Alfred de Musset On ne Badine pas avec l’Amour Collection Théâtre – Retrouvez cette oeuvre et beaucoup d’autres sur http://www. inlibroveritas. net Table des matières On ne Badine pas av or61 Sni* to View ACTE PREMIER……….. ……. 2 SCENE PREMIERE……. SCENE II. SCENE Ill ….. 13 SCENE IV.. • • • • • • • • • • • • • • • 18 SCENE V …… 22 ACTE 25 SCENE PREMI 26 SCENE IV…. ACTE TROISIEME….. SCENE PREMIERE…. … 52 SCENE IV… SCENE /1…………………………………………………………………………….. 65 SCENE VII…. 7 SCENE VIII
On ne Badine pas avec l’Amour Auteur : Alfred de Musset Catégorie : Théâtre Camille et Perdican se déchirent pour ne pas s’avouer qu’ils s’aiment. Licence : Domaine public ACTE PREMIER SCENE PREMIERE LJne place devant le château. MAITRE BLAZIUS, DAME P PAGF 7 1 un Pater noster dans son triple menton. Salut, maître Blazius ; vous arrivez au temps de la vendange, pareil à une amphore antique. MAITRE BLAZlus Que ceux qui veulent apprendre une nouvelle d’importance rn ‘apportent ici premièrement un verre de vin frais. LE CHOEUR Voilà notre plus grande écuelle ; buvez, maitre Blazius ; le vin est on ; vous parlerez après.
MAITRE BLAZIUS Vous saurez, mes enfants, que le jeune Perdican, fils de notre seigneur, vient d’atteindre à sa majorité, et qu’il est reçu docteur à Paris. Il revient aujourd’hui même au château, la bouche toute pleine de façons de parler si belles et si fleuries, qu’on ne sait que lui répondre les trois quarts du temps. Toute sa gracieuse personne est un livre d’or ; il ne voit pas un brin d’herbe à terre, qu’il ne vous dise comment cela s’appelle en latin ; et quand il fait du vent ou qu’il pleut, il vous dit tout clairement pourquoi.
Vous uvririez des yeux grands comme la porte que voilà, de le voir dérouler un des parchemins qu’il a coloriés d’encres de toutes couleurs, de ses propres PAGF 61 casser le cou ; la bête est tant soit peu rétive, et je ne serais pas fâché de boire encore une gorgée avant d’entrer. Buvez, maître Blazius, et reprenez vos esprits. Nous avons vu naitre le petit Perdican, et il n’était pas besoin, du moment qu’il arrive, de nous en dire si long. Puissions-nous retrouver l’enfant dans le coeur de l’homme Ma foi, l’écuelle est vide ; je ne croyals pas avoir tout bu.
Adieu j’ai réparé, en trottant sur la route, deux ou trois phrases sans prétention qui plairont à monseigneur ; je vais tirer la cloche. Il sort. Durement cahotée sur son âne essoufflé, dame Pluche gravit la colline ; son écuyer transi gourdine à tour de bras le pauvre animal, qui hoche la tête, un chardon entre les dents. Ses longues jambes maigres trépignent de colère, tandis que, de ses mains osseuses, elle égratigne son chapelet. Bonjour donc, dame Pluche, vous arrivez comme la fievre, avec le vent qui fait jaunir les bois. DAME PLUCHE Un verre d’eau, canaille que vous êtes ! verre d’eau et un peu de vinaigre ! D’où venez-vous, Pluche, d 1 aux cheveux sont l’ordre exprès de monseigneur, pour venir en son temps et lieu recueillir, comme faire se doit, le bon bien qu’elle a de sa mère. Son éducation, Dieu merci, terminée ; et ceux qui la verront auront la joie de respirer une glorieuse fleur de sagesse et de dévotion. Jamais il n’y a rien eu de si pu , de si ange, de si agneau et de si colombe que cette chère nonnain , que le Seigneur Dieu du ciel la conduise ! Ainsi soit-il. Rangez-vous, canaille ; il me semble que j’ai les jambes enflées.
Défripez-vous, honnête Pluche, et quand vous prierez Dieu, demandez de la pluie ; nos blés sont secs comme vos tibias. Vous m’avez apporté de l’eau dans une écuelle qui sent la cuisine ; donnez-moi la main pour descendre ; vous êtes des butors et des malappris. Elle sort. Mettons nos habits du dimanche, et attendons que le baron nous fasse appeler. Ou je me trompe fort, ou quelque joyeuse bombance est dans l’air d’aujourd’hui. Ils sortent. SCENE PREMI ERE SCENE II PAGF s 1 seigneur ! littérature, botanique, droit romain, droit canon.
LE BARON Allez à votre chambre, cher Blazius, mon fils ne va pas tarder ? araître ; faites un peu de toilette, et revenez au coup de la cloche. Maitre Blazius sort. MAITRE BRIDAINE Vous dirai-je ma pensée, monseigneur ? le gouverneur de votre fils sent le vin à pleine bouche. Cela est impossible. MAI RE BRIDAINE Jien suis sûr comme de ma vie ; il m’a parlé de fort près tout ? l’heure ; il sentait le vin à faire peur. 6 Brisons là ; je vous répète que cela est impossible. (Entre dame Pluche. ) Vous voilà, bonne dame Pluche ! Ma nièce est sans doute avec vous ? Elle me suit, monseigneur, je l’ai devancée de quelques pas.
Maître Bridaine, vous êtes mon ami. Je vous présente la dame Pluche, gouvernante de ma nièce. Ma nièce est depuis hier, à sept heures de nuit, parvenue à l’âge de dix-huit ans elle sort du meilleur couvent de France. PAGF 1 d’onction et de componction, maître Bridaine ; sa vertu est inattaquable. Mals le gouverneur sent le Vln ; j’en ai la certitude. 7 Maître Bridaine, il y a des moments où je doute de votre amitié. Prenez-vous à tâche de me contredire ? pas un mot de plus là- dessus. J’ai formé le dessein de marier mon fils avec ma nièce ; c’est un couple assorti : leur éducation me coûte six mille écus.
Il sera nécessaire d’obtenir des dispenses. Je les ai, Bridaine ; elles sont sur ma table, dans mon cabinet. ô mon ami ! apprenez maintenant que je suis plein de joie. Vous savez que j’ai eu de tout temps la plus profonde horreur pour la solitude. Cependant la place que j’occupe et la gravité de mon habit me forcent à rester dans ce château pendant trois mois d’hiver et trois mois d’été. Il est impossible de faire le bonheur des hommes en général, et de ses vassaux en particulier, sans donner parfois à son valet de chambré l’ordre rigoureux de ne laisser entrer personne.
Qu’il est austère et difficile le recueillement de l’homme d’État ! cette question. Eh bien ! mon ami, que diriez-vous si ces mains que voilà, oui, Bridaine, vos mains,- ne les regardez pas d’une manière aussi piteuse étaient destinées ? bénir solennellement l’heureuse confirmation de mes rêves les plus chers ? Hé ? Je me tais ; la reconnaissance me ferme la bouche. Regardez par cette fenêtre ; ne voyez-vous pas que mes gens se portent en foule à la grille ? Mes deux enfants arrivent en même temps ; voilà la comblnaison la plus heureuse. J’ai disposé les choses de manière ? tout prévoir.
Ma nièce sera introduite par cette porte à gauche, et mon fils par cette porte à droite. Qu’en dites-vous ? Je me fais une fête de voir comment ils s’aborderont, ce qu’ils se diront ; six mille écus ne sont pas une bagatelle, il ne faut pas sy tromper. Ces enfants s’aimaient d’ailleurs fort tendrement dès le berceau. – Bridaine, il me vient une idée. Laquelle ? Pendant le dîner, sans avoir l’air d’ toucher, vous comprenez, mon ami, tout en vidant q s joyeuses ; – vous savez E 1 fastidieux, et quant à moi, je n’y comprends rien ; – mais au dessert, – entendez-vous ?
Si vous ny comprenez rien, monseigneur, il est probable que votre nièce est dans le même cas. Raison de plus ; ne voulez-vous pas qu’une femme admire ce qu’elle comprend ? D’où sortez-vous, Bridaine ? Voilà un raisonnement qui fait pitié. Je connais peu les femmes ; mais il me semble qu’il est difficile qu’on admire ce qu’on ne comprend pas. je les connais, Bridaine ; je connais ces êtres charmants et indéfinissables. Soyez persuadé qu’elles aiment à avoir de la poudre dans les yeux, et que plus on leur en jette, plus elles les écarquillent, afin d’en gober davantage.
Perdican entre d’un côté, Camille de l’autre. ) Bonjour, mes enfants ; bonjour, ma chère Camille, mon cher Perdican ! embrassez-moi, et embrassez-vous. PERDICAN Bonjour, mon père, ma so PAGF g 1 e ! Quel bonheur ! que le Regardez donc, mon père, comme Camille est jolie ! 10 Allons, Camille, embrasse ton cousin. CAMILLE Excusez-moi. un compliment vaut un baiser ; embrasse-la, perdlcan Si ma cousine recule quand je lui tends la main, je vous dirai ? mon tour : Excusez-moi ; l’amour peut voler un baiser, mais non pas l’amitié. L’amitié ni l’amour ne doivent recevoir que ce qu’ils peuvent endre.
LE BARON, à maître Bridaine. Voilà un commencement de mauvais augure, hé ? MAITRE BRIDAINE, au baron. Trop de pudeur est sans doute un défaut ; mais le mariage lève bien des scrupules. LE BARON, à maitre Bridaine. Je suis choqué, – blessé Cette réponse m’a déplu. – Excusez- moi ! Avez-vous vu qu’elle a fait mine de se signer ? – Venez ici que je vous parle. – Cela m’est pénible au dernier point. Ce moment, qui devait m’être si doux, est complètement gâté. -Je suis vexé, piqué. – Diable ! voilà qui est fort mauvais. 61