Des noms qui viennent de loin Les strates du vocabulaire anatomique Ren ‘ e Distel, H » el ene Mend es, Michel Karatchentzeff* Universit’e Pierre et Marie Curie, Paris Table des mati eres 1 Permanence du grec. 2 2 L’invention des noms. 2. 1 L’analogie. 2. 2 Extension de l’an or27 2. 2. 1 Le cœur. Sni* to View 2. 2. 2 Autres appareil Autres erreurs d’inte 2. 2. 3LatAete……………. 2. 3 Le codage. 2. 4 Des termes flous aux noms sp ‘ ecialis ‘ es. 2. 5 La combinaison des proc’ ed es. L’ • etymologie. 4 du grec. Les mots ont une Rame, leur sens. Ils ont une histoire, une evolution, parfois ne g’ en ealogie.
Ceux que nous employons tous les jours ont parfois une origine lointaine. Malheureusement ils n’ont pas d » etat civil. Leur naissance n’a pas ‘et • e enregistr ee, leur histoire n’a pas ‘et’ e ‘ecrite, sinon par bribes et les renseignements sur leur g • en ealogie restent anecdotiques. Les mots et leur sens ‘evoluent sous la pression de leur environnement. Celuici g’ en ere et s electionne des avatars mervellleux ou monstrueux, quand ils passent • a travers les mill’ enaires, ‘a travers les langues, • a travers les continents, ‘a travers les populations…
La m edecine, domaine des plus grandes innovations, reste fid ele au vocabulaire dHippocrate. Dans aucune autre discipline, on ne parle autant grec qu’en m ‘ edecine. Certains mots d’ esignent des objets au moins aussi anciens que Phomme ; ce sont les termes d’anatomie qui doivent etre ant’ erieurs ‘a la m edecine et sont ant erieurs au grec. Les linguistes se r ‘ er erent souvent ‘a des racines indo-europ eennes qui ont transit e dans les langues anciennes et dont on peut encore reconna ‘tre l’existence dans l’histoire des langues modernes. Le vocabulaire anatomique a encore un autre avantage.
Il est oncret, c’est • a dire qu’au son et au sens est etroitement associ’ e le principal partenaire, l’objet. Les objets anatomiques, nous en portons en nous, nous en consommons et si nous les fr’ equentons moins souvent en boucherie et en cuisine que nos PAGF OF fr equentons moins souvent en boucherie et en cuisine que nos parents, nous les rencontrons, de plus en plus souvent, en m edecine. Le vocabulaire anatomique est donc prlvil egi ‘e pour etudier l’origine et l’ • evolution des mots. Une etude de ce genre serait beaucoup plus difficile avec les mots abstraits, ou ceux qui d’ esignent des objets lointains et ares.
Cest par ce vocabulaire que nous proposons de faire un sondage dans du mat eriel solide, ecrit, et dans du mat eriel fugace, l’oral, ‘a la recherche de t’ emoins des connaissances de Phomme aux temps les plus anciens. L’invention des noms. Quand les homniens ont e pourvus d’un appareil phonatoire, apr ‘es s' » etre longtemps exprim es par des cris, des gestes et des mimiques, ils ont invent e la communication par la parole. Ils ont commenc• e par cr eer un vocabulaire, en utilisant deux m’ ethodes, l’analogie et le codage. 2. L’analogie. La plus ancienne d’ esignation d’un objet a probablement ‘et’ e aite par analogie entre cet obiet et un son. us simple est l’onomatop 3 OF . C’est encore le cas du coucou, et l’a aussi, chaque langue a r’ einvent’ e le mot en fonction de ce que ses locuteurs ont entendu3 Ce proc ed’ e de fabrication des mots fonctionne toujours. IJn enfant peut d’ esigner un chien comme un oua-oua , une vache comme une meuh un chat comme un miaou -k*, les enfants de mon village ne d’ esignaient le corbeau que comme un kr•a Cocorico (fran. ais), cock-doodle-do (anglais), quiquiriki (espagnol), Kikeriki (allemand), cocaraco (tamoul), ghoughoulighou (iranien)… Souvent c’est le verbe qui est form ‘e par une onomatop ee : cancaner, glapir, blat erer, hennir, miauler, aboyer, feuler.. Coq est peut-•etre une abr’ eviation de cocorico. Cheval, hippos, equus, caballo, horse, pferde sont peut- -etre des tentatives d’imitation d’un hennissement. ÜÜ (kokkux grec), coucou (fran. cais), Kukuk (allemand), coocoo Cucullus (latin), (anglais), cucullo (italien), cuclillo (espagnol), koukouchka (russe), oji (tamoul), ghomri (iranien)..
Un petit alsacien pouvait d’ esigner un petit chien en ajoutant le diminutif germanique ele : oua-ouaele souvent tr’ es indirectement. Nous verrons plus loin l’utilisation d’images et des Images d’images. Quand l’homme ne disposait pas de mots abstraits, certains animaux ont pu repr’ esenter, par leur comportement, des qualit ‘ es ou des d efauts. Par exemple la colombe la puret’ e, le serpent la ruse, le singe la sagesse, le crocodile la m’ echancet ‘ e, etc.
Si nous ne trouvons pas de trace de telles analogies dans le vocabulaire actuel, c’est que la relatlon entre le signifiant et le signifi’e etait fragile, que la relation n’ • etait observable que dans un environnement particulier et que, de ce fait, le vocabulaire a vari’ e. Les animaux des totems ne seraient peut– etre pas des anc etres mythiques. La mani ere la plus simple de d’ esigner une qualit’e ou un d efaut consiste • a se r • ef• erer a un comportement. Les fabulistes ont montr•e que les comportements des animaux s’appliquaient bien aux d • efauts des humains.
On peut trouver pour chaque esp ece une caract eristique, une qualit e, un d ‘ efaut remarquable . le lion la vaillance, le renard la ruse, le loup la cruaut•e, l’agneau l’innocence, etc. L’animal peut alors servir ‘a d » esigner cette qualit•e ou ce d efaut. On a trouvi e de cette fa. on un moyen d’inventer des mots abstraits. Les groupes d’hommes qui vivent dans une m • eme r’ egion ont peu de diffl erences. On peut leur attribuer, ou ils peuvent revendiquer une qualit’e ou un d’ efaut et se d’ esiene orrespondant.
On a aussi s OF aussi d’ esign e des individus par des noms d’animaux ou ‘a l’aide d’autres comparaisons prises dans la nature. Ily a d’autres utilisations symboliques ‘a partir des comportements des animaux. par exemple, dans le panth ‘ eon egyptien, le chacal, animal charognard, a donn e sa t m ete au dieu Anubis qui pr eside aux embaumements. Le crocodile donn » e la sienne et le lion son corps au monstre qui d’ evore les condamn ‘ es. L’ibis qui laisse les graffitis de ses pattes et de son bec dans le limon est devenu le scribe des dieux… . 2 Extension de ranalogie. De nombreux mots du langage courant ont ‘et’ e form’es ‘a partir de notre corps ou de ph ‘ enom enes physiologiques. Le cœur en a inspir ‘e beaucoup. La respiration et d’autres organes ont apport e leur contribution. Celle de la est capitale. 2. 2. 1 Le cœur. Le mot cœur nous vient de la racine indo-europ eenne kerd , qui a fourni le sanscrit rhi et rhidia (cœur) ainsi que le grec Ô cardia, coeur) La d ecouverte de cette sensation a fait du cœur l’organe des ’emotions, puis des sentiments.
Cela a servi • a d • esigner le courage et • a former ce mot. Son image ou autres analogies ont • et • e associ ees ‘ a diff- erentes fonctions psychiques, et cela, depuis les temps les plus recul es. Cœur pour courage est utilis e dans la Bhagavad Gita et dans Le Cid (1,5) Rodrigue, as-tu du cœur ? En chinois et en japonais, la clef du Note du Dr Philippe Lasserre : Les mots fran,cais issus du latin sont tir » es de l’accusatif apr• es chute de la d’ esinence : infans > infant(em) > enfant
En latin, au neutre, le nominatif et l’accusatif sont semblables. Cor, cordis est un mot neutre, son accusatif est cor. D’O u le mot fran. cais. Le d dans des mots comme cordial, cardiaque,.. *n’est apparu que bien plus tard pour former des mots savants. On retrouve cette construction pour des mots comme corpus, corporis, tempus, temporis qui ont fourni corps et À k temps apr• es la disparition du vocalisme terminal u De eme, le p comme le d dans des mots comme corporel temporel * n’a • et’ e utilis’e que beaucoup plus tard.
Le lien avec les autres langues indo-europ eennes est plus subtil. Les filiations grecque, anscrite, germanique sont arall eles et ont la rn – eme origine, l’indo-europ’ een krd 7 OF tous deux signifiant cœur ; en irlandais cride. Parfois, le r est aspir’e et le k devient alors ce que nous ecrivons sous la forme h et la racine devient en sanscrit hrd avec les graphies en rh du texte. Cette alt eration du k en h se retrouve effectivement dans les langues germaniques, d’O hairto en gotique (langue ancienne germanique disparue), Hertz et heart.
Ce cas n’est pas isol ‘ e, on le retrouve avec la s’ erle de la t • ete : kap (indo-europ• een), E (kephal Xe, grec), caput (latin), head (anglais), Haupt (allemand). œur figure dans de nombreux caract eres, bien que la r’ eforme mao- Iste l’ait abandonn » ee pour simplifier et unifier le langage. Beaucoup de caract eres qui comportent cette clef ‘evoquent les fonctions psychiques que la physiologie antique attribuait au cœur. 2. 2. 2 Autres appareils physiologiques. Autres erreurs d’interpr• etation. pendant longtemps le Signe de la mort a ‘et ‘e et respiratoire.
La vie s’ echappait du corps lors du dernier souffle. Le souffle (pneuma, anima A ame ; spiritus esprit) etait consid er » e comme le support de la vie. Les Anciens ont observ’ e le s e l’ont pas reconnu, au PAGF 8 OF support de la force et de la vie. Le sang est rouge et beaucoup de personnes croyaient, jusqu’au si ecle dernier, que pour *etre fort il fallait boire du vin rouge. Le vin blanc ne favorisait que la diur• ese. un mot peut -etre invent’e ‘a partir dun son, puis, quand il existe, son champ s’ emantique peut s’ • etendre de proche en proche.
Il peut aller tr’ es loin, d’ epasser la d • ecouverte de son origine, vraie ou erron ee, et s » elever parfois jusqu’ a l’abstrait. 2. 2. 3 La t » Jadis on d’ esignait un texte par ses premiers mots. Les traductions fran,caises u premier livre de la Bible, sauf celle de M. A. Chouraqui, d ebutent par : A k Au commencement Dieu cr ‘ea le ciel et la terre la Vulgate par : ln principio les Septantes par : (en archAe). Ces termes evoquent le d’ ebut ou la primaut ‘ e. La Cr’ eation du monde est-elle initiale ou primordiale ?
Le titre de ce premier livre est le m • eme dans ces trois langues . Gen ese. La traduction de M. A. Chouraqui d • ebute par En t – ete et donne ces mots comme titre au livre de la Gen ese. La t – ete est la r’ egion principale de l’anatomie sans laquelle il n a as de vie, mais c’est aussi la partie du corps PAGF ode Le vocabulaire anatomique primitif n’a pas pu avoir une origine uniquement analogique. Au d • ebut, c’est probablement en montrant les parties du corps qu’on les d • esignait, sans les nommer. uis on a associ »e un son ou un groupe de sons ‘a l’organe ou • a la partie du corps. 2. 4 Des termes flous aux noms sp e cialis L’Antiquit’e a conserv’ e les termes anatomiques plus anciens, mais ce patrimoine n’avait pas toujours la pr ecision n ecessaire ‘a la rigueur anatomique. Par ailleurs, du fait de la diversit• e des populations, puis de leurs echanges, plusieurs mots ont pu d’ esigner la m « eme chose. Certains se sont sp ecialis es, ce qui a r’ eduit le nombre de synonymes et am elior• e la pr eclslon.
On d’ esignait primitivement le contenu abdominal indistinctement par x (gast•er), tlX a b (ustera), ôD (k0ilia), ô (entera). Les premiers sont sans ‘ etymologie, le dernier, en grec et en latin (intestina), comporte le pr• efixe (en) ou in qui signifie dans il d • esigne ce qui est • a Vint’ erieur. Ces mots se sont sp ‘ ecialis ‘ es, pour d • esigner respectivement l’estomac, la matrice, l’intestin. En grec üDÔÒ (k m olon), qu’on eut ra rocher de Ô D (koilia), d ‘ esiene