Yolo

Une chronologie (• p. 19-35) vient préciser les repères biographiques, historiques et culturels. Les textes sont abondamment annotés afin d’élucider tous les problèmes de compréhension littérale. Enfin, un dossier composé à la fois de documents complémentaires, de questions et d’exercices permet faccompagnement et la prolongation de la lecture des trois nouvelles p. 131-153). Il. TROIS FACEITES DU NATURALISME Les trois récits qui composent le recueil procèdent d’un choix qui, comme souvent, s’est fait dans l’embarras.

L’offre était variée et abondante parmi les œuvres des écrivains qu’on range, à tort ou à raison sous la bannière naturaliste. Nous avons donc fait de c e critère même de 2 5 Commune. Déporté Nouméa, il s’évade et revient bien des années plus tard pour retrouver sa famille. Mais sa femme s’est remariée et sa fille semble avoir disparu. Dans La Retraite de Monsieur Bougran, Huysmans met en scène Bougran, un fonctionnaire contraint de prendre sa retraite alors qu’il ne trouvait sens son existence que dans son travail de bureau, au ministère.

Ce changement ravage le vieil homme et le précipite dans la folie et dans la mort. La nouvelle de Maupassant nous transporte en Normandie et raconte un de ces secrets au parfum de scandale qui traînent dans les vieilles familles bourgeoises. Hautot père charge, sur son lit d’agonie, son fils, César, de prendre soin de Caroline, avec laquelle il entretenait une liaison. Hautot fils rencontre la maîtresse de son père, découvre son demi-frère, mais surtout tombe amoureux de 867-4542-591 58-nouvel na#3A9FEE page 3 Jeudi, 26. oût 2010 cette femme. Il prend alors peu à peu la place de son père dans le foyer de Caroline. Les trois récits offrent donc une variété manifeste, du point de vue de la diégèse, des types de personnages, des lieux, des époques, des classes sociales, etc. Pourtant chacun d’eux procède à sa manière d’une visée naturaliste. Rappelons que les trois auteurs se sont rencontrés entre 1875 et 1876 et qu’ils ont participé aux Soirées de Médan (1880), recueil qui fait figure de manifeste naturaliste 1.

En outre, les trois nouvelles ont été composées à la même période, dans les années 1880 : Jacques Damour fut publié la première fois dans le Messager de l’Europe en août 1880 2, La Retraite de Monsieur Bougran, prévue pour être insérée dans la 3 5 Messager prévue pour être insérée dans la revue britannique The Universal Review, mais qui fut refusée par son directeur 3, a été écrite vraisemblablement avant 1888, et Hautot père et ils parut dans L’écho de paris du 5 janvier 1889 4.

On objectera que Maupassant, s’il admire les romans de Zola, ne reprend pas à son compte tous les présupposés idéologiques du maître de Médan 5. La nouvelle a été en outre écrite la même année que Fort comme la mort, roman qui relève davantage d’une psychologie à la Paul Bourget que du déterminisme de Zola 6. Il faut noter à ce propos qu’Hautot 1. Les Soirées de Médan rassemblent des nouvelles prenant pour thème la guerre de 1870. Outre Zola, Huysmans et Maupassant, Paul Alexis (1847-1901), Léon Hennque (1850-1935) et Henri Céard (1851-1924) nt participé au recueil. . La nouvelle reparut dans Le Figaro des 27, 28, 29, 30 avril et 1er 2 mai 1883 avant que Zola ne l’adjoignît au recueil Nais Micoulin (1884). 3. Harry Quilter. 4 Hautot père et fils fut à nouveau publié dans La Vie populaire 24 avril 1889, avant d’être repris dans le recueil La Main gauche (1889). 5. Voir ce qu’écrit Maupassant à Flaubert le 24 avril 1879 : « Que ditesvous de Zola ? Moi, je le trouve absolument fou. Avez-vous lu son article sur Hugo ? Son article sur les poètes contemporains et sa brochure La République et la littérature ? La République sera naturaliste ou lle ne sera pas » — « Je ne suis qu’un savant.  » Rien que cela. Quelle modestie) – 4 25 Le document humain. La série des formules. On verra maintenant sur le dos des livres : « Grand roman selon la formule naturaliste ; Je ne suis qu’un savant Cela est pyramidal… Et on rit pas… » (cité par Colette Becker dans son introduction aux Soirées de Médan, pans, ce Livre à venir, 1981, p. 25). 6. Zola, à la même époque, est contesté par une nouvelle génération d’écrivains naturalistes.

Voir le Manifeste des Cinq, brûlot lancé contre La Terre par P. Bonnetain, Descaves, J. -H. Rosny, P. Margueritte G. Guiches. 867-4542-591 58-nouvel na#3A9FEE page 4 Jeudi, 26. août 2010 4 père et fils et Fort comme la mort 1 développent un motif analogue : la confusion des sentiments entre parents et enfants, le mélange incestueux des désirs. Nous reproduisons un extrait de Fort comme la mort dans la partie « Dossier » de notre édition (• p. 149-151), ce qui permettra de rapprocher les deux œuvres.

Cependant, Hautot père et fils ne fournit aucune des analyses psychologiques auxquelles Maupassant s’adonne dans son roman. La nouvelle en reste à une description purement comportementaliste, conformément à la manière, non pas de Paul Bourget, mais des naturalistes de la première génération. On pourra également s’int rthodoxie naturaliste de s 5 plaisirs de la rhétorique. On connaît par ailleurs les raisonnements anticonformistes de des Esseintes et le fameux « la nature a fait son temps » qui célèbre l’artifice et permet d’échapper aux contraintes du réel.

On retrouvera dans La Retraite de Monsieur Bougran quelques marques d’exubérances verbales notamment dans l’imitation jubilatoire de ce style propre à l’administration française. Le jardin du Luxembourg, décrit au chapitre II, apparaît également comme un ymptôme de cette dénaturation qui affecte, selon Huysmans, la société civilisée. Il n’empêche. L’écriture de La Retraite de Monsieur Bougran se rapproche du style d’En ménage (1881) ou d’A vau-l’eau (1882) plus que de celui d’A rebours et exprime une vision mécanique de l’humanité que n’aurait sans doute pas reniée Zola.

Si Huysmans et Maupassant, chacun à leur façon, marquent leur distance avec les principes du Roman expérimental (1880) de Zola, ils ne rompent donc pas les ponts. Et les trois nouvelles témoignent de préoccupations communes. Jacques Damour fournit un exemple en réduction de la éthode d’écriture zolienne. Le destin du héros résulte en effet des déterminations conjuguées du tempérament individuel, du milieu social et de l’époque. Le rapport entre les êtres rappelle en outre les lois du comportement de certaines espèces animales : les « mâles » luttent entre eux pour obtenir 1.

Dans Fort comme la mort, Olivier Bertin tombe amoureux de la fille de sa vieille maîtresse. 867-4542-591 58-nouvel na#3A9FEE page 5 Jeudi, 26. août 2010 les faveurs de Félicie. Berru convoite ainsi la jeune femme, sitôt Damour déporté en Nouvelle-Calédonie. Damour 6 25 Félicie. Berru convoite ainsi la jeune femme, itôt Damour déporté en Nouvelle-Calédonie. Damour, de retour à Paris, essaie de reprendre sa femme et se sent prêt affronter le boucher.

Mais le gros Sagnard n’a pas grand peine à évincer le maigre prétendant, qui s’incline presque de lui-même, se sentant rapidement « diminué » devant le boucher 1. De plus, Zola, quelques années avant La Débâcle, livre à travers la nouvelle son point de vue sur la Commune, et, plus globalement sa conception cyclique de l’Histoire. La Commune apparaît comme un moment de dépérissement national, une folie collective née des rigueurs du siège de 870, de la nullité du gouvernement, et des mots d’ordre révolutionnaires proférés par quelques habiles agitateurs communistes.

Loin de libérer les pauvres gens, la Commune broie les destins individuels. Damour en est la victime archétypale : un ouvrier moyen, père de famille, mû par une indignation légitime mais emporté par les mouvements de foule. Son retour à paris, narré à partir du deuxième chapitre, montre qu’il a tout perdu : non seulement sa famille s’est dissoute, mais la société tout entière n’a jamais été aussi avide de « chair » et d’« or ces deux vices si caractéristiques du iècle, comme en témoigne La Curée. Le monde est donc comme avant, et peut-être pire encore.

Sa femme repousse l’ouvrier, trop heureuse désormais d’avoir les mains plongées dans le tiroir-caisse de sa boucherie, royaume sanguinolent du matérialisme triomphant. Louise, sa fille, est devenue une cocotte, à l’instar de Nana, logée dans un « hôtel luxueux » du nouveau quartier de l’Europe, celui des nouveaux riches. Elle 5 « hôtel luxueux » Elle déteste les communards mais, parce qu’elle est « bonne fille », veut bien engager son père comme veilleur d’une « propriété, qu’un monsieur venait de lui acheter, près de Mantes » p. 82).

Celui qui a naïvement rêvé d’une société sans classe devient le domestique de sa fille ! Damour n’en remercie pas moins la Providence : « Il engraisse, il refleurit, bourgeoisement vêtu, ayant la mine bon enfant d’un ancien militaire » p. 82). L’ancien ouvrier échafaude bien quelques projets révolutionnaires avec Berru, mais c’est pour entretenir l’illusion de n’avoir pas tout renié. Ce ne sont en effet que paroles vaines : en régime naturaliste, le destin 1. On pourra faire un rapprochement avec la lutte des « Maigres » et des « Gras » dans Le Ventre de Paris. 67-4542-591 58-nouvel na#3A9FEE page 6 Jeudi, 26. août 2010 6 s’accomplit selon les lois des déterminismes, non celles des velléités personnelles, encore moins des déclarations d’intention. La fin de la nouvelle en atteste avec une ironie certaine. Et c’est ce même ricanement que l’on entend dans les nouvelles de Huysmans et de Maupassant. Dans Hautot père et fils, on volt César marcher sur les pas de son père et s’installer peu à peu dans l’appartement et dans le cœur de Caroline. Lois de l’hérédité ? Mimétisme des habitudes ? Pulsion t pas.

Toujours est-il incestueuse ? Maupassant B5 écadence bourgeoise : un univers qui se renouvelle dans la réitération, qui se féconde lui-même dans un rapport endogame consanguin. Répétition encore dans La Retraite de Monsieur Bougran, montrée non pas dans le décalque d’une génération sur l’autre, mais dans la reproduction mécanique des faits et gestes de la vie de bureau. Monsieur Bougran ne sait faire que ce qu’il accomplit depuis plus de vingt ans au ministère recopier des formules administratives, remplir des imprimés, user d’un langage impersonnel et stéréotypé. la retraite, le voici comme une vieille machine mise au rebut. Plutôt que de hanger de vie, il recrée artificiellement les conditions qui lui permettront de retrouver tous ses automatismes. La mythomanie sert alors de paravent indispensable pour cacher le vide abyssal d’une existence stérile (Monsieur Bougran fait partie de ces héros célibataires, incapables de procréer, qui peuplent les romans fin de siècle). Le vieux fonctionnaire s’éteint ainsi dans l’illusion de mourir glorieusement à la tâche.

Ily a quelque chose de prékafkaïen dans cette évocation très drôle 1 d’un destin réduit à une pure et Simple mécanique professionnelle. Dans les trois nouvelles, donc, nous retrouvons cette idée rès naturaliste d’un destin qui échappe à la volonté et ne fait qu’accomplir ce qu’exigent les lois du comportement humain. 1. Rappelons qu’André Breton insère Huysmans dans son Anthologie de l’humour noir. 8674542-59158-nouvel na#3A9FEE page 7 Jeudi, 26. oût 2010 7 25 SEQUENCE Objectifs : découvrir le contexte ; s’assurer de la bonne connaissance du contenu des trois nouvelles ; définir le genre de la nouvelle. Support : tableau à compléter. • Travail préparatoire Au vu de la chronologie et de la présentation, déterminer les points communs entre les trois auteurs ; lire les trois ouvelles et remplir le tableau « Structure des nouvelles » situé dans le Dossier p. 133). Correction du tableau (voir page suivante) Pour les indications d’époque et de lieu, on aura soin de faire relever aux élèves les expressions précises dans les textes qui permettent de situer l’action dans un cadre spatiotemporel. Le commentaire du tableau permet de faire apparaitre quelques caractéristiques de la nouvelle : nombre limité de lieux et de personnages, période de temps assez courte ou bien rendue sous forme elliptique. On insistera sur le traitement du temps. Les trois nouvelles se déploient selon un éroulement, une chronologie.