l’effets des phytohormones sur la multiplication

BOTANIQUE L’effet de phytohormones sur la multiplication végétative de la matteuccie fougère-à-l’autruche Résumé L’engouement pour plusieurs plantes indigènes des forêts québécoises suscite de plus en plus d’Inquiétude en raison de la pression de récolte accrue que cela entraîne. La culture de certaines de ces espèces, telle la matteuccie fougère-à-l’autruche (Matteuccia struthiopteris), pourrait diminuer l’a or27 des prélèvements da les Cependant, leur faibl aux d de techniques de pro attrait.

Une étude a é elles. absence nt son er l’influence de hytohormones sur la multiplication végétative de la matteuccie fougère-à-l’autruche à partir de différents organes de propagation. Des sections de rhizomes et des quarts de couronne ont été exposés à quatre solutions hormonales (auxine, cytokinine, auxine + cytokinine et témoin sans phytohormone) et cultivés en serre pendant une période équivalant Figure 1. Têtes-de-violan de matteuccie fougère-à-l’autruche. ? une saison de croissance. Les parties aériennes et souterraines (tiges, frondes, bourgeons, racines) ont été mesurées et pesées afin de déterminer l’influence des trai_ loristiques vulnérables (Gazette officielle du Québec, 2004). tements sur le développement de la plante. Les rhizomes et les Appréciée par les horticulteurs, elle est également prisée par l’application bles, les têtes-de-violon, qu’elle produit chaque printemps. de phytohormones.

L’utilisation de sections de rhizomes appa- Malheureusement, en rabsence de mode de production renrait particulièrement appropriée pour réaliser la propagation table, la matteuccie fougère-à-l’autruche que ron trouve sur végétative de la matteuccie fougère-à-l’autruche, en particulier les archés est le plus souvent prélevée en milieu naturel sous couvert forestier. (Lamoureux et Nantel, 1999). Les quantités récoltées sont considérables.

Une étude Introduction effectuée en 1 998 auprès de trois grossistes en horticulture Depuis quelques années, on observe, sur les marchés rapportait qu’ils avaient prélevé à eux seuls 30 000 couronnes horticoles, alimentaires et médicinaux, la présence accrue de de matteuccie fougère-à-l’autruche, cette année-là, pour le plantes indigènes québécoises. Leur popularité grandissante marché québécois (Lamoureux, 2002). De plus, on estimait suscite toutefois de nombreuses inquiétudes.

Plusieurs espè- déjà, il y a quelques années, à environ 100 000 kg la quantité ces forestières ont une croissance très lente qui les rend extrê- de têtes-de-violon vendue chaque année au Québec (Bergemement vulnérables. Ainsi, le ginseng à cinq folioles et l’ail ron et Lapointe, 1999 ; Lamoureux, 2002). Or, un prélèvedes bois, par exemple, ont fait l’objet de récoltes commercia- ment intensif des frondes au printemps contribue à affaiblir les intensives qui ont graduellement mené au déclin de eurs la plante à long terme (Bergeron et Lapointe, 1999 ; Lamoupopulations (Nault, 1997).

Il aura fallu une réglementation reux, 1993). limitant les prélèvements et le comme (Nault, 1997). Il aura fallu une réglementation reux, 1993). limitant les prélèvements et le commerce dont ils peuvent être l’objet pour que ces espèces recouvrent peu à peu un Marie-Ève Leclerc est biologiste et titulaire d’une maîtrise en équilibre qui reste toutefois extrêmement précaire. agroforesterie. Line Lapointe est professeure au Département de biologie de l’Université Laval. Alain Olivier est professeur Malgré l’étendue de sa distribution et sa relative au Département de phytologie de l’Université Laval. bondance, la matteuccie fougère à-l’autruche (MatteucOn peut joindre Marie-Ève Leclerc à : cia struthiopteris (L) Todaro, Dryoptéridacées) (figure 1) fait maintenant partie des plantes désignées comme espèces LE NATURALISTE CANADIEN, VOL. 131 No 1 HIVER 2007 15 SYLVAIN GUTJAHR Marie-Ève Leclerc, Line Lapointe et Alain Olivier Fronde Primordium foliaire Trophopodes Rhizome latéral Figure 2 : Couronne et rhi 3 OF atteuccie de la matteuccie fougère-à-l’autruche demeure très faible en ilieu naturel puisque peu d’entre elles trouvent les conditions adéquates pour leur germination (Lloyd et Klekowski, 1970).

La propagation végétative par rhizome reste donc le mode de reproduction le plus courant. Au cours de l’été, la matteuccie fougère-à-l’autruche produit des rhizomes latéraux qui courent sous la surface du sol jusqu’à plus de trois mètres de distance du plant mère (Lamoureux, 1993). Ces nouveaux rhizomes sont pourvus de nombreux bourgeons dormants, qui pourront éventuellement donner naissance ? de nouvelles couronnes. De nouveaux plants viennent donc, haque année, accroître la dimension de la colonie. Chez la matteuccie fougère-à-l’autruche, les feuilles, appelées frondes, se développent lentement.

Elles apparaissent initialement sous forme de primordiums foliaires (tissus méristématiques peu différenciés) (figure 2) qui deviendront éventuellement les crosses, puis les frondes. Chaque année, de nouveaux primordiums foliaires sont initiés au cœur de la couronne, constituant un réservoir de crosses de différents âges, dont les plus âgées pourront se dérouler en cas de gel printanier ou de récolte intensive pour remplacer les frondes erdues (Lamoureux, 2002). La couronne comprend par ailleurs un rhizome dressé recouvert de trophopodes, qui sont en fait les bases des frondes qui s’accumulent année après année (figure 2).

Les trophopodes, riches en amidon (Wagner et Johnson, 1983), servent de réserves de nutriments lors du déploiement rapide des frondes au printemps (Lamoureux et Nantel, 1999 ; Bergeron et Lapointe, 1999). Des différentes méthodes de multiplication végétative et Nantel, 1999 ; Bergeron et Lapointe, 1999). Des différentes méthodes de multiplication végétative utilisées en orticulture, le bouturage est celle qui est la plus couramment utilisée commercialement en raison de sa rapidité et de sa facilité d’exécution.

La technique habituelle pour les plantes à rhizomes consiste à couper les rhizomes latéraux en sections en s’assurant de la présence d’au moins un bourgeon latéral par section (Hartmann et al. , 1997 ; Rickard, 1998). Chez la matteuccie fougère-à-l’autruche, le prélèvement des rhizomes latéraux et leur sectionnement en segments de 5 cm de longueur réactive les méristèmes et permet le développement de nouvelles tiges latérales (Dykeman, 985). La transplantation de couronnes est également utilisée pour la production commerciale de plants de matteuccie fougère-à-l’autruche.

L’accroissement de la dimension de la colonie se fait rapidement grâce à l’élongation des rhizomes, de sorte qu’au bout de trois ou quatre années, on peut récolter de nouvelles couronnes (Roberts-Pichette, 1971). La production atteindrait son apogée après huit ans et se maintiendrait pendant les 12 années subséquentes (Lamoureux, 1993). La multiplication végétative à partir de trophopodes a également été rapportée comme méthode e propagation potentielle chez une autre espèce de fougère (Wee et al. 1992). L’utilisation de phytohormones, des substances qui régissent la croissance et le développement des plantes, est largement répandue en production horticole commerciale pour faciliter la multiplication végétative (Hartmann et al. , 1997). Chaque phytohormone produit des effets différents selon sa concentration, son lieu d’action et PAGF s OF Chaque phytohormone produit des effets différents selon sa concentration, son lieu d’action et le stade de développement de la plante.

L’application d’auxines naturelles ou e synthèse sur des boutures de tiges ou de feullles stimule fortement la formation de nouvelles racines (Srivastava, 2002). L’acide indol-butyrique (AB) est fauxine de synthèse la plus employée commercialement (Hartmann et al. , 1997 ; Srivastava, 2002). Les cytokinines jouent, quant à elles, un rôle important dans l’initiation des bourgeons et des tiges (Werner et al. , 2003). La kinétine est l’une des plus utilisées (Srivastava, 2002).

Le rapport de concentration auxine/cytokinine détermine la différenciation des cellules : un rapport élevé favorlse l’apparition de racines, tandis qu’un rapport aible stimule l’émergence de tiges (Hartmann et al. , 1997 ; Srivastava, 2002). Il convient donc de se demander si l’application de phytohormones sur différents organes de la matteuccie fougère- à-l’autruche (rhizomes, couronne et trophopodes) permettrait, en augmentant la biomasse racinaire et en stimu- lant le débourrement et la productlon de bourgeons latéraux, d’accélérer sa multiplication végétative et d’assurer ainsi la rentabilité de sa production.

Une étude a donc été entreprise afin de développer des méthodes de propagation végétative, pouvant comprendre ‘usage de phytohormones, qui soient efficaces et rentables pour la production de plants en pépinière. La production commerciale de la matteuccie fougère-à-l’autruche pourrait en effet apporter un élément de solution au problème de surrécolte en permettant de répondre à la demande croissante du marché, réduisant p OF au problème de du marché, réduisant par le fait même l’ampleur des prélèvements au sein des populations naturelles.

Matériel et méthodes Matériel végétal La récolte des couronnes et des rhizomes de matteuccie fougère- à-l’autruche a été effectuée le 29 octobre 2002 sur ne terre boisée de la Ferme expérimentale de l’Université Laval, à Saint Augustin-de-Desmaures. Ils ont été entreposés dans des sacs remplis de terre, puis conservés à 4 oc jusqu’en janvier 2003. Cette exposition au froid a agi comme période de stratification à froid, celle-ci étant nécessaire pour lever la dormance des bourgeons (Lamoureux, 1993).

Traitements phytohormonaux Quatre traitements phytohormonaux ont été testés sur les différents organes de propagation de la matteuccie fougère-à-l’autruche (segment de rhizome avec et sans bourgeon pical et quart de couronne) : témoin (T) sans application de phytohormone ; auxine (A) de synthèse (acide indolbutyrique) sous forme de sel de potassium (Cl 2H12N02K, Sigma Chemical Co. , St-LoulS, MO) ; une cytokinine la kinétine (CIOH9N50, Sigma Chemical Co. St-Louis, MO) ; et les deux phytohormones combinées (A+C). Les concentrations de phytohormones utilisées étaient de 1 000 ppm, ce qui correspond aux concentrations usuelles pour les plantes herbacées (Hartmann et al. , 1997). Pour chacun des organes et des traitements, 20 segments de plantes ont été utilisés (N = 20). Les traitements phytohormonaux ont été appliqués le 1 1 janvier 2003.

Pour éliminer toute possibilité de contaminatlon par des champignons, les organes de propagatlon ont été plongés de IO à 15 min dans une solution ant des champignons, les organes de propagation ont été plongés de 10 à 15 min dans une solution antifongique (Benomyl, 2,5 g/L) avant d’être sectionnés. Afin de déterminer le taux d’humidité des organes de propagation, 12 échantillons de chacun d’entre eux ont été pesés à ‘état frais, puis après séchage à l’étuve pendant 24 h à 72 oc. Boutures de rhizome

Après avoir retiré les bourgeons latéraux en croissance d’une longueur supérieure à 5 mm, les rhizomes ont été coupés en sections de 5 à 10 cm de longueur, et le dernier centimètre de la partie basale a été trempé dans l’une des solutions de phytohormone pendant 15 secondes. Puisque les rhizomes de matteuccie fougère-à-l’autruche sont très longs, très peu de segments possédaient un bourgeon termi- nal. Tous les segments traités (80) étaient donc exempts de bourgeon apical, excepté huit d’entre eux qui ont été classés comme témoins avec bourgeon apical UAP).

L’abscision du ourgeon terminal stimule habituellement l’expression des bourgeons latents (Wardlaw, 1946 ; Chatfield et al. , 2000). Quarts de couronne Vingt couronnes ont été coupées longitudinalement en quatre sections depuis le centre. Les deux premiers centimètres de la partie basale ont été trempés dans les solutions de phytohormones en utilisant la même procédure que pou les rhizomes. La couronne initiale subissait chacun des quatre traitements phytohormonaux (T, A, C, A+C).

Conditions de croissance Après avoir été pesés, les segments de rhizome ont été placés horizontalement dans des pots de 15 cm de diamètre, emplis aux trois quarts d’un mélange de terreau (Plantation Ill : terre noire, compost, mousse de tourbe, Fafard) (3/5 du volume), de BOF de terreau (Plantation III : terre noire, compost, mousse de tourbe, Fafard) (3/5 du volume), de perlite (115) et de vermiculite (115) contenant un fertllisant à dégagement lent, puls recouverts d’environ 3 cm du même mélange.

Les quarts de couronne ont été enfouis verticalement tout juste sous la surface du même mélange afin de respecter leur orientation naturelle et d’éviter l’exposition de la plaie à l’air libre. Les pots ont été disposés dans une serre vitrée (24/18 ?2 oc jour/nuit, photopériode 16 h) en prenant soin de minimiser Fimpact du gradient de lumière solaire et du courant d’air provenant de la bouche d’aération.

L’arrosage a été effectué selon les besoins, ceux-ci variant selon l’emplacement spatial et les stades de croissance. Un fertilisant liquide 20-20-20 (N-P205-K20, 1 g/L) a été appliqué après le développement des racines (Hartmann et al. , 1997), soit après les ge et 12e semaines de croissance. Mesures Les rhizomes ont été récoltés entre le 26 juin et le 3 juillet 2003, soit après environ cinq mois et demi de croissance.

La date d’émergence des frondes et les paramètres aériens (nombre de frondes par plant, biomasse sèche des frondes, longueur et largeur maximales de chaque fronde, nombre de nouvelles crosses) et souterrains (biomasse sèche du rhizome, nombre de nouveaux rhizomes, nombre de nouveaux bourgeons, nombre d’ébauches de frondes, nombre de structures inconnues, nombre de nouvelles racines, biomasse sèche des nouvelles racines) ont été compilés. La longueur des frondes a été mesurée du ras du sol jusqu’? l’extrémité de chaque fronde.

Les nouvelles crosses correspondent aux crosses bien nroulées devant PAGF enroulées devant normalement constituer les réserves de frondes de la plante pour les prochaines saisons. Bien que ce terme doive normalement être réservé aux primordiums foliaires suffisamment âgés pour pouvoir se transformer en frondes l’année suivante, tous les primordiums foliaires bien 17 MARIE-ÈVE LECLERC développés ont été comptabilisés comme étant des crosses, la distinction entre les deux étant souvent difficile à faire. On a qualifié de nouveaux bourgeons le lieu d’origine de l’émergence de nouvelles structures.

Chaque bourgeon donne énéralement naissance à plusieurs nouvelles structures chez la matteuccie fougère-à-l’autruche. Les ébauches de frondes correspondent aux frondes filiformes souterraines que Wardlaw (1943) a qualifiées de frondes juvéniles (figure 3). Les bourgeons dont le stade de développement peu avancé ne permettait pas de déterminer avec certitude la finalité ont été identifiés comme structures inconnues. Ces nouvelles structures sont toutefois semblables à ce que Wardlaw (1943) a qualifié de bourgeons et devraient donc produire des ébauches de frondes et, éventuellement, des frondes normales. Nouveaux rhizome