Parenté et Mort chez les Wolof Traditions et Modernité au Sénégal Nouvelles Etudes Anthropologiques Collection dirigée par Patrick Baudry Une libre association d’universitaires et de chercheurs entend promouvoir de Nouvelles Études Anthropologiques.
En privilégiant dans une perspective novatrice et transversale les objets oubliés, choses insolites, les « Nouvelles Etudes A la or u Sni* to View univers parallèles, geront surtout la Vie, Mort, la Survie sous toutes leurs formes, le Temps avec ses memolres et ses imaginaires, la Corporéité dans ses aspects fantasmatiques ritualisés, le Surnaturel, y compris dans ses croyances et ses émoignages les plus extraordinaires.
Sans renoncer aux principes de la rationalité, les «Nouvelles Etudes Anthropologiques» chercheront ? développer un nouvel esprit scientifique en explorant la pluralité des mondes, les états frontières, les dimensions cachées. Déjà parus Alain ANCIAUX, Ethna-anthropologie du karaoké, 2009. post-soviétique, 2004. colette MÉCHIN, Isabelle BIANQUI S, David LE BRETON, Le corps et ses orifices, 2004.
Sous la direction de Claude FINTZ, Le corps comme lieu de métissages, 2003 Serge CHAUMIER, Des musées en quête d’identité, 2003. Claude FINTZ (dir. ), Du corps virtuel… ? la virtualité des corps,2002. Paola BERENSTEIN JACQUES, Les favelas de Rio: un défi culturel, 2001. Lydie PEARL, Corps, sexe et art, 2001. Lamine Ndiaye PREFACE DE PATRICK L’Harmattan BAUDRY @LHARMATTAN. 2009 5-7, rue de l’École-Polytechnique; 75005 http://www. librairieharmattan. com diffusion. armattan@wan Alliance et mort chez les Wolof 144 152 157 DEUXIÈME PARTIE: PARENTÉ, ALLIANCES ET PRATIQUES FUNÉRAIRES Chapitre 1 : LE DÉBUT DES FUNÉRAILLES 169 Chapitre 2 : LES CÉRÉMONIES FUNÉRAIRES Les cérémonies commémoratives du décès 221 222 Chapitre 3 : LE DEUIL ET SES OBLIOATIONS RITUELLES La durée du deuil Les condiûons du deuil La nécessité du deuil Le veuvage ou le muuru La fin du veuvage ou la marque du deuil bien accompli: le summi TROISIÈME PARTIE: 237 239 240 244 249 254 LA TRANSPOSmON DE LA PARENTÉ AU CIMETIÈRE 12 incommensurable.
Je tiens très sincèrement à remercier Monsieur Patrick Baudry qui a accepté de diriger mes recherches avec patience. Ses qualités intellectuelles et sa modestie m’ont ouvert davantage les yeux sur fait que, être un grand homme, c’est aussi, en quelque sorte, avoir la tête sur les épaules et les pieds sur terre. Je n’ose pas – bien sûr – occulter le soutien qui n’est pas des oins utiles de Monsieur Abdoulaye-Bara Diop (ex-directeur de l’Institut Fondamental d’Afrique Noire Cheikh Anta Diop (FAN), spécialiste de renommée mondiale de la société wolof et professeur honoraire de Sociologie à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar).
Ai-je le droit d’oublier Michel Woronofl: professeur émérite, spécialiste de la société grecque antique et père incontestable de « dynasties des Sénégalais dans la ville de naissance de Victor H ugo et des « frères lumières» ? Nos rencontres nombreuses, dans son bureau situé sur la Place Granvelle à Besançon, m’ont donné ‘occasion d’apprécier et de scruter les délices de la rigueur dans la pensée. toujours été de très bon conseil. Ses propos de sagesse ne veulent pas me quitter. Je m’en souviens encore aujourd’hui et chaque fois que Je suis devant mes étudiants.
Ma reconnaissance va aussi à l’ensemble des Wolof qui m’ont senti de modèles (ceux de ès, de Pout et de Touba) PAGF sans remercier le corps des commerçants sénégalais (les M66du-M66du) qui ont accepté l’étudiant que j’étais pendant mes dix ans en France et qui continuent de me recevoir chez eux et dans leur réseau, encore aujourd’hui. econnaissance et ma gratitude à l’ensemble des membres de cette communauté que je nomme les « Lions Indomptables du Sénégal J’ai eu à bien les connaître.
Enfin, mes remerciements à tous ceux que je ne sus pas en mesure de citer ici et qui m’ont aidé, directement ou indirectement, à entamer cette recherche sur la relation parenté mort en société wolof. Préface L’anthropologie ne vient pas que de nous-mêmes en direction autres. Elle vient aussi des autres et remet en cause ce que nous croyions en savoir et ce que nous croyions savoir de nous-mêmes. Telle est sa force. Des gens comme Bastide, Duvignaud, Thomas auront notamment œuvré dans le sens de ce détournement.
Non plus expliquer (ou comprendre) des sociétés qui ne seraient pas les nôtres, mais reposer à partir de leurs réponses les questions auxquelles nous sommes, nous aussi gens «modernes», affrontés. L’ouvrage de Lamine Ndiaye nous fait plonger au cœUr des cultures africaines, que nous ne saurions plus aujourd’hui considérer comme des ex situés. Quelle société prétendrait échapper à ce devoir? Quelle culture pourrait croire qu’elle pourrait faire de la mort le sort particulier de chaque individu? Cest une responsabilité qui trouve engagée.
Qui croirait encore qu’en « visitant » l’Afrique, on devrait connaître que des superstitions ou des croyances assorties des rituels qui leur conviennent? Il fallait le colonialisme pour croire que des sociétés ne possédaient pour culture que des « croyances». Ndiaye nous montre les règles qui prévalent, dans un rapport (éventuellement silencieux) à la mort, dans les relations de l’un avec l’autre, et comment la vie quotidienne en est affectée. Ou encore ce que la mort fait au mande: dans un double devoir de s’en protéger et de lui faire place. Ndiaye se situe dans l’héritage puissant d’un Louis-Vincent Thomas.
Il est inutile . de plaquer des analyses, de vouloir vérifier lajustesse d’une « théorie». pas de théorie, ici, si théoriser c’est avoir raison des situations qu’il faut d’abord décrire. Mais la description n’est pas un simple enregistrement de choses constatées. La question de la mort s’est convertie chez nous, en une gestion ou une réflexion (plus ou moins profonde, mais qui vient à l’appui d’une gestion) de la fin de vie. Des sociologues s’en sont intimement persuadés: « objectivement» la mort est le moment de la fin, ou lle concerne l’organisation des funérailles.
Faible vision. « Objective» et très pauvre. dimensions contradictoires, en inven- 10 TRADrnONS ET MODERNITÉ AU SÉNÉGAL tions de paradoxes (or la culture est fabrication de paradoxes: elle devant la mort, ce mouvement inventif qui déplace le réel biologique et lui donne une dimension de sens toujours inachevé). Une philosophie qui se croit fondamentale et indépassable prétend au monopole de la pensée de l’impensable parce qu’elle dirait ce que l’être (rien moins) est « pour la mort».
Cest bien contre cette posture de savoir (maigre en ntelligibilité des mondes vécus), que se construit la recherche de Lamine Ndiaye. Les cultures amcaines ne plaisantent pas avec la mort. Elles n’en font pas un sujet « maudit» qui serait dans le même temps « à la mode». La culture, on le comprend aussi, n’est pas qu’un arrangement factice qui s’organiserait à partir de valeurs variables selon les continents ou epoques, et qui serait donc arbitraire.
Ne pas plaisanter avec la mort, c’est prendre en compte le devenir du mort, penser que la mort « hors la vie» est aussi dans la vie, prendre en compte les morts qui ne sont pas seulement des absents ou des disparus. Qui ne sont surtout pas des disparus. Le cimetière de Touba dont nous arle Lamine Ndiaye porte tout l’enjeu qui ne peut, lui-même, provenir d’une instance « neutre» ou surplombante. Le social des soclologues tient souvent pour l’essentiel, sot d’un opérateur extérieur, soit de la résultante d’interactions individuelles.
Le social, selon cette leçon, se situerait hors du monde vécu ou bien il serait inhérent aux relations de l’un avec l’autre. Ce que nous apprenait Louis- Vincent Thomas et ce que nous invite à comprendre à nouveau Lamine Ndiaye, c’est que ces explications ne suffisent pas. Il n’y a pas à traverser frontière entre le moi le plus intime et la société la plus extérieure, lorsqu’il est question de la mort. Et ce qu’il faut prendre en compte’ c’est l’articulation qui se joue entre ce que j’ai proposé d’appeler « l’espace espacé» et le monde ordinaire de l’entre nous.
Lamine Ndiaye le dit dans une belle formule: « L’allleurs absolu fonde l’ici». Les règles de vie marquées par la commémoration ou des formes d’interdits, les mameres de convoquer ceux qui ne sont plus dans l’éducation des enfants ou dans les rituels de guérison, le statut pluriel des défunts, à la fois dans ‘audelà et sur terre, entre nous et en nous – tout cela montre l’intrication constante d’une mort aux formes multiples avec l’institution complexe de la parenté.
Patrick Baudry Avant-propos Faire une recherche social sur la parenté et sur la parenté/mort en société wolof sénégalaise, ne sont pas des investigations aisées. Il importe, pour le chercheur, d’étudier le système de filiation, d’aborder les questions relatives à la terminologie et à la nomenclature parentales sans oublier aussi de travailler sur le régime matrimonial. Une étude anthropologique de la mort sera donc nécessaire. À ce ropos, il conviendra de rechercher la signification profonde des imaginaires individuels et collectifs en rapport avec la mort.
Ce travail nécessite la prise en compte des représentations mythiques, poétiques et légendaires liées au décès. Il est indispensable aussi d’étudier les conduites face à la mort et aux morts, d’appréhender le rituel funéraire et la relation entre les vivants et les morts. En fait, nous tenterons de définir et d’expliquer la signification de certains thèmes en relation avec la mort et la parenté, en l’abordant sous un angle socio-anthropologique.
Ainsi, nous utilisons les idées t les outils méthodologiques de l’anthropologie thanatologique telle que définie par Louis-Vincent Thomas. Dans son ouvrage La mort aujourd’hui (Paris, Titre, 1988, p. 80), Louis-Vincent Thomas nous dit: « elle n’est rien d’autre que l’analyse ou plutôt le décodage de la totalité des discours tenus sur la mort; tant il est vrai, qu’à la limite, celle-ci n’existe nous qu’à travers les images qu’elle nous suggère et les langages que nous tenons à son propos b. ecourir à la comparaison pour être Dans cette perspective, L’anthropologie de la mort doit donc ustifiée notre investi ation port comparaison pour être justifiée. Dans cette perspective, notre investigation portant sur l’articulation entre la parenté et mort en société wolof du Sénégal s’intéressera davantage au « sang» et au « sein» considérés, socialement, comme les organes biologiques qui représentent les ultimes conditions de l’amortalité wolof.
Nous nous appesantirons ensuite sur la place du cimetière, notamment sur celle de la nécropole de Touba qui nous sert d’exemple, pour montrer en quoi le cimetière est, en milieu wolof, la voie royale qui mène vers l’autre monde au travers duquel s’affirme la parenté renaissante. par le biais de la parenté, nous essayerons de émontrer comment les Wolof arrivent à intégrer la mort dans la vie. ? ce propos, nous tenterons de mettre en évidence les imbrications entre la mort géné- TRADITIONS ET MODERNITÉ ALJ sÉNÉGAL ralement synonyme de fin individuelle, d’anéantissement et la parenté qui assoit indéfiniment la vie du groupe (ethnie, clan, famille, etc. ) et de l’individu (le moi). Parler de parenté en pays wolof, c’est parler exactement de « sang » et de « sein Ces substances liquides qui charrient la vie ne renvoient pas seulement à une réalité biologique. Elles sont, en quelque sorte aussi, les moyens socioculturels entr les plus sors de