En Tunisie, l’expression « droit de la famille » _ qui provient des systèmes occidentaux _ parait peu amilière et ne s’identifie pas au droit du statut personnel qui a un objet plus large « qui constitue, par excellence, la sphère privée de la vie des particuli 7 (état civil, capacité, tu Ile droit de la famille pro emen autorité parentale . L le statut personnel, p Li l’état des personnes succession) et le mariage, divorce, lus précisément tution, exprime la richesse et la diversité des sociétés.
Cest un droit qui condense l’influence des facteurs éthiques, religieux, sociaux, politiques, économiques et scientifiques et qui concilie nature et culture. De ce fait, « plus que toute autre branche du droit, le droit de a famille résiste à l’universalisation ». C’est ce qui explique que l’adhésion à des principes internationaux en matière de droit de la famille est rarement absolue. Mêm Même dans des espaces aussi intégrés que l’Europe, notamment du fait de la convention européenne des droits de l’homme, certains Etats, dont la France, affirment, au moyen de réserves, la spécificité de leur droit de la famille.
Marie-France Niedos Manguin écrit dans ce sens « la résistance à l’uniformisation du droit de la famille reste forte car cette branche de droit plonge ses racines dans nos traditions culturelles h. droit de la famille n’est pas seulement un enjeu social ou culturel, c’est aussi une question politique : Famille-Nation-Etat sont liés. Il est nécessaire a cet égard de rappeler que la Tunisie a adopté sa constitution sociale, « le code de statut personnel (CSP) » avant sa constitution politique. Cela a un sens : «c’est l’ensemble de la famille qui donne corps à la Nation.
Famille et Nation sont si cosubstantielle-ment liés que la prospérité ou le malheur de l’une entraine automatiquement le bonheur ou la ruine de l’autre Cordre politique ne peut donc ignorer cette institution, et ogiquement une protection constitutionnelle serait garantie majeure des choix de l’Etat en matière de droit de la famille. Pourtant, c’est loin d’être le cas en droit constitutionnel comparé. Certaines constitutions européennes ne font aucune référence la famille, c’est le cas de la Belgique, du Danemark.
D’autres se contentent d’envisager la famille comme « assuré social de l’ordre constitutionnel » , l’expression est de Joël Benoit d’Onorio. Les constitutions des Etats arabo-musulmans s’intéressent à la famille sous Fangle du droit qui lui est appli l,’ des Etats arabo-musulmans s’intéressent à la famille sous l’angle u droit qui lui est applicable et le plus souvent pour la rattacher au droit musulman, soit directement, soit indirectement, c’est le cas de l’Egypte de l’Algérie et du Maroc.
Concernant le cas Tunisien est particulier. Le droit tunisien du statut personnel n’est pas étranger à la constitution tunisienne de 1959 dans son préambule et aussi à la constitution de 2014 dans l’article 7 . Le système juridique tunisien a cherché à placer la famille en particulier, et le droit du statut personnel en général, dans une perspective de modernité, il n’en demeure pas moins vrai que a rupture avec la tradition et avec les enseignements du droit musulman n’était pas totale.
L’emprunte du droit musulman est beaucoup plus perceptible en droit successoral qu’en droit civil ou commercial. Le droit pénal tunisien est en rupture quasi-totale avec le droit musulman depuis 1 861, date de promulgation du premier code pénal tunisien A partir de tout ce qui précède est ce que le droit tunisien a accordé une importance constitutionnelle aux principes relatifs au statut personnel pour but de les protéger bien que ces principes sont imprécis puisqu’ils sont drivés tantôt du droit musulman et antôt du droits fondamentaux de la personne humaine?
Pour répondre à telle problématique ; on envisage d’analyser dans une première partie l’imprécision des principes relatifs au statut personnel pour analyser par la suite la protection constitutionnelle des principes relatifs au statut personnel. 1/ L’imprécision des principes protection constitutionnelle des principes relatifs au statut personnel. / L’imprécision des principes relatifs au statut personnel : A/ Principes rattachés indirectement au droit musulman La quasi-totalité des Etats arabo-musulmans, y compris la Tunisie, éclarent dans leurs constitutions l’Islam religion d’Etat. Parmi ces Etats, certains vont plus loin et affirment dans leurs constitutions que le droit musulman est une source ou la source principale du droit. Enfin, certains font un pas supplémentaire et rattachent directement le droit de la famille à la religion.
Tel est le cas de la constitution Egyptienne qui dispose dans son article 2 « la famille est la base de la société, elle se fonde sur la religion, la morale et le patriotisme La constitution marocaine est moins explicite, mais on ne peut s’empêcher de tirer les mêmes conclusions e son article 19 qui dispose que le « Roi veille au respect de l’Islam et de la constitution En effet, le Roi a interprété cet article 19 comme signifiant un rattachement direct du droit de la famille à la religion.
Témoin en est cet extrait du discours royal « Sache, Ma chère fille, femme marocaine, que la Mudawwana est d’abord une affaire qui relève de mon ressort. Cest Moi qui porte la responsabilité de la Mudawwana ou de sa non application. Réfère-toi à Moi. Garde-toi de mêler, lors de la campagne référendaire et des campagne électorales qui la suivront, ce qui st du domaine de ta religion à ce qui relève du temporel et de la politique… ffectlvement il existe des lacunes, une application imparfaite de 4 OF l,’ de la politique… effectlvement il existe des lacunes, une application imparfaite de la Mudawwana, il y a discrimination, il y a injustice… vos doléances sont là et nous ne pouvons ni interdire ce que Dieu a permis ni rendre licite ce qu’il a proscrit » . Le droit constitutionnel comparé nous donne donc trois types de dispositions constitutionnelles référant à Plslam.
On peut considérer qu’il y a rattachement direct du droit de la famille u droit musulman à partir du moment où le droit positif est rattaché au droit musulman et, a fortiori, quant le droit de la famille est directement rattaché au droit musulman. Mais la simple référence à l’Islam comme religion d’Etat ne peut être considérée comme établissant un lien direct entre droit de la famille et droit musulman car, dans ce cas, l’Etat reste libre en matière législative tout en reconnaissant une identité religieuse.
L’article premier de la constitution Tunisienne ne permet pas le recours au droit musulman pour interpréter le CSP ou pour en dégager les principes . Cest cette thèse qui a été soutenue dans le rapport tunisien présenté au Comité des droits de Phomme pour justifier la réserve émise par la Tunisie à propos de l’égalité successorale garantie par le Pacte International relatif aux droit civils et politiques «Si historiquement, ( la Sharia ) a était source de droit et de progrès social, elle ne pouvait suppléer le droit positif et ne pouvait être appliquée en tant que norme ayant force de loi…
En pratique, le respect des dispositions du Pacte ne présentait pas de difficultés sauf en matière successo le respect des dispositions du Pacte ne présentait pas de ifficultés sauf en matière successorale, domaine ou la société tunisienne n’était pas encore prête à accepter Pégalité entre homme et femme Ce n’est donc pas au titre du droit musulman que le Tunisie émet la réserve mais pour des motifs d’acceptabilité sociale « … e volontarisme est à lui seul insuffisant, le droit ne peut donner le changement que si la société est apte à recevoir ce changement, il revient au législateur d’établir une stratégie, il revient au législateur d’apprécier le degré de réceptivité du corps social et d’agir en conséquence Cette interprétation de l’article premier n’est cependant pas nanimement admise.
La jurisprudence n’a pas hésité à tirer des conséquences juridiques de l’article premier de la constitution tunisienne et c’est implicitement par référence à ce même article que la Tunisie a émis des déclarations relatives à la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et à la convention sur les droits de l’enfant .
Ainsi, il semble que « le droit tunisien de la famille exprime le choix d’un modèle de société caractérisé à certains égards par sa rupture avec l’héritage arabo-musulman et à d’autres égards, par sa ésistance au standard international du droit de la famille » . Une modernité poussée peut être une entreprise risquée. Elle exigera un degré de liberté et de démocratie dont les gouvernants, Bourguiba y compris, n’en veulent pas. La société n’y était pas préparée.
La rupture, même partielle, avec le droit musulman et 6 OF l,’ veulent pas. La société n’y était pas préparée. La rupture, même partielle, avec le droit musulman et les traditions sociales dans une matière aussi sensible que le statut personnel n’était pas facile. Il faudrait beaucoup de courage et de clairvoyance pour ouvoir composer avec un milieu orthodoxe hostile à toute idée de modernisation et de changement réel. Le statu quo, qui servait l’intérêt de la classe religieuse, était difficilement changeable .
C’est pour cette raison que Bourguiba a pratiqué « l’art du possible » lors de Pélaboration du CSP . Certaines dispositions du CSP sont une transposition pure et simple du droit musulman du statut personnel. D’autres solutions ont été présentées comme contraires au droit musulman. Au total, et malgré cette interprétation, le fait est que le silence de la constitution tunisienne à propos du droit musulman doit être onsidéré comme un choix délibéré conforté par l’adhésion à des valeurs modernes.
B/ Principes rattachés aux droits fondamentaux de la personne humaine C’est à une culture universelle et à des valeurs modernes que la Tunisie a adhéré en inscrivant dans sa constitution de 1959, dans ses articles 5 et 6 et la nouvelle constitution de 2014 dans ses articles 21 et 46 la liberté de conscience, l’égalité en droit el l’égalité devant la loi. Le rapport entre ces dispositions et le droit de la famille est évident. Liberté de conscience et égalité sont en effet intimement liés au statut des membres de la famille ainsi u’aux conditions du mariage et aux règles de l’héritage.
Nous devons toutefois noter que qu’aux conditions du mariage et aux règles de l’héritage. Nous devons toutefois noter que l’affirmation de ces droits fondamentaux n’est pas, dans la constitution tunisienne, limitée ou contrebalancée par le droit musulman. Cest le cas de l’article 11 de la constitution égyptienne qui garantit l’égalité entre l’homme et la femme dans la limite des dispositions de la loi islamique. L’usage récent des principes de liberté et d’égalité par le juge tunisien est à cet égard éloquent.
C’est au nom de ces principes et en l’absence de toute référence au droit musulman dans la constitution tunisienne (l’ancienne ou la nouvelle) que le juge tunisien a écarté l’application de toute règle discriminatoire fut-elle d’origine musulmane. Cest cet éveil que l’on salue chez les jeunes juges tunisiens, en majorité des femmes il est vrai, qui ont compris que le salut de la famille et la dignité de ses membres se trouve en dehors des règles archaïques.
C’est au nom de l’égalité entre les sexes que le tribunal de première instance de Tunis a refusé l’exequatur d’un jugement accordant a répudiation par un égyptien de sa femme tunisienne. Le juge tunisien a considéré que « la répudiation est une procédure religieuse traditionnelle conçue au profit du mari pour dissoudre unilatéralement le lien du mariage sans aucun égard à l’intérêt de la famille.
Cette procédure est contraire à l’ordre public international tunisien et à l’article 6 de la constitution tunisienne, aux articles 1, 2, 7 et 16 du Pacte international relatif aux droits de l’homme et aux articles 1, 2, 16 (1) de la Conve Pacte international relatif aux droits de l’homme et aux articles 1 , 16 (1 ) de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes » Le juge énonce clairement l’incompatibilité du droit musulman avec le principe d’égalité inscrit dans la constitution et réaffirme ainsi Pancrage moderniste du droit tunisien de la Famille.
Dans un autre jugement, le juge a estimé que le droit musulman est contraire aux principes fondamentaux qui se déduisent du CSP, et ce, en refusant rapplicatlon du droit saoudien parce qu’il a pour source le droit musulman Le juge tunisien a également fait usage du principe de liberté de conscience.
Ainsi, au nom du principe de non-discrimination religieuse, il a considéré que la disparité de culte ne peut être considérée comme un empêchement successoral au sens de l’article 88 du CSP : « la prohibition de toute discrimination pour des raisons de culte est un principe fondamental de l’ordre juridique tunisien parce qu’elle est une des implications de la liberté religieuse telle qu’elle est consacrée par l’article 6 de la constitution tunisienne, les articles 2, 16 et 18 de la Déclaration Universelle des Droit de [‘Homme et les Pactes internationaux relatifs aux droits de l’homme ratifiés par la Tunisie.
Cette liberté religieuse se déduit aussi de toutes les règles du droit tunisien et droit être considérée comme un principe directeur de [‘Ordre juridique .
En effet, la nouvelle constitution tunisienne de 2014 garde tous les principes qui gouvernent le statut personnel en général et le droit de f 2014 garde tous les principes qui gouvernent le statut personnel en général et le droit de famille en particulier qui ont été défendus par l’ancienne constitution tunisienne et tout cela se manifeste dans ses articles 7, 21 et 46 qui ont pour objet la protection de la famille tout d’abord et par la suite la protection e la femme et les enfants puisqu’ils sont les membres de la famille la plus faible.
La nouvelle constitution recevoir en héritage de l’ancienne constitution de 1959 tous les principes qui assurent un statut très important pour la femme comme celle de Phomme en assurant la non discrimination, légalité entre les sexes… Au total, il se dégage de ce qui précède que le droit de la famille tunisien est attaché à titre principal à des valeurs modernes. Cela est confirmé par les références explicites au droit de la famille dans la constitution tunisienne. 2/ la protection constitutionnelle des principes relatifs au statut personnel.