Elias

or 12 Sni* to View La clvilisation des Mœurs par Slr Norbert Elias, 1939 Le livre part s’installer à Amsterdam et reçoit, en 1977, le prix Theodor- W. -Adorno pour son œuvre, jugée vivante et riche d’exemples, avancée majeure dans la sociologie, puis exerce à l’université de Bielefeld de 1979 à 1984.

Il meurt à Amsterdam en 1990 Introduction Elias lui-même disait que « Le premier tome [entendre ici La civilisation des moeurs] se préoccupe surtout de la question de savoir si l’on peut prouver, en tant que fait démontrable, et vérifier, à l’aide de preuves empiriques sûres, la supposition, ondée sur des observations dispersées, selon laquelle il existe des transformations à long terme des structures affectives et des structures de contrôle des hommes appartenant à des sociétés déterminées, lesquelles vont, à travers toute une succession de générations, dans une seule et même direction ».

II va donc nous falloir nous intéresser, dans cet ouvrage, à pourquoi cette vision d’un « processus » (procès) de la civilisation, et des mœurs (les deux étant liés) mais aussi sur la base de quels éléments Elias parvient-il à soutenir cette évolution ?

Par souci de clarté et de respect de la pensée de l’auteur, on choisira de suivre ici le découpage du livre, à savoir analyser dans une première partie les concepts de culture et de civilisation et leur resonance en France et en Allemagne et, dans une deuxième partie, interroger le « processus de civilisation » et l’évolution des mœurs dans les sociétés occidentales l] — Entre culture et civilisation : la logique eliassienne appliquée ? la France et à l’Allemagne L’analyse débute sur l’idée selon la uelle il est très ardu de donner une définition exa 19 ébute sur l’idée selon laquelle il est très ardu de donner une définition exacte et courte de la notion de « civilisation », celle- ci touchant, comme le dit Elias, à de nombreux domaines (vie religieuse, vie sociétale, vie scientifique et progrès technique).

Il parvient cependant à dégager certains caractères spécifiques de cette notion, notamment l’idée qu’elle pourrait représenter ce qu’il appelle « le sentiment national occidental mais nuance très vite toute généralité en précisant que les conceptions mêmes de la civilisation divergent selon le pays considéré, et que, si elle ccupe une place plutôt importante en France (ou en Angleterre), désignant avec fierté ce que ces pays ont réussi à produire, ? instaurer, soit l’avance que ces sociétés occidentales pensent détenir sur les autres, celle-ci se voit relativisée en Allemagne qui lui préfère le terme de « Kultur » (culture) pour désigner avec fierté ses achèvements.

Ces deux concepts sont d’autant plus étrangers que, comme le dit Elias, la « Kultur » se rapproche plus de concepts intellectuels et artistiques que de ceux définis comme base de la « civilisation » (à savoir la religion ou le progrès echnique par exemple) et est aussi vectrice de différences tandis que la « civilisation » se veut une notion universaliste (Elias explique cette différence par le fait que l’Allemagne moderne ne soit que très récente, auparavant fragmentée). On peut donc présenter ces deux réalités comme découlant de deux histoires différentes, si bien qu’il faut considérer, comme le dit Elias, le fait qu’elles ne soient pas figées dans le temps et évoluent selon les échanges et les générations. e soient pas figées dans le temps et évoluent selon les échanges et les générations. A – En Allemagne Elias évoque l’ambiguité allemande entre culture et civilisation en commençant par évoquer Kant, qui, selon lui, « fut le premier ? traduire une certaine expérience et antithèse de sa societé » dans son oeuvre Idée d’une histoire universelle d’un point de vue cosmopolitique en 1784, déclarant que : « l’idée de la moralité fait partie de la culture. Mais une utilisation de cette idée qui ne viserait qu’à ce qui dans l’amour de l’honneur ressemble à la morale et à Ihonorabilité est le propre de la seule civilisation On voit ici se dessiner en pointillés l’opposition nationale entre les eux concepts.

Mais il faudra, toujours selon Elias, attendre le 18ème siècle et l’opposition de la couche supérieure allemande ? la classe moyenne quant au comportement à adopter (la couche supérieure réclamant un comportement plus distingué) que l’on retrouve dans un article publié en 1736 où l’auteur se moque de la « courtoisie trompeuse et extérieure » face à la « vertu authentique » Cette opposition ne fera qu’enfler pendant la seconde moitié du 18ème siècle. Les fronts de combat entre les classes moyennes et les nobles et classes supérieures ne font que se multiplier. C’est l’exemple de la tragédie classique qui est largement combattue par les classes moyennes. La bourgeoisie n’est, dans la majorité des cas, que très rarement d’accord avec le roi en ce qui concerne les auteurs (c’est le cas de Shakespeare).

Cette dernière va entrer en résistance contre le roi, et comme elle ne peut le faire de manière politique, car elle en est exclue elle va 2 contre le roi, et comme elle ne peut le faire de manière politique, car elle en est exclue elle va attaquer le front social, désirant accéder à la noblesse. Les critiques fusent : « J’avais ‘impresslon d’assister à un guignol » en parlant d’un aristocrate, ou encore « les moeurs des courtisans me paraissent ridicules et déplorables On assiste donc à la parution de bon nombre d’œuvres contestataires qui vont progressivement amener à la suprématie de la notion de « Kultur », l’exemple le plus célèbre demeurant les souffrances du jeune Werther de Goethe, mais on peut aussi, comme le fait Elias, citer son équivalent féminin, Das Fràulein von Sternheim qui publie un roman dans lequel Ihéroine va être abusée par un aristocrate.

Le développement intellectuel, et otamment philosophique, qu’a connu l’Allemagne (ou du moins les grands États qui la formeront plus tard) avec des auteurs comme Schiller, Goethe ou Kant a ainsi fait qu’on a pu parler, comme le dit Elias, de l’Allemagne comme étant « le pays des poètes et des penseurs ». Et Goethe d’exprimer son regret ? Eckermann concernant le manque d’un centre culturel comme Paris en Allemagne à cause de la division de cette dernière. Elias écrit alors que la bourgeoisie allemande devient un « porte- parole » de la cause natlonale, si bien que la distinction entre civilisation et culture passa d’un niveau social au niveau national. Il y a un déplacement des reproches adressés par les bourgeois ? l’aristocratie à la France et l’Angleterre.

Cette séparation s’assimile donc, selon Elias, à la montée de la conscience nationale allemande au 19ème siècle. B – En France Il est intéressant de noter PAGF s 9 conscience nationale allemande au 19ème siècle. Il est intéressant de noter que le changement s’effectue, selon Norbert Elias, de manière rigoureusement inverse en France qu’en Allemagne. Ce dernier note en effet qu’il n’y avait, au 18ème, plus véritablement de criantes distinctions entre l’aristocratie et la bourgeoisie supérieure. C’est ce que semble signifier Nietzsche dans par delà le bien et le mal en disant que «Nous nous sommes tous émancipés du goût des cours tandls que Voltaire l’a porté à la perfection».

Elias note que le verbe « civiliser » prend un sens tendant davantage vers le concept de « civilisation », notamment sous Mirabeau et l’individu « civilisé » est rapproché de l’honnête homme tandis qu’au même moment, la bourgeoisie allemande lutte contre ce rapprochement. Il faut signifier que les intellectuels français disposaient, au 18ème siècle, d’un auditoire élargi, comprenant aristocrates et bourgeois, insi que d’un relatif accès au pouvoir, ce qui était absolument proscrit aux intellectuels allemands. La bourgeoisie française recherche davantage une réforme plutôt qu’une refonte comme le désirent les bourgeois allemands.

Disposant d’un certain poids dans la vie politique, cette dernière, comme l’explique Elias, s’exprime sur les décisions du roi, relayée par le mouvement physiocrate (qui sera à l’origine des profonds changements économiques du 18ème siècle et de l’apparition de la notion « d’économie moderne ») et il y a donc un brassage entre la bourgeoisie française et l’aristocratie quant aux réformes ? mener. Le terme de « civilisation » apparait en filigranes avec ce rattachement des classes moye PAGF 19 mener. Le terme de « civilisation » apparaît en filigranes avec ce rattachement des classes moyennes (la partie supérieure) ? ce qui touche au politique, au domaine économique et social. Il faut comprendre que, à rebours de la classe bourgeoise allemande, la bourgeoisie française ne rejette pas les normes de l’aristocratie et va même jusqu’à les épouser.

La « civilisation » est un phénomène décrit comme en constante évolution et jamais véritablement fini. Holbach, en 1774, dit par exemple que « la ivilisation des peuples n’est pas encore terminée » : il faut encore la « travailler » afin de la perfectionner. Elias prend enfin pour exemple Napoléon, qui affirme avant de conquérir l’Égypte que les conséquences de cette capture seront immenses pour la clvilisation, conçue ici, comme l’explique Elias, comme phénomène fini. La notion de civilisation selon les considérations françaises est donc un concept qui englobe le politique, l’économique et le social et qui s’est bâti en parfaite harmonie avec la société de cour.

Ainsi donc, comme le montre Norbert Elias, les notions de ulture et de clvilisation revêtent des definitions radicalement différentes, tant dans leur acceptation aujourd’hui, en tant que la culture touche à l’artistique et à l’intellectuel, tirant sa force de la différence et la civilisation prend ses racines dans les domaines politiques, économiques, sociaux et religieux et est une notion universaliste, cherchant à englober toute la société occidentale française. Ces différences s’expliquent par deux processus historiques inverses, où, pendant que la bourgeoisie allemande lutte pour faire valoir ses qualités et mettre fin aux 7 2