ALEXANDRE DUMAS ET SON ŒUVRE (1884) CHARLES GLINEL Alexandre Dumas et son œuvre NOTES BIOGRAPHIQUES ET BIBLIOGRAPHIQUES ora38 Sni* to vieu LE JOYEUX ROGER 2012 Cette édition a été é Reims, 1884. Nous en avons respe nous avons modifié citations. Michaud, Libraire ? onctuation, mais ment pour les Nous avons supprim la premi re annexe, un index peu utile dans une publication électronique. ISBN : 978-2-923981-39-0 Éditions Le Joyeux Roger Montréal lejoyeuxroger@gmail. om Première partie Les années d’enfance L’écrivain dont nous nous proposons d’esquisser la vie et de ataloguer les œuvres, n’a pas seulement tenu une grande place parmi nos contemporains, cela ne suffirait pas à justifier cette étude. Mais il est né, il a grandi dans une petite ville de notre natale. Aujourd’hui les arbres du cimetière de Villers-Cotterêts où, depuis mil huit cent un, le « bon et spirituel » Demoustier repose, ombragent aussi la tombe de celui qui fut Alexandre Dumas Davy de la Pailleterie pour les siens et Alexandre Dumas tout simplement pour ses contemporains et la postérité.
La renommée de cet écrivain est donc bien à nous et c’est à ce titre surtout que nous avons cru devoir recueillir et coordonner uelques renseignements sur la personnalité même de notre concitoyen, sur les productions sans nombre dues à la richesse et la fécondité de son imagination. Nous n’avons d’ailleurs d’autre prétention en abordant ce travail que de fournir quelques documents, aussi exacts que possible, à celui qui tentera un jour d’écrire l’histoire littéraire de ces soixante dernières années.
Avant d’étudier par le menu la vie et les œuvres d’Alexandre 6 Dumas, nous ne résistons pas au désir de reproduire un portrait que traçait de lui, en 1 867, un jeune et spirituel écrivain, Arthur e Boissieu, qui, pendant sa trop courte existence, pleine des plus brillantes promesses, a écrit un livre destiné à lui survivre ; il a pour titre : Les Lettres d’un Passant. ? l’époque où ce livre parut, la vie publique et littéraire d’Alexandre Dumas était à peu près terminée ; aucun des traits de son modèle ne pouvait donc échapper au portraitiste qul nous le dépeint ainsi : La France a deux Dumas, comme elle eut deux Corneille. Le père le plus jeune des deux ; l’enfant radi e est mort, l’enfant prodigue a Le père est le plus jeune des deux ; renfant prodige est mort, l’enfant urvécu, et, depuis qu’il existe, a dépensé, sans compter, sa gloire fusées, son génie en monnaie et sa monnaie partout.
Il nous a trop amusés pour que nous lui soyons sévères, et nous l’aimons trop pour ne pas lui pardonner tout. Chose étrange, il a gaspillé plus qu’il n’avait, et il avait reçu assez de talent et gagné assez de bien pour enrichir cent pauvres d’esprit et cent pauvres d’argent. Aimable et bon, mais léger et besoigneux, il écrivit pour ses créanciers, ce qui l’empêcha de se borner, et perdit à ce jeu- à, non pas tout, mais une partie de sa sève et e son talent. II composa de charmantes histoires, et il en eut de vilaines.
Comme il voyageait avec fruit et comme il contait avec grâce ! Il s’essaya dans tous les genres, poésie, drame et roman, et partout laissa son souvenir et son sillon. Son imagination fut la folle de tous les logis, et sa fantaisie nuança ses ailes de la couleur de tous les temps et du reflet de tous les cieux. Pour parler le langage hippique, il l’emporta sur Walter Scott d’une longueur et demie, et pour me servir d’une langue moins profane, il est digne de délier les cordons des souliers de Shakespeare.
Orgueilleux de bonne foi, nègre au teint pâle, cheveux crépus, œil vif, bouche sensuelle, il a l’air d’un sultan de comédie qui use dernière douzaine de mo des lointains pays, amours, il a gardé pour la joie de ses derniers jours sa santé de fer et son incomparable estomac. Populaire et partout bien reçu, à lui tout seul, s’il faut ren croire, et il ne le faut pas, il a fait Louis-philippe et défait François Il.
Familier des grands, camarade de Garibaldi, lié, tour à tour et à de longs intervalles, avec les brigands d’Espagne et les princes du Caucase, il n’en est ni moins gai, ni lus fier, LES ANNEES D’ENFANCE 7 et comme le pigeon de La Fontaine, il raconte à ses frères, qu’il désennuie, ses aventures et ses voyages. Rien ne lui est étranger, ni le monde, ni la littérature, ni la cuisine : il tient la queue de la poêle et retourne une omelette de la main qul détrôna les rois et fit Monte-Cristo.
Le portrait à coup sûr n’est pas flatté, mais il nous montre bien Alexandre Dumas sous ses aspects divers et résume agréablement la vie de notre héros. Nous savons maintenant ? qui nous avons affaire et nous allons reprendre les choses de plus haut. Alexandre Dumas Davy de la Pailleterie est né à VillersCotterêts, dans la rue de Lormet, le 5 Thermidor an X. Il a opposé à ceux qul lui contestaient son nom et transcrit en tête de son livre intitulé : Mes Mémoires, un acte de naissance sinon inexact au fond, du moins quelque peu fantaisiste.
Nous ne jugeons donc pas inutile de reproduire ici la copie exacte de son acte de naissance que nous nous sommes rocuree : Du cinquième iour du moi r l’an X de la République (24 juillet 1802). Acte de naissance de Alexandre Dumas, né le jourd’hui, à cinq heures du matin ; fils de Alexandre Davy-Dumas de la Pailleterie, énéral de division, né à Jérémie, isle et côte de Saint-Domingue, demeurant ? Villers-Cotterêts, et de Élisabeth Labouret, née audit Villers- Cotterêts, son épouse. Le sexe de l’enfant a été reconnu être masculin.
Premier témoin : Claude Labouret, ayeul maternel de l’enfant, demeurant à Villers-Cotterêts. Second témoln : Jean-Michel Deviolaine, Inspecteur forestier du quatrième arrondissement communal du département de l’Aisne, vingtsixième conservation, demeurant à Villers-Cotterêts. Sur la réquisition à moi faite par le père de renfant. Et ont signé : A. Dumas, Deviolaine, Labouret. Constaté suivant la loi par moi Nicolas Brice Mussart, maire de la ville de Villers-Cotterêts, faisant les fonctions d’officier public de l’état civil. (Signé) Mussart.
En marge : En vertu d’un jugement rendu par le Tribunal civil de première instance de Soissons, le vingt-sept avril mil huit cent treize, y 8 enregistré le trois mai, sur l’expédition qui fut présentée et rendue, lequel jugement ordonne que sur la représentation de ladite expédition l’officier de l’État Civil de la ville de Villers-Cotterêts inscrira en marge du présent acte de naissa tions que ledit iueement les fonctions ‘officier de FÉtat Civil, soussigné, avons inscrit cette relation dudit jugement qui porte que les noms du père seront écrits : Thomas Alexandre Dumas Davy de la pailleterie, au lieu de Alexandre Davy-Dumas de la Pailleterie, et ceux dudit enfant : Alexandre Dumas Davy de la Pailleterie, au lieu de : Alexandre Dumas.
En conséquence et en vertu dudit jugement, disons que dans les extraits qui seront délivrés dudit acte, les noms rectifiés seront écrits selon ladite rectification. À Villers-Cotterêts, le sept mai mil huit cent treize. (Signé) Mussart. Dans la copie de son acte de naissance que, nous l’avons dit, Alexandre Dumas transcrit en tête de ses Mémoires, cet acte est présenté et les noms et prénoms du père et de l’enfant sont reproduits comme s’il n’avait pas été nécessaire de recourir à un jugement rectificatif ultérieur ; le moment de la naissance est retardé d’une demi-heure ; enfin la mère de renfant est gratifiée de deux prénoms supplémentaires qui paraissent lui avoir appartenu en effet mais qui ne figurent pas sur la copie que nous avons sous les yeux.
Ce sont des nuances si l’on veut ; elles ont cependant une importance qui n’échappera à personne quand il s’agit e la reproduction exacte de pièces de cette nature. Il eût été interessant sans doute de connaître dans toute sa teneur le ugement rectificatif du 27 avril 1813 ; mais, on ne le sait que trop, l’année suivante, dans la nuit du 5 au 6 mars 1814, toutes les pièces et archives du greffe du Tribunal de Soissons furent détruites par un incendie dont les causes n’on archives du greffe du Tribunal de Soissons furent détruites par un incendie dont les causes n’ont pu encore être exactement précisées, et nous ignorons si la grosse de ce jugement existe encore dans les archives de la famille Dumasl.
La rue de Lormet, dont nous venons de parler, est devenue la 1 Consulter fHistoire de Soissons par MM. Henry Martin et Paul Lacroix, et le Département de l’Aisne en 1814, par M. Ed. Fleury. LES ANNÉES D’ENFANCE 9 rue Alexandre Dumas le 9 novembre 1872, et la maison où est né le célèbre écrivain porte sur cette rue le no 54. La chambre où il a vu le jour est, au dire des anciens de Villers-Cotterêts, renseignés jadis par des parents plus âgés, une dépendance du corps-delogis principal et, pas plus que lui, n’a subi de modifications. Elle est située à l’est du salon qu’il faut traverser pour y arriver et a sa enêtre au midi, comme le salon lui-même. M.
Bernard Dutoya, architecte, avait, en 1791, construit cette maison telle qu’elle existe actuellement, sur l’emplacement de deux petites maisons qu’il avait acquises en 1788. Il mourut ? Paris le 8 mars 1810. Sa veuve le vendit le 24 mars 1816, suivant acte reçu par Me Demolombe, notaire à Villers-Cotterêts, père du célèbre jurisconsulte, à un avocat, M. Jacques-Victor Picot, et au prix de 6,500 fr. Les héritiers de M. Picot, décédé à Villers-Cotterêts le 4 octobre 1842, la cédèrent le 23 avril 1843, au prix de 10,500 fr. , et par cte devant Me Besnard, notaire en la même ville, à M. MarieAuguste Cartier, hôtelier. Dans ses Memoires, commencés le 18 octobre 1847, Alexa ville, à M. MarieAuguste Cartier, hôtelier.
Dans ses Mémoires, commencés le 18 octobre 1847, Alexandre Dumas exprimait Pespoir que son ami Cartier voudrait bien un jour lui vendre cette maison ; cet espolr n’a pu se réaliser. En effet, le 22 avril 1864, par contrat devant Me Barillon, notaire ? Villers-Cotterêts, M. Cartier la cédait, au prix de 20,000 fr. , à M. Victor Varlet, ancien bijoutier. Cinq ans plus tard, le 27 mai 1869, suivant acte reçu par Me Senart, M. François-Alexandre Lamiche, cultivateur à Noroy- surOurcq, s’en rendait acquéreur au prix de 30,000 fr. En avril 1877, M. Lamiche décédait, et au mois de novembre suivant, son gendre, M. A. Barry, médecin•. étérinaire, ? l’obligeance duquel nous devons ces détails spéciaux. venait habiter avec sa famille la maison en question qu’il occupe encore. On a contesté à Alexandre Dumas sa qualité d’enfant légitime, il le constate du moins dans ses Mémoires et produit à l’appui de la légitimité qu’il revendique avec raison, l’acte de mariage de IO ses père et mère. Voici la copie de cet acte, dont nous avons eu communication ; il nous a été possible de redresser ainsi quelques inexactitudes, sans importance d’ailleurs, qui s’étaient glissées dans la copie publiée par Pintéressé lui-même : Extrait des registres des actes de l’État-Civil de la Ville de VillersCotterêts.
L’an mil sept cent quatre-vingt-douze, premier de la République française, le 28 du mois de novembre, à huit heures du soir, après la publication d’un ban fait à la principale porte de la maison comm heures du soir, après la publication d’un ban fait à la principale porte de la maison ommune, le dimanche 18 du courant, heure de midy, et affiché depuis ce temps dans l’endroit à ce destiné, du futur mariage entre le citoyen Thomas- Alexandre Davy de la Pailleterie, âgé de trente ans et huit mois, lieutenantcolonel des hussards du midy, né à la Guinodée, au Trou-]érémie en Amérique, fils de feu Antoine-Alexandre Davy de la Pailleterie, ancien Commissaire d’artillerie, mort à Saint-Germain-en-Laye en juin 1786 et de feu Marie-Cessette Dumas, décédée à la Guinodée, près du TrouJérémie, en Amérique, en 1772, ses père et mère, d’une part ; Et la citoyenne Marie-Louise-Élisabeth Labouret, fille majeure du citoyen Claude Labouret, commandant la garde nationale de VillersCotterêts et propriétaire de l’Hôtel de l’Écu, et de Marie- Joseph Prévot, ses père et mère, d’autre part ; Lesdittes domiciliées, quant au futur en garnison à Amiens, et quant à la future en cette ville. Vu aussi leurs extraits de naissance, ne s’étant trouvé aucune opposition, je, Alexandre-Auguste-Nicolas ongpré, officier municipal et public de cette commune, soussigné, ai reçu la déclaration de mariage des susdites parties et ai prononcé au nom de la loi qu’elles étaient unies n mariage.
Le tout fait en présence des citoyens et des citoyennes : Louis-Brigitte-Auguste Espagne, lieutenant-colonel du 7e régiment d’hussards, en garnison à Cambrai, natif d’Auch, département du Gers ; Jean-Jacques-Étienne Deb du même régiment Jean-Jacques-Étienne Debèze, lieutenant du même régiment d’hussards, natif de Clamecy, département de la Nièvre Jean-Michel Violaine, greffier-commis de la maîtrise et notable de cette ville, tous trois ams de fépoux ; Françoise-Élisabeth Retou, belle-mère de l’époux, veuve de défunt Antoine-Alexandre Davy de la Pailleterie, demeurant à Saint- Germainen-Laye. résents, le père et la mère de l’épouse, tous majeurs, lesquels ont signé avec nous et les parties le présent acte. (Signé) Marie-Louise-Élisabeth Labouret ; Th. Alex. Dumas-Davy de la Pailleterie ; veuve de la Pailleterie ; Labouret ; Marie-Joseph Prévot ; L A. Espagne ; Jean-Jacques-Étienne Debèze ; J. M. Deviolaine et Longpré, officier public.
La légitlmité d’Alexandre Dumas dont nous nous occupons ici n’est donc pas contestable ; quant à celle de son père, le général Davy de la Pailleterie, le nom de Dumas qui était celui de sa mère et qui lui a été attribué par le jugement en date du 27 avril 1813, lors qu’il ne figurait pas dans l’acte de son mariage, laisse place à des doutes que la lecture du jugement précité, si elle eût été possible, aurait probablement dissipés. Le général Davy de la Pailleterie était fils lui-même d’Antoine Alexandre Davy de la Pailleterie auquel appartenait par héritage la terre de la pailleterie, érigée en marquisat par Louis XIV en 1707 ; c’est Alexandre Dumas qui nous donne ce détail en ajoutant : « Les armes de la famille étaient d’azur à trois aigles d’or aux vols éployés, posés deux et un, avec un anneau d’argent PAGF 38