mythologie nous connaissons de nombreux scénarios incestueux. Les parents archaiques de l’humanité se sont unis to page dans un inceste fond mère Gaia. Les dieux Seules les divinités h le droit de posséder ainsi la pureté divine. r 12 ranos et la terre- t dans l’inceste. ar exemple) avaient air„• Snipe to View dance et d’affirmer é est incestueuse. Dans le mythe unique de l’origine domine justement l’indifférenciation incestueuse, Vidée du grand Tout. Sur le plan symbolique et d’un point de vue anthropologique chez certaines tribus en Afrique Centrale certaines formes d’inceste sont considérées comme bénéfiques : les rapports sexuels avec sa sœur rendent un guerrier invulnérable, il est donc autorisé à pratiquer cette forme d’inceste à la veille d’un combat.

Chez les Kalang de Java, les mariages entre mère et fils portent onheur et apportent fertilité et abondance. Dautres tribus, en Sibérie du Nord acceptent la défloraison de la jeune fille par son frère ou par son père avant son mariage ; chez les Sénégalais et les Moluquois ce rôle incombe au père. L’ordre symbolique permet aux individus de faire la distinction entre leurs « proches-semblables » et leurs « lointains dissemblables » et de recadrer leurs conduites sexuelles. Cet ordre symbolique devrait réguler les processus de la sexualité infantile par des interdits.

C’est le point de rupture nature-culture d’où émerge dans les relations interindividuelles le symbole du iers investi, considéré comme catalyseur de la transmutation de l’ordre biologique en ordre symbolique. Le premier essai de Totem et Tabou (Freud, 1912) concerne l’horreur de l’inceste. Freud pense que l’inceste est toujours inconsclemment désiré. Cette prohibition sexuelle empêche deux tendances fondamentales chez tout être humain : tuer son père et épouser sa mère. L’intériorisation de cet interdit fondateur est à l’origine de la culture et de l’humanité comme telle. Max Frisch publie Homo Faber en 1957.

Rédigé à la première personne, ce roman reconstitue, tel un puzzle, la vie de Walter Faber, un scientifique chargé de mission auprès de l’Unesco. Suisse allemand d’origine, tout comme Frisch, Faber voyage beaucoup pour des raisons professionnelles. Les récits sont superposés dans le roman, ainsi, à travers les passages de son autobiographie commencée en Amérique du Sud ou les fragments du journal qu’il tient lors d’un séjour prolongé ? Athènes, le lecteur découvre progressivement la tragique existence d’un homme qui « a tout détruit » aut 12 existence d’un homme qui « a tout détruit » autour de lui.

Dans sa jeunesse Faber a aimé Hanna qui tombe enceinte de lui, ais il lui a préféré ses études et sa carrière. Sans qu’il le sache celle-ci a gardé l’enfant, une fille et a épousé son meilleur ami Joachim. Plus tard, Faber rencontre une mystérieuse jeune fille sur un paquebot. Une attirance s’instaure entre eux, puis ils se retrouvent à Paris, entreprennent ensemble un voyage qui va les mener en Grèce. A Athènes, Faber rencontre Hanna, mère de sa fille qui n’est autre que Sabeth.

Celle-ci meurt mordue par un serpent. Walter se sent responsable de sa mort, apprend qu’il souffre d’un cancer incurable et c’est Hanna qui est à ses côtés à la fin de sa vie. Habitué à s’en « tenir au calcul des probabilités », Faber a vécu sans croire ni au destin ni à la fatalité qui ont pourtant marqué de façon dramatique son parcours. Le récit se présente sous la forme d’un rapport fait par Walter Faber sur un ton neutre et objectif, dans un style sec, presque sans métaphores, très détaillé.

Le personnage vit les situations comme si elles étaient en dehors de lui, il apparaît en fait comme spectateur de soi-même. Cependant le lecteur ne comprend pas pourquoi il écrit ce rapport. Les évènements rapportés sont reconstruits sans être analysés donnant l’impression d’une olonté de déculpabilisation et de égèreté. Faber ne saisit le lien des évènements qu’il vit que lorsque meurt sa fille et que se 19 Faber ne saisit le lien des évènements qu’il vit que lorsque meurt sa fille et que se déclare son cancer.

Ainsi le rapport ressemble-t-il à un discours écrit pour se justifier et se défendre : Faber paraît soumis à une instance morale qui semble le juger – comme dans le Procès de Kafka. Plus on avance dans la lecture de l’œuvre, moins Faber a son destin en main, et plus il est exposé au hasard, plus le rapport se décompose et se transforme en récit : A quoi bon démontrer que je ne pressens rien, que je ne prévois rien ! J’ai détruit la vie de mon enfant et je ne puis rien réparer. A quoi bon ce rapport ?

Je n’étais pas amoureux de la jeune fille à la queue de cheval rousse, je pavais remarquée, rien de plus, je ne pouvais pas prévoir que c’était ma propre fille, puisque je ne savais même pas que j’étais père. Pourquoi fatalité ? Je n’étais pas amoureux, au contraire, elle me fut plus étrangère que jamais jeune fille ne l’avait été, aussitôt que nous sommes entrés en conversation, et ce fut un hasard invraisemblable que ous eussions parlé ensemble, ma fille et moi. Nous aurions tout aussi bien pu passer simplement l’un à côté de Vautre.

Pourquoi fatalité ? Cela aurait aussi bien pu se passer tout autrement. 2 Faber n’est heureux que dans Pinceste, pendant la partie de sa vie où il vit dans la faute. Cette faute le rattache au personnage d’Œdipe. Selon les prévisions de l’oracle, celui-ci tue son père et épouse sa mère. Lorsqu’elle découvre la vérité Jocaste se donne la mort et Œdipe se crève 2 père et épouse sa mère. Lorsqu’elle découvre la vérité Jocaste se donne la mort et Œdipe se crève les yeux.

Faber parle également de se crever les yeux avec sa fourchette dans le wagon- restaurant lorsqu’il se retrouve seul après la mort de sa fille : « Pourquoi ne pas prendre ces deux fourchettes, les tenir droites dans mes poings et laisser tomber ma tête, pour me délivrer de mes yeux ? » (p. 240) Cet Œdipe renversé, père qui séduit sa fille, fonce vers la catastrophe, commettant la faute de l’inceste, alors qu’il avait eu des signes de prévention. La notion de faute s’accompagne de celle de la punition et de l’expiation.

Max Frisch tisse donc dans la trame du récit des signes mythologiques et sychanalytiques qui pèsent sur le héros. « Ce fut encore un pur hasard qui décida de l’avenir, rien de plus, un fil de nylon dans le petit appareil, en tout cas ce fut un hasard, que nous n’eussions pas encore quitté l’appartement lorsque le téléphone sonna ; Je veux dire simplement : si je n’avais pas démonté le petit appareil, ce coup de téléphone ne m’aurait plus atteint, c’est-à- dire que je n’aurais pas pris le bateau, tout au moins pas le bateau que prit Sabeth, et nous ne nous serions jamais rencontrés en ce monde, ma fille et moi. ?3 Faber essaie d’expliquer les ?vénements qui lui arrivent par le hasard en refusant, en tant que scientifique, le poids du destin. Toutefois Faber est un héros tragique, car il ne veut pas l’action qu’il fait. Il la réprouve, mais se voit contraint de l’accomplir com PAGF s 9 tragique, car il ne veut pas l’action qu’il fait.

Il la réprouve, mais se voit contraint de raccomplir comme si ses recherches scientifiques sur le démon de Maxwell s’étaient emparées de sa vie, démon qui au sens du physicien Marwell, représente une main invisible organisant et orientant tous les processus. Le poids du destin peut se lire aussi comme une punition de cette aute ancienne, d’avoir manqué au devoir paternel. Le motif de la force du destin sous la forme de la rencontre imprévue constitue un thème majeur dans la littérature que Max Frisch exploite sous l’angle de l’homme moderne trop sûr de son pouvoir sur la nature. ? Je ne crois pas à la fatalité ni au destin, en tant que technicien j’ai l’habitude de m’en tenir au calcul des probabilités. » (p. 25) déclare Faber. e rôle professionnel de technicien conditionne les rapports de Homo Faber avec autrui : il paraît incapable d’établir de véritables échanges avec les autres. Discuter avec les gens l’ennuie. Homo Faber refuse à plusieurs reprises le rôle de la nature au profit de la culture et du progrès technique.

Il prononce un discours en faveur de l’avortement basé sur l’argument que l’homme civilisé prévoit : « L’avortement : une conséquence de la civilisation, seule la jungle enfante et pourrit, comme le veut la nature. » (p. 133) La véhémence de ce propos est liée au désir d’effacer ce qul a été, de s’attaquer à Hanna qui a donné naissance à leur fille sans le prévenir. « Laisser procréer, naître et mourir dans la première PAGF 19