Se cultiver, est-ce renoncer à sa nature ?

Le terme « nat signifiant naître, déb r, a pluralité des cultures est universelle et la c être de culture ou un ra, issu de nascor, n outre, de par la coule que la nature est-il alors un re dénature-t-elle l’Homme ou le fait-elle naître ? Et finalement, est-il possible de distinguer la nature de l’Homme de sa culture ? Dans un premier temps, nous envisagerons comment la culture peut « dénaturer » dans un sens négatif, avant de souligner l’impossibilité de définir la nature propre de l’Homme, pour enfin admettre que la nature de l’Homme est précisément de se cultiver.

En effet, on peut considérer que la culture dénature l’Homme, d’une part en ‘éloignant de sa liberté et à travers les décadences qu’elle peut entrainer, d’autre part. Épicure, déjà, au IIIème siècle avant J. -C. , pensait que l' » to Wew next page l’Homme ne devait satisfaire que ses besoins naturels et s’émanciper des plaisirs artificiels qui l’éloignent de sa nature. Selon Rousseau, d’une même idée (in Discours sur l’origine des inégalités parmi les hommes en 1755), la culture a éloigné l’Homme de sa liberté originelle en lui façonnant des plaisirs t des règles normatifs, aveuglants, voire bêtifiants.

Il estime que la culture tend dangereusement vers la corruption d’un esprit primitivement pur et que l’Homme n’est « bon » que naturel. Montaigne, écrivant sur les soi-disant « barbares » que les occidentaux découvrirent au Brésil (in Essais, chap. XXIV en 1580), opère une digression sur la nature et déclare que l’homme par son art et ses « vaines et frivoles entreprises étouffe aveuglément la nature. Selon lui, notre esprit est corrompu par la culture (en particulier la science, la technique et les mœurs) et la eur de l’inconnu qui en découle nous rend destructeurs.

En effet, l’on peut penser être allé trop loin dans ce « renoncement » à la nature. En tout cas, certains pans de l’Histoire nous permettent de douter des bienfaits de la civilisation et la culture. Par exemple : l’on déploya d’incroyables moyens technologiques pour exterminer des hommes, la planète (sa faune, sa flore) est détruite pour assouvir des besoins peut-être superflus, l’homme a réduit en esclavage, colonisé, discriminé, trouvant telle culture inférieure à la sienne, de tous temps les peuples se sont entretués… etc.

Et chacune de ses aberrations découle certainement de l’enfermement de sociétés dans une certaine culture qui les aveugle Mais autant d’éléments négatifs d 2 l’enfermement de sociétés dans une certaine culture qui les aveugle Mais autant d’éléments négatifs dans le fait de se cultiver nous pousse à nous interroger sur ce qu’est la nature propre de l’Homme. Existe-t-elle seulement ? Il semblerait que non, nous verrons qu’il semble impossible de dissocier « homme naturel » et « animal avant de se demander où commence la culture.

En Grèce Antique, l’école philosophique des cyniques avait pour igure éminente Diogène de Sinope qui, afin d’accéder à un état tout à fait naturel, vivait en imitant les animaux. Cela prouve bien, encore une fois, qu’un homme n’a pas de « nature » ou de pureté originelle qui soit exempte de culture. Tenter de s’émanciper de la culture (considérée comme un obstacle l’accès à la liberté selon les cyniques) revient donc à n’être plus un Homme mais un animal. La vie des animaux, selon Descartes, n’est régie que par des pulsions, des « passions » (lu dans une Lettre au marquis de Newcastle en 1646).

L’Homme, lui, fait reuve de raisonnement afin de les satisfaire, et d’intelligence. En effet, cette notion d’instinct qui programme la vie animale est totalement discutable chez PHomme (l’instinct maternel, par exemple, diffère notablement selon l’époque et les sociétés). Les enfants sauvages sont l’illustration même d’un tel paradoxe : leur actions, leur intelligence étaient animales et il fut impossible, ou presque, de les faire parler ou de les civiliser. Ils se sont révélés tout à fait inaptes au monde socialisé. Or, qu’est-ce que le propre de l’Homme sinon le langage, la vie en société.. Par exemple, elon Gilles Del 3 l’Homme sinon le langage, la vie en société… ? Par exemple, selon Gilles Deleuze (in L’Abécédaire en 1 988), la culture est intimement liée au langage, essentielle distinction entre homme et animal. Si être un Homme naturel revient à être animal, il semble intéressant de se demander où donc commence la culture, si elle exerce un point de rupture quelque part, dans la nature de l’Homme. Cette idée peut se métaphoriser en l’exemple d’Adam et Ève, qui prirent conscience de leur nudité après avoir croqué la pomme de l’arbre de la connaissance.

C’est à ce moment que eur innocence, leur « pureté » (au sens de leur état d’êtres de nature) et justement leur absence de conscience, prennent fin, c’est ici que l’on peut considérer que leur culture commence. Ils sont alors chassés de l’Eden, jardin luxuriant, naturel. une autre métaphore possible est le don du feu et de la connaissance des arts fait aux hommes par Prométhée, secrètement des dieux de l’olympe, et qui les sauvèrent contre l’adversité, justement, de la nature.

Plus scientifiquement, Levi Strauss estime que le point de départ de toute culture humaine est le tabou de l’inceste (in Les tructures élémentaires de la parenté en 1949). Ce tabou serait la seule chose à la fois culturelle et universelle, et effectuerait la coupure instituée par I’Homme qui le sépare de la nature et institue la culture. Enfin, cela prouve que la culture est bien un phénomène universel parmi les Hommes. Enfin, il semble légitime d’affirmer que la nature de l’Homme est donc bien de se cultiver.

Premièrement, car c’est ce à quoi il est voué de par le renoncement à son animalit 4 cultiver. Premièrement, car c’est ce à quoi il est voué de par le renoncement à son animalité, ensuite parce-que l’Homme n’est ue comme il se construit lui-même, ensuite car nous sommes des êtres perfectibles puisque, enfin, nous savons incorporer des attitudes liées à notre culture. En effet, l’Homme est un être à la fois naturel et culturel. Naturel, car il est un organisme obéissant à des lois de la nature, physiques et chimiques.

Aussi, l’Homme s’inscrit dans le schéma d’une évolution naturelle du Monde et ce dont il est peuplé. Mais culturel également, car contrairement aux animaux, PHomme n’agit pas, ou pas que, selon ses instincts et ses pulsions (ses « passions L’Homme est donc une créature intellectuelle et ociale. Contrairement à Rousseau, Kant considère que la culture dénature [‘Homme au sens positif. Car [‘Homme est selon lui voué à « s’élever » et se dénaturer. Freud, lui, considère que la culture est effectivement un « renoncement pulsionnel », par les mœurs, la tenue, la pudeur, la politesse… n bref, la civilité et la sociabilisation. Se cultiver serait donc renoncer à son animalité, ne plus se contenter d’une vie schématisée en pulsions et besoins vitaux assouvis par des ressources naturelles. Cest bien pour cela que Nietzsche considère la morale comme « contre -nature » : ar la culture, l’Homme apprend à vivre… parmi les Hommes. En outre, si l’on considère que Dieu n’existe pas (et que la vie de l’Homme n’est donc pas créée ni régie par une force supérieure), l’Homme n’a simplement pas de nature, il se fait lui-même.

Cette idée fut largement déployée et approfondie dans les S pas de nature, il se fait lui-même. Cette idée fut largement déployée et approfondie dans les écrits de Sartre, qui écrivit synthétiquement : « L’existence précède l’essence » (in ‘existentialisme est un humanisme en 1996). Ainsi, l’Homme ‘est rien d’autre que la somme de ses actes, et n’est rien de « donné » à la base. Aussi selon Gilles Deleuze (in L’Abécédaire), la culture, c’est la rencontre (pas seulement avec d’autres hommes mais avec des mots, des idées, des images).

Or l’Homme est doté d’une intelligence qui exclut que l’on puisse être Vide de tous ces facteurs, ou pouvoir mener une vie « spirituelle » sans ces derniers. En outre, [‘Homme est naturellement, impulsivement attiré par la rencontre avec son environnement, de par cette intelligence, cette raison. Cest donc la propre curiosité de ‘Homme qui forge sa culture, et donc sa nature. Quoi qu’il en soit, [‘Homme n’a pas de nature figée car il dispose d’une liberté et d’une perfectibilité certaines (Rousseau in Discours sur l’origine des inégalités parmi les hommes, première partie).

En effet, l’homme naît inachevé. Un nouveau-né n’est pas autonome et certaines de ses organes, essentielles, ne sont pas définitivement formées, comme son cœur et son cerveau ; contrairement aux animaux qui naissent pourvus de toutes leurs facultés. Ainsi, rien, ou presque, ne serait inné chez l’Homme, qui aurait tout à acquérir, par la culture. L’Homme ne naît pas fini mais à perfectionner. On ne nait pas homme, on le devient, et ce par la raison dont, selon Kant, seul PHomme est doté (in Conjectures sur le commencement de l’histoire humaine en 1786).

Se cultiver seul l’Homme est doté (in Conjectures sur le commencement de l’histoire humaine en 1786). Se cultiver, c’est suivre sa nature. Ainsi, la culture étant une « seconde nature nous constatons qu’il est impossible de dissocier la nature et la culture en ce qui concerne I’Homme. En effet, [‘Homme a la faculté d’incorporer des règles et des manières, elles en deviennent naturelles. La coutume est une seconde nature, qui détruit la première » écrit Pascal dans ses Contrariétés, in Pensées au 17ème siècle. Qu’il s’agisse d’une démarche, d’un rire, d’une manière de manger… t toutes ces manières peuvent deffectuer naturellement, si bien que l’expression « fate quelque chose naturellement » est couramment utilisée. L’on peut même danser de manière naturelle, la danse étant pourtant un art, et de ce fait un acte « non naturel » à l’origine. Il semble important de souligner l’impossibilité pour un Homme « d’être naturel » car ien souvent, ces termes équivalent à « être fidèle à ce que notre culture a fait de nous Se cultiver, c’est donc se dénaturer, mais c’est aussi, dans un certain sens que nous avons tenté d’expliciter, suivre sa nature.