Selon Bergson, c’est dans la peinture que l’art manifeste le mieux sa finalité . Pourquoi ? Parce que la peinture, nous dit-il, est un art de « l’imitation ». Que faut-il entendre par ce terme ? Il ne semble pas que pour Bergson l’imitation soit une simple copie de la nature : ce serait en contradiction avec ses premières thèses. Il faut plutôt croire que le peintre imite ce qu’il volt, c’est-*-dire imite une vision nouvelle. En ce sens, l’imitation n’est pas incompatible avec la nouveauté.
Bien au contraire, le travail du peintre consiste à imiter sa propre nouveauté. Nous comprenons alors le rôle privilégié de la peinture : elle permet, plus que tout autre art, de transcrire la nouveauté qui anime l’artiste, puisqu’elle l’imite. or 3 Sni* to View Ce rôle accordé ? gson de définir l’art comme « vision ». L’œuvre d’art est la transcription d’un point de vue singulier sur le monde : le point de vue de l’artiste.
L’artiste est donc un voyant, presque un médium : il perçoit des états de conscience que les autres ne perçoivent pas ; il a pour tâche de transcrire ces états grâce aux moyens que lui donne l’art Swipe to View next page ‘art, et en particulier la peinture. Le propre d’une œuvre est donc de susciter de nouvelles perceptions ; le propre d’un artiste est d’être touché le premier par ces perceptions nouvelles, et de les transcrire dans l’œuvre.
Cest pourquoi Bergson définit le poète (et plus généralement l’artiste) comme un « révélateur » : l’artiste trace le lien entre ses propres perceptions et les autres hommes, grâce à son œuvre. L’œuvre est vision en un double sens : d’une part vision de l’artiste, d’autre part vision des autres hommes à travers elle. L’art acquiert ainsi une portée universelle. L’artiste est un visionnaire ; l’œuvre d’art est une vision transmettant sa perception singulière.
Ces deux définitions permettent d’expliquer le rôle que Bergson assigne à l’art dans le devenir de l’humanité : la vision du poète « deviendra la vision de tous les hommes ». Quelles sont les conséquences de cette affirmation ? Tout d’abord, l’art est universel car les perceptions qu’il suscite appartiennent à tout homme, même si l’artiste a eu le privilège de les ressentir en premier. Cela découle directement de la thèse de la virtualité des sensations que provoque l’œuvre d’art. Ensuite, par voie de conséquence, l’art est destiné sensations que provoque l’œuvre d’art.
Ensuite, par voie de conséquence, l’art est destiné à se diffuser dans l’humanité tout entière. C’est l’art qui façonne la vision commune des hommes, après être né de la vision d’un seul homme. À l’instar d’Auguste Comte déclarant que « les idées mènent le monde », Bergson semble ainsi affirmer que « l’art mène le monde ». À cet égard, Bergson ne fait pas de distinction entre l’art et la vie : l’art pénètre la vie et la façonne. Donc l’artiste est un visionnaire en deux sens : parce qu’il erçoit ce que lui seul peut percevoir, et parce qu’il fait œuvre pour l’avenir.
Il façonne ainsi l’avenir des sociétés dans lesquelles il vit, en préparant ses nouvelles façons de voir. Bergson refuse ainsi de cantonner l’art au seul domaine esthétique. Plus précisément, il étend le domaine de l’esthétique à la vie tout entière. Sa conception de l’œuvre d’art comme perception, ou « vision », lui autorise cette extension du domaine de l’art : une perception appartient en effet à tout le monde ; c’est pourquoi les perceptions de l’art sont destinées à « tout homme’ et doivent toucher toute l’humanité.