VOLTAIRE (1756) ESSAI SUR LES MŒURS ET L’ESPRIT DES NATIONS Voltaire (1 756), Essai sur les mœurs et l’esprit des nations. voltaire (1694-1778) Essai sur les mœurs et l’esprit des nations (1756) voltaire (1 756), Essai or 280 Sni* to View Table des matières ESSAI SUR LES MŒURS ET L’ESPRIT DES NATIONS première partie. – MÉTHODE ET CIVILISATION PHILOSOPHIE DE L’HISTOIRE Introduction Les premiers hommes: leurs croyances Les sauvages Peuples anciens Les Chinois. Les Chaldéens.
Des fous et des sages Origines hébraïques t des nations. états-généraux Tailles et monnaies Usages des XVe et XVIe siècles, et de l’état des beaux-arts Deuxième partie. – HISTOIRE DES CROISADES De l’Orient au temps des croisades, et de l’état de la Palestine De la première croisade jusqu’à la prise de Jérusalem Croisades depuis la prise de Jérusalem De Saladin Les croisés envahissent Constantinople De saint Louis Suite de la prise de Constantinople par les croisés De la croisade contre les Languedociens Troisième partie. LES CONQUÊTES COLONIALES (XVe – XVIe siècles) Des découvertes des Portugais De l’Inde en-deçà et delà le Cange De l’Asie De l’Éthiopie De Colombo et de l’Amérique De Fernand Cortès De la conquête du Pérou Du premier voyage autour du monde Du Brésil Des possessions des Français en Amérique Des iles françaises et des flibustiers Des possessions des Anglais et des Hollandais en Amérique Du Paraguay Dernier chapitre. Résumé de toute cette histoire jusqu’au temps où commence le beau siècle de Louis XIV partie PHILOSOPHIE DE L’HISTOIRE Retour à la table des matières Il n’est guère possible de trouver un plan dans cette longue dissertation, écrite en 1765 et placée à partir de 1769 en tête de l’Essai sur les mœurs. Voltaire y passe allégrement des Chinois aux Américains, des Grecs aux Hébreux, ais aussi de la géologie aux miracles et de l’immortalité de l’âme aux histoires de loups-garous, Le texte semble écrit d’inspiration; il comporte pourtant des retouches.
Mais on peut, ? défaut de plan, dégager quelques grandes idées que Voltaire a jugé nécessaire de rappeler, avant de commencer son récit au temps de Charlemagne. Il reprend une thèse qui lui est chère : les hommes sont partout les mêmes, leurs premières idées générales les ont tous portés à adorer un dieu, ou plutôt à révérer comme dieu ce qu’ils ne comprenaient pas.
Cela nous vaut des remarques pleines d’intérêt sur les uperstitions primitives, les songes, les miracles, mais aussi cela oriente le lecteur vers la « religion naturelle D’autre part, avec les précautions oratoires indispensables pour éviter les risques, Voltaire ne perd pas une occasion de rabaisser l’antiquité du peuple juif et de présenter les légendes bibliques sur le même plan que les légendes phéniciennes, é recques. vérités utiles, et vous n’avez guère trouvé, dites-vous, que d’inutiles erreurs.
Tâchons de nous éclairer ensemble ; essayons de déterrer quelques monuments précieux sous les ruines des siècles. 8 LES PREMIERS HOMMES; LEURS CROYANCES Il se forma, dans la suite des temps, des sociétés un peu policées, dans lesquelles un petit nombre d’hommes put avoir le loisir de réfléchir. II doit être arrivé qu’un homme sensiblement frappé de la mort de son père, ou de son frère, ou de sa femme, ait vu dans un songe la personne qu’il regrettait. Deux ou trois songes de cette nature auront inquiété toute une peuplade.
Voilà un mort qui apparaît à des vivants ; et cependant ce mort, rongé de vers, est toujours à la même place. C’est donc quelque chose qui était en lui, qui se promène dans l’air ; c’est son âme, son ombre, ses mânes, ‘est une légère figure de lui-même. Tel est le raisonnement naturel de l’ignorance qui commence à raisonner. Cette opinion est celle de tous les premiers temps connus, et doit avoir été par conséquent celle des temps ignorés. L’idée d’un être purement immatériel n’a pu se présenter à des esprits qui ne connaissaient que la matière.
Il a précédé la métaphysique de plusieurs siècles. Lorsqu’après un grand nombre de siècles quelques sociétés se furent établies, il est à croire qu’il y eut quelque relgion, quelque espèce de culte grossier… Pour savoir comment tous ces cultes ou ces superstitions s’établirent, il e semble qu’il faut suivre la marche de l’esprit humain abandonné à lui-même. Une bourgade d’hommes presque sauvages voit périr les fruits qui la nourrissent ; une inondation détruit quelques cabanes ; le tonnerre leur en brûle quelques autres. Qui leur a fait ce mal ? e ne peut être un de leurs concitoyens ; car tous ont également souffert. Cest donc quelque puissance secrète : elle les a maltraités ; il faut donc l’apaiser. Comment en venir à bout ? -en la servant comme on sert ceux à qui l’on veut plaire, en lui faisant de petits présents. Ily a un serpent dans le voisinage, ce pourrait bien être ce erpent : on lui offrira du lait près de la caverne où il se retire ; il devient sacré dès lors ; on l’invoque quand on a la guerre contre la bourgade voisine, qui, de son côté, a choisi un autre protecteur.
Chaque État eut donc, avec le temps, sa divinité tutélaire, sans savoir seulement ce que c’est qu’un Dieu : et sans pouvoir imaginer que l’État voisin n’eût pas comme lui un protecteur véritable. Car comment penser, lorsqu’on avait un Seigneur, que les autres n’en eussent pas aussi ? Il s’agissait seulement de savoir lequel de tant de Maîtres, de Seigneurs, de Dieux, l’emporterait, quand les ations combattraient les unes contre de Seigneurs, de Dieux, l’emporterait, quand les nations combattraient les unes contre les autres.
Ce fut là, sans doute, l’origine de cette opinion si généralement et si longtemps répandue, que chaque peuple était réellement protégé par la divinité qu’il avait choisie. Cette idée fut tellement enracinée chez les hommes, que, dans des temps très postérieurs, vous voyez Homère faire combattre les dieux de Troie contre les dieux des Grecs, sans laisser soupçonner en aucun endroit que ce soit une chose extraordinaire et nouvelle.
Vous voyez Jephté, chez les uifs, qui dit aux Ammonites : « Ne possédez-vous pas de droit ce que votre seigneur Chamos vous a donné ? Souffrez donc que nous possédions la terre que notre seigneur Adonai nous a promise. » Il y a un autre passage non moins fort ; c’est celui de Jérémie, chap. XLIX, verset l, où il est dit : « Quelle raison a eue le seigneur Melkom pour s’emparer du pays de Gad ? » Il est clair, par ces expressions, que les juifs, quoique serviteurs d’Adonaï, reconnaissaient pourtant le seigneur Melkom et le seigneur Chamas.
Dans le premier chapitre des juges, vous trouverez que le dieu de juda se rendit aître des montagnes, mais qu’il ne put vaincre dans les vallées. Et an troisième livre des Rois, vous trouverez c l’opinion établie, que le plus. Rien ne fut plus commun que d’adopter les dieux étrangers. Les Grecs reconnurent ceux des Égyptiens : je ne dis pas le bœuf Apis, et le chien Anubis ; mais Ammon, et les douze grands dieux. Les Romains adorèrent tous les dieux Grecs.
Jérémie, Amos, et saint Étienne, nous assurent que dans le désert, pendant quarante années, les juifs ne reconnurent que Moloch, Remphan, ou Kium * ; qu’ils ne firent aucun sacrifice, ne présentèrent aucune offrande au dieu Adonaï, qu’ils adorèrent depuis. Il est vrai que le Pentateuque ne parle que du veau d’or, dont aucun prophète ne fait mention ; mais ce n’est pas ici le lieu d’éclairclr cette grande difficulté : il suffit de révérer également Moïse, Jérémie, Amos et saint Étienne, qui semblent se contredire, et que des théologiens concilient.
Ce que j’observe seulement, c’est qu’excepté ces temps de guerre et de fanatisme sanguinaire qui éteignent toute l’humanité, et qui rendent les mœurs, les lois, la religion d’un peuple, l’objet de l’horreur d’un autre peuple, toutes les nations trouvèrent très bon que leurs voisins eussent leurs ieux particuliers, et qu’elles imitèrent souvent le culte et les cérémonies des étrangers. La nature étant partout la même, les hommes ont dû nécessairement adopter les mêmes vérités et les mêmes erreurs dans les choses qui tombent le plus sous les sens et qui frappent le plus l’imagination.
Ils ont dû tous attribuer le fracas et les effets du tonnerre au pouvoir d’un être supérieur habitant dans les airs. es peuples voisins de l’Océan, voyant les pouvoir d’un être supérieur habitant dans les airs. Les peuples voisins de l’Océan, voyant les grandes marées inonder leurs rivages à la pleine lune, nt dû croire que la lune était cause de tout ce qui arrivait au monde dans le temps de ses différentes phases. Parmi les animaux, le serpent dut leur paraître doué d’une intelligence supérieure, parce que, voyant muer quelquefois sa peau, ils durent croire qu’il rajeunissait.
Il pouvait donc, en changeant de peau, se maintenir toujours dans sa jeunesse ; il était donc immortel. Aussi fut-il en Égypte, en Grèce, le symbole de l’immortalité. Les gros serpents qui se trouvaient auprès des fontaines, empêchaient les hommes timides d’en approcher : on pensa bientôt qu’ils gardaient des trésors. Ainsi un serpent gardait les pommes d’or hespérides ; un autre veillait autour de la toison d’or ; et dans les mystères de Bacchus, on portait l’image d’un serpent qui semblait garder une grappe d’or.
Ou Réphan, ou Chevan, ou Kium, ou Chien, etc. Amos, ch. v, 26; act. vu, 43. « Si l’on ne savait, ? n’en pouvoir douter, que les Hébreux ont adoré les idoles dans le désert, non pas une seule fois, mais habituellement et d’une manière persévérante, cri aurait peine à se le persuader… C’est cependant ce qui est incontestable, d’après le témoignage exprès d’Amos, qui reproche aux Israélites d’avoir porté dans leur voyage du désert la tente du dieu Moloch, l’image de leurs idoles et l’étoile de leur dieu Re de Vence, Dissertation leur dieu Remphan. ? Bible de Vence, Dissertation sur l’idolâtrie des Israélites, à la tête des Prophéties d’Amos, (Note des éditeurs de Kehl. ) 10 Nous avons déjà vu que les songes, les rêves, durent introduire la même superstition dans toute la terre. je suis inquiet, pendant la veille, de la santé de ma femme, de mon fils ; je les vois mourants pendant mon sommeil ; ils meurent quelques jours après : il n’est pas douteux que les dieux ne m’aient envoyé ce songe éritable. Mon rêve n’a-t-il pas été accompli ?
C’est un rêve trompeur que les dieux m’ont député. Ainsi, dans Homère, Jupiter envoie un songe trompeur à Agamemnon, chef des Grecs. Ainsi (au troisième livre des Rois, chap. XXII), le dieu qui conduit les Juifs envoie un esprit malin pour mentir dans la bouche des prophètes, et pour tromper le roi Achab. Tous les songes vrais ou faux viennent du ciel : les oracles s’établissent de même par toute la terre. Une femme vient demander à des Mages si son mari mourra dans l’année.
L’un lui répond oui, l’autre non : il est bien certain que l’un d’eux aura aison. Si le mari Vlt, la femme garde le silence ; s’il meurt, elle crie par toute la ville que le Mage qui a prédit cette mort est un prophète divin. 11 se trouve bientôt dans tous les pays des hommes qui prédisent l’avenir, et q les choses les plus Chaldée, en Syrie. Chaque temple eut ses oracles. Ceux d’Apollon obtinrent un si grand crédit, que Rollin, dans son Histoire ancienne, répète les oracles rendus par Apollon à Crésus.
Le dieu devine que le roi fait cuire une tortue dans une tourtière de cuivre, et lui répond que son règne finira quand un mulet sera sur le trône des Perses. Rollin n’examine point si ces prédictions, dignes de Nostradamus, ont été faites après coup ; il ne doute pas de la science des prêtres d’Apollon, et il croit que Dieu permettait qu’Apollon dit vrai : c’était apparemment pour confirmer les paiens dans leur religion. LES SAUVAGES [… Entendez-vous par sauvages des rustres vivant dans des cabanes avec leurs femelles et quelques animaux, exposes sans cesse à toute l’intempérie des saisons ; ne connaissant que la terre qui les nourrit, et le marché où ils vont quelquefois vendre leurs denrées pour y acheter quelques habillements grossiers ; arlant un jargon qu’on n’entend pas dans les villes ; ayant peu d’idées, et par conséquent peu d’expressions ; soumis, sans qu’ils sachent pourquoi, à un homme de plume, auquel ils portent tous les ans la moitié de ce qu’ils ont gagné à la sueur de leur front ; se rassemblant, certains jours, dans un espèce de grange pour célébrer des cérémonies où ils ne comprennent rien, écoutant un homme vêtu autrement qu’eux, et qu’ils n’entendent point ; quittant quelquefois leur chaumière lorsqu’on bat le tambour, et s’engageant à s’aller faire tuer dans une terre étran ère à t PAGF ID OF