« Louange à vous, mères de tous les pays, louange à vous en votre soeur ma mère, en la majesté de ma mère morte.
Mères de toute la terre, Nos Dames les mères, je vous salue, vieilles chéries, vous qui nous avez appris à faire les noeuds des lacets de nos souliers, qui nous avez appris à nous moucher, oui, qui nous avez montré qu’il faut souffler dans le mouchoir et y falre feufeu, comme vous nous disiez, voUs, mères de tous les pays, vous qui patiemment enfourniez, cuillère après cuillère, la semoule que nous, bébés, faisions tant de chichis pour accepter, vous qui, pour ous encourager à avaler des pruneaux cuits, nous expliquiez que les pruneaux sont de petits nègres qui veulent rentrer dans leur maison et alors le petit crétin, ravi et soudain poète, ouvrait la Swipe Lo nexL page porte de la maison, v et qui faisiez reureu org vous qui étiez sans c e Sni* to View cravates pour que no avant notre départ p a nous gargariser nous montrer, hes bouclées et nos rrivée des visites ou cesse harnachiez et pomponniez vos vilains nigauds petits poneys de fils dont vous étiez les bouleversantes propriétaires, vous qui nettoyiez tout de ous et nos sales genoux terreux ou écorchés et nos sales petits nez de marmots morveux, vous qui n’aviez aucun dégoût de nous, vous, toujours si faibles avec nous, indulgentes qui plus tard vous laissiez si facilement embobiner et refaire par v vos fils adolescents et leur donniez toutes vos économies, je vous salue, majestés de nos mères.
Je vous salue, mères pleines de grâce, saintes sentinelles, courage et bonté, chaleur et regard d’amour, vous aux yeux qui devinent, vous qui savez tout de suite si les méchants nous ont fait de la peine, vous, seuls humains n qui nous puissions avoir confiance et qui jamais, jamais ne nous trahirez, je vous salue, mères qui pensez à nous sans cesse et jusque dans vos sommeils, mères qui pardonnez toujours et caressez nos fronts de vos mains flétries, mères qui nous attendez, meres qui êtes toujours à la fenêtre pour nous regarder partir, mères qui nous trouvez incomparables et uniques, mères qui ne vous lassez jamais de nous servir et de nous couvrir et de nous border au lit même si nous avons quarante ans, qui ne nous aimez pas moins si nous sommes laids, ratés, avilis, faibles ou âches, mères qui parfois me faites croire en Dieu. » Le chapitre 29 du Livre de ma mère peut être lu comme un premier bilan de cette autobiographie, l’enclenchement du processus d’achèvement et de prise de congé du lecteur.
C’est en effet dans ce chapitre qu’Albert Cohen élargit les bienfaits de l’amour maternel à l’ensemble de l’humanité et fait fondre la figure de sa mère dans celle de la Mère absolue, Marie. L’éloge de sa mère est pour Cohen le moment de dresser un éloge de cette Vierge Marie dans laquelle chacun retrouve sa propre mère, et un éloge de toutes les mères du monde, parangons de l’amour ratuit et désintéressé, porteuses de toutes les bontés et de tou du monde, parangons de l’amour gratuit et désintéressé, porteuses de toutes les bontés et de toutes les vertus. La Mère n’est plus une femme parmi d’autres mais un archétype caractérisé par l’amour qu’elle donne au détriment de tout, et au mépris des obstacles.
Dans la figure de sa mère, Albert Cohen entrevoit celle de toutes les mères. Au miroir de sa mère, il perçoit le visage de la clémence universelle et du génie maternel. Alors que tout au long du Livre de ma mère il n’a cessé de souligner les sacrifices auxquels sa propre mère consentait our son intérêt à lui, l’auteur fait désormais de chaque mère une héroïne du quotidien douée d’abnégation. Comment dans ce texte la trajectoire de tout l’ouvrage est-elle mise en évidence ? Et comment cette trajectoire va-t-elle du partlculier au général, faisant émerger un chant pur destiné aux mères du monde entier ? I ) Un apprentissage ludique de la vie. A ) La mère comme première enseignante.
Dans ce texte, nous rencontrons d’emblée une isotopie particulierement fournie de l’apprentissage. Immédiatement, la mère est érigée en figure de guide lumineux, de « sentinelle hargée de veiller à l’ « éclairement » de son enfant et à son éveil. Ce qui est souligné en premier lieu, c’est le souci pédagogique des mères, leur volonté démonstrative, à travers l’emploi coordonné, à deux reprises, des verbes « montrer » et « expliquer Par ailleurs, la répétition de la proposition « vous qui nous avez appris à » détaille de manière énumérative les enseignements concrets des mères. Les actions de l’enfant sont détaille de manière énumérative les enseignements concrets des mères.
Les actions de l’enfant sont calquées sur l’expertise aternelle (faire ses lacets, se moucher, se gargariser). Les petits faits de l’enfance, les petites victoires sur le réel et le lent apprentissage du corps et de ses rapports avec le monde extérieur, tout cela dépend de l’assimilation par l’enfant des gestes bienveillants de la mère. B ) Apprendre par le jeu. A travers le circuit ludique qu’il donne à son texte par un jeu d’accumulations qui viennent toutes amplifier la prière mariale, Albert Cohen entrevoit l’apprentissage auquel la mère soumet son enfant comme un apprentissage ludique. Par le recours ? des onomatopées amusantes (« feufeu » et « reureu il met n avant le lien de complicité qui se noue entre la mère et son enfant.
Plus encore que par l’illustration cocasse, c’est à l’aide du récit étiologique que les mères parviennent à faire accepter cette horreur que constitue pour tous les enfants le fait d’ingurgiter des pruneaux. Il suffit de personnifier ces pruneaux, de leur conférer un idéal pour qu’ils prennent aux yeux des enfants une tout autre dimension. La mère est ainsl la première enseignante que l’enfant croise sur son chemin. Son enseignement se fait dans la bienveillance, par les moyens du jeu. C ) Conduire l’enfant vers l’âge adulte et le modeler. A cet égard, pour Albert Cohen, l’enfant est non pas un adulte en miniature mais un être radicalement autre qui devra se transformer, se transcender pour devenir homme. A travers le texte, l’anaphore infi autre qui devra se transformer, se transcender pour devenir homme.
A travers le texte, l’anaphore infidèle par laquelle il est fait référence à l’enfant mime son développement : d’abord « bébé donc être de rien, le nouveau né devient ensuite v« petit crétin étant caractérisé par son absence de savoir et de compréhension. Il n’est tout au plus qu’un « « vilain nigaud etit poney un être minuscule qui se rapproche fortement de l’animalité, ne maîtrise pas le langage et dont la naiVeté attendrit. Finalement, il se fait « marmot morveux incapable encore de prendre soin de lui, dérisoire mais touchant (en ce sens, les adjectifs « sales » et « petits » relatifs à « marmots » ne sont pas péjoratifs mais hypocoristiques). Nous comprenons bien que les mères sont les véhicules grâce auxquels l’enfant va passer du néant à l’être, de l’enfance à l’âge de raison. Il ) Un éloge vibrant à l’amour et au sacrifice maternels.
A ) Un texte enthousiaste où domine la tonalité affective. L’enthousiasme de ce texte se lit dans sa dimension extensive. Constitué de deux périodes, il se construit par juxtapositions et répétitions, élargissant chaque fos davantage les compétences des mères et l’éloge qui leur est fait. La reprise du pronom personnel « vous » suivi d’une proposition relative scande les mérites des mères, et surtout déploie avec grandiloquence un verbe qui se fait le prétexte à la reconstruction du verbe divin. La prière mariale n’est pas simplement détournée comme nous le verrons plus loin, elle est développée à l’extrême jusqu’à Pessouffl