Revue des Deux Mondes tome 57, 1883 R. Raciau Les progrès de la micrographie atmosphérique Les Organismes vivans de l’atmosphère, par M. P. Miquel. Paris, 1883 ; Gauthier-Villars. Depuis cinquante ans, c’est-à-dire depuis les premières recherches d’Ehrenberg et de Gaultier de Claubry sur la nature des poussières atmosphériques, on a vu se produire un grand nombre de travaux, de valeur diverse, qui nous ont peu à peu familiarisés avec l’idée de chercher dans l’air les germes des maladies épidémiqu meurtrier que le glai l’on ne se borne plus grandes villes, des « il s’agit désormais de r2A e « l’air est plus e plus en plus.
Mais l’alr impur » des les salles d’hôpitaux ; Sible l’ennemi qui se cache dans l’air, d’établir le signalement qui le fera reconnaître, d’étudier les mayens de l’exterminer. Ce sont les admirables travaux de M. Pasteur qui, plus que tous les autres, ont contribué à répandre ces idées et à stimuler les efforts des chercheurs en nous apprenant à découvrir dans les poussières aériennes les germes des fermens, à les isoler, à les récolter, à les soumettre ? des cultures qui les multiplient.
Et l’un des progrès les plus utiles armi ceux qui procèdent de cette féconde impulsion, c’est la création du service de micrographie atmosphérique qui a été inauguré en 1875 à l’observatoire de Montsouris. Commencées d’abord par M. Schœnauer, les analyses microscopiques de l’air ont été con Swlpe to vlew next page continuées à Montsouris, depuis 1877, par M. P.
Miquel, qui vient de résumer dans une belle publication les résultats de ces huit années de recherches. Avec un tel guide, nous pouvons essayer, sans trop de risques, d’exposer brièvement l’état de la questlon. Les sédimens que charrient les fleuves aériens offrent un élange complexe et infiniment varié de poussières minérales, de débris organiques et d’organismes vivans de nature animale ou végétales.
Les particules inertes fournies par le règne minéral se présentent le plus souvent sous la forme de fragmens irréguliers à arêtes vives et tranchantes, dont la grosseur varie depuis le grain de sable visible à l’œil nu jusqu’aux poussières les plus fines, A cette limite d’extrême division où le microscope lui-même semble impuissant à en définir les contours, elles se distinguent à peine des germes de bactériens, et l’observateur erait fort embarrassé d’en déterminer la vraie nature, s’il n’existait pas aujourd’hui un mode d’expérimentation qui permet de suppléer à l’insuffisance des moyens optiques, je veux dire la culture des microbes pratiquée avec tant de succès, par M. Pasteur et ses disciples.
C’est par les ensemencemens que l’on parvient à démontrer rexistence des germes qui se dérobent ? l’investigation directe. Les procédés employés pour recueillir les poussières atmosphériques se sont graduellement perfectionnés sous la main d’une foule d’expérimentateurs habiles. Le moyen le plus imple consiste à exposer à l’air une plaque de verre enduite d’un liquide gluant ; une autre méthode revient à examiner l’eau de pluie, la neige ou la rosée artificie 3 gluant ; une autre méthode revient à examiner l’eau de pluie, la neige ou la rosée artificielle qui se dépose sur un ballon de verre rempli de glace. On n’obtient ainsi, avec beaucoup de fatigue, que des résultats insgnifians. our arriver à récolter en peu de temps des quantités notables de sédimens, il faut recourir à des appareils que traverse un courant d’air provoqué par une trompe ou tout autre système d’aspiration. Tels sont les divers appareils collecteurs fondés sur le principe de l’aéroscope de Pouchet et munis de compteurs qui permettent de mesurer le volume d’air aspiré. Pour retenir les poussieres que charrié le courant d’air, on emploie généralement des lamelles glycérinées. La goutte de glycérine qui contient la récolte étant portée sous le mcroscope, on y constate d’abord la présence des sédimens inertes qui en constituent d’ordinaire les élémens les plus abondans. Comme l’avait déjà remarqué M.
Pouchet, ces élémens bruts des poussières sont caractéristiques de leur lieu d’origine : ‘air des appartemens habités tient en suspension des brins de soie, de coton, de chanvre, de laine ; dans l’air des rues, ces épaves microscopiques de la civilisation deviennent plus rares et sont noyées, dans les détritus terreux ; à la campagne, des libres d’écorce ou de végétaux en décomposition prédominent dans le mélange. D’autre part, le poids des sédimens récoltés aux champs est pour un même volume d’air, plus faible que celui des poussières récoltées en ville, ainsi que l’avaient déjà démontré les expériences de M. G. Tissandier. M. Miquel ajoute que, d’après es propres expériences, la quantité des expériences de M. G. Tissandier. M. Miquel ajoute que, d’après ses propres expériences, la quantité des poussières atmosphériques diminue tellement après les pluies, qu’il faut renoncer à en évaluer le poids, au parc de Montsouris. Cette diminution porte principalement sur les matières inorganiques.
A côté des sédimens de nature terreuse, charbonneuse, ferrugineuse et des débris de toute sorte enlevés par le vent ? nos habitations, les poussières renferment des poils de végétaux, des fragmens de duvet ou d’écaillés, des pattes d’insectes, es dépouilles d’acariens, etc. ; il est beaucoup plus rare d’y rencontrer des œufs ou des cadavres d’infusoires nettement reconnaissables. Pour démontrer l’existence des œufs d’infusoires dans les poussières atmosphériques, il faut généralement recourir aux procédés d’ensemencement, par lesquels on parvient à les faire éclore dans des sortes d’aquariums minuscules. Par ce mot d’infusoires on entend ici des animalcules microscopiques qu’il ne faut pas confondre avec les bactériens, rangés désormais parmi les cryptogames d’ordre infime.
En dehors de ces œufs, si rarement vus, et des germes de actéries, toujours fort difficiles à saisir, comme nous Favons déjà dit, le microscope fait découvrir parmi les sédimens atmosphériques plusieurs classes de corpuscules organisés, parfaitement visibles avec des grossissemens de 100 à 500 diamètres et qui peuvent être classés comme il suit : 1 a de simples grains d’amidon ; 20 des pollens incapables de germer, mais propres à féconder les ovules de certaines plantes ; 30 des spores de cryptogames capables de germer et de former 3 ovules de certaines plantes ; 30 des spores de cryptogames capables de germer et de former une moisissure, une algue, un ichen déterminé ; enfin 40 des végétaux complets, tels que les algues vertes, les conidies, les levures, les diatomées, etc. Les pollens, fort répandus dans l’air au printemps et en été, tendent à disparaître à l’approche de fhiver_ A paris, pendant fété, on en trouve souvent de 5,000 à 10,000 par mètre cube. La rareté des pollens caractérise les poussières recueillies en hiver ou dans des lieux fermés.
Parmi cette armée de corpuscules organisés, le contingent principal est fourni par les plantes cryptogames, dont les spores offrent une grande variété de formes et de modes d’association. endant l’hiver, ces spores sont habituellement vielles et rares, au moins par les temps humides. La température douce des mois d’avril et de mai donne un premier essor à la végétation cryptogamique, et l’air se charge alors de jeunes spores auxquelles succèdent plus tard les grosses fructifications qui persistent durant tout l’été. Pour établir aussi. exactement que possible la statistique des sporesaériennes des moisissures, M. Miquel a pensé que le procédé le plus sûr serait de les compter directement sous le mcroscope.
En effet, la méthode des ensemencemens fractionnés, employée faute de mieux pour l’évaluation des ermes de bactéries à peine visibles au microscope, a le défaut de ne rien nous apprendre sur les microbes incapables de se multiplier dans les liquides adoptés : on sait qu’un grand nombre de semences de lichens, d’algues et de champignons ne se développent jamais dans les sucs PAGF s 3 développent jamais dans les sucs ou les bouillons où se plaisent certaines mucédinées, et l’on risque ainsi d’obtenir des résultats fort Incomplets. En comparant entre eux le nombre des spores germées dans les liquides en question et celui des spores comptées au microscope, M.
Miquel a trouvé que le premier était u second comme 1 est à 20 ; d’où il faut conclure que, sur vingt semences introduites dans le ballon, dix-neuf y restent inactives et passent inaperçues. Il est vrai, d’autre part, que dans les dénombremens directs on ne peut guère éviter de comprendre les spores infécondes tuées par la vieillesse et la sécheresse. Mais la numération des spores, répétée souvent dans le même lieu et dans des conditions identiques, peut au mons nous éclairer sur leurs variations, et c’est là [‘essentiel. La comparaison des chiffres obtenus à des jours différens montre que la fréquence des spores tantôt se maintient stationnaire, antôt présente de brusques variations.
Si, à telle époque, le mètre cube d’air n’en contient que 1,000 ou 2,000, à d’autres momens leur nombre peut s’élever à 100,000 ou 200,000. Le maximum s’observe d’ordinaire au mois de juin (35,000 spores par mètre cube d’air pour la moyenne de cinq années). Pendant l’hiver, le nombre des spores demeure relativement bas, surtout par les temps froids et humides, tandis qu’en temps de sécheresse l’air se trouve souvent assez riche en I vieilles semences que les vents soulèvent en balayant le sol. En été, les alternatives de sécheresse et d’humidité produisent des effets out différens. Les pluie été, les alternatives de sécheresse et d’humidité produisent des effets tout différens.
Les pluies qui surviennent quand la température est assez élevée pour favoriser le développement des végétaux inférieurs rajeunissent les vieux mycéliums, les graines de cryptogames, qui ne tardent pas à fructifier et à livrer aux vents les millions de semences qu’elles ont engendrées. Si les pluies viennent à manquer, les parasites privés d’air s’étiolent et meurent, et les spores aériennes disparaissent peu à peu. Quelques observateurs cependant ont cru pouvoir affirmer ue les pluies d’été purifiaient l’air et le débarrassaient de ces végétaux parasites ; c’est qu’en effet une forte pluie entraine vers le sol la plupart des poussières que l’air tenait en suspension ; mais, quinze heures après ce lavage, on voit les semences reparaître cinq ou dix fois plus nombreuses !
C’est ainsi que s’expliquent les contradictions apparentes qu’on relève dans les faits observés par quelques expérimentateurs habiles. En dehors de la température et de Phumidité, la direction, du vent parait encore exercer une influence marquée sur la fréquence es spores, dans pair de Montsouris : les vents du nord, qui parviennent à l’observatoire après avoir traversé Paris, suivant l’un de ses grands diamètres, sont toujours très chargés de poussières organlsées, ce qui prouve que les villes populeuses conservent en toute saison, un degré d’infection, très supérieur à celui de l’atmosphère des champs. En prenant les moyennes d’une période de trois années, M..
Miquel a trouvé les chiffres suivans pour les spores contenues dans un mètre cuba d’air 7 3 années, M.. Miquel a trouvé les chiffres suivans pour les spores ontenues dans un mètre cuba d’aire à Montsousis : Printemps Automne Année 6,200 13,000 28,000 8,800 14,200 La moyenne générale est d’environ 14,000 par mètre cube (14 par litre) ; mais en tenant compte de ce fait que les aéroscopes laissent échapper au moins la moitié des poussières atmosphériques, il semble que nous serons plus près de la vérité en portant le nombre moyen des spores contenues dans un litre d’air à 30. Quant à la détermination exacte de ces spores, qui serait du ressort des botanistes de profession, M. Miquel l’a provisoirement laissée de côté. ? Le micrographe qui voudra s’occuper érieusement de leur étude, dit-il, trouvera, j’en suis persuadé, de nombreux faits intéressans à publier. Il verra, par exemple, plusieurs espèces d’algues et de champignons se faire rares ? certaines époques de l’année et abonder dans d’autres ; il verra plusieurs espèces de microphytes envahir presque soudainement l’atmosphère, s’y maintenir très fréquentes pendant deux ou trois ans, puis disparaitre ou devenir d’une extrême rareté. Avec le secours des aéroscopes, il lui sera aisé de découvrir dans l’air de certaines régions les graines de quelques moisissures redoutées des agriculteurs…
Au point de vue de l’hygiène et de l’étiologie de quelques affections contagieuses, il ne paraît pas établi que les spores si diverses introduites dans notre économie, au nombre de 200,000 par jour ou de 1 00 millions par an, soient de l’innocuité la plus parfaite. PAGF 8 3 mueuet dans la bouche plus parfaite. L’apparition du muguet dans la bouche des jeunes enfans et dans les voies respiratoires des mourans semble bien démontrer que les moisissures font aussi partie de la classe des parasites prêts à envahir notre organisme dès qu’il présente un point vulnérable ou de faible résistance. » En somme, le rôle de ces végétaux microscopiques semble pourtant être beaucoup moins important que celui des bactéries, dont il sera bientôt question.
Leur mission apparente est de nous débarrasser promptement d’une foule de substances mortes qui encombrent le sol. Dans l’air des égouts, ils sont plus rares qu’on ne l’aurait cru : leur nombre moyen s’y rapproche de celui qui a été noté pour l’air du parc de Montsouris ; mais souvent aussl on le trouve plus faible. Dans les salles de l’Hôtel-Dieu, on a compté en moyenne 5 spores par litre d’air ; aux laboratoires de Montsouris, à peine 3 spores par litre. On voit que les semences cryptogamiques sont beaucoup plus rares dans les atmosphères confinées qu’à l’air libre. L’analyse microscopique des poussières répandues sur les meubles de nos appartemens conduit à des résultats analogues.
Il n’en est pas moins vrai que, dans les chambres de malades, ces poussières pourraient conserver pendant longtemps des germes d’infection et mériteraient d’être étudiees, à ce point de vue, avec le plus grand soin. Nous arrivons à la partie la plus intéressante des recherches de M. Miquel, qui a pour objet l’étude des germes de bactériens épandus dans l’air. Laissant de côté les nombreuses classifications, plus ou moins arbitraires, qui ont été proposées par divers botanistes, PAGF 3 nombreuses classifications, plus ou moins arbitraires, qui ont été proposées par divers botanistes, M. Miquel se contente de diviser ces organismes microscopiques en micrococcus, bactériums, bacilles et vibrions.
Les micrococcus se présentent ordinairement sous la forme de cellules globuleuses, privées de mouvemens spontanés, dont les dimensions ne dépassent pas quelques millièmes de millimètre ; les microbes de ce groupe sont ceux qui ominent dans l’air de Paris. Les bacaériums affectent la forme de bâtonnets courts, mobiles, isolés ou réunis entre eux, au nombre de deux à quatre articles. Lorsqu’ils abondent dans une infusion, ils y produisent, en se croisant en tous sens, une sorte de fourmillement, il devient souvent difficile de les distinguer des bacilles, qui sont formés de cellules disposées en filamens rigides de longueur indéterminée. Les bacilles sont, les uns immobiles (comme la bactéridie charbonneuse de M.
Davaine), les autres mobiles (comme le ferment butyrique de M. Pasteur) ; ? côté des bacilles à filamens uniques, on rencontre encore des bacilles rameux. Enfin, M. Miquel réserve le nom devibrions aux organismes filamenteux mous, ondulans, qui se meuvent dans les infusions à la manière des anguilles, tandis que M. Pasteur comprend sous cette dénomination une foule de bacilles. Cette classification, fondée simplement sur des caractères extérieurs, a l’avantage de ne pas trancher prématurément des questions qui ne pourront être élucidées que lorsque nous connaîtrons mieux les phases variées de la germination et de la croissance de ces êtres infimes, les modifications qu’ils peuven