La contrefaçon dans le monde

Même en reconnaissant qu’elle démocratise l’accès aux biens de consommation, pour en faire profiter le plus grand nombre, on ne doit pas ublier qu’en certaines occasions elle tue. C’est un phénomène condamnable d’un point de vue moral et contraire aux lois économiques, voire sociales. Malgré ce constat, la contrefaçon s’industrialise et les produits se commercialisent dans des quantités toujours plus importantes. A l’image de la consommation, l’opium du peuple du 21e siècle est la contrefaçon car elle présente les qualités d’un substitut meilleur marché. sparky – Fotolia. com acknowledge it democratizes consumption products for the benefit of the greater number of people, you must keep in mind it can also kill. It is a morally reprehensible henomenon and contrary to economic, even social, laws. ln spite of this assessment, piracy becomes industrialized and more and more products are marketed. Like consumption, the opium of the people in the 21 st century is piracy because it has all the characteristics of a cheaper substitute.

Andy Hyeans Chargé d’études à l’observatoire national de la délinquance et des réponses pénales et inspecteur des douanes, il a été, de 1999 à 2001, en poste en Grande-Bretagne (Cheriton) chargé du contrôle du transmanche et de l’application des restrictions de circulation communautaires. De 2001 à 2006, il a dirigé une unité des douanes l’aéroport international de Roissy Charles-de-Gaulle. De 2006 2010, il a été enseignant à l’École nationale des douanes de Tourcoing et est expert en droit douanier, droit pénal, droit de la propriété intellectuelle et lutte contre la fraude. *) Victor Hugo, discours prononcé devant la Chambre des députés à l’occasion du projet de loi relatif aux marques de fabrique, 18 fevrier 1846. 36 pein tu re Hyeans:Mise en page 1 2g l’acquittement des droits correspondants. Contrefaire, c’est tirer profit d’une production matérielle ou immatérielle qui appartient quelqu’un d’autre, comme un voleur/receleur le ferait vec le produit d’un vol. La contrefaçon peut frapper des produits physiques, palpables, comme ceux fabriqués par les marques, mais aussi des productions de l’esprit comme des musiques, films ou logiciels.

Le développement du phénomène a été favorisé par les nouvelles technologies de l’information et de la communication, support de l’industrie du contenu numérique et formidable vitrine pour les biens de consommation. Dans notre économie complexifiée, force est de constater que les productions de biens matériels continuent à augmenter et qu’en parallèle, l’économie immatérielle se développe au profit du support lectronique.

Dans cette deuxième économie, les pirates informatiques arguent que pirater c’est partager, comme si la contrefaçon était un acte résistant dans une économie globalisée très inégalitaire. Malgré cette conception basée sur le partage, au sens premier, c’est-à-dire la transformation d’un élément en plusieurs autres, on ne peut oublier la réalité du bilan de la contrefaçon : des pertes économiques considérables, évaluées déjà en 2005 1 à 200 milliards de dollars, et des faux produits dangereux comme ces médicaments reconnus en 2001 responsables de la mort de 192 000 personnes en Chine 2.

Traiter de la contrefaçon dans le monde, c’est aborder ses flux illicites et déterminer quels en sont les auteurs et les victimes. Cest aussi inventorier les tendances du faux, comme pourrait le faire un service d’étude de la consommation. Sans oubli faux, Sans oublier de déterminer les processus de commercialisation et les entreprises » de la criminalité organisée qui en tirent profit. Certaines études démontrent que la contrefaçon peut avoir des effets positifs, mais qu’en est-il vraiment ?

L’industrialisation de la contrefaçon, La contrefaçon dans le monde : entre dangers, profits et perspectives ans une phase de durcissement de la législation, peut enfin nous amener à envisager Padaptation de la réponse au phénomène en comparant les sanctions du trafic de contrefaçons et celles du trafic de stupéfiants. A la lumière de tous ces éléments, nous évoquerons enfin des solutions alternatives. Les flux illicites ‘Asie est l’épicentre du phénomène de la contrefaçon et met d’accord les observateurs : « 90 % des contrefaçons dans le monde sont originaires d’Asie » 3.

Au sein de cette région du monde, la Chine est le premier producteur mondial de contrefaçons. Malgré son implication récente ans la utte contre cette pratique, elle fait face à un phénomène qui dope la croissance et lutte contre le chômage. Difficile de faire autrement que de devenir schizophrène quand on sait que 30 % du commerce intérieur chinois serait alimenté par la contrefaçon 4. Parties d’hélicoptères, matériaux de construction, automobiles. la Chine produit tout ce qui se vend et surtout s’achète, y compris les copies.

Le continent américain est lui touché dans son ensemble par les produits de contrefaçon. L’Amérique du Sud, le Mexique et le Canada en sont les principaux auteurs. En effet, les pays u Sud et le 4 2g es principaux auteurs. En effet, les pays d’Amérique du Sud et le Mexique sont impliqués dans la production de cigarettes, de médicaments et de vêtements de sport contrefaits, tandis que le Brésil s’est spécialisé dans l’industrie lourde. L’Organisation mondiale des douanes souligne que les saisies dans la région « Amérique du Sud » ont augmenté de 82,6 % entre 2008 et 2009 5.

En Europe occidentale, le Portugal, FEspagne, l’Italie, la Belgique et l’Allemagne sont des régions de production que les marques surveillent activement, mais ces pays font aussi figure de victimes. CAIlemagne est le deuxième pays n nombre de saisies en 2009 avec 1 429 saisies de contrefaçons recensés par l’Organisation mondiale des douanes 6. La France est, quant à elle, particulièrement ciblée pour la contrefaçon de logiciels. Auteur et victime, selon Microsoft, « avec un taux de piratage de logiciels de 45 la France demeure nettement au-dessus de la moyenne européenne » 7. 1) « The economic impact of counterfeiting and piracy », OCDE, 2007 (2) Revue médicale britannique « The Lancet h, citée dans le magazine Pharmag, février 2008 (3) Rapport de l’Unifab, « Fimpact de la contrefaçon vu par les entreprises en France », avril 2010 4) Questions internationales, juillet/août 201 0 (5) « Rapport Douane et DPI 2009 organisation Mondiale des Douanes, traitement ONDRP (6) « Rapport Douane et DPI 2009 Organisation Mondiale des (7) Rapport de l’Unifab, « l’impact de la contrefaçon vu par les 37 s g en page 1 Page 38 Cahiers de la sécurité – no 15 – janvier – mars 2011 La situation en Europe orientale n’est pas meilleure. Cette région est active dans les secteurs des logiciels, du tabac, du sport, du bâtiment et des Vins et spiritueux. « La Pologne figure au rang des pays surveillés de près par les instances européennes » 8. La Russie apparaît armi les principaux pays producteurs de faux et s’est spécialisée dans la fabrication de vêtements de sport et de produits du bâtiment contrefaits.

Malgré l’activité régionale, le nombre d’articles saisis en 2009 en Russie a diminué de moitié par rapport à 2008 54,5 9. ca Bulgarie, quant à elle, attire l’attention des professionnels des vins et spiritueux par ses productions contrefaites. L’Afrique, est un acteur majeur et un producteur de contrefaçons en tout genre. Sa particularité réside dans le fait que ce continent est plus victime qu’auteur. En Afrique, « il y a plus de faux que de vrais sur les marchés » 10. Après l’Asie, c’est la deuxième zone d’exportation vers le reste du monde de produits illicites et la contrefaçon y étouffe le développement des productions locales 11. Le bilan dans certains secteurs est même très lourd (voir la partie « tendances du faux »).

Il est intéressant de s’arrêter un instant sur la part de la contrefaçon et du piratage, non pas en volume, mais en proportion, dans les économies. La part de la contrefaçon dans l’activité commerciale d’un pa s andérée par le volume de l’activité permet d’éliminer 6 2g puissance ou la faiblesse des économies. Il est ainsi possible de éterminer à quel point les économies sont atteintes, quelle que soit leur place internationale. Ce qui n’est pas surprenant puisqu’Hong-Kong figure dans les premières places de tous les rapports sur la contrefaçon. En revanche, cet indicateur démontre que les économies du Laos, de l’Afghanistan, de la Thallande, des Émirats Arabes Unis, de la République populaire de Corée et du Togo 13 sont tout aussi impactées.

Des places commerciales plus modestes peuvent donc cacher de véritables industries du faux, qui passent Inaperçues car elles prospèrent dans des économies moins performantes. En effet, si on compare les données du GTRlC-e avec le classement mondial des produits intérieurs bruts par habitants les disparités sont flagrantes. Hong-Kong, 1 Se PIB mondial en 2009, est premier au classement du GTRlC-e. Alors que le second du classement de l’OCDE, le Laos, est le 180e PIB mondial. La troisième place est occupée par l’Afghanistan, 217e PIB, la quatrième par la Thaïlande, 1 Ile PIB, la cinquième par les Émirats Arabes Unis, 23e PIB, la sixième par la République populaire de Corée, 182e PIB et la septième par le Togo, 209e PIB 14.

L’idée reçue selon laquelle plus on produit, plus on est enclin produire de la contrefaçon est donc à nuancer. Les tendances du faux Les tendances de la contrefaçon évoluent et sont les sources de nouveaux risques. une contrefaçon de polo (à moins de contenir des produits chimiques dangereux) ne présentera pas les mêmes risques qu’une contrefaçon de couteau électrique ou d’un produit de santé. ‘Organisation de Coopération et de Développement électrique ou d’un produit de santé. L’Organisation de Coopération et de Développement Économiques a mis en place un indicateur, le GTRIC-e 12, qui permet de mesurer la pénétration des économes par la contrefaçon. L’indicateur GTRlC-e est construit en trois étapes.

Premièrement, la part des saisies de produits contrefaits ou piratés par rapport aux volumes commerciaux licites est calculée. Dans un second temps, on assigne un coefficient à ce pourcentage, en fonction de l’intensité des exportations commerciales du pays. Enfin, l’indicateur est formé sur ces coefficients. Le luxe, cible historique de la contrefaçon, n’est plus l’unique victime. Sa part ne représentait déjà plus que 1 % de l’ensemble des produits interceptés aux frontières de l’Union européenne en 2006 15. Par contre ses saisies eprésentent la moitié des saisies en valeur. Le secteur de l’horlogerie est particulièrement touché.

En effet, 26 millions de montres de luxe suisses authentiques ont été fabriquées en 2004 alors que 50 millions de fausses montres ont été recensées. Si on sait que le principal pays de provenance est la Chine, on peut observer qu’il sera aussi le premier marché mondial du luxe d’ici 5 ans 16. Selon le GTRlC-e, en 2008 1’économie la plus touchée est celle d’Hong-Kong (République populaire de Chine). L’habillement, qui est l’une des cibles demeurant les plus touchées, voit ses modes de distribution se transformer. 8) Comité Colbert, « le rôle du comité Colbert dans la lutte contre la contrefaçon. (9) « Rapport Douane et DPI 2009 Organisation mondiale des douanes, traitement ONDRP (10) propos de M. Christo ann, chargé de la lutte des douanes, traitement ONDRP (10) propos de M.

Christophe Zimmermann, chargé de la lutte anti-contrefaçon à l’Organisation mondiale des douanes (11) « L’Afrique peine à traquer le faux Jeune Afrique, n »2527 du 14 au 20 juin 2009 (12) General Trade-Related Indices of Counterfeigting and piracy economlc (13) Rapport de l’OCDE « Magnitude of counterfeiting and piracy f tangibles products : an update », novembre 2009 (14) CIA World Factbook, version du 1er janvier 2009 (15) Commission européenne, statistiques aux frontières extérieures de l’Union en 2006 (16) Etude 2010 du Boston Consulting Group 38 Page 39 En effet, les vêtements « non marqués » voyagent sans indications commerciales et les étiquettes des marques contrefaites sont apposées dans les pays de consommation. Ceci limite les saisies en cas de contrôle par les douanes par exemple. A ce propos, on peut remarquer que les quantités saisies dans le secteur de l’habillement par les ouanes ont augmenté de 157 % entre 2008 et 2009 17, comme les produits voyagent sans être assemblés pour la vente, on peut légitimement s’interro er sur les quantités réelles qui circulent. contrefaçon. Les saisies de contrefaçons d’œuvres phonographiques n’ont augmenté « que » de 13,1 % entre 2008 et 2009.

Mais en plus des copies de CD, DVD et logiciels, ce secteur est victime de la diffusion sans paiement de droit de services numériques payant, par le biais d’Internet. C’est un modèle économique qui est remis en cause par la contrefaçon en ligne, puisque le piratage numérique défie les règles économiques classiques. Dans le monde du piratage, le fournisseur et le consommateur se confondent (cas du peer-to-peer par exemple), le prix unitaire est très bas, voire à zéro (téléchargement gratuit de fichiers audio ou vidéo à partir de sites de stockage en ligne) rendant ce marché dépendant des facteurs « non-prix » 19 pour que les exploitants légaux continuent leur activité. es produits high-tech connaissent eux aussi une expansion qui suit les tendances.