Le nombre d’anthologies, magazines (Frogpond, Modern haïku, Acorn, Mayfly sont les plus connus), revues littéraires pointues e cesse d’augmenter, et plusieurs maisons d’édition spécialisées ont récemment vu le jour, telles que Brooks Books or Red Moon Swipe View next Press. Depuis 1996, haïku japonais et occi n ouvert ses portes et d’ouvrages et de rev Le haiku est l’une des écialisées dans le 0 c emporain, a même u’ I lus grande collection rs du Japon. us anciennes qui trouve sa source dans le Japon féodal du quinzième siècle et a longtemps obéi à des règles de forme et de fond extrêmement précises. Forme poétique concise de 1 7 syllabes écrit sur une seule colonne à l’origine, le haïku classique a été transposé n anglais sur le modèle du tercet de 5-7-5 ou 5-3-5-pieds.
Le placement d’une césure, le choix du thème, généralement, la simple observation d’un moment, exprimée avec des mots simples visant à traduire une émotion, l’effacement (dans le sens de neutralité) du poète, l’effet de juxtaposition d’i Swipe to Wew next page d’images immédiates chez le lecteur, rexistence supposée d’un lien entre le haïku et le bouddhisme zen sont autant de critères entrant dans la définition du haïku et qui ont fait et font toujours aujourd’hui l’objet de multiples discussions parmi les théoriciens du genre.
L’utilisation ou non de figures de rhétorique dans le haïku est ainsi au centre des débats depuis de nombreuses années. Alors que Kenneth Kasudal estime que « Metaphor is always an interference of the haiku poet. Its aim is to render the Object so that it appears in its own unique self, without reference to something other than itself Lorraine Elis Harr2renchérlt « Haiku isn’t figurative language. It typically avoids devices Iike similes, metaphors, and, personnification ».
Haruo Shirane3, dans un article rédigé en 1999 affirme au contraire que : « Another rule of North America haiku that Basho would probably find iscomforting is the idea that haiku eschews metaphor and allegory…. all three of these techniques -metaphor, simile, and, allegory — are generally considered to be taboo in English language haiku…. However, many of Basho’s haiku use metaphor and allegory and in fact, this is probably one of the most important aspects of his poetry. L’objet du présent essai est de s’interroger sur la place et le rôle des figures de style dans le haïku contemporain de Bob Boldman, un poète peu connu en France mais dont la réputation est bien établie aux Etats-Unis. Ses halkus, souvent écrits sur une ligne, ont caractérisés par une extrême économie de moyens facilitée par l’usage de figures de rhétorique, notamment la métaphore et la synecdoque. La 20 facilitée par l’usage de figures de rhétorique, notamment la métaphore et la synecdoque.
La première partie du présent essai se propose ainsi d’illustrer la place des figures de style et l’effet produit par leur utilisation dans le haïku de Boldman, avec des exemples tirés notamment de son dernier recueil. La deuxième partie tentera d’expliquer pourquoi l’usage des figures de style est à priori considéré comme étant contraire à l’esprit du halku. Un bref rappel historique de la réception occidentale du genre, y compris aux Etats-Unis, établira notamment que le haïku a été (à tort) assimilé à la philosophie zen bouddhiste caractérisée par le dépouillement et l’authenticité des expériences vécues.
La troisième partie essaiera de démontrer que l’utilisation de figures de rhétorique dans le haïku de Boldman sert non seulement l’objectif premier du haïku, celui de transmettre l’intensité d’un moment avec très peu de mots, à la manière d’un instantané photographique, mais contribue également à asseoir la légitimité du haïku comme un genre oétique majeur, incontournable et universel.
Bob Boldman est l’auteur de trois recueils : My Lord’s Necklace (1980), Walking With the river (1980) et Eating a melon (1981), et a participé à l’écriture de l’ouvrage collectif The haiku anthology (1999). Un contributeur régulier de plusieurs blogs et revues telles que American Haiku, on retrouve également ses poèmes dans l’anthologie de poésie américaine Beneath a Single moon4.
Red moon Press a récemment publié la première collection de ses poèmes sur vingt années, Everything i touch (2010). Fervent croyant et auteur de deux ouvrages non fict oèmes sur vingt années, Everything i touch (2010). Fen,’ent croyant et auteur de deux ouvrages non fictionnels sur la spiritualité et la mort, Bob Boldman est également un adepte de la pratique de la méditation qu’il a découverte à travers l’étude de la philosophie Zen bouddhiste et du taôisme.
Poète amateur (comme la plupart des « haîkistes il travaille dans un hospice en tant que thérapeute spécialisé dans les thérapies respiratoires et est souvent en contact avec des patients gravement malades, voire en phase terminale. Ses haïkus, souvent écrits sur une seule ligne, en minuscules, ont empreints de spiritualité et de désespoir et traitent des thèmes de la mort et de la nature.
Sur le plan formel, le ha•lku de Boldman présente plusieurs types de tropes permettant de créer des images intenses et immédiates dans l’esprit du lecteur tout en favorisant cette « économie de moyens » caractéristique des halkus, à la fois sous un aspect quantitatif (nombre limité de syllabes dans la mesure où le haïku anglais ne comprend pas plus de 17 syllabes) et qualitatif (simplicité du langage, préférence pour l’utilisation du langage de tous les jours en vue de maximiser ‘effet d’ouverture émotionnelle du haïku). ar exemple, un de ses plus célèbres poèmes, publié dans le recueil The Haiku Anthology de Cor van der Heuvel [1999] comporte une métonymie évidente : Touching the ashes of my father La métonymie est une figure de contigüité, c’est-à-dire que l’on nomme un objet par le nom d’un autre objet en raison d’une contigüité entre ces objets, produisant un effet de raccourcissement qui permet à un détail d’évoquer to 4 20 entre ces objets, produisant un effet de raccourcissement qui permet à un détail d’évoquer tout ce que l’on voulait dire.
A la lecture de ce poème, le lecteur peut immédiatement voir l’image ou ressentir la sensation particulière de toucher une urne ou les cendres. Cette image immédiate et concrète est indéterminée du fait de la métonymie contenue dans le mot « cendres » qul désigne les cendres elles-mêmes ou le contenant (l’urne). La visualisation de l’image permet au lecteur de ressentir une vaste rangée d’émotions parmi lesquelles le dégoût, la tristesse, la conscience d’un moment solennel et bien entendu, le deuil.
Le poème, extrêmement court, semble presque inachevé dans la esure où son auteur n’indique pas au lecteur quelle émotion lui- même avait ressenti au moment où il a « touché les cendres de son pere La métaphore consiste à instituer une analogie entre un comparé et un comparant, établissant ainsi un parallèle entre deux réalités, sans mot comparatif (contrairement à une comparaison). Bob Boldman utilise souvent cette figure de style dans son haïku, comme les exemples ci-dessous tirés des recueils Walking With the river et Everything i touch en attestent.
Les poèmes qui suivent sont tirés du recueil Walking With the river et illustrent l’utilisation de métaphores par le biais de la ersonnification d’éléments naturels . walking With the river the water does my thinking Notons d’abord l’absence de majuscule et le décalage entre les deux vers, qui démontrent le refus des conventions formelles du haïku classique par le poète. Dans ce poème, l’auteur utilise une métaphore en accordant à la ri s 0 classique par le poète.
Dans ce poème, Pauteur utilise une métaphore en accordant à la rivière une existence animée par l’attribution du verbe « marcher » dans le premier vers, et « penser » dans le second, alors que ces verbes nécessiteraient dans d’autres cas un sujet animé. Cette personnification d’un élément naturel indique que le poète ne fait plus qu’un avec la nature. Toute barrière entre le poète et la nature est de fait annihilée. in the moonlight the sea rolling under my eyelids the emptiness and my eyes in the distant stars Ces poèmes indiquent une fusion du poète avec la nature.
Dans le premier poème, surnaturel, Boldman ne fait plus qu’un avec la mer, et le motif du clair de lune en accentue l’effet poétique. L’attribution du verbe « se dérouler » à l’élément naturel de la mer marque la personnification de celle-ci et produit une métaphore. Dans le deuxième, le poète semble n’avoir plus d’existence propre et ses yeux ont rejoint les milliers d’yeux représentés par des étoiles, e premier poème du recueil Everything touch comporte à la fois un symbole, celui du premier de Pan, et une synecdoque particularisante.
Un symbole attribue par analogie une image concrète à une notion abstraite. La synecdoque est une métonymie particulière selon laquelle la relation entre le terme donné et le terme évoqué constitue une inclusion ou une dépendance, matérielle ou conceptuelle. January first 6 0 qui symbolise un nouveau commencement, une autre chance. Le premier de l’an est en effet traditionnellement le jour où l’on prend de « bonnes » résolutions concernant la nouvelle année.
L’utilisation de majuscules indique I ‘importance de cette Journée particulière pendant laquelle on médite peut-être sur les enseignements de l’année qui vient de s’écouler et se réjouit de cette nouvelle opportunité de « repartir à zéro Le mois de janvier représente le cœur de l’hiver, le froid et la neige (Bob Boldman vit dans l’Ohio, un état caractérisé par des hivers particulièrement rigoureux).
L ‘idée du froid est confirmée dans a deuxième ligne avec le mot « cold Or ce sont les « doigts » de la prostituée qui sont froids, alors que l’on peut imaginer que la prostituée qui attend dans la rue est complètement transie de froid. Ici la prostituée est réduite à ses doigts, les extrémités de son corps, comme si son corps, vendu au plus offrant n’avait plus guère d’importance. Cette synecdoque particularisante produit un effet réducteur, un effet de zoom, afin peut-être de mettre en exergue l’absence de statut social de la prostituée.
Mirror myface where i left it Ce ha’lku d’une ligne illustre de nouveau la volonté de Bob Boldman de s’écarter du modèle traditionnel du haïku anglais de 5-7-5- pieds. Le lecteur peut également noter les espaces entre deux mots ou groupes de mots et qui servent à segmenter le poème et à juxtaposer deux images : celles du miroir et du visage, suivies d’une réflexion « ou je l’avais laissé Boldman semble également vouloir mettre à faux l’allégorie classique de la vanité représentée par le mi semble également vouloir mettre à faux l’allégorie classique de la vanité représentée par le miroir dans la peinture.
On définit généralement l’allégorie en la comparant au symbole, dont elle st le développement logique, systématique et détaillé; c’est la personnification d’une idée abstraite, qui se produit lorsqu’un objet ou un animal possède une signification reconnue par l’ensemble de la société. Or ici, le poète utilise le miroir pour se rassurer non sur sa beauté, mais sur sa propre existence: il est toujours là, comme hier, rien n’a changé. Ce haïku comporte également une synecdoque particularisante dans la mesure où le poète est réduit à son visage, ce qui produit un effet poétique. usage du « je » est par ailleurs assez inédit par rapport aux ègles du haiku classique qui interdisent l’usage de pronoms personnels. Le halku suivant termine la première section du recueil • Jan. 1 The corpse of the crow whitens the snow On retrouve la date du premier de ran mais écrite en minuscules cette fois, ce qui contraste avec la première ligne du premier haïku étudié plus haut, peut-être dans le but de montrer qu’il s’agit ICI de la fin de l’année. Cette hypothèse est renforcée par l’image du froid et de la neige, comme dans le premier haïku.
Ici, la pureté de la neige est accentuée par le mot « blanchir » (whitens). Le cadavre du corbeau accentue encore cette blancheur. On peut penser que le mot « blanchir » est utilisé à la fois au sens propre et au figuré, créant ainsi une syllepse de sens entre rendre plus blanc et purifier. Une syllepse est une figure de rhétorique consistant à utiliser un mot a la fois et purifier. une syl epse est une figure de rhétorique consistant à utiliser un mot a la fois au sens propre et au sens figuré.
Ici effectivement, le corps noir du corbeau permet d’illuminer la blancheur de la neige par contraste. De la même manière, la mort de cet oiseau considéré de mauvais augure du fait de son lumage noir et de ses habitudes nécrophages, encourage peut- être d’une certaine manière le poète à espérer de nouveau. Coiseau maudit, cet intermédiaire entre le monde des vivants et des morts n’existe plus. Il est Intéressant que ce halku soit justement placé à la fin de la section, comme pour indiquer le passage de l’année, le cycle des saisons qui passent et qu reviennent.
Dans une autre section du recueil, Bob Boldman expérimente le thème de la mort et notre attitude en tant qu’humains face à la mort. Between mourners A glimpse of the coffin Ce poème est intéressant dans la mesure où il renvoie au ecteur deux images juxtaposées : la première, celle d’un groupe de personnes lors de la mise en bière d’un défunt, la pluralité des invités à la cérémonie contraste avec la solitude du défunt, comme si le groupe voulait pu ser dans le nombre la force d’affronter la mort.
Le cercueil représente bien sûr le symbole de la mort. Le mot « glimpse » indique la fugacité du moment. Soudain le poète aperçoit le cercueil passer entre deux personnes, comme un symbole pour rappeler la brièveté de la Death camp in the photograph The little girl’s hair will always be blowing Les images produites par ce haiku sont très fortes : la mort, la souffrance, la grisaille (acc photographie en noir haïku sont très fortes : la mort, la souffrance, la grisaille (accentuée par la photographie en noir et blanc), Auschwitz, la peur.
Et soudain, l’image arrêtée cette petite fille symbolisant la jeunesse, la vie, l’innocence, cette petite fille dont les cheveux volent au vent (cette image symbolise le jeu, la liberté du vent qui souffle) , cette petite fille disparue depuis longtemps mais dont l’image demeure à jamais will always be blowing »). Visible Illacs Shaped by Invisible lilacs Ce halku termine cette section sur la mort et semble quelque peu incompréhensible au prime abord.
La répétition des mots « visible » et « invisible » ressemble à une anaphore, qui est une figure de style consistant à commencer des vers par le même mot, créant ainsi un effet de symétrie. L’anaphore permet ainsi de rythmer la phrase, de souligner un mot et de communiquer de l’énergie, comme pour convaincre. Le lilas est un symbole de la religion chrétienne et notamment des cérémonies de printemps, telles que les communions. Bob Boldman étant un homme très eligieux, le choix de cette fleur n’est pas anodin.